Théorie générale sur la coutume

La terre, denrée précieuse des peuples, est source de beaucoup de conflits à travers l’Afrique en général et la République démocratique du Congo en particulier. En fait, aujourd’hui plus qu’hier l’importance de la terre dans toute collectivité humaine est symbole fort de son identité, de la communauté pour la reproduction sociale. Il faut donc noter que l’existence de l’homme est liée à la terre et à ce qui sort de la terre. En République démocratique du Congo, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°71-021 du 21 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés, l’Etat a fait du sol et du sous-sol sa propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible. Il a, de ce fait, domanialisé toutes les terres de communautés locales. L’objectif poursuivi par cette réforme foncière importante était l’unification de toutes les règles de droit foncier tant sur le plan du fond que de forme. D’où comme l’affirme le professeur KALAMBAY, il n’existera donc plus de catégorie de « terres domaniales », opposée à celle de « terres coutumières », car toute terre vacante est désormais domaniale ; le patrimoine foncier de l’Etat comprend des biens fonciers du domaine public (qui sont hors commerce) et des biens fonciers du domaine privé de l’Etat qui sont concessibles et cessibles. Dans son domaine privé, l’Etat reconnaît un droit de jouissance aux communautés locales sur les terres qu’ils habitent, cultivent et exploitent d’une manière quelconque individuelle et collective conformément aux coutumes et usages locaux .

Théorie générale sur la coutume

Définition et place de la coutume en droit congolais 

Ce paragraphe est consacré à la définition (A), à la place de la coutume dans l’espace kongo (B), ses éléments constitutifs (C), sa naissance (D), ensuite sa force (E), et enfin ses limites (F).

Définition
Le dictionnaire Petit Robert 2002 définit la coutume comme une attitude collective d’agir transmise de génération en génération. Autrement dit, c’est une manière d’agir, pratique consacrée par l’usage qui se transmet de génération en génération. J. CARBONNIER, quant à lui, définit la coutume comme une règle de droit qui s’est établi, non par une volonté étatique émise en un trait de temps, mais par une pratique répétée des intéressés eux-mêmes, c’est-à-dire c’est un droit qui s’est constitué par l’habitude. Dans le même sens, le professeur Matthieu TELOMONO définit la coutume comme un ensemble de pratiques qui sont constantes ou permanentes d’une certaine conduite dans un cas donné et dans une société donnée, elle est dynamique pouvant donc changer et évoluer dans un temps et dans l’espace. Quant au lexique de termes juridiques, la coutume est définie comme étant une pratique, usage, habitude qui, avec le temps, et grâce au consentement et à l’adhésion populaire, devient une règle de droit bien qu’elle ne soit pas édictée en forme de commandement par les pouvoirs publics. Elle est issue d’un usage général et prolongé et de la croyance en l’existence d’une sanction à l’observation de cet usage.

A la lumière des définitions citées ci-haut, il convient de relever que la législation congolaise ne s’est pas préoccupé aux premières heures de donner une définition claire de la coutume bien qu’elle lui accorde une place importante, celle d’une source du droit. En effet, il importe de rappeler que l’article 1er de l’ordonnance du 14 mai 1886 disposait : « Quand la matière n’est pas prévue par un décret, arrêté ou par une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui relèvent de la compétence des tribunaux du Congo seraient jugées d’après les coutumes locales, les principes généraux du droit et l’équité ». Cette ordonnance fut bien plus tard abrogée par le code de procédure civile à son article 199 qui dispose : « L’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886 approuvée par le décret du 12 novembre 1886 et les décrets qui l’ont modifiée et complétée sont abrogés ». Mais alors que la République démocratique du Congo était une colonie belge, le législateur de la loi du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo belge dénommée habituellement « Charte coloniale » a reconnu l’existence de la coutume et son caractère d’être une source du droit congolais. En effet, l’article 4 alinéa 2 de la Charte coloniale disposait ce qui suit : « Les indigènes non immatriculés du Congo belge jouissent des droits civils qui leur sont reconnus par la législation de la colonie et par leurs coutumes en tant que cellesci ne sont contraires ni à la législation, ni à l’ordre public. Les indigènes non immatriculés des contrées voisines leur sont assimilés ». Cette disposition encore que se référant expressément à la matière des droits civils a été interprétée comme exprimant le principe suivant lequel le droit coutumier continue à régir la vie des indigènes non immatriculés.

