Quelles pratiques pédagogiques mettre en œuvre face aux élèves en échec scolaire

L’échec scolaire et les difficultés scolaires : quelles différences ?

D’après le référentiel du métier d’enseignant du Ministère de l’Education Nationale, un enseignant se doit de « connaître les élèves et les processus d’apprentissage, prendre en compte la diversité des élèves, accompagner les élèves dans leur parcours de formation ». Il doit pour cela «construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage» variées, afin de répondre aux besoins de tous les élèves. Ces apprentissages doivent favoriser la socialisation des élèves. Une des priorités de l’enseignant est de permettre aux élèves d’atteindre des objectifs qui sont établis dans le socle commun de connaissances et de compétences, mis en application en 2005. Autrement dit, un enseignant doit prendre en considération les capacités et les lacunes de tous ses élèves afin de proposer différentes méthodes d’apprentissage répondant aux besoins de chacun. Cette idée est à nouveau développée dans le Bulletin Officiel datant du 22 juillet 2010, dans lequel il est dit que l’enseignant « sait différencier son enseignement en fonction des besoins et des facultés des élèves, afin que chaque élève progresse. Il prend en compte les différents rythmes d’apprentissage, accompagne chaque élève, y compris les élèves à besoins particuliers. ». L’enseignant doit donc être capable de réagir face aux difficultés scolaires et face à l’échec scolaire. En réalité, la prise en charge de ces élèves ne s’est faite que tardivement. La notion d’échec scolaire n’apparaît pour la première fois que dans les années 1960 lorsque l’on s’est rendu compte que tous les élèves n’avaient pas les mêmes acquis en sortant du système scolaire. La notion de difficulté scolaire, elle, est apparue dans les années 1970. Auparavant, la difficulté scolaire correspondait à la possession ou non d’un « outillage naturel » pour apprendre, comme nous l’expliquent Jean-Marc Louis et Fabienne Ramond dans leur ouvrage Comprendre et accompagner les enfants en difficulté scolaire. Un enfant en difficulté scolaire était alors catégorisé comme un enfant en situation de handicap. Face à ces nouvelles visions, de nouvelles mesures ont été prises pour répondre aux besoins des différents élèves. Par exemple, la loi d’orientation de 1989 met l’élève au centre des apprentissages afin « d’assurer l’égalité et la réussite des élèves ». Ce n’est alors qu’en 2005, avec la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, que l’on réaffirmera le rôle de l’Ecole face aux difficultés scolaires. Cette loi mettra également un terme à l’amalgame souvent fait entre les difficultés scolaires et le handicap en définissant pour la première fois la notion de handicap.

Les causes de l’échec scolaire

Dans un premier temps, on relie souvent l’échec scolaire à l’environnement de l’élève. Partant du principe que l’environnement de l’élève pourrait influer sur la réussite de celui-ci. Par exemple, un élève grandissant dans une famille aisée aurait plus de facilités à s’épanouir dans les apprentissages car celui-ci aurait une situation familiale plus stable, un accès à la culture plus présent, etc. L’instruction des parents pourrait également jouer un rôle dans la scolarisation des élèves. En effet, comme nous l’expliquent Dominique Goux et Eric Maurin (2005), un lien existe entre l’échec scolaire et le milieu social dans lequel l’élève évolue. Le lieu de vie de l’enfant et son entourage pourrait alors influer sur son rapport à l’école. Les auteurs se basent sur diverses enquêtes menées par l’INSEE. Ces dernières permettent de faire le point sur le retard scolaire des élèves âgés de 15 ans. Il en ressort qu’en 2002, le taux de retard scolaire à 15 ans des enfants, qui vivent dans une famille avec au moins un diplômé, représente 13,3%. Alors que le taux de retard des enfants âgés de 15 ans, qui vivent dans une famille sans aucun diplômé est de 45,6%. Autrement dit, un élève qui évolue dans un milieu défavorisé, qu’il soit familial et/ou social ou géographique ou dans un quartier difficile, où son entourage n’est pas diplômé, sera plus fréquemment en échec scolaire.
Tous ces facteurs extérieurs à l’école peuvent donc expliquer certaines difficultés à investir les activités scolaires mais ne permettent pas à eux-seuls de justifier l’échec scolaire. Selon Emmanuelle Yanni (2001), « Lorsque l’enfant est en échec scolaire, la nature de son environnement peut être considérée comme un facteur compensateur ou aggravant mais non déterminant. ». Mais si l’environnement de l’élève ne peut à lui seul justifier l’échec scolaire, quels autres facteurs sont à prendre en compte ?

Comment repenser l’échec scolaire ?

