SYNTHESE DES CONTRIBUTIONS, LIMITES ET PERSPECTIVES

SYNTHESE DES CONTRIBUTIONS, LIMITES ET PERSPECTIVES

L’innovation technologique est généralement basée sur des solutions techniques et technologiques novatrices mais chères en termes de recherche et développement. La théorie stratégique stipule donc qu’une technologie innovante et incertaine doit entrer sur le marché par le haut, et sera éventuellement trickled- down. C’est le cas de l’industrie du véhicule électrique en occident. A l’opposé du haut de gamme, le low-cost est aussi low-tech, une « simple » dégradation des fonctionnalités et des performances existantes qualifiant ainsi des strates de marchés inférieurs. Dans les pays émergents, l’innovation frugale (Jullien et al., 2013) et jugaad (Radjou et al., 2012) proposent de réaliser des produits moins chers mais sans dégradation dramatique des performances, et parfois même de faire mieux – comme dans le cas de la fiabilité des Dacia Logan sur routes dégradées. Mais qu’en est-il d’un produit à la fois low cost et proposant une innovation technologique ? Le cas des Micro VE chinois illégaux explorés dans les chapitres 2 et 4 de cette thèse, montre une telle trajectoire produit.

Ces adaptations frugales d’une technologie électrique à de véritables besoins de mobilité montrent qu’une innovation technologique peut aussi être ultra-low cost, jetant un pont entre deux notions à priori non compatibles. Mais la technologie électrique est en soi très simple. Dès lors, qu’est ce qui permet au véhicule électrique low-cost de séduire le marché de masse en Chine alors que leurs homologues plus haut de gamme, même soutenus par le gouvernement, n’y parviennent pas ? Tel que nous l’appréhendons en occident, le véhicule électrique est une disruption systémique (von Pechmann et al., 2015), une innovation à la fois disruptive (Bower and Christensen, 1995; Christensen, 1997) – une rupture pour le l’offre et pour la demande – et systémique (Teece, 1996), impliquant un système de complémenteurs nouveaux pour l’industrie. Cette disruption systémique est engagée dans une surenchère de technologie et de complémenteurs : borne de charge de plus en plus rapide et même sans contact, aides à l’achat de plusieurs milliers d’euros, fournisseurs de batteries lithium de capacité de plus en plus importante pour diminuer l’anxiété liée à l’autonomie insuffisante.

Si nous évoquons les applications dans les mobilités nouvelles comme l’autopartage électrique basé sur des stations (Chapitre 4), ce sont des systèmes développés avec et pour la ville nécessitant des aménagements urbains, des places de parking, de nouveaux acteurs au sein de business models innovants. Finalement, pourquoi une telle complexité, une telle systémicité ? plateforme disruptives adéquates (von Pechmann et al., 2015). Le cas des Micro VE chinois montre non seulement que la technologie électrique est simple et permet des ruptures de coût significatives, mais aussi que le véhicule électrique, réduit à sa plus simple et abordable expression, est également moins systémique. Ainsi, la Fig. 100 nous permet d’observer la corrélation entre coût et systémicité du produit. Ainsi, contrairement au trickle-down technologique, plus l’innovation technologique est systémique, plus elle est difficile à mettre en œuvre à partir du haut du marché. Non pas que la Tesla Model S n’a pas réussi, mais Tesla, qui n’est pas un constructeur automobile historique soumis à un dominant design fort, a décidé lui d’internaliser le déploiement de son propre réseau de charge et n’a pas encore engagé le marché de masse automobile.

Du point de vue du constructeur automobile historique, deux forces poussent à baisser la systémicité de l’innovation technologique. Premièrement, en bas du marché, les complémenteurs d’un véhicule électrique low-cost sont moins nombreux et plus matures. Ainsi, les MVE et les VE low-end (Chapitres 2 et 4), aux fonctionnalités suffisantes, interfacent avec des complémenteurs suffisants eux aussi mais surtout déjà disponibles et matures : la charge 220 V sur prise classique est ubiquitaire par exemple, et n’appelle pas la mise en place de nouvelles normes. Le complémenteur « infrastructure de charge », principal frein à l’adoption des VE plus haut de gamme, sort donc du problème. Deuxièmement, l’innovation moins systémique est plus proche du business as usual des constructeurs automobiles historiques, avec des processus davantage maîtrisés. Pas que la Kwid EV est un projet classique chez Renault, mais, et nous le voyons au Chapitre 5, il s’agit de vendre Kwid EV et d’en assurer la maintenance, sans devoir s’allier à des complémenteurs comme les réseaux de charge dédiés, les aides de l’état, etc. Une fois en bas du marché avec une innovation technologique low-cost, que faire ? Une stratégie trickle-up est-elle possible étant donné la difficulté de déploiement d’une disruption plus systémique ? Il faut pour cela s’intéresser à la dynamique d’apprentissage des complémenteurs. En partant du bas, une innovation systémique trickled-up permet aux complémenteurs – aux acteurs d’une plateforme disruptive en général – d’apprendre et de se mettre en phase.

 

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