Polymorphisme des gènes Pfdhfr, Pfdhps et de l’évolution de la délétion en PfRh2b chez Plasmodium falciparum

Polymorphisme des gènes Pfdhfr, Pfdhps et de l’évolution de la délétion en PfRh2b chez Plasmodium falciparum

Epidémiologie du paludisme

 Le paludisme est une maladie parasitaire due à la présence et à la multiplication dans le sang du sujet infesté d’hématozoaires du genre Plasmodium, transmis à l’homme par la piqûre d’un moustique femelle infecté du genre Anopheles. L’épidémiologie du paludisme se caractérise par une grande diversité du parasite, du vecteur et des populations à risque. Ceci se traduit par une répartition inégale de la maladie dans les pays et un niveau de vulnérabilité des populations variables selon les caractéristiques sociodémographiques, les conditions climatiques et les facteurs écologiques. Le parasite du paludisme est retrouvé dans tous les pays endémiques et sa prévalence est variable en termes d’intensité suivant les zones géographiques. 

Agent pathogène 

 Classification et répartition des espèces plasmodiales

 L’agent pathogène du paludisme chez l’homme appartient à l’embranchement des Apicomplexa, à la classe des Sporozoea, à la sous-classe des Coccidia, à l’ordre des Haemosporida, à la famille des Plasmodiidae, au genre Plasmodium. Il existe quatre espèces plasmodiales couramment reconnues pathogènes chez l’homme. Il s’agit de Plasmodium falciparum, Plasmodium malariae, Plasmodium vivax et Plasmodium ovale. En plus de ces espèces, on ajoute désormais le Plasmodium knowlesi, espèce zoonotique du singe responsable d’infections humaines à fièvre quartre en Asie du Sud-est (Cox-Singh et al., 2008 ; White, 2008). Ces espèces se différencient par la zone géographique où elles sévissent, des critères biologiques, cliniques et par leur capacité à développer des résistances aux antipaludiques

Plasmodium falciparum 

Cette espèce a été identifiée en 1897 par William H. Welch. P. falciparum, le parasite le plus répandu en Afrique subsaharienne, est à l’origine de la grande majorité des cas graves (90 %) et des décès imputables au paludisme. Il est aussi présent en Amérique latine, en Asie du Sud-Est et en Asie centrale (figure 1). Sa transmission s’interrompt lorsque la température tombe en dessous de 18°C. Son évolution se fait d’un seul tenant après une incubation de 7 à 12 jours. 4 Figure 1 : Principaux foyers de paludisme à P. falciparum (ANOFEL, 2014)

Plasmodium vivax 

Elle a été décrite par Giovanni Batista Grassi et Raimondo Filetti en 1890. Cette espèce est surtout présente en Asie, dans certains pays d’Amérique du Sud et centrale, en Afrique du Nord et de l’Est et en Europe (figure 2). Elle est moins présente en Afrique au sud du Sahara. Sa transmission s’arrête en dessous de 15°C. Sa période d’incubation est de 11 à 13 jours mais on peut observer des rechutes (accès de reviviscence) pendant 3 à 4 ans. Elle représente les deux tiers des cas de paludisme dans le monde et le nombre de décès liès à P. vivax semble augmenter ces dernières années (Howes et al., 2016). Région où P. falciparum sévit le plus Région où P. falciparum ne sévit pas Asie Afrique Amérique du Nord Europe Océanie Amérique du Sud 5 Figure 2 : Principaux foyers de paludisme à P. vivax (ANOFEL, 2014) 

 Plasmodium ovale 

Elle est essentiellement répandue en Afrique de l’Ouest et dans les îles du Pacifique occidental, et plus rarement en Asie avec des prévalences atteignant au plus 10% (Collins et al., 2005) (figure 3). Les symptômes qu’il provoque sont généralement modérés. Son incubation est de 15 jours au minimum mais il peut persister dans le foie sous forme dormante et provoquer des rechutes tardives (5 ans). Cette espèce a été découverte en 1922 par John William Watson Stephens et est responsable de la fièvre tierce bénigne (Stephens et al., 1922). Régions où P. vivax sévit le plus Région où P. viax ne sévit pas Amérique du Nord Europe Afrique Asie Amérique Océanie du Sud 6 Figure 3 : Principaux foyers de paludisme à P. ovale (ANOFEL, 2014) 