De son côté, la législation sur les juridictions indigènes  édictait, parmi les règles de fond applicables par les juridictions, en disposant que : « Les tribunaux indigènes appliquent les coutumes pour autant qu’elles ne soient pas contraires à l’ordre public universel. Dans le cas où les coutumes sont contraires à l’ordre public universel, comme en cas d’absence de coutumes, les tribunaux jugent en équité. Toutefois, lorsque les dispositions légales ou règlementaires ont eu pour but de substituer d’autres règles à la coutume indigène les tribunaux indigènes appliquent ces dispositions légales ».

Quant à la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, elle n’édicte aucune règle en ce qui concerne les rapports du droit coutumier visà-vis du droit écrit et de l’ordre public.

La seule référence au régime coutumier qu’on y découvre gît dans l’article 191 alinéa 1er reconnaissant l’existence des tribunaux coutumiers : il y a eu au Congo des cours d’appel, des tribunaux de première instance, des tribunaux de district, des tribunaux de police et des tribunaux coutumiers.  L’article 2 de la même loi fondamentale disposait : « Les lois, les décrets et ordonnances législatives, leurs mesures d’exécution ainsi que toutes dispositions règlementaires existant au 30 juin 1960, restent en vigueur tant qu’ils n’auront pas été expressément abrogés, il s’ensuit que la législation sur les juridictions indigènes émanant du législateur ordinaire de la colonie par la voie de décret, était restée en vigueur, et qui l’était ainsi confirmée l’existence du droit coutumier applicable par lesdites juridictions ». Aussi bien que l’article 18 de cette législation continuait à produire tous ses effets, à savoir que les tribunaux indigènes appliquaient les coutumes pour autant qu’elles ne fussent pas contraires à l’ordre public universel et devaient appliquer les dispositions légales ou réglementaires ayant pour but de substituer d’autres règles à la coutume indigène.

Table des matières

INTRODUCTION
1-DE LA COUTUME
Section 1 : Théorie générale sur la coutume
§1. Définition et place de la coutume en droit congolais
A. Définition
B. Place de la coutume dans la hiérarchie des normes juridiques en droit congolais
9 C. Eléments constitutifs de la coutume
1. Elément matériel
2. Elément psychologique
12 D. Naissance de la coutume
E. Force de la coutume
F. Limites de la coutume
Section 2 : Coutume kongo et conception de la terre
§1. Appartenance à une parentèle
A. Structure de la famille
1. Foyer
2. Parentèle
3. Clan
§2 : Appropriation du sol
A. Par rapport au droit écrit
1. Caractères de la propriété
a. Un droit universel
b. Un droit exclusif
c. Un droit absolu
d. Un droit de propriété inaliénable
e. Un droit imprescriptible
2. Accès à la terre urbaine en droit congolais
23 a. Procédure d’accès à la terre urbaine
1° Le lotissement et la mise de la terre à la disposition du public
2° Le contrat de location : droits et obligations des parties
3. Accès à la terre rurale en droit congolais
a. Procédure d’acquisition des terres rurales
1° De l’enquête préalable
b. Conception de la propriété foncière kongo
1° Propriétaire du sol en droit coutumier
2° Gestion de la terre en droit coutumier
a. Rôles du chef de clan
1. Du rôle religieux
2. Du rôle de représentant
3. Du rôle juridique
3. Modes d’acquisition de la terre en droit coutumier
A. Modes pacifiques d’acquisition de la terre en droit coutumier
a. Droit du premier occupant
b. Du droit de hache et le droit de feu
c. Du mode d’acquisition par relation économique
d. Du mode d’acquisition par alliance
e. Des terres pignoratives
f. De la location de la terre comme mode d’acquisition temporel de la terre
g. Les esclaves
B. Modes violents d’acquisition de la terre en droit coutumier
a. Mode d’acquisition par déposition brutale
b. Le vol de la terre comme mode d’acquisition
CONCLUSION

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