Proposition d’une méthode pour accompagner la transition des entréprises industrielles vers la durabilité

Proposition d’une méthode pour accompagner la transition des entreprises industrielles vers la durabilité

L’approche tendancielle permettant de faire émerger des leviers pour soutenir la compétitivité (développement durable et immatériels), de faire émerger également les éléments du système ayant un rôle prépondérant (conception, territoire et ressources). L’approche prospective permettant de définir une zone de durabilité bordée par des principes de durabilité. Les principes environnementaux et humains ont étés complétés par des principes de gouvernance et de compétitivité afin de couvrir l’ensemble des 5 dimensions envisagées du développement durable. Le croisement de ces deux approches permet de définir un espace de transition pour les entreprises en échappant aux approches normatives peu enclines à répondre aux véritables enjeux du développement durable. Comme nous l’avons constaté dans le chapitre précédent, l’intégration des ressources territoriales dans la conception de produit est un moyen pertinent pour répondre à certains enjeux environnementaux et sociaux et soutenir la transition industrielle vers la durabilité. La mise en œuvre doit être soutenue par le renouveau de la gouvernance. Notre proposition est dédiée aux entreprises industrielles souhaitant répondre aux exigences de durabilité tout en assurant leur pérennité dans le temps. Bien que nos travaux s’intéressent aux sphères politiques et territoriales, dans une approche systémique de la durabilité, notre proposition ne peut être utilisée, en l’état, comme un outil de définition de politique publique ou d’aménagement du territoire. Ce chapitre présente la méthode que nous avons développée pour soutenir la transition de l’entreprise industrielle. Nous exposerons notre proposition puis développerons notre méthode sous un angle fonctionnel puis structurel.

Proposition

 Un moyen développé ici pour accompagner la transition de l’entreprise vers la durabilité est l’intégration de ressources territoriales dans la conception de produit. D’où la question de recherche suivante : comment soutenir l’intégration des ressources territoriales dans la conception de produit ? Plusieurs problématiques apparaissent : Il faut dans un premier temps être capable d’IDENTIFIER ces ressources territoriales ; dans un second temps, il faut être capable de les intégrer dans la conception de produit. L’ensemble des processus internes sont mobilisés pour mettre à disposition des concepteurs ces ressources. Nous proposons d’utiliser le processus stratégique pour intégrer ces ressources alternatives dans l’ensemble des activités de l’entreprise. Nous avons ainsi formulé l’hypothèse que la prise en compte de nouvelles dimensions dans la stratégie permet l’intégration de ces dimensions dans toutes les activités de l’entreprise. En effet, l’analyse stratégique permet aux décisionnaires d’avoir une image claire de l’environnement de l’entreprise, de ses ressources et capacités, de ses valeurs, attentes et objectifs (Johnson, 1984). L’analyse stratégique externe vise à connaitre les facteurs structurels (marché, concurrence…) alors que l’analyse stratégique interne vise à connaitre les ressources propres de l’entreprise (Lorino, 2006). L’analyse stratégique interne s’appuie sur l’évaluation du portefeuille d’actifs matériels et immatériels, facteurs de création de valeur propres à l’entreprise. Nous considérons, dans nos travaux, les ressources territoriales comme des ressources latentes qui doivent être activées par l’entreprise. Nous considérons également l’entreprise comme contributrice à la valeur du territoire. En plus de ces actifs « traditionnels », l’entreprise responsable doit également piloter les actifs desquels elle doit répondre (environnement, société…). Nous avons formulé l’hypothèse que la prise en compte des actifs immatériels dans les gouvernances stratégiques et opérationnelles est une condition nécessaire à l’intégration du développement durable dans la définition des stratégies. Partant des réseaux existants de création de valeur, nous proposons de faire évoluer les pratiques locales pour répondre à l’objectif de durabilité de l’entreprise dans l’écosphère dans le respect des principes de durabilité. Pour supporter la transition, la durabilité est intégrée dans la prise de décision comme enjeu stratégique et facteur potentiel de différentiation. La prise de décision est outillée grâce à l’intégration des actifs immatériels dans la gouvernance. Ce changement d’orientation appelle des évolutions à la fois structurelles et organisationnelles dans l’entreprise. La gouvernance opérationnelle permet le déploiement des stratégies en structurant et organisant la communication verticale dans l’entreprise. Nous avons fait l’hypothèse qu’une circulation améliorée de l’information entre les différentes fonctions de l’entreprise améliore l’intégration du développement durable. Les objectifs globaux doivent être diffusés depuis la stratégie vers les opérations par l’intermédiaire d’outils de gestion adaptés à ces objectifs (approche top-down). De la même manière, les initiatives locales doivent être valorisées au niveau stratégique (approche bottom-up et middle-to-sides). Pour ce faire nous avons développé, dans le cadre du projet convergence, un outil de pilotage multi-niveau dédié au déploiement des stratégies environnementales à travers l’organisation vers les concepteurs. Nous proposons ainsi une méthode d’aide à la décision stratégique et managériale, embrassant l’ensemble de l’entreprise : la stratégie, management, opérations et les fonctions support. Cette méthode doit permettre de supporter l’intégration effective des ressources du territoire dans la conception de produit et ainsi permettre la transition de l’entreprise vers la durabilité. 

