Structure et ordre chimique dans les nanoparticules bimétalliques

Structure et ordre chimique dans les nanoparticules
bimétalliques

 Effets de tailles et propriétés

L’intérêt des clusters monométalliques est porté sur l’évolution de leurs propriétés et leur structure en fonction de leur taille. En effet, leur forme géométrique et leur stabilité énergétique évoluent radicalement avec leur taille. En accord avec les prédictions de Pawlow [10], Buffat et Borel [11] ont démontré que la température de fusion d’une particule métallique suit une loi en 1/R (R étant la taille de la nanoparticule). Cela signifie qu’en dessous d’une taille critique, plus la taille du cluster diminue plus la température de fusion décroit. Par exemple, un particule d’or de 2.5 nm posséde une température de fusion d’environ 300˚C contre 1063˚C dans le massif. Certaines propriétés telles que l’énergie d’ionisation, l’énergie de cohésion, la conductivité et la réactivité chimique suivent également une loi d’échelle. La structure électronique d’un cluster dépend fortement de sa taille, cela va accroˆıtre leur réactivité avec d’autres espéces. En effet, dés lors que les nanoparticules ont un fort pourcentage d’atomes en surface, cela induit des similarités avec les propriétés de surface d’un matériau 18 massif. Ces similarités seront d’autant plus importantes qu’un cluster posséde un assez grand ratio de surface volume (qui lui même varie en 1/R). De plus, les atomes de surface ont un nombre de coordination plus faible que ceux du substrat, il y a alors possibilité de réarrangement de surface des nanoparticules. Ceci implique que les nanoparticules aient une grande réactivité et donnent lieu `a des applications telle que la catalyse [12], [13]. Parmi les effets de taille, les effets quantiques sont également trés importants. Ils sont dus au confinement des électrons mais également aux diverses excitations élémentaires d’un solide comme par exemple les phonons ou les plasmons qui, appliqués `a l’échelle nanométrique, en modifient les propriétés. En effet, si une particule métallique ayant les propriétés de l’état massif est réduite `a quelques centaines ou quelques dizaines d’atomes, la densité des états dans les bandes de conduction et de valence diminue, et les propriétés électroniques changent alors radicalement. Par exemple certains cristaux atteignant des tailles de l’ordre de 10 nm voient s’accroˆıtre l’espacement de leur niveaux d’énergie modifiant ainsi la longueur d’onde de la fluorescence. Les quantum dots ont de remarquables propriétés de fluorescence utilisées par exemple en imagerie biomédicale. Des propriétés magnétiques intéressantes sont également observées dans les nanoparticules. Dans les matériaux ferromagnétiques, les moments magnétiques atomiques sont orientés parallélement sur de petits domaines qui ont donc une aimantation homogéne. La taille caractéristique de ces domaines varie selon le type de matériau mais est généralement de l’ordre de 10 nm [14]. Si, par exemple, une particule de fer est de taille inférieure `a ce domaine caractéristique, elle ne possédera qu’un seul domaine magnétique et sera donc susceptible de contenir un bit d’information dans le domaine de l’enregistrement magnétiques et des nanomémoires. Cependant, cette aimantation n’est pas stable dans les nanoparticules du fait des fluctuations thermiques. L’aimantation se retourne ainsi spontanément dans les petites particules : il s’agit d’un comportement superparamagnétique. Pour un temps de mesure donné, on définit le température de blocage comme la température de transition entre un comportement ferromagnétique (on observe une seule orientation d’aimantation) et un comportement superparamagnétique (il y a eu des retournements d’aimantation). Le superparamagnétisme est donc préjudiciable au stockage d’information. C’est la raison pour laquelle dans ce domaine, on s’intéresse énormément aux nanoalliages qui présentent de fortes anisotropies magnétiques. 

