Principes Piklériens et développement de l’enfant

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Pouponnières appliquant les principes Piklériens

Ainsi, de nos jours les principes Piklériens sont appliqués dans de nombreuses pouponnières et autres structures de la petite enfance. Malgré la différence d’époque et de pays, leur application est-elle toujours la même ?
Dans cette partie, je présenterai dans un premier temps la pouponnière « Lóczy ». Je décrirai ensuite la pouponnière où j’ai effectué mon stage.
Je vais présenter la pouponnière Lóczy telle qu’elle était en 1970. Je m’appuie sur la description faite par M. David et G. Appell dans leur livre « Lóczy ou le maternage insolite » publié pour la première fois en 1973 et réédité en 2008 puis en 2018.

Histoire et présentation

C’est en 1947 à Budapest que la pouponnière Lóczy ouvrait ses portes afin d’accueillir les orphelins de guerre. Son vrai nom était en réalité « […] Institut national de méthodologie des maisons d’enfants de 0 à 3 ans. » (David & Appell, 2018, p. 41). L’appellation de « Lóczy » vient du nom de la rue de l’institut. À cette époque, la direction fut confiée au docteur E. Pikler.
Il s’agissait d’une grande maison entourée d’un parc dans laquelle étaient accueillis les enfants, entre zéro et trois ans. Ils étaient en pouponnière car leurs parents ne pouvaient pas s’occuper d’eux, de manière ponctuelle ou définitive. La majorité des enfants étaient adoptés ou retournaient vivre avec leurs parents avant l’âge de trois ans. De manière générale, ils arrivaient dans l’institution en bonne santé, seuls quelques-uns étaient nés prématurément.
Au sein de la pouponnière, E. Pikler développa une « méthode » de maternage spécifique en rapport avec ses connaissances et idées pour garantir un bon développement de l’enfant. Les professionnels divers de l’Institut devaient donc respecter certains principes d’éducation élaborés par leur directrice. L’objectif premier était de « lutter pour éliminer les facteurs de carence » (David & Appell, 2018, p. 45) menant malheureusement le plus souvent à de l’hospitalisme. Ce maternage est « immuable » mais sa « réalisation [doit rester] souple et adaptée aux besoins mouvants des enfants. » (Ibid. p. 46)
Dans leur livre « Lóczy ou le maternage insolite », M. David et G. Appell présentent les principes directeurs appliqués à Lóczy :
– « Valeur de l’activité autonome,
– Valeur d’une relation affective privilégiée et importance de la forme particulière qu’il convient de lui donner dans un cadre institutionnel,
– Nécessité de favoriser chez l’enfant la prise de conscience de lui-même et de son environnement,
– Importance d’un bon état de santé physique qui résulte de la bonne application des principes précédents. » (Ibid. pp. 55-56)
Il est important de souligner que l’application de ses principes était réalisable grâce à l’observation. Cette dernière est primordiale car elle réduit le déni des problèmes présents. Les professionnels devaient donc prendre le temps d’observer attentivement les enfants afin d’agir de manière adaptée.

Professionnels et enfants

Les adultes travaillant au sein de la pouponnière avaient différentes fonctions. Il y avait les professionnels du milieu de la recherche ou scientifique et les professionnels de la petite enfance. Dans les personnes travaillant auprès des enfants, il y avait les nurses, les nourrices, les aides-nurses, les infirmières, les psychologues, les médecins, la jardinière. Les psychomotriciens n’existaient pas.
Les nurses étaient de jeunes femmes d’environ une vingtaine d’années. Elles n’avaient pas forcément de formation mais étaient initiées à l’approche Piklérienne. Les nourrices allaitaient les bébés mais n’avaient pas la fonction de nurse. Les aides-nurses secondaient « […] les nurses dans leurs tâches matérielles mais n’intervenaient pas de façon directe auprès des enfants. » (David & Appell, 2018, p. 52). Les infirmières assuraient un « […] rôle de surveillance et les soins infirmiers […]. » (Ibid.). Les psychologues pouvaient prendre en charge les enfants mais avaient aussi un rôle dans la recherche. Les médecins jouaient un rôle direct auprès des enfants et leurs parents et en parallèle, ils effectuaient des travaux scientifiques et s’occupaient en partie de la formation des professionnels à l’approche Piklérienne.
Les enfants étaient répartis dans des groupes selon leur âge. Ces groupes comprenaient entre cinq et dix enfants qui étaient confiés aux nurses (souvent au nombre de trois).