Plasmodium malariae 

Le paludisme à P. malariae a été décrit aussi bien chez l’homme que chez les singes africains par l’italien Giovanni Batista Grassi et Raimondo Filetti en 1890 (Grassi and Filetti, 1890). Cette espèce sévit sur les trois continents tropicaux de manière beaucoup plus sporadique (figure 4). Sa période d’incubation est de 15 à 21 jours et est responsable de la fièvre quartre. Bien que les hypnozoïtes n’ont pas été démontrés pour cette espèce, P. malariae peut persister pendant des décennies comme une infection chronique de faible teneur. Ayant une affinité avec les globules rouges âgés, l’infection à P. malariae est bénigne mais la conséquence peut être de graves syndromes néphrotiques. Régions où P. ovale sévit le plus Région où P. ovale ne sévit pas Amérique du Nord Amérique du Sud Afrique Europe Asie Océanie 7 Figure 4 : Principaux foyers de paludisme à P. malariae (ANOFEL, 2014) 

Plasmodium knowlesi

 Il a été décrit en 1932 par Robert Knowles et Das Gupta (Knowles et al., 1932). Le Plasmodium knowlesi, est naturellement présent chez les macaques à longue queue et à queue de cochon qui vivent dans les zones forestières d’Asie du Sud-Est (Cox-Singh et al., 2008 ; White, 2008). Cette espèce peut être transmise des singes à l’homme par la piqûre d’un moustique infecté (An. leucosphyrus) (Chin et al., 1968), mais l’infection par P. knowlesi était traditionnellement considérée comme une maladie rare, ne se manifestant que sporadiquement chez l’homme. Le premier cas d’infection naturelle humaine par ce Plasmodium a été décrit en 1965, chez un soldat Américain affecté en Malaisie (Chin et al., 1965). Sa période d’incubation est de 24 heures et est responsable d’une fièvre quotidienne. Cependant, la majorité des cas ont ainsi, été signalés en Malaisie, mais la distribution des infections semble plus étendue puisque des cas sporadiques ont été rapportés en Thaïlande (Jongwutiwes et al., 2004), au Myanmar (Cox-Singh et al., 2008), à Singapour (Ng et al., 2008), aux Philippines (Luchavez et al., 2008), au vietnam (Van et al., 2009), et en Chine (Sabbatani et al., 2010). En Europe et aux EtatsUnis, des cas importés, faisant suite à des voyages touristiques ou professionnels en Asie, ont été décrits (Ennis et al., 2009). Régions où P. malariae sévit le plus Région où P. malariae ne sévit pas Amérique du Nord Amérique du Sud Europe Asie Océanie Afrique 

 Cycle évolutif et biologique de Plasmodium

 Deux hôtes sont nécessaires à l’accomplissement du cycle : le moustique du genre Anopheles (hôte définitif et vecteur) et l’homme (hôte intermédiaire) (figure 5). 

 La phase sexuée chez l’anophèle 

Chez l’anophèle femelle, seule hématophage, se déroule un cycle sexué ou sporogonie. Les gamétocytes, ingérés par le moustique lors d’un repas sanguin chez un sujet infecté, passent dans l’estomac où ils se transforment en gamètes mâles (par exflagellation) et femelles. La fécondation du macrogamète et du microgamète forme un zygote diploïde. Cette brève phase diploïde est à l’origine de nombreuses recombinaisons méiotiques. Si les deux gamètes ayant fusionné sont issus de clones différents du parasite (en cas de multiparasitisme chez le patient source), ce réassortiment de chromosomes différents produit de nouvelles combinaisons alléliques et, donc, de la diversité ou polymorphisme génétique (Su et al., 2007). Le zygote évolue ensuite rapidement en ookinète qui traverse l’estomac de l’anophèle pour gagner l’hémolymphe et s’y transformer en oocyste (Sinden et al., 2001). Ce dernier libère dans l’hémolymphe une très grande quantité de sporozoïtes qui migrent vers les glandes salivaires, à partir desquelles ils sont prêts à être injectés à l’homme à l’occasion d’une nouvelle piqûre (Craig et al., 1999 ; Mouchet et al., 2004 ; Boutin et al., 2005). 

 La phase asexuée chez l’homme

 Le cycle chez l’homme est divisé en deux phases : une phase hépatique ou exoérythrocytaire (figure 5A) et une phase sanguine ou érythrocytaire (figure 5B). • Cycle exo-érythrocytaire L’infestation naturelle de l’homme se fait par inoculation des sporozoïtes pendant la piqûre de l’anophèle femelle. L’entrée du parasite dans le foie est un processus dépendant de plusieurs migrations successives à travers deux types cellulaires : l’épithélium et l’endothélium (Miller etal., 2002 ; frevert etal., 2004). Les parasites ne restent pas plus d’une demi-heure dans le sang, puis vont se réfugier dans les hépatocytes où ils se multiplient dans le cytoplasme en formant de volumineuses cellules plurinucléées, les schizontes hépatocytaires ou corps bleu (figure 5 A3). Après 7 à 15 jours de maturation, celles-ci éclatent et libèrent des milliers de mérozoïtes dans le sang (10 000 à 30 000 mérozoïtes en fonction des espèces) (figure 5 A4). 9 Cette période est cliniquement silencieuse et dure en moyenne 6 jours pour P. falciparum, 8 jours pour P. vivax, 8-9 jours pour P. knowlesi, 9 jours pour P. ovale et 13 jours pour P. malariae. Cependant, P. vivax (Krotoski et al., 1982) et P. ovale (Cogswell et al., 1992) possèdent des formes exo-érythrocytaires appelées les hypnozoïtes, qui peuvent rester quiescentes dans le foie pendant une période qui peut durer cinq ans et produire ensuite des mérozoïtes (Mouchet et al., 2004). Ces formes pourraient être à l’origine des rechutes tardives lors d’infection par ces deux espèces plasmodiales. Par ailleurs, il n’existe pas d’hypnozoïtes dans l’infection à P. falciparum et n’ont pas été mis en évidence non plus à l’infection P. malariae (Tanomsing et al., 2007 ; Greenwood et al., 2008) et P. knowlesi. Les mérozoïtes libérés par les schizontes hépatiques débutent le cycle érythrocytaire. • Cycle érythrocytaire Les mérozoïtes gagnent la circulation sanguine et pénètrent par invagination dans les globules rouges (figure 5 B5). Chaque mérozoïte se transforme, alors, en un trophozoïte intraérythrocytaire jeune sous forme d’un anneau cytoplasmique, qui à son tour, grossit et devient âgé présentant un noyau divisé en plusieurs éléments formant une masse plurinucléée, le schizonte sanguin. Celui-ci contient, à maturité, plusieurs mérozoïtes dont le nombre varie selon l’espèce plasmodiale (8 à 32 mérozoïtes chez le P. falciparum, 12 à 24 mérozoïtes chez le P. vivax, 4 à 16 mérozoïtes chez le P. ovale et 8 à 12 mérozoïtes chez le P. malariae). Ce schizonte mûr est appelé corps en rosace. Finalement, l’hématie éclate et libère les mérozoïtes qui envahissent de nouveaux globules rouges initiant, ainsi, un nouveau cycle intra-érythrocytaire. L’éclatement des globules rouges, pouvant provoquer l’anémie, est à l’origine de nombreux symptômes cliniques du paludisme. Ce cycle dure 48 heures pour les espèces P. falciparum, P. vivax et P. ovale, 72 heures pour P. malariae et 24 heures pour P. knowlesi. Après plusieurs cycles schizogoniques sanguins, certains mérozoïtes se différencient en gamétocytes mâles et femelles (gamétogenèse), qui ne poursuivront leur développement que s’ils sont absorbés par un anophèle femelle lors de son repas sanguin (Touray et al., 1992 ; Baker et al., 2010 ; Good et al., 2010).