Les particules bimétalliques

 L’enjeu des recherches concernant les nanoalliages est d’explorer de nouvelles propriétés. En effet, les métaux monométalliques sous forme de clusters permettent déj`a par leur taille d’obtenir de nouvelles propriétés. La combinaison de deux métaux différents au sein d’un même cluster permet d’élargir considérablement l’éventail de ces propriétés et d’en susciter de nouvelles. Les différents facteurs (pression, température, taille etc…) permettant des changements structuraux chez les clusters monométalliques agissent d’autant plus dans les nanoparticules bimétalliques. Par exemple la montée en haute pression (> 19 GPa) permet une transition de phase du cu19 bique centré vers le cubique faces centrées pour des nanoparticules bimétalliques FeRh [15] induisant une modification des propriétés magnétiques de cet alliage. Il a ainsi été démontré que les nanoparticules bimétalliques possédent des propriétés structurales [16], électroniques, diélectriques, magnétiques, optiques et chimiques différentes de celles correspondant aux alliages `a l’état massif [2, 17]. Dans le domaine du magnétisme, il est bien connu que le moment magnétique ainsi que l’anisotropie magnétique peuvent être augmentés en basse dimension. Par exemple, les nanoparticules d’alliages comme FePt et CoPt présentent une forte anisotropie magnétique dans la phase L10 [18–20]. Dans le cas des cœur/coquille, l’intérêt d’utiliser une coquille de métal noble est de protéger le cœur de l’oxydation tout en isolant magnétiquement les nanoparticules les unes des autres [21]. Dans le cas d’une coquille d’oxyde, il peut exister un couplage ferromagnétique/antiferromagnétique. Les systémes cœur-coquille présentent également un intérêt dans le domaine de la catalyse. La différence de paramétre de maille des deux métaux va induire une modification de la structure au sein de la coquille. On peut ainsi jouer sur la variation de l’énergie d’adsorption des molécules afin d’optimiser l’activité catalytique en permettant aussi une meilleure sélectivité des réactions catalytiques [22]. A – Différents ordres chimiques Les deux éléments constituant une particule bimétallique peuvent s’assembler en alliage ou bien ségréger dans différents domaines tels des arrangements cœur-coquille , Janus ou un arrangement multi-coquille “oignon” (figure 1.10) [23]. Une nanoparticule modéle cœur-coquille est un arrangement o`u le cœur est constitué d’un seul type d’atomes A et la coquille est constituée uniquement d’atomes B du deuxiéme élément (figure 1.10). Une nanoparticule peut également ségréger en deux domaines accolés (type “Janus”) : une partie comprenant des atomes A et une partie constituée d’atomes B, l’interface entre les deux parties est constituée d’un alliage d’atomes A et B. Ce type de particule présente en général deux propriétés distinctes. Une nanoparticule cœur coquille peut cependant évoluer en Janus. Sur la figure 1.9 sont présentés des cartographies chimiques de particules Cu-Ag obtenue par une technique de filtrage en énergie (EFTEM). Cela a permis de décrire un potentiel de transition en fonction de l’accroissement de nanoparticules [9]. Si l’alliage a une forte tendance `a l’ordre, le nanoalliage peut l’être également. Une nanoparticule type alliage peut être ordonnée, elle donc constituée d’un agencement de plan d’atomes A et d’atomes B. Ces alliages peuvent être également désordonnés (solution solide). B – Régles de ségrégation On a vu que les nanoparticules présentaient `a l’équilibre des morphologies leur permettant de minimiser leur énergie totale incluant, en surface, de facettes de basse énergie [24]. Dans les nanoalliages, la nature des espéces en surface des particules va induire des modifications supplémentaires [25]. Ces phénoménes sont décrits par différentes régles : La liaisons forte – Contribution covalente Cette régle établit que l’élément possédant l’énergie de cohésion la plus élevée occupera préférentiellement le cœur de la particule. Cette régle découle donc également des énergies de surfaces. En effet l’espéce possédant l’énergie de surface la plus forte se placera en cœur de la particule tandis que l’espéce possédant l’énergie de surface la plus faible viendra se placer en surface afin de minimiser l’énergie totale de surface. Les liaisons hétérogénes – Contribution ionique Cette régle concerne le caractére ionique des différentes espéces établissant des liaisons métal-métal. La liaison ionique est due aux différences d’électronégativité entre deux éléments. Lorsqu’un systéme posséde deux éléments présentant une électronégativité différente, il tend alors `a stabiliser son énergie. Dans ce cas, le systéme tend `a maximiser le nombre de liaisons hétérogénes. Dans le cas de petites nanoparticules, les éléments les plus électronégatifs occuperaient préférentiellement la surface du cluster. Dans le cas de trés petit cluster (1 nm), cette régle concerne généralement les réarrangements des atomes de surfaces. Si l’un des deux éléments est minoritaires, cette régle implique que 21 Figure 1.10 – Différents arrangements de nanoparticules bimétalliques. les atomes de l’espéce minoritaires soient ainsi totalement dispersés ou “fragmentés” afin de maximiser les liaisons hétérogénes. Cela se nomme “la régle des atomes de surface”. Les effets de taille Lorsque des atomes de tailles différentes sont présents au sein d’un cluster cela induit des tensions élastiques locales. L’énergie élastique peut être alors relaxée en favorisant la ségrégation des gros atomes vers la surface. Si les atomes de l’espéce minoritaire ont un rayon supérieur au rayon de l’autre espéce, cette régle s’applique d’autant plus ; les gros atomes migreront vers la surface du cluster. Effets d’environnement Cela concerne, par exemple, les clusters synthétisés en présence de ligands (afin d’empêcher toute coalescence). L’élément qui possédera la liaison la plus forte avec le ligand sera alors tiré vers la surface du cluster. Effets magnétiques Cette régle dépend souvent de la taille ou de la composition o`u les réarrangements atomiques issues de la ségrégation sont stabilisés par les interactions de spin. 