Décomposition fonctionnelle de la proposition

 La décomposition fonctionnelle présentée en (Fig.41) est basée sur les étapes du processus stratégique tel que défini par (Johnson, 1984) : analyse, choix et déploiement. Une attention particulière a été apportée à l’analyse stratégique interne telle que définie dans (Lorino, 2006). En effet, en nous basant sur les moyens pour la transition, nous avons développé cet outil pour soutenir l’intégration du développement durable par l’extension de l’analyse stratégique aux réseaux territoriaux de création de valeur et en questionnant les modalités et moyens de gouvernance mis en œuvre actuellement. Ainsi, la décomposition fonctionnelle de notre proposition est divisée en trois grandes fonctions dont la première est divisée en trois sous fonctions comme suit :  F1 : d’étendre l’analyse stratégique interne à l’ensemble des facteurs de création de valeur ; o F1.1 : comprendre et évaluer la gouvernance stratégique et opérationnelle de son entreprise (analyse interne); o F1.2 : comprendre et évaluer le portefeuille d’actifs immatériels de l’entreprise (analyse interne); o F1.3 : comprendre la place de son entreprise dans les réseaux territoriaux de création de valeur.  F2 : d’assister la décision stratégique pour le choix d’une stratégie durable ;  F3 : de déployer ces stratégies vers les concepteurs et mesurer la performance globale du système. La réalisation de ces trois fonctions doit permettre à l’entreprise de répondre à notre objectif de transition vers la durabilité. Parmi les trajectoires pour la réussite de cette transition, l’intégration des ressources territoriales dans la conception de produit ou l’intégration de l’environnement au niveau stratégique seront supportées par l’innovation organisationnelle. Figure 41 – Présentation fonctionnelle de la méthode F1 : Etendre l’analyse stratégique La finalité de cette première fonction est d’accroitre la connaissance de la constellation de valeur de l’entreprise. Cette première fonction est décomposée en 3 sous-fonctions : 114  F1.1 : comprendre et évaluer la gouvernance stratégique et opérationnelle de son entreprise ;  F1.2 : comprendre et évaluer le portefeuille d’actifs immatériels de l’entreprise ;  F1.3 : comprendre la place de son entreprise dans les réseaux territoriaux de création de valeur. 

