Espaces publics et stations touristiques dans lʼhypermodernité

Espaces publics et stations touristiques dans lʼhypermodernité

L’approche méthodologique mise en œuvre a permis d’appréhender les représentations microterritoriales des stations touristiques. Les résultats de cette analyse sont à présent abordés de façon transversale afin de répondre de répondre aux hypothèses formulées en introduction. Si les enquêtes photographiques et l’identification des « nuages de représentations » sont les outils centraux sur lesquels reposent ces observations, elles sont également alimentées par les enquêtes menées dans le cadre des entretiens libres et semi- directifs. Un premier temps est consacré à la question de l’adéquation entre l’offre urbaine des stations contemporaines et la demande hypermoderne des destinataires qui les fréquentent. Les enquêtes révèlent que ces conceptions fordo-productivistes apparaissent aujourd’hui en grande partie dépassées, alors que les touristes hypermodernes sont en attentes de lieux urbains diversifiés, susceptibles d’accueillir leurs pratiques plurielles qui ne se réduisent pas à la seule fréquentation de la plage ou du domaine skiable. Cette recherche met également en évidence les principes qui structurent les représentations des espaces publics en station et qui traduisent la vision hypermoderne que les touristes portent sur eux. C’est enfin la problématique de leur attractivité et de leur accessibilité plurielle qui est abordée comme un enjeu de l’expérience touristique. Au-delà de l’accessibilité physique et sociale des espaces publics touristiques, il s’agit également de ne pas négliger leur dimension symbolique et leur lisibilité. La mise en scène des espaces publics peut alors constituer un levier des politiques d’aménagement en contribuant à la lisibilité urbaine de la destination en toute saison.

L’empreinte de l’hypermodernité sur les représentations « microterritoriales »

Les enquêtes menées à Gourette et Seignosse-Océan ont révélé combien l’empreinte de l’hypermodernité a un impact sur les représentations microterritoriales des stations de montagne et du littoral. Cette « empreinte » est déclinée à partir de trois dimensions clés : la dimension urbanistique de la « question naturelle », la dimension territoriale du mythe de l’ »authenticité » du cadre bâti et la dimension critique des conceptions fordiennes (autour du triptyque immeuble collectif, prépondérance accordée à l’automobile et saisonnalité touristique). La « question naturelle » au cœur de l’hypermodernité (chapitre 1) se traduit de façons diverses dans les représentations des touristes enquêtés en station. Si les paysages naturels sont évidemment des facteurs d’attractivité des destinations, l’intégration de la nature aux espaces publics participe également à l’institution des lieux urbains comme paysages. Par ailleurs, cette question naturelle tend plus globalement à muer en question environnementale. Les analyses effectuées révèlent que la nature, symbolisée principalement par le rapport à la mer, à l’océan ou à la montagne, reste un élément fort, voire central, de l’attractivité des touristes qui viennent en station pour se ressourcer, se dépayser et profiter du bon air de l’océan ou de la montagne – cliché 60.

La « question naturelle » est essentielle pour les touristes hypermodernes. Concernant les enquêtes « littoral », les enquêtés, rencontrés sur la plage, réalisent presque systématiquement une catégorie relative à ce paysage naturel, connoté très positivement et intitulé de façons diverses (tab.40). Lors des enquêtes « montagne », pour qualifier les photos où la présence de la « nature » est marquée, les destinataires enquêtés ont plutôt recours au vocable de « paysage » (comparativement moins employé dans les enquêtes « littoral »). Près de 70% des enquêtés évoquent cette notion de paysage, connotée de façon positive. Ce concept, par ailleurs largement développé par les géographes françaissujet, si la majorité des enquêtés souligne le rôle et l’attrait de la « nature » ou, plus largement du « paysage », tous ne donnent pas la même signification à ces notions qui restent parfois associées à des éléments contradictoires (entre nature relativement vierge et nature largement artificielle et socialisée ; entre paysage naturel et paysage du domaine skiable, etc.)On peut s’interroger sur la variabilité du vocabulaire employé entre les images du littoral et de la montagne. Pourquoi le concept de paysage est-il plus régulièrement mobilisé au sujet des clichés de station de montagne ? Sans prétendre apporter une réponse définitive et catégorique, on tenait à souligner que cette réalité pourrait en partie s’expliquer par l’idée de panorama, consubstantielle à celle de paysage (à l’heure de l’appareil photo numérique on parle d’ailleurs de « paysages panoramiques »). Le dénivelé offert par l’espace montagnard permet de parcourir du regard de vastes espaces, ouvrant ainsi un large panorama sur les paysages alentours. Fermons cette parenthèse. Si les définitions de ces concepts (nature et paysage) sont éminemment variables, il n’en reste pas moins que la « question naturelle » (au sens d’Alain TOURAINE – chapitre 1) s’impose dans les stations des sociétés hypermodernes.

 

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