 Le systéme FeBi 

 Structure et propriétés du bismuth 

Le bismuth offre de nombreuses caractéristiques intéressantes. En effet, le bismuth est un semi-métal qui transite vers un état semi-conducteur lorsque l’on augmente la température. Le bismuth posséde une structure électronique particuliérement intéressante ce qui le rend trés attractif vis `a vis de l’électronique de par son anisotropie électronique mais également par son potentiel thermo-électrique [26] ou optique [27]. Les états électroniques de surface possédent un niveau de Fermi assez faible ce qui permettrait d’établir une transition du semi-métal vers le semi-conducteur en modifiant la taille des objets. Cependant, les propriétés du bismuth `a l’état massif sont radicalement altérées par les effets de tailles quantiques [28]. Cette transition ne s’effectuerait que sur des films de bismuth parfaitement cristallisés et de surface parfaitement plane. A l’échelle nanométrique, les effets de tailles étant trop importants cela rend la transition impossible. Cependant les surfaces du bismuth possédent un caractére beaucoup plus métallique que le massif. A l’échelle nanométrique, les nanoparticules auront donc un caractére plus métallique. Il est possible de synthétiser des nanoparticules de bismuth `a basse température, les clusters peuvent être facilement dispersés dans des solutions collo¨ıdales. De nombreuses techniques de synthése permettent ainsi de synthétiser des nanoparticules de bismuth de l’ordre de 3 `a 50 nm [29]. Elles sont généralement assez dispersées avec quelques domaines comprenant des amas de nanoparticules de bismuth. Cependant, lors de caractérisations par microscopie électronique `a transmission, le faisceau d’électrons irradiant les nanoparticules pendant un certain temps peut induire une coalescence [30]. Cela est du `a la sensibilité du point de fusion assez bas des nanoparticules de bismuth. Le bismuth, Z=83, de configuration électronique [Xe] 4f 145d 106s 26p 3 cristallise dans la structure du rhomboédrique typique des éléments semi-métalliques du groupe V, son groupe d’espace est le R3m (n˚ 166). Le bismuth rhomboédrique posséde un paramétre de maille de a=4,546˚A et α = 57.24˚ [30]. Chaque atome est entouré de trois proches voisins équidistants, puis les seconds voisins sont également équidistants et au nombre de 3 [31]. La maille est représentée sur la figure 1.11. La figure 1.13 présente différentes valeurs des distances entre plans en fonction des indices hkl. Les plans les plus intenses sont les (110) avec d*110 = 3.048 nm−1.