Cadre de vie et organisation

D’après les observations de M. David et G. Appell en 1971, les enfants résidant dans la pouponnière Lóczy étaient répartis dans six groupes. Chaque groupe accueillait environ neuf enfants d’âge similaire, « […] confié[s] à trois nurses qui, à tour de rôle, [prenaient] en charge les enfants de 6h à 13h et de 13h à 20h. » (David & Appell, 2018 p. 66). Une nurse s’occupait de tous les enfants mais se concentrait spécifiquement sur certains d’entre eux. Elle était leur référente.
« Tous les groupes ont une unité de vie à l’intérieur et une à l’extérieur. Chacune regroupe dans un même espace les lits, l’aire de jeu, l’équipement nécessaire aux changes et aux repas. » « […] les lieux sont organisés de telle sorte que la nurse puisse toujours voir l’ensemble de son groupe. » (Ibid. pp. 67-69).
Cette organisation de l’espace permettait à la nurse de travailler dans de bonnes conditions et d’être confortable. Elle pouvait prodiguer les soins aux enfants tout en surveillant les autres. En raison de l’architecture des lieux de vie, son regard accédait toujours aux diverses positions des enfants ; cet élément rassurait à la fois la nurse et les bébés. Au fur et à mesure que les enfants grandissaient, ils bénéficiaient de nouveaux espaces plus adaptés à leur âge et leurs nouvelles capacités. Dans la mesure du possible, les nurses suivaient le même groupe d’enfants durant la durée de leur séjour en pouponnière, cela afin de permettre une certaine stabilité et continuité. (David & Appell, 2018)
Afin que le maternage soit efficace et qu’il ne perde pas de son sens au cours du temps, les professionnels étaient accompagnés et formés de manière continue. Il leur était demandé de faire des observations et de les transmettre de manière précise sous forme orale, écrite ou par le biais d’enregistrements. Des réunions et des calendriers mis à jour régulièrement permettaient une communication efficace et une rigueur dans l’organisation afin d’éviter l’installation d’un maternage « plaqué » desservant des enfants tous différents et muables.

Une pouponnière française en 2020

Je vais décrire la pouponnière où j’ai effectué mon stage à l’origine de ma réflexion sur l’approche Piklérienne. Nous allons donc voir à quoi ressemble une pouponnière s’appuyant sur cette approche, en France et qui plus est en 2020.

Histoire et présentation

La pouponnière où j’effectue mon stage est un institut privé à but non lucratif. Il a été créé en 1922 et s’est modulé peu à peu au cours du temps. Désormais, cette institution a deux secteurs distincts. Un secteur médical accueillant des enfants ayant des problèmes médicaux et nécessitant des soins de suite et un secteur social accueillant des enfants en difficulté sociale.
Autour des années 1990, la pouponnière décide de s’appuyer sur les principes Piklériens. Elle va essayer de les appliquer du mieux possible tout en prenant en considération le changement d’époque et donc l’évolution des pensées et pratiques.
Je vais décrire plus spécifiquement le fonctionnement du secteur social.

