Outils de modélisation utilisés pour la prise en compte des incertitudes en ACV bâtimen

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Positionnement du sujet

Les ressources naturelles sont limitées, tout comme la capacité des écosystèmes à s’adapter aux atteintes qui leurs sont portées. Mais les activités humaines impactent significativement ces systèmes de par les prélèvements trop importants de ressources1 et les dégradations des habitats et pollutions en résultant (Steffen et al., 2004). Cela engendre des dommages aussi bien sur la biodiversité que sur la santé.
L’un des impacts, associé de manière très probable aux activités humaines, concerne le réchauffement climatique global (IPCC, 2013). Il résulte de la consommation accrue en énergie issue de ressources fossiles, depuis le début de l’industrialisation, et a de multiples conséquences. Face à l’urgence d’agir pour résoudre ce problème, des objectifs sont fixés à l’échelle mondiale (accord de Paris lors de la COP 21), régionale (cadre européen sur le climat et l’énergie pour 2020, 2030 et 20502) ou encore nationale (facteur 4). Ils visent à réduire la consommation en énergies fossiles et à limiter les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement. Plus généralement, l’adoption d’un mode de développement plus durable, « qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Brundtland et World Commission on Environment and Development, 1987), est nécessaire pour réduire la pression exercée sur la planète et limiter les dommages qui y sont causés. En France, les lois Grenelle I et II fixent les objectifs d’un engagement national pour l’environnement allant dans ce sens.
Le secteur résidentiel-tertiaire occupe une place particulière dans l’atteinte de ces objectifs en France, comme dans le monde. Consommant à lui seul plus de 40 % de l’énergie finale (ADEME, 2015a) et plus des deux tiers de l’électricité (SOeS, 2015), ce secteur constitue un gisement considérable d’économies d’énergie. De plus, près de 20 % des émissions nationales de gaz à effet de serre sont directement attribuables à ce secteur (ADEME, 2013a ; CITEPA, 2013a). Mais outre sa consommation énergétique importante et sa contribution au changement climatique, ce secteur est également est responsable de près des trois quart de la production de déchets (Ghewy, 2013), et participe à l’artificialisation des sols. De plus, il est le deuxième secteur le plus consommateur d’eau après l’agriculture (SOeS, 2012a), et contribue à des émissions de polluants dans l’air, l’eau ou le sol (CITEPA, 2013a). Ainsi, une action sur ce secteur, au cœur de nos modes de vie, s’impose. Cela passe par l’accélération de la rénovation du parc de bâtiments existants et en particulier des logements, par le renforcement des performances énergétiques des nouvelles constructions, mais aussi par un changement dans la planification urbaine : réduction des besoins en transports et de l’artificialisation des sols (ADEME, 2013b)3.
Pour limiter les impacts du secteur, il est nécessaire d’appliquer une démarche d’écoconception aux ensembles bâtis, qu’ils soient neufs ou fassent l’objet d’une rénovation. Cette démarche doit permettre de prendre en compte l’ensemble des impacts potentiels intervenant au cours du cycle de vie des bâtiments afin d’éviter de déplacer les émissions de polluants d’un problème environnemental vers un autre ou bien d’une étape du cycle de vie vers une autre. Pour ce faire, l’analyse de cycle de vie (ACV) est particulièrement adaptée. Outre l’évaluation des performances environnementales d’un produit, l’ACV offre la possibilité de comparer les impacts environnementaux de produits assurant la même fonction sur tout leur cycle de vie, et permet à ce titre d’aider au choix des variantes de conception les plus respectueuses pour l’environnement. L’ACV est appliquée depuis le début les années 1990 aux bâtiments (Polster, 1995) et son utilisation tend à se développer, par exemple, au travers de l’expérimentation actuelle d’un label de bâtiment, E+C-4, complémentaire à la réglementation thermique actuelle, et en partie basé sur cette approche.
Pour orienter les choix vers les variantes bâties les plus durables, il est nécessaire de disposer d’outils fiables et robustes. Or, la modélisation environnementale des bâtiments par l’ACV nécessite de faire un grand nombre d’hypothèses, aussi bien sur le bâtiment et ses éventuelles évolutions au cours de son cycle de vie, que sur les données environnementales utilisées pour l’évaluation. Des incertitudes pèsent sur l’ensemble de ces éléments (Huijbregts, 1998a ; Björklund, 2002), affectant potentiellement les résultats des ACV. Cela peut remettre en cause la fiabilité de la méthode, tant les incertitudes sont jugées importantes (Heijungs et Huijbregts, 2004). Néanmoins, elles ne doivent pas être vues comme une faiblesse. En effet, la prise en compte des incertitudes permet d’améliorer la connaissance des impacts associés à un produit, d’identifier les points-clés sur lesquels des recherches complémentaires devraient être menées (Heijungs, 1996), d’améliorer la compréhension du comportement du modèle (Lacirignola et al., 2017) et d’aider à la prise de décision (Andrianandraina, 2014 ; Muller, 2015). Ne pas considérer les incertitudes revient à se passer d’informations riches et utiles à l’interprétation des résultats.
Afin d’augmenter la confiance dans les résultats, la problématique de la quantification des incertitudes se développe depuis peu en ACV des bâtiments. Mais le plus souvent, des analyses partielles ont été réalisées : considération des incertitudes sur les matériaux uniquement (Wang et Shen, 2013 ; Cousins-Jenvey et al., 2014 ; Hoxha et al., 2014) sans prise en compte des besoins  chauffage, des consommations d’eau ou encore du transport des occupants. Dans de rares études, le bâtiment a bien été considéré dans sa globalité (Huijbregts et al., 2003 ; Suh et al., 2014 ; Heeren et al., 2015). À notre connaissance, les critères de choix des méthodes de quantification des incertitudes les plus adaptées à notre contexte n’ont pas été étudiées. Lors de la comparaison de variantes en présence d’incertitudes, seules deux variantes sont étudiées et l’incertitude sur la caractérisation des incertitudes n’a pas été étudiée. L’effet des scénarios de long terme (évolution du bâtiment, du contexte énergétique et climatique, procédés de traitement en fin de vie…) commence à être étudié (Fouquet et al., 2015 ; Roux, 2016 ; Waddicor et al., 2016) mais n’a pas été intégré à un processus plus global de quantification des incertitudes. De plus, les études menées concernent le plus souvent un bâtiment ; les incertitudes ont très rarement été quantifiées à l’échelle d’un quartier (Mastrucci et al., 2017a). Enfin, il faut garder à l’esprit qu’en conception, un temps limité est généralement consacré aux études d’ACV des bâtiments, alors que les temps de calcul des méthodes de quantification peuvent être longs, en particulier dans un processus d’écoconception global lorsque les aspects dynamiques liés à la thermique du bâtiment sont inclus via la simulation énergétique dynamique (SED).

Objectifs scientifiques

Ce travail de thèse s’inscrit dans ce contexte. Il a pour objectif de définir les incertitudes présentes en ACV des bâtiments, de les quantifier en utilisant des méthodes adaptées au contexte et ainsi de progresser vers des outils plus fiables. Il est nécessaire d’appliquer ces méthodes au cycle de vie complet des bâtiments, et notamment à la phase d’utilisation et aux dynamiques temporelles qui lui sont associées. De plus, les diverses sources d’incertitudes pouvant intervenir en ACV des bâtiments doivent être prises en compte. Ces aspects nécessitent des développements particuliers pour coupler plusieurs modèles (SED, ACV, modèle de fonctionnement du système électrique), et automatiser les nombreuses simulations à mener pour quantifier les incertitudes.
Pour apporter des informations sur les actions à mener en priorité pour réduire les incertitudes, les facteurs les plus influents doivent être identifiés en utilisant des méthodes à la fois précises et peu coûteuses en temps de calcul. Pour étudier l’effet des incertitudes, la dispersion des sorties peut être étudiée. Cela est important dans le contexte de la comparaison de variantes de bâtiment, où il convient de bien caractériser les incertitudes sur les facteurs et d’évaluer de manière cohérente les incertitudes sur toutes les variantes par des propagations d’incertitudes. La méthodologie de prise en compte des incertitudes en comparaison de variante doit donc être enrichie pour permettre de déterminer à un niveau de confiance donné une meilleure variante (ou éventuellement un groupe de meilleures variantes dans le cas de la comparaison de plus de deux variantes). Enfin, pour aider au choix de la variante la plus durable, l’aspect multicritère de la décision doit être pris en compte.