Table des matières

1 Synthése, structure et propriété des particules bimétalliques
1.1 Généralités sur les nanocomposites
1.1.1 Les nanoparticules monométalliques
1.1.2 Les particules bimétalliques
1.2 Le systéme FeBi
1.2.1 Structure et propriétés du bismuth
1.2.2 Structures et propriétés du fer
1.2.3 Particules bimétalliques – Fe@Bi
1.3 Les différentes voies de synthéses de nanoparticules bimétalliques
1.4 Méthode de synthése de nanoparticules bimétalliques mise en œuvre dans cette étude
2 Techniques expérimentales mises en œuvre pour étudier la structure et l’ordre atomique local
2.1 Techniques d’analyse structurale
2.1.1 Wide Angle X-ray Scattering (WAXS)
2.1.2 Microscopie Electronique en Transmission `a Haute Résolution (HREM)
2.1.3 La spectroscopie EXAFS (Extended X-ray Absorption Fine Structure) en transmission
2.2 Techniques de spectroscopie chimique
2.2.1 La spectroscopie photoélectronique `a rayonnement X (XPS)
2.2.2 STEM-EELS
2.2.3 Energy Dispersive Spectroscopy (EDS)
2.2.4 Spectroscopie Auger
Bibliographie
3 Influence des conditions de synthése sur la morphologie et la structure des particules de fer et de bismuth
3.1 Nanoparticules de bismuth
3.1.1 Réduction par diisopropylamine-borane `a température ambiante
3.1.2 Réduction par du TOP `a 150˚C
3.1.3 Réduction sous H2 `a 150˚C en présence de ligands
3.1.4 Résumé
3.2 Nanoparticules de fer
3.2.1 couplage iP r2NHBH3 et dihydrogéne
3.2.2 excés d’iP r2NHBH3 en présence de dihydrogéne
3.2.3 iP r2NHBH3 – dihydrogéne et ajout de ligands
3.2.4 Réduction par dihydrogéne en présence de ligands
3.2.5 Résumé
Bibliographie
4 Structure et ordre chimique dans les nanocomposites bimétalliques fer-bismuth
4.1 Etude des bimétalliques synthétises en deux étapes
4.1.1 Caractérisation d’un échantillon issu d’une réduction sous H2 en présence de ligands
4.1.2 Caractérisation d’un échantillon issu d’une réduction sous H2/TOP et en présence de ligands
4.1.3 Résumé
4.2 Etude des bimétalliques synthétisés en une étape ’one pot’
4.2.1 Caractérisation d’un échantillon issu d’une réduction sous iP r2NHBH3 et H2, sans agent stabilisant
4.2.2 Caractérisation d’un échantillon issu d’une synthése one pot sur différents paliers en présence d’iP r2NHBH3 et d’agents stabilisants
4.2.3 Caractérisation d’un échantillon issu d’une synthése one pot sur différents paliers en présence d’iP r2NHBH3 et d’agents stabilisants – modification
des ligands
4.2.4 Caractérisation d’un échantillon issu d’une synthése one pot sur différents paliers- Diminution du taux de précurseurs de bismuth
4.2.5 Résumé
Bibliographie
5 Analyse des mécanismes responsables de l’ordre structural
5.1 Inclusion de bore dans les nanoparticules de fer
5.2 Evolution de HMDS dans la synthése
5.3 Origine de la formation de l’ordre chimique Bi@Fe
Bibliographie

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