Dans un premier temps, Emmanuelle Yanni nous propose de repenser la notion de l’erreur. En effet, si on considère un élève en échec scolaire c’est parce qu’il ne répond pas aux attentes du socle commun et qu’il n’acquiert pas les connaissances définies par les programmes. L’élève en échec scolaire est donc confronté aux erreurs d’apprentissages qui sont liées à une mauvaise utilisation des connaissances et à une mauvaise compréhension.
Il ne faut pas s’arrêter devant l’erreur, ne pas tomber dans un cercle vicieux qui consisterait à montrer du doigt seulement les erreurs menant à l’échec. En revanche, il s’agit bien de dépasser l’erreur, car celle-ci doit être considérée comme inhérente au processus d’apprentissage. Il faut donc considérer l’erreur comme « première » porteuse à la fois du « faux savoir » mais également du désir de savoir. L’objectif dans l’apprentissage est donc de transformer les représentations de l’élève et non de les substituer, c’est-à-dire que l’on n’efface pas l’erreur, au contraire, on la travaille. Cette erreur première ou faux savoir, comme le nomme Emmanuelle Yanni, est en réalité une première réponse à l’ignorance de l’élève lors de la découverte de nouvelles notions. Autrement dit, l’élève, à travers cette réponse première, essaye de formuler une première réponse aux interrogations qu’il se pose sur le monde qui l’entoure. Partant de ce postulat, nous ne prenons plus l’erreur comme un obstacle mais plutôt comme un moyen de construire les apprentissages. Cette vision permet également de ne plus montrer du doigt les erreurs des élèves ce qui peut redonner confiance en soi à certains d’entre eux.
Elle insiste également sur le fait qu’un enfant a besoin de développer une pensée propre à lui et qui ne peut être pensé par autrui. Afin d’aider l’élève à construire sa propre pensée, l’auteur propose trois pistes pédagogiques. Premièrement, il s’agit de mettre l’apprenant en situation de recherche en le plaçant au centre de ses apprentissages. Il faut donc construire du sens à partir de ce qu’il ne comprend pas afin d’éveiller en lui un aspect motivationnel de l’apprentissage. Il faut inciter l’élève à ne pas renoncer devant la difficulté et l’encourager à trouver une solution au problème posé. Cette notion de recherche est étroitement liée à la notion de curiosité qui peut être un bon moteur motivationnel pour entrer dans les apprentissages. De plus, à travers la recherche, toutes les dimensions de l’apprentissage sont réunies : cognitive, affective et sociale. Deuxièmement, l’enseignant doit aider l’apprenant à construire des représentations de sa propre pensée. C’est-à-dire, qu’avant même de lui enseigner de nouvelles notions, celui-ci doit pouvoir prendre conscience de sa pensée et doit être capable de l’exprimer, de faire le tri dans ses représentations afin d’utiliser à bon escient ces représentations dans ses apprentissages. Troisièmement, l’enseignant doit proposer à l’apprenant des points de repères rassurants qui le guideront dans la construction de cette pensée. Par exemple, utiliser des critères de réussite plutôt que des critères d’évaluation.

Comment observer l’échec scolaire en classe ?

Emmanuelle Yanni (2001) nous dit que « l’échec scolaire se fonde souvent sur le fait que l’élève échoue car il ne donne pas de sens à ce qu’il apprend ». Il est donc intéressant d’essayer de définir cette notion «d’apprendre». Il existe deux types d’apprentissage : l’apprentissage porté par le désir, le désir de plaire, de connaître, de partager l’apprentissage qui n’est pas d’ordre affectif mais proposé par des spécialistes comme pour les apprentissages scolaires.
Pour apprendre, l’élève doit donc faire le tri entre les différentes représentations qui s’offrent à lui, celles qui lui sont propres et les nouvelles inculquées par son enseignant. Ces représentations sont parfois confrontées les unes aux autres ce qui peut déstabiliser les apprentissages. Quand l’élève se retrouve dans une situation d’échec et donc quand il n’arrive pas à apprendre, cela signifie qu’il n’arrive pas à dissocier les éléments qui relèvent de l’affect et qui se trouvent mobilisés dans l’action d’apprendre.
Cet élève, confronté à une situation problématique, exprime son désarroi à travers de nombreux signes observables qui viennent perturber le bon fonctionnement de l’apprentissage. On peut alors différencier deux sortes de signes, ceux dits « parasites », qui sont sans lien direct avec l’apprentissage et ceux qui apparaissent au niveau de l’utilisation des connaissances et au moment de leur acquisition. Ces différents signes sont placés entre l’élève et l’enseignant mais aussi entre l’élève et le savoir. Ils laissent deviner la manière dont l’élève appréhende les nouveaux savoirs. Ces signes peuvent être verbaux (l’insulte, le chuchotement, le refus de répondre), comportementaux (l’agitation, la violence), ils peuvent aussi se traduire par les objets (l’oubli des affaires scolaires), etc. Ces gestes sont donc à exclure pour rendre l’apprentissage possible. Certains signes sont liés directement à l’utilisation de la connaissance et ces derniers sont plus problématiques car ils remettent en cause la forme de l’apprentissage, le contenu des apprentissages mais également l’appréhension que peut avoir l’élève envers ces apprentissages.

