Systèmes d’Euler

Systèmes d’Euler

Introduction

Dans ce chapitre, nous présentons les rouages de la technique des systèmes d’Euler. La méthode trouve ses origines dans les travaux de deux auteurs : F. Thaine [59] d’une part, qui a introduit une nouvelle méthode pour obtenir des annulateurs galoisiens du groupe des classes d’idéaux d’un corps de nombre abélien réel ; V. Kolyvagin [28] d’autre part, qui montre que le groupe de Shafarevitch et le groupe de Mordell-Weil de certaines courbes elliptiques sont finis. Dans [29], V. Kolyvagin synthétise les idées de ces deux travaux, et introduit les systèmes d’Euler, grâce auxquels il étend ses résultats et ceux de F. Thaine. Pour p 6= 2 un nombre premier et pour certaines extensions abéliennes de degