Prédiction de l’efficacité de l’immunothérapie dans le cancer bronchique

Prédiction de l’efficacité de l’immunothérapie dans le cancer bronchique

Introduction 

Malgré la place grandissante des inhibiteurs de checkpoint immunitaire (ICI) dans le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), le taux de réponse est faible et il existe un risque de toxicités spécifiques. En déterminer des facteurs prédictifs de réponse est essentiel et pouvoir le faire à partir de données facilement accessibles au clinicien serait une aide précieuse. L’objectif de cette étude a été de développer, grâce à l’intelligence artificielle, un outil de sélection des patients qui pourraient tirer bénéfice d’un traitement par ICIs à partir de caractéristiques cliniques et biologiques simples. Méthode : Il s’agit d’une étude de cohorte observationnelle, rétrospective de patients souffrant de CBNPC, ayant reçu au moins un cycle d’ICI entre 2013 et 2017. Les caractéristiques démographiques, cliniques, hématologiques, thérapeutiques et évolutives étaient étudiées. Les données clinico-biologiques ont été associées au taux de réponse objective (TRO), au taux de contrôle de la maladie (TCM), à la survie sans progression (SSP) et survie globale (SG). Deux modèles mathématiques de machine learning ont été appliqués pour prédire la réponse. Résultats : Parmi les 350 patients inclus dans cette cohorte, l’âge médian était de 62 ans, 66% étaient des hommes. 26% avaient un performance status (PS) ≥ 2. Le TRO était de 16%, le TCM était de 53%, la SSP médiane était de 3.5 mois et la SG médiane était de 13.4 mois. Pour le TCM, en analyse multivariée, il avait une corrélation significative avec le PS ≥ 2, le rapport neutrophiles / lymphocytes (NLR), et l’hémoglobine (respectivement OR à 0.32, p<0.0001; 0.85, p=0.0375 et 1.35, p<0.0001). A partir de ces données, les algorithmes de « Machine Learning » ont montré une capacité prédictive de TCR satisfaisante (précision 0.67, sensibilité 0.76 ; spécificité 0.57 ; valeur prédictive positive 0.66 ; valeur prédictive négative 0.68 ; AUC 0.704). Conclusion : Grâce à l’IA, la combinaison de caractéristiques cliniques et hématologiques basiques pourrait conduire à une prédiction de l’efficacité des ICIs à l’échelle individuelle, et ainsi intégrer le processus de décision thérapeutique à l’heure de la médecine de précision. L’algorithme développé ici nécessitera d’être complété avant d’être validé dans une cohorte indépendante de patients. Mots clés : cancer bronchique, immunothérapie, numération formule sanguine, réponse, survie, intelligence artificielle

Les inhibiteurs de checkpoint immunitaires (ICIs) sont maintenant utilisés couramment dans de nombreux cancers, notamment dans le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC). Le nivolumab (anti PD-1) a été validé pour les CBNPC métastatiques en seconde ligne de traitement ou plus depuis 20151. Le pembrolizumab (anti PD-1)2 et l’atezolizumab (anti PDL1)3 ont suivi en 2016 dans la même indication. En 2016, le pembrolizumab a également montré sa supériorité par rapport à la chimiothérapie en première ligne de traitement pour les CBNPC métastatiques exprimant le PD-L1 à plus de 50%4. Actuellement, de nouvelles stratégies thérapeutiques impliquant l’immunothérapie sont en train d’émerger. Pour l’adénocarcinome, les combinaisons de traitement associant la chimiothérapie et l’immunothérapie (pembrolizumab5 et atezolizumab6) sont devenues supérieures à la chimiothérapie seule en termes de survie globale (SG), survie sans progression (SSP) et de taux de réponse objectif (TRO). Pour les CBNPC loco-régionalement avancés, non résécables, traités par radiochimiothérapie, l’adjonction de durvalumab (anti PD-L1) en maintenance a permis une meilleure SG et SSP7.Les ICIs se positionnent également dans les stades localisés de la maladie : le nivolumab en néoadjuvant montrant une réponse pathologique majeure et l’absence de retard à la chirurgie8. Enfin les ICIs ont également trouvé une place dans la première ligne de traitement du carcinome bronchique à petites cellules en association à la chimiothérapie9. Du fait de cette généralisation, de plus en plus de patients sont amenés à être traités par immunothérapie, un traitement coûteux. Cependant, le TRO, bien que supérieur à celui de la chimiothérapie reste proche de 20% dans les études mentionnées ci-dessus. Il reste encore 4 patients sur 5 qui ne répondent pas aux ICIs en monothérapie en seconde et troisième ligne de traitement. C’est pourquoi il nous semble nécessaire d’identifier des facteurs prédictifs d’efficacité de l’immunothérapie. Des paramètres cliniques ont été étudiés pour leur valeur prédictive. Dans une étude de Popinat et al, le taux de masse grasse sous cutanée10 évaluée en tomodensitométrie était statistiquement associé avec une mauvaise survie dans les CBNPC stade IV traités par Nivolumab. Dans notre cohorte de patients porteurs d’un CBNPC, nous avons précédemment 4 observé que le performans status (PS) et l’indice de masse corporelle (IMC) étaient corrélés avec l’efficacité des ICIs en terme de contrôle de la maladie à 3 mois, de TRO, SG, et SSP11. Comme l’efficacité du système immunitaire décroit avec l’âge, l’âge de début de traitement par ICI pourrait être un marqueur prédictif d’efficacité clinique. Cependant, une méta-analyse publiée en 201612 a montré une amélioration équivalente à la fois chez les patients jeunes et âgés grâce aux ICIs. Enfin, le microbiote intestinal est connu pour moduler l’efficacité des ICIs13, 14 et l’utilisation d’antibiotiques peut affecter le microbiote. Cependant la relation entre les antibiothérapies, le microbiote et l’efficacité des ICIs n’est pas encore assez robuste et précise pour être utilisée comme marqueur prédictif d’efficacité. Biologiquement, l’immunothérapie repose sur le système immunitaire et le microenvironnement tumoral. Les lymphocytes infiltrant la tumeur (LITs) sont connus pour avoir des effets différents sur la survie des patients15. La numération formule sanguine (NFS) pourrait être un marqueur de substitution des LITs et un reflet de l’inflammation et de la réponse16 immune adaptative au CBNPC. Dans ce contexte, l’analyse de la NFS à l’instauration de l’ICI a montré des corrélations intéressantes avec les réponses obtenues. Dans une métaanalyse récente17, notamment dans les mélanomes traités par Ipilimumab, des taux relatifs élevés de lymphocytes, d’éosinophiles et une diminution des neutrophiles prédisaient une meilleure SG. L’abaissement du ratio neutrophiles / lymphocytes (NLR) était corrélé avec une meilleure SG et PFS. Le NLR dérivé (dNLR= neutrophiles / [globules blancs – neutrophiles]) est une alternative au NLR dans le mélanome18, 19 et le cancer colo-rectal20. De plus, dans le cadre du cancer bronchique, dans une méta-analyse Chinoise de 201621, une élévation du ratio initial plaquettes / lymphocytes (PLR) était associée avec une diminution de la SG et de la PFS (mais pour tout type de traitement). Spécifiquement dans le cadre du CBNPC traité par ICIs, une étude publiée en 2018 dans le JAMA oncology22 a montré qu’un score combinant un dNLR > 3 avec une élévation des LDH était corrélé à de mauvais résultats des ICIs. De plus une étude Italienne sur les CBNPC traités par ICIs23 a montré que les NLR et PLR initiaux bas étaient associés avec le développement d’évènements indésirables spécifiques de l’immunothérapie (IRAEs) et le NLR bas avec de meilleurs résultats (SG, SSP). 