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LE PALUDISME
I. Epidémiologie du paludisme
I.1. Agent pathogène
I.1.1. Classification et répartition des espèces plasmodiales
I.1.1.1. Plasmodium falciparum
I.1.1.2. Plasmodium vivax
I.1.1.3. Plasmodium ovale
I.1.1.4. Plasmodium malariae
I.1.1.5. Plasmodium knowlesi
I.1.2. Cycle évolutif et biologique de Plasmodium
I.1.2.1. La phase sexuée chez l’anophèle
I.1.2.2. La phase asexuée chez l’homme
I.1.3. Les différents stades parasitaires
I.1.3.1. Le stade anneau
I.1.3.2. Le stade trophozoïte
I.1.3.3. Le stade schizonte
I.1.3.4. Le stade gamétocyte
I.1.4. Le processus d’invasion de l’érythrocyte par le mérozoïte
I.1.4.1. Le mérozoïte
I.1.4.2. L’invasion de l’érythrocyte par le mérozoïte
I.2. Les vecteurs et le mode de transmission
II. Diagnostic biologique du paludisme
II.1. Le diagnostic direct.
II.1.1. La goutte épaisse et le frottis mince
II.1.2. Le « Quantitative Buffy Coast »
II.1.3. La réaction de polymérisation en chaine .
II.1.4. La fusion à haute résolution ou « High Resolution Melting »
II.1.5. Les Tests de Diagnostic Rapide
II.2. Le diagnostic indirect
II.2.1. L’immunofluorescence indirect
II.2.2. L’ELISA (Enzyme Linked Immunosorbent Assay)
III. Traitement du paludisme.
III.1. Les schizonticides .
III.1.1. Les amino-4-quinoléines et les amino-alcools.
III.1.2. Les dérivés de l’artémisinine.
III.1.3. Les antifolates
III.1.3.1. Les antifoliques
III.1.3.2. Les antifoliniques
III.1.3.3. La sulfadoxine-pyriméthamine
III.2. Les gamétocytocides
IV. La résistance aux antipaludiques
IV.1. La résistance à la pyriméthamine
IV.2. La résistance à la sulfadoxine-pyriméthamine
IV.2.1. Les gènes impliqués dans la résistance à la sulfadoxine-pyriméthamine
IV.2.1.1. Le gène P. falciparum dihydrofolate réductase
IV.2.1.2. Le gène P. falciparum dihydroptéroate synthétase
IV.2.2. Les mécanismes de résistance à la sulfadoxine-pyriméthamine
IV.2.2.1. Les mutations du gène Pfdhfr
IV.2.2.2. Les mutations du gène Pfdhps
V. Le génome de Plasmodium falciparum
V.1. La composition et l’organisation du génome
V.2. Le Polymorphisme génétique de Plasmodium falciparum
V.2.1. Le polymorphisme chromosomique
V.2.2. Le polymorphisme allélique
V.2.3. Le polymorphisme antigénique
V.2.4. Le polymorphisme de nucléotide
VI. L’immunité antipalustre
VI.1. L’immunité innée
VI.2. L’immunité acquise
VII. L’approche vaccinale
VII.1. Les différents types de vaccins
VII.1.1. Vaccins contre le stade pré-érythrocytaire
VII.1.2. Vaccins contre le stade érythrocytaire
VII.1.3. Vaccins bloquant la transmission
VII.2. Les antigènes candidats vaccins
DEUXIEME PARTIE : TRAVAUX DE THESE
CHAPITRE I : PRESENTATION DES ETUDES REALISEES
CADRE DE L’ETUDE
ARTICLE N°1
Introductio
I. Matériel et méthodes
I.1. Population d’étude
I.2. Collecte des échantillons
I.3. Extraction de l’ADN parasitaire
I.4. Génotypage du gène Pfdhfr par PCR-RFLP
I.5. Génotypage des gènes Pfdhfr et Pfdhps par « High Resolution Melting »
I.6. Génotypage des gènes msp 1 et msp 2 par PCR nichée
I.7. Analyses statistiques
II. Résultats
II.1. Résultats de la PCR-RFLP
II.2. Résultats de la HRM
II.3. Comparaison entre PCR-RFLP et HRM
II.4. Prévalence des mutations des gènes Pfdhfr et Pfdhps par HRM au Sénégal et en Tanzanie
III. Discussion
Conclusion
ARTICLE N°2
Introduction
I. Matériel et méthodes
I.1. Sites d’étude et de collecte des échantillons
I.2. Tests de diagnostics rapides et extraction de l’ADN parasitaire
I.3. Génotypage des gènes Pfdhfr et Pfdhps par « High Resolution Melting »
I.4. Séquençage d’ADN
I.5. Génotypage des allèles des gènes msp 1 et msp 2
I.6. Analyses statistiques
II. Résultats
II.1. Résultats de l’analyse de l’ADN extrait à partir des TDR
II.2. Prévalence des mutations des gènes Pfdhfr et Pfdhps à Thiès et en Grande Comore
II.3. Résultats du génotypage des gènes msp 1 et msp 3
III. Discussion
Conclusion
ARTICLE N°3
Introduction
I. Matériel et méthodes
I.1. Sites d’étude et collecte des échantillons
I.2. Extraction d’ADN
I.3. Génotypage des allèles du gène PfRh2b
I.4. Génotypage des SNP par la méthode « barcoding ».8
I.5. Analyses Statistiques
II. Résultats
II.1. Résultats de la PCR semi-nichée
II.2. Evolution de la prévalence de la délétion en PfRh2b chez des isolats de terrain
provenant de Thiès et de Brikam
II.3. Prévalence de la délétion en PfRh2b selon l’âge à Thiès et à Brikama
II.4. Différenciation temporelle du polymorphisme en PfRh2b chez des populations de parasites du Sénégal et de la Gambie
II.5. Prévalence de la délétion en PfRh2b chez les isolats regroupés selon le code-barres moléculaire
III. Discussion
Conclusion
CHAPITRE II : DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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