Comment définir la différenciation pédagogique ?

Si nous reprenons la définition de Eduscol , « la différenciation pédagogique consiste à mettre en œuvre un ensemble diversifié de moyens et de procédures d’enseignement et d’apprentissage pour permettre à des élèves d’aptitudes et de besoins différents d’atteindre par des voies différentes des objectifs communs. ».
Halina Przesmycki (1991) définit la différenciation comme la « mise en œuvre d’un cadre souple où les apprentissages sont suffisamment explicités pour que les élèves puissent travailler selon leurs propres itinéraires d’appropriation, tout en restant dans une démarche collective d’enseignement des savoirs et savoir-faire exigés. ».
Pour Philippe Perrenoud, différencier c’est « rompre avec la pédagogie frontale, la même leçon, les mêmes exercices pour tous ; c’est surtout mettre en place une organisation du travail et des dispositifs didactiques qui placent régulièrement chacun, chacune dans une situation optimale. » Si nous reprenons ces différentes définitions, la différenciation pédagogique serait donc une possible remédiation à l’échec scolaire puisque c’est une pédagogie qui propose un éventail de démarche répondant aux besoins de chacun.
Cette différenciation pédagogique se base sur deux fondements théoriques. Le premier, le fondement philosophique, qui consiste à reconnaître que chaque individu a le droit à l’enseignement et qu’il a surtout le potentiel pour atteindre des objectifs. Le second, d’un point de vue pédagogique, chaque élève doit être acteur de ses apprentissages, il doit être placé au centre de ces derniers, d’où l’importance donnée au sens de ces apprentissages. La finalité de cette pédagogie est donc bien de lutter contre l’échec scolaire en alliant la transmission des savoirs au développement de chaque élève.

Table des matières

INTRODUCTION 
1. CADRE INSTITUTIONNEL ET THEORIQUE 
1.1 L’échec scolaire
1.1.1 L’échec scolaire et les difficultés scolaires : quelles différences ?
1.1.2 Les causes de l’échec scolaire
1.1.3 Comment observer l’échec scolaire en classe ?
1.1.4 Comment repenser l’échec scolaire ?
1.2 Différenciation pédagogique 
1.2.1 Comment définir la différenciation pédagogique ?
1.2.2 Mise en place de cette pédagogie : quelles difficultés ?
1.2.3 Les limites de cette pédagogie
1.3 Modèle de Viau 
1.3.1 La motivation en contexte scolaire
1.3.2 Un modèle de motivation
1.3.3 Comment intervenir sur la motivation des élèves ?
1.4 La pédagogie de projet : une source de motivation ?
1.4.1 Définition de la pédagogie de projet
1.4.2 Les enjeux de cette pédagogie
1.4.3 Sous quelles conditions la pédagogie de projet est-elle efficace ?
2. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES 
3. CADRE METHODOLOGIQUE
3.1 L’observation 
3.2 L’entretien
3.3 Les populations visées
4. RESULTATS 
4.1 Observation et entretien dans une première classe de CE2 
4.1.1 L’observation
4.1.2 L’entretien
4.2 Observation et entretien dans une classe de CP
4.2.1 L’observation
4.2.2 L’entretien
4.3 Observation et entretien dans une classe de CM1-CM2 
4.3.1 L’observation
4.3.2 L’entretien
4.4 Observation et entretien dans une deuxième classe de CE2 
4.4.1 L’observation
4.4.2 L’entretien
5. ANALYSE 
5.1 Quelle vision de l’échec scolaire ?
5.2 Quelle place pour la pédagogie de projet ? 
5.3 Quelle importance donnée à la différenciation pédagogique ? 
6. CONCLUSION
7. BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE 
7.1 Ouvrages
7.2 Contribution à des ouvrages collectifs
7.3 Sites web et documents Internet 
8. ANNEXES
I. Première observation (partie 4.1.1)
II. Premier entretien (partie 4.1.2)
III. Deuxième observation (partie 4.2.1)
IV. Deuxième entretien (partie 4.2.2)
V. Troisième observation (4.3.1)
VI. Troisième entretien (4.3.2)
VII. Quatrième observation (4.4.1)
VIII. Quatrième entretien (4.4.2)
IX. Exemples de supports différenciés recueillis
i. Support production d’écrit (CE2)
ii. Support dictée (CP)
iii. Support méthode syllabique (CP)
iv. Support dictée à trous (CE2)
v. Support chemin de relecture (CE2)

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