Le positionnement épistémologique et le choix de l’étude de cas, multiples et imbriqués (encastrés)

Le positionnement épistémologique et le choix de l’étude de cas, multiples et imbriqués (encastrés)

 Recours à l’approche interprétativiste

Le positionnement épistémologique donne une idée sur la perception qu’a le chercheur de la nature de la réalité et du statut des connaissances engendrées (Perret et Séville, 2003). Dans 248 les recherches en sciences de gestion, deux épistémologies sont généralement distinguées et présentées comme opposées (Wacheux, 1996 ; Groulx, 1997 ; Perret et Séville, 2003) : le positivisme et la phénoménologie. Selon ces auteurs, le paradigme « positiviste » correspond à une posture où on recherche les lois et les régularités qui gouvernent les faits sociaux. L’objectif est alors la vérification d’une réalité préétablie en recherchant des liens de causalités entre des faits. Selon ce paradigme, peut être considérée comme vraie toute proposition qui décrit effectivement la réalité. Le but de la science est de découvrir cette réalité (David, 1999). Dans le paradigme de la « phénoménologie », la réalité n’est pas préétablie mais plutôt construite. Le but est alors de construire une réalité ou une connaissance qui se comprend comme étant la représentation de l’expérience des individus (Wacheux, 1996). Dans les faits, ce paradigme se subdivise en deux catégories, résultat de quelques divergences existantes, entre autres, au niveau de la dialectique sur la façon dont la connaissance est engendrée. D’un côté, l’interprétativisme suit le chemin de l’interprétation des faits comme manière conduisant à les comprendre (Perret et Séville, 2003). De l’autre, le constructivisme admet comme postulat de base que la réalité est le produit d’une relation entre l’objet et le sujet (Lièvre, 2005). Autrement dit, la réalité est le résultat de la construction entre le chercheur et les acteurs. Quand au point commun entre ces deux paradigmes, il est principalement ancré dans le statut attribué à la connaissance. Elle est considéré dans les deux cas comme subjective et contextuelle (Baumard et Ibert, 1998). Pour bien expliquer pourquoi nous avons recouru à une approche interprétativiste dans notre recherche empirique, nous présentons d’abord les deux premiers paradigmes (positivisme et constructivisme) en tentant de relever à chaque fois les raisons qui nous ont conduit à ne pas suivre leurs logiques respectives. Le tableau ci-dessous résume les différentes caractéristiques des différents paradigmes existants.

Le paradigme positiviste

Comme nous pouvons le constater d’après ce tableau, ce paradigme considère que la réalité existe et le chercheur procèdera à sa découverte en formulant des hypothèses déterministes qu’il tâchera de vérifier par la suite. L’objectif est alors l’explication d’un phénomène à partir d’un corpus théorique bien établi (Charreire et Durieux, 2003). Dans notre cas, et plus précisément, au moment où nous nous apprêtions à aller sur le terrain, notre revue de littérature nous a permis d’identifier certains axes de recherche mais nous n’étions pas en mesure d’établir des hypothèses claires et déterminées, que ce soit sur le fonctionnement des CP ou de la relation qu’elle entretiennent avec la performance de ses membres dans les relations de service. Or, cette approche exige, Roussel et Wacheux (2005), que le point de départ soit bien établi pour pouvoir formuler des hypothèses claires qu’il conviendra ensuite de tester. Certes, comme nous l’avons déjà noté dans le chapitre précédent, certains travaux avançaient l’idée que la communauté est un espace propice pour l’apprentissage des salariés, qui à son tour, permet de contribuer à la performance des participants. Mais, au-delà du fait que ces travaux n’étaient pas suffisamment nombreux pour donner une certaine robustesse à ces idées, ils relèvent tous de cas très ancrés dans des contextes particuliers et précis. Ceci ne permet pas de décontextualiser les connaissances rapportées et d’établir des lois qu’il conviendra de vérifier par la suite. Autrement dit, à l’instar de plusieurs théoriciens sur les CP, nous n’avons pas pu extraire des connaissances objectives et a-contextuelles, or, ce sont les conditions sur lesquelles repose le positivisme.

Le paradigme constructiviste

Stipulant que la connaissance de l’objet n’est pas indépendante des sujets qui la construisent, cette connaissance est alors vue comme une construction sociale engendrée suite aux  interactions entre le chercheur et les acteurs sur le terrain (Lièvre, 2005 ; Perret et Séville, 2007). Cela dit, dans les sciences de gestion, cette approche est privilégiée plutôt dans le cas où le chercheur, dès le départ, co-établit l’objet et le projet de recherche avec ses interlocuteurs sur le terrain (Charreire et Huault, 2001). En ce qui nous concerne, notre démarche auprès des entreprises étudiées n’a pas été conduite avec nos interlocuteurs dans une optique de projet à proprement dit. D’autant que dans les différentes entreprises où nous avons mené nos recherches, aucun projet de conception ou de réflexion, n’a été envisagé en interne sur le phénomène des CP. D’ailleurs, c’est un concept qui était manifestement inconnu des praticiens, quels que soient leurs statuts et rôles dans ces entreprises. Néanmoins, certains éléments relatifs à la dynamique des agents dans leurs collectifs de travail, ainsi que quelques caractéristiques que nous avons pu dégager à propos du contexte des relations de service, ont été le fruit de quelques échanges (parfois même informels) avec les acteurs concernés, d’où le statut de la connaissance co-construite. Cela dit, nous pensons qu’il est probablement plus cohérent de ne pas exclure catégoriquement l’idée, selon laquelle certains préceptes de ce paradigme ont été déterminants dans la compréhension et la conceptualisation de quelques unes des expériences observées sur notre terrain. 

Le paradigme interprétativiste

Le monde est fait de possibilités, où le chemin de la connaissance scientifique offre un statut privilégié à la compréhension et à l’interprétation de la réalité (Perret et Séville, 2007). De ce point de vue, les auteurs montrent que l’interprétation des faits est le moyen le plus approprié pour appréhender la réalité sociale telle que conçue par cette épistémologie. Comme nous pouvons le constater dans le tableau ci-dessus (présenté par ces mêmes auteurs, 2003), le but privilégié par ce paradigme est la compréhension des phénomènes via l’interprétation des expériences vécues par les acteurs. Toutefois, et d’une manière générale, les recherches qualitatives munies de ce cadre interprétatif visent à découvrir le sens que les individus attribuent à leurs expériences, mais reposent aussi sur l’interprétation de ces significations par le chercheur (Hoepfl, 2007). Ce paradigme convient bien à notre objectif de recherche qui est d’investiguer la dynamique des CP dans le contexte des services étudiés, afin de comprendre leur fonctionnement et leurs produits (apprentissage, partage des connaissances, etc.), et c’est ce qui nous permettrait de savoir si ces derniers contribuent à améliorer la performance des membres de ces groupes. En effet, étant donné que selon ce paradigme, la réalité se comprend à partir des interprétations 252 qu’en font les acteurs (Wacheux, 1996), nous avons porté une attention particulière à ce que pensent les acteurs des expériences vécues. Mais, et même si les interprétations rapportées par les acteurs ont été riches et particulièrement importantes pour notre compréhension du contexte des relations de service, nous ne pouvons dire de même concernant leurs engagements dans les CP. Il est apparu que le caractère informel des interactions et la nature tacite des connaissances produites font que les acteurs avaient du mal à évoquer ou expliquer l’origine de leurs pratiques et les processus qui ont permis leur élaboration. Ainsi, pour une meilleure compréhension de ces éléments, et comme le préconise ce paradigme, nous avons été amenés à interpréter nous mêmes, d’un côté, le sens que les acteurs donnent à leurs expériences, et de l’autre, les données collectées à partir de nos observations (nous développerons ce point plus loin). Cette manière de procéder a permis alors de mieux comprendre, entres autres, les phénomènes qui se développent dans les CP et de pouvoir donner un sens aux mécanismes par lesquels l’apprentissage et le partage des connaissances se produisent dans ces groupes.

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