Professionnels et enfants

Les professionnels de la pouponnière ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux présents à Lóczy il y a cinquante ans.
Les nurses n’existent plus et sont remplacées par les auxiliaires de puériculture. Chaque groupe a quatre auxiliaires qui travaillent en roulement. Elles s’occupent d’un groupe de six enfants sur toute la journée. Les auxiliaires de nuit prennent ensuite le relais. À la différence des nurses, les auxiliaires de puériculture 17
ont une formation spécifique et un diplôme leur permettant de répondre aux besoins des enfants de la manière la plus adaptée possible. Durant leur formation, l’approche Piklérienne leur est enseignée. Dès leur arrivée à la pouponnière, il leur est expliqué comment sont appliqués les principes Piklériens spécifiquement à l’institution. Tous les professionnels peuvent ainsi travailler sur le même modèle ; les enfants se sentent rassurés par ce cadre.
Ensuite, il y a les médecins qui s’occupent du suivi médical des enfants. Ils travaillent en lien avec les infirmières qui donnent les médicaments, emmènent les enfants en consultation à l’extérieur et apportent de l’aide aux auxiliaires. Elles peuvent accompagner les enfants dans des lieux de médiatisation pour voir leurs parents.
Les psychologues mènent les réunions et les rédigent. Elles font des entretiens individuels avec chaque auxiliaire. Elles suivent le développement affectif des enfants.
La psychomotricienne suit le développement psychomoteur des enfants. Elle fait des observations et bilans afin d’ajuster au mieux ses prises en charge.
Deux éducatrices de jeunes enfants emmènent les petits au jardin d’enfants. Elles organisent des sorties comme des promenades et des interventions extérieures (musiciens, ateliers « conte », fêtes, carnaval, Noël, Pâques, atelier glaces, etc.).
Une assistante sociale articule l’établissement avec les équipes extérieures et organise des réunions internes ou externes. Elle fait les entretiens d’admission avec les parents en leur reposant le cadre du placement de leur enfant.
Il y a ensuite la puéricultrice qui coordonne le service. Elle gère les divers plannings, les absences, les réunions, les conflits et fait des visites médiatisées ainsi que les placements familiaux. Elle veille à l’accordage général entre toutes les professions et assure des liens et la communication entre tous.
Les nourrices et les aides-nurses n’existent plus. À la place, il y a une biberonnerie et une cuisine réunissant divers professionnels qui s’activent afin d’assurer la bonne qualité des biberons/repas donnés aux jeunes enfants. Il existe également tous les professionnels de l’administration ainsi que ceux s’assurant de la propreté des lieux. Enfin, la pouponnière fait régulièrement appel à des intervenants extérieurs tels que des orthophonistes, ostéopathes, pédopsychiatre, etc.
Le secteur social comprend deux services dans lesquels sont accueillis environ vingt-quatre enfants entre zéro et quatre ans, répartis dans des unités de vie d’environ six. Ils sont confiés par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) avec une mesure d’Ordonnance de Placement Provisoire (OPP) ou dans le cadre d’un Accueil Temporaire (AT). Les enfants placés sont en difficulté sociale et ne présentent à priori aucun problème médical particulier.