Table des matières

Remerciements
Table des matières
Nomenclature
Executive Summary
Introduction
Chapitre 1. Incertitudes en analyse de cycle de vie des bâtiments
1.1. Vers une réduction des impacts environnementaux des ensembles bâtis
1.2. Incertitudes : vocabulaire et notations
1.3. Analyse de cycle de vie des bâtiments et incertitudes associées
1.3.1. Démarche d’analyse de cycle de vie
1.3.2. Spécificités des ensembles bâtis
1.3.3. Incertitudes et robustesse des résultats
1.4. Méthodes de quantification des incertitudes
1.4.1. Outils de quantification des incertitudes
1.4.2. Analyse d’incertitude
1.4.3. Analyse de sensibilité
1.5. Application des méthodes de prise en compte des incertitudes en ACV des bâtiments
1.5.1. Identification de facteurs incertains influents
1.5.2. Propagation d’incertitudes
1.5.3. Prise de décision dans un contexte incertain
1.5.4. Cas des incertitudes sur les choix de long terme
1.6. Conclusion du chapitre
Chapitre 2. Modélisation environnementale des bâtiments
2.1. Introduction du chapitre
2.2. Outils de modélisation utilisés pour la prise en compte des incertitudes en ACV
bâtiment
2.2.1. Choix d’un outil d’ACV des bâtiments
2.2.2. Description de la suite logicielle
2.2.3. Modèles complémentaires
2.3. Bases de données environnementales et indicateurs environnementaux utilisés
2.3.1. Données environnementales
2.3.2. Indicateurs environnementaux
2.4. Description des cas d’étude
2.4.1. SED des cas d’étude
2.4.2. ACV des cas d’étude
2.4.1. Incertitudes prises en compte
2.5. Conclusion du chapitre
Chapitre 3. Identification de facteurs incertains influents
3.1. Démarche d’identification des facteurs influents
3.2. Méthodes d’analyse de sensibilité employées..
3.2.1. Sélection des méthodes d’AS
3.2.2. Analyse de sensibilité minimum – maximum (MMSA)
3.2.3. Plan de Plackett et Burman
3.2.4. Criblage de Morris
3.2.5. Coefficient de régression standard
3.2.6. Calcul d’indices de Sobol
3.2.7. Méthode de lissage par régression polynômiale locale
3.3. Critères pour la comparaison des performances des méthodes
3.4. Facteurs incertains considérés dans le cas d’étude
3.5. Présentation des résultats et discussion
3.5.1. Résultats des méthodes d’AS
3.5.2. Étude de l’origine des écarts
3.5.3. Adaptation des méthodes
3.5.4. Cas d’application réel
3.5.5. Étude de l’influence du niveau de variance
3.5.6. Facteurs incertains identifiés…
3.6. Choix des méthodes
3.6.1. Synthèse des performances des méthodes
3.6.2. Augmentation du nombre de facteurs incertains
3.6.3. Influence sur la collecte de données
3.7. Conclusion du chapitre
Chapitre 4. Comparaison de variantes incertaines
4.1. Démarche pour la comparaison de variantes incertaines.
4.1.1. Sélection des facteurs incertains du modèle et incertitude correspondante
4.1.2. Amélioration de la caractérisation des incertitudes
4.1.3. Propagation des incertitudes en comparaison de variantes
4.1.4. Détermination de la meilleure variante
4.1.5. Étude de la robustesse des résultats
4.1.6. Synthèse
4.2. Facteurs incertains retenus
4.2.1. Caractérisation de l’incertitude
4.2.2. Prise en compte des variables catégorielles dans les AS
4.3. Comparaison de deux variantes constructives
4.3.1. Analyse de sensibilité
4.3.2. Analyse d’incertitude
4.3.3. Détermination d’une meilleure variante
4.4. Comparaison de plus de deux variantes
4.4.1. Comparaison de trois variantes constructives
4.4.2. Comparaison de quatre variantes énergétiques
4.5. Robustesse des résultats
4.5.1. Comparaison de variantes constructives
4.5.2. Comparaison de quatre variantes énergétiques
4.6. Conclusion du chapitre
Conclusions et perspectives
Références bibliographiques
Annexes
Annexe A. Démarche d’analyse de cycle de vie
Annexe B. Indicateurs environnementaux
Annexe C. Prise de décision dans un contexte multicritère
Annexe D. Analyse d’incertitude
Annexe E. Compléments sur les analyses de sensibilité
Annexe F. Principe de fonctionnement de Pléiades+COMFIE
Annexe G. Hypothèses du modèle dans l’outil novaEQUER
Annexe H. Séminaire international sur les indicateurs environnementaux
Annexe I. Séminaire international sur l’application de l’ACV dans les projets urbains
Annexe J. Modélisation des maisons INCAS
Annexe K. Valeurs de normalisation
Annexe L. Résultats des méthodes d’AS
Annexe M. Facteurs incertains retenus
Annexe N. Résultats des comparaisons de variantes incertaines
Résumé

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