Le profil de gouvernance (F1.1) 

Basée sur l’hypothèse que la prise en compte des actifs immatériels dans les gouvernances stratégiques et opérationnelles est une condition nécessaire à l’intégration du développement durable dans la définition des stratégies, nous avons développé deux grilles de maturité. L’une évalue l’ambition et évalue l’intégration de la durabilité dans la gouvernance de l’entreprise alors que la seconde évalue les moyens, la prise en compte des immatériels dans la gouvernance stratégique et opérationnelle. Moyens et Ambition sont évalués par un questionnaire à choix multiple. Le résultat de ces évaluation a été baptisé le profil de gouvernance. Au cœur de ce dispositif, les grilles de maturité de gouvernances sont détaillées plus bas (grilles de maturité). Chacune des dimensions évaluées dans ces grilles de maturité (intégration territoire, prise en compte de l’environnement, immatériel et prise de décision…) ouvre un faisceau de trajectoires permettant de soutenir la transition. Parmi ces trajectoires, l’intégration des ressources territoriales dans le PDP est celle que nous considérons comme la plus prometteuse. Le projet Convergence a permis d’explorer et d’opérationnaliser la dimension intégration de l’environnement dans la gouvernance.

Evaluation du portefeuille d’actifs (F1.2)

 Comme nous l’avons vu plus haut, les actifs immatériels de l’entreprise sont les facteurs clés de création de valeur de l’entreprise mais restent peu ou mal évalués. Nous proposons d’adopter et d’apporter de légères modifications au thésaurus Bercy pour évaluer de manière qualitative et quantitative les actifs de l’entreprise. Ainsi, en rendant visibles ces actifs cachés, l’adoption de la comptabilité des immatériels peut initier la nécessaire transformation de l’entreprise au niveau stratégique et managérial. Nous proposons d’hybrider le thésaurus avec un outil de reporting reconnu et largement utilisé, la GRI. Ainsi, nous retrouvons à la fois un outils d’évaluation de la qualité des actifs de l’entreprise, construit sur une chaine d’actifs immatériels considérés comme nécessaires pour la création de richesse et utile aux décisionnaires et, pour l’évaluation du capital naturel, une évaluation des consommations et externalités environnementales. Nous proposons donc un outil de pilotage multiniveau qui lie des indicateurs stratégiques globaux (capitaux et KSI) avec des indicateurs opérationnels et managériaux (indicateurs ACV, par exemple). Cette proposition d’outil pour l’évaluation des actifs de l’entreprise est détaillée dans (Tableau de bord étendu). 2.1.3 Cartographie de la constellation de valeur (F1.3) La cartographie de la constellation de valeur de l’entreprise vise à augmenter la connaissance concernant d’une part les réseaux de création de valeur de l’entreprise (interne et externe) et d’autre part, les réseaux externes potentiellement accessibles, autrement les réseaux de création de valeur du territoire. Cette activité de cartographie est un processus constant et dynamique de représentation des flux de ressources matérielles et immatérielles entres les réservoirs selon le modèle présenté plus haut (mode de représentation). Cette activité permet de formaliser la structuration interne de l’entreprise et ses connexions avec son environnement d’une part, et d’appréhender les réseaux territoriaux de création de valeur. Cette activité de cartographie des réservoirs, canaux et flux de ressources matérielles et immatérielles en interne est une activité 115 centrale pour comprendre les mécanismes de création de valeur de l’entreprise et ainsi, identifier ces actifs-clés et actifs-supports. Cette cartographie a été réalisée intégralement pour l’entreprise Quiksilver en nous limitant au réseau interne de l’entreprise (Zhang et Al., 2013). C’est un travail conséquent qui nécessite beaucoup de ressources. Toutefois, différentes sources de données peuvent permettre de collecter ces informations : le métabolisme territorial pour l’inventaire des flux et stock de ressources matérielles sur un espace déterminé (zone industrielle- région administrative), une quantité importante de données socio-économiques avec l’ouverture des banques de données publiques en application de la directive 2003/98/EC47 . Ces données pouvant être représentée dans un système d’information géographique (SIG) permettant leur représentation par couches (ex. type de ressources matérielles, compétences, ressources humaines, problématiques…). Basée sur ces réflexions, une thèse a débuté au CREIDD sous la direction de Prof. Nadège Troussier sur l’intégration dans le PLM des outils SIG et outils ACV directement dans le système d’information des entreprises (Vadoudi et Al., 2014). 

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