Evaluation orthophonique

Evaluation orthophonique

Depuis 2004, l’American Speech-Language-Hearing

Association (ASHA) définit les rôles et les responsabilités de l’orthophoniste dans le champ de l’intervention précoce. L’association insiste sur l’importance du dépistage précoce permettant d’identifier les jeunes enfants à risque de développer des troubles de la communication et du langage. Elle insiste sur la nécessité de fournir aux jeunes enfants une évaluation langagière complète permettant, si besoin, d’élaborer des programmes d’intervention appropriés (Grevesse, 2015). L’évaluation du jeune enfant avec peu, voire pas de langage, se déroule sous trois angles différents : l’évaluation indirecte menée en partenariat avec les parents de l’enfant, l’évaluation des interactions entre les parents et l’enfant, et l’évaluation directe où l’orthophoniste interagit directement avec l’enfant (Grevesse, 2015). Ces trois aspects de l’évaluation fournissent à l’orthophoniste toutes les informations pertinentes au sujet de la communication verbale et non-verbale du jeune enfant.

Evaluation indirecte 

Anamnèse : La procédure d’évaluation orthophonique débute par une anamnèse approfondie du développement de l’enfant et plus spécifiquement de son développement langagier. Un entretien avec la famille donne au praticien des informations indispensables telles que l’étiologie des troubles si elle est connue, leur retentissement sur la vie quotidienne et sur l’intégration sociale de l’enfant, la présence de difficultés dans d’autres domaines développementaux, le caractère évolutif des troubles, les prises en soin passées ou en cours. Durant l’anamnèse, l’orthophoniste apprécie les stades de développement de l’enfant et s’intéresse à toutes les données médicales qui pourraient expliquer l’absence ou le retard de développement langagier (Grevesse, 2015). Le clinicien doit particulièrement examiner la sphère ORL et les fonctions oro-faciales : audition, présence d’otites, d’infections respiratoires, d’allergies, de reflux gastro-œsophagien, de bavage, et habitudes buccales et respiratoires de l’enfant (type de respiration, ronflement, bruxisme, capacités de mouchage). L’attitude de l’enfant dans ses divers milieux de vie (famille, crèche, école) permet à l’orthophoniste d’apprécier les aptitudes sociales de l’enfant et les éventuelles répercussions des troubles langagiers sur la socialisation et les relations avec ses pairs. Concernant le développement langagier, l’orthophoniste questionne sur la première année de vie de l’enfant : le caractère du bébé (souriant, communicatif, pleurnicheur, crieur, trop calme, agité), la production ou non de vocalisations et de babillage, la manière dont le bébé attirait l’attention de ses parents, etc. L’orthophoniste s’intéresse plus particulièrement à l’émergence du langage : l’âge des premiers mots et l’évolution lexicale, l’identification ou non d’une phase d’explosion lexicale entre 18 et 24 mois, l’âge où l’enfant a produit ses premières combinaisons de mots, son mode d’expression à l’entrée en école maternelle (Grevesse, 2015). L’orthophoniste évalue également la manière dont les parents décrivent le langage actuel de leur enfant, en veillant à demander des exemples concrets (Grevesse, 2015). Il interroge donc les parents sur la manière dont l’enfant se fait comprendre (mots, sons, cris, regard, gestes, utilisation d’objets ou d’images, etc.), son comportement quand on ne le comprend pas, la persévération de l’enfant pour se faire comprendre,  ses tentatives de réparation et leur efficacité, la présence ou non de colères, ainsi que la qualité de compréhension des consignes dans la vie quotidienne. Enfin, l’orthophoniste prend part au diagnostic des troubles des fonctions alimentaires chez l’enfant (Junqueira, 2015). Il convient donc de compléter l’entretien par des données sur l’alimentation, d’autant plus que 80 % des enfants avec handicap présentent des difficultés alimentaires (Manikam et Perman, 2000). 2. Questionnaires et inventaires parentaux : Les questionnaires et inventaires parentaux peuvent soit parcourir tout le développement de l’enfant, c’est le cas de l’Inventaire du Développement de l’Enfant (IDE) (Duyme et al., 2010), soit cibler seulement le développement du langage et de la communication, comme l’Inventaire Français du Développement Communicatif (IFDC) (Kern et Gayraud, 2010). Comme le précisent Duyme et al. (2010), les inventaires parentaux sont des outils simples et rapides qui engagent les parents en tant que partenaires dès le début du processus d’évaluation. L’expérience parentale est un élément indispensable pour les professionnels afin de comprendre le fonctionnement de l’enfant. Il faut d’ailleurs sensibiliser les parents à l’importance d’affiner leur l’observation de l’enfant au quotidien (Grevesse, 2015). L’orthophoniste peut situer le développement langagier de l’enfant parmi d’autres domaines développementaux tels que la socialisation, l’autonomie, la motricité fine et la motricité globale. Le type de profil recueilli, croisé avec les résultats d’autres évaluations, peut fournir un portrait complet et cohérent de l’enfant ainsi que des pistes pour le diagnostic (Grevesse, 2015). Les questionnaires parentaux sont analysés en identifiant les forces et faiblesses de l’enfant dans le domaine du langage et de la communication. B. Evaluation des interactions entre les parents et l’enfant : Pour communiquer, l’enfant a besoin d’un partenaire de communication. L’entourage de l’enfant, et plus particulièrement ses parents, joue un rôle essentiel. Les interactions entre le(s) parent(s) et l’enfant sont donc régulièrement ciblées lors de la prise en soin du jeune enfant avec peu ou pas de langage. Dès son bilan, l’orthophoniste doit évaluer les habiletés de l’entourage à communiquer avec l’enfant, en dépit de l’absence de langage de ce dernier (Grevesse, 2015). Monfort et al. (2005) proposent une grille d’observation détaillant les éléments à explorer tels que : la capacité de compréhension et d’interprétation des messages de l’enfant, le débit de parole des parents, les moyens de communication non-verbale utilisés par les parents, le dirigisme, l’ajustement aux besoins et aux intérêts de l’enfant, la possibilité de lui donner des feed-backs correctifs, les stratégies de réparation, la nature des énoncés, le respect du tour de parole, etc. L’orthophoniste est également incité à observer l’attitude générale des échanges. Il ne s’agit pas d’un jugement mais bien d’un outil indispensable à l’élaboration d’une intervention adaptée et individualisée (Grevesse, 2015). Les interactions entre les parents et l’enfant sont analysées avec attention afin de proposer d’emblée des pistes d’aide pour les parents. Toutes les données de l’évaluation sont croisées avec celles de l’anamnèse et des évaluations effectuées par d’autres professionnels afin d’émettre une hypothèse diagnostique (Grevesse, 2015).