Cadre de vie et organisation

Je vais décrire les différents espaces de la pouponnière. Celle-ci est dans un grand bâtiment ressemblant à une grande maison. Il y a des espaces intérieurs et extérieurs.
À l’intérieur, il y a les différents secteurs : les unités de vie dans lesquelles les enfants sont accueillis, des salles permettant les visites des parents, des salles communes pour les réunions et activités, les bureaux administratifs, infirmiers, médicaux et paramédicaux, la salle Snoezelen, etc.
Dans chaque unité de vie, il y a six enfants et une ou deux auxiliaires de puériculture. Dans une unité, il y a un lieu de vie comprenant plusieurs espaces délimités par des barrières en bois (espace de jeu et motricité libre, espace avec des tapis, espace de repas…), une chambre et une salle de bain vitrée et non murée jusqu’au plafond. La disposition des lieux de vie est réfléchie afin que les enfants et professionnels s’y sentent le mieux possible. La salle de bain est ainsi faite pour que les enfants puissent toujours garder un contact avec l’auxiliaire quand elle effectue un soin. Des interactions peuvent donc tout le temps avoir lieu. L’enfant peut être sécurisé par la présence de l’adulte référent et celui-ci est rassuré de pouvoir voir tous les enfants. Cette organisation de l’espace des unités de vie ressemble à celle de la pouponnière Lóczy. Ceci facilite grandement l’application de certains principes Piklériens au sein de la pouponnière. Cependant, il existe malgré tout des différences dans l’architecture qui empêchent une application des principes totalement identique à celle de la pouponnière Lóczy. Par exemple, chaque groupe ne possède pas une unité de vie identique à l’intérieur et à l’extérieur.
À l’extérieur, il y a plusieurs terrasses et un jardin. Des jouets et espaces adaptés sont à disposition des enfants lorsque les auxiliaires les y amènent.
Au niveau de la temporalité, les journées sont organisées toujours à peu près de la même manière afin de donner des repères aux enfants. Le matin ont lieu le réveil progressif puis le petit déjeuner. Les enfants sont ensuite lavés (bain ou toilette). Après, les plus petits font une sieste pendant que les plus grands jouent.
Selon les enfants, des activités peuvent être mises en place. Certains vont à l’école maternelle ou au jardin d’enfants, d’autres ont des séances de psychomotricité ou la visite de leurs parents. Il y a des temps de jeux à l’intérieur ou à l’extérieur. Puis vient le temps du déjeuner. L’après-midi, les enfants se reposent et font la sieste. Il y a une alternance entre des moments d’activités proposées et des moments d’activités libres, en autonomie. En fin d’après-midi, les enfants goûtent et certains ont une visite de leurs parents. La journée se termine par des toilettes ou bains puis le dîner. Ce dernier est suivi d’un temps calme et du coucher.
Pour les professionnels, des réunions quotidiennes sont effectuées. Il y a des réunions dites d’organisation et des réunions concernant un enfant en particulier. Les premières servent à discuter de l’organisation des unités de vie et des différents temps proposés durant la journée. Les deuxièmes servent à discuter d’un enfant spécifiquement pour assurer un suivi personnalisé et adapté en fonction de son âge et de ses particularités. Lors de ces réunions sont élaborés les projets individualisés pour chaque enfant. Lorsqu’un nouvel enfant arrive à la pouponnière, les professionnels en vue de l’accueillir se réunissent pour discuter de sa situation et mettre en place un projet personnalisé. Les projets sont rediscutés régulièrement afin de les mettre à jour en fonction des évolutions de l’enfant. Ils sont inscrits sur une feuille avec un tableau2.
Dans cette partie, nous avons pu découvrir l’émergence du maternage Piklérien et ses principes appliqués en pouponnière. De nos jours, ce maternage est utilisé dans certaines pouponnières. Cela montre bien l’importance et la pertinence des idées d ¶E. Pikler. Dans la prochaine partie, je vais décrire plus en détail les principes Piklériens appliqués en pouponnière tout en faisant des liens avec des concepts développés en psychomotricité.
Quels sont les bénéfices des principes Piklériens ? Comment sont-ils appliqués en pouponnière de nos jours ? Existe-t-il des cas particuliers ?

Table des matières

Introduction
I – Origine et application du maternage Piklérien
A. Emmi Pikler, sa vie et son approche de l’enfant
1. Biographie d’Emmi Pikler
2. Présentation de l’approche d’Emmi Pikler
3. Diffusion des idées Piklériennes
B. Pouponnières appliquant les principes Piklériens
1. La pouponnière Lóczy en 1970
a. Histoire et présentation
b. Professionnels et enfants
c. Cadre de vie et organisation
2. Une pouponnière française en 2020
a. Histoire et présentation
b. Professionnels et enfants
c. Cadre de vie et organisation
II – Principes Piklériens et développement de l’enfant
A. Relation affective privilégiée
1. Foetus et nouveau-né : des êtres compétents et relationnels
2. Rôle de l’adulte et importance des soins
a. Construction d’un attachement mutuel
b. La figure maternante sécurisante et support identificatoire
c. Éloignement relatif de la figure maternante
3. Une relation affective privilégiée pour les enfants en pouponnière
B. Activité autonome
1. Enfant compétent : son développement moteur inné
a. Le développement moteur inné
b. Inquiétude des adultes vis-à-vis de l’activité autonome
2. Rôle des adultes dans l’activité autonome
a. Sécurité physique et affective
b. L’activité autonome dans les soins
c. Accompagnement de la motricité libre
Motricité libre à petite distance de l’adulte
Avantages de la motricité libre
3. L’activité autonome des enfants en pouponnière
C. Principes Piklériens et cas particuliers
1. Nécessité d’une application ajustée
2. Enfants ayant des troubles moteurs et/ou affectifs
a. Prématurité
b. Troubles s’apparentant à de l’autisme
III – Rôle du psychomotricien
A. Cas de Manoé
1. Anamnèse et présentation
2. Observation de l’état du développement psychomoteur
3. Prise en charge
a. Investigation globale
b. Prise en charge en psychomotricité
Massage Shantala
Sollicitations sensorielles
Sollicitations motrices
c. Résultats
B. Réflexion sur le rôle du psychomotricien
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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