Analyse statistique

Pour décrire la population, nous avons utilisé des effectifs (nombres) et des pourcentages pour les variables qualitatives, des moyennes avec dérivations standard ou des médianes avec des intervalles interquartiles pour les variables quantitatives. Selon les critères RECIST 1.131 le taux de réponse objective (TRO) correspondait aux réponse complètes et partielles ; le taux de contrôle de la maladie (TCM) correspondait aux réponses complètes, partielles et aux maladies stables. La survie globale (SG) était définie par la durée entre la première injection d’immunothérapie et le décès (censuré à la date des dernières nouvelles). La survie sans progression (SSP) était définie comme la durée entre la première injection d’immunothérapie et la progression documentée de la maladie ou le décès (censuré à la date des dernières nouvelles). Les associations des données cliniques et biologiques avec les données d’efficacité (TRO, TCM, SSP à 3 mois (SSP-3M) et le taux de survie à 6 mois (SG-6M) étaient calculées en utilisant des régressions logistiques uni et multivariés comme établies dans la fonction glm du logiciel R (version 3.6)32. Des modèles prédictifs utilisant des méthodes soit de régression logistique soit de « forêt aléatoire » étaient ensuite utilisés sur une cohorte d’entrainement de 250 patients et validés par une cohorte indépendante de patients. Les données inclues étaient sélectionnées au préalable par régression logistique uni ou multivariée à partir d’un seuil de significativité de p<0.2. Pour l’analyse de « forêt aléatoire, la fonction « train » du package CARET (Classification And REgression Training) (version 6.0.84)33 était employée pour optimiser le paramètre mtry 7 (nombre de données sélectionnées aléatoirement à chaque division dans la classification des arbres de la forêt). L’analyse de la courbe des caractéristiques de performance (ROC) était utilisée pour analyser les performances prédictives des algorithmes utilisés. Que ce soit pour les analyses par régression logistique ou par « forêt aléatoire », le seuil optimal définissant le modèle final était déterminé à partir de la cohorte d’entrainement, en minimisant le taux d’erreur de mauvaise classification. Les analyses de survie pour la SG et la SSP étaient réalisées en utilisant le modèle de Cox34 uni et multivarié. Les performances prédictives étaient déterminées en utilisant le modèle de validation croisée et en informatisant la valeur moyenne de l’indice de concordance d’Harrell’s (c-index).

Table des matières

RÉSUMÉ
Introduction
Méthode
Résultats
Conclusion
Mots clés
INTRODUCTION
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Patients
Données
Analyse statistique
RÉSULTATS
Caractéristiques des patients et de la maladie
Numération formule sanguine
Toxicités
Analyse des résultats
Taux de réponse objective
Taux de contrôle de la maladie
Survie sans progression
Survie globale
DISCUSSION
RÉFÉRENCES
ARTICLE ORIGINAL

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