Evaluation directe 

Lors de l’évaluation d’un jeune enfant avec peu ou pas de langage, l’orthophoniste examine essentiellement les principales fonctions de la communication sociale précoce, les rôles de l’enfant dans la communication et les moyens de communication qu’il utilise. 1. Fonctions de la communication : Chez le jeune enfant, on dissocie trois principales fonctions de communication : l’interaction sociale, l’attention conjointe et la régulation du comportement (Prizant et Wetherby, 1993). L’interaction sociale est la faculté d’attirer l’attention sur soi, elle implique les échanges ludiques avec ou sans objet et les jeux sociaux. L’attention conjointe renvoie au partage d’intérêt, c’est-à-dire à la « capacité d’attirer l’attention de l’autre sur un objet, une situation ou une personne notamment par le regard, les vocalisations et le pointage ». La régulation du comportement est la possibilité de modifier le comportement d’autrui pour obtenir de l’aide ou recevoir un objet convoité et la capacité de réguler son propre comportement à la suite d’une demande ou d’une consigne d’autrui (verbale et/ou gestuelle).

Rôles dans la communication

Selon Grevesse (2015), l’enfant peut endosser différents rôles dans l’interaction. Il peut initier la régulation du comportement pour modifier la conduite de l’adulte ou répondre à la régulation du comportement initiée par l’adulte. Il peut aussi initier, répondre et/ou maintenir l’interaction sociale et l’attention conjointe.

Moyens de communication

Les bébés et les jeunes enfants communiquent avec leur entourage bien avant l’apparition du langage. Tous les modes de communication doivent être évalués notamment l’attention conjointe, l’imitation et les gestes (Grevesse, 2015). Depuis de nombreuses années, le rôle de l’attention conjointe dans le développement des compétences sociales et communicatives est bien connu (Aubineau et al., 2015). L’attention conjointe suppose un partage d’intérêt et donc un triangle référentiel entre un objet, une personne ou une situation et deux partenaires de communication (Moore et al., 2014). Ce mode de communication apparaît de manière très précoce bien avant les premiers mots, et en tant qu’acte intentionnel de communication, joue un rôle dans le développement lexical (Mathiot et al., 2009). L’imitation implique la coordination de deux partenaires et l’intérêt de deux interlocuteurs pour la même chose (Grevesse, 2015). Dans certaines pathologies, notamment l’autisme, les enfants sont moins enclins à imiter que leurs pairs (Rogers et Dawson, 2020). Cette difficulté réduit considérablement les occasions d’apprentissage, en particulier dans le domaine social et langagier. Les premières étapes du développement du langage sont prédites par les gestes produits par les jeunes enfants (Rowe et Goldin-Meadow, 2009). De ce fait, le « vocabulaire gestuel » chez le jeune enfant de 18 mois, présage ses compétences lexicales à 42 mois. Lorsqu’un enfant utilise à bon escient un geste avant de pouvoir prononcer le mot, on peut alors penser que le mot est connu de l’enfant (Grevesse, 2015). Les gestes ont d’ailleurs un rôle dans le développement de la syntaxe (Namy et Waxman, 1998). Cette dernière émerge lorsque l’enfant combine 2 mots, mais aussi lorsqu’il combine un geste et une onomatopée ou un mot et un geste. Dès l’âge de 9 mois, les gestes du jeune enfant font référence à des actes de langage très divers : demander, attirer l’attention, montrer, donner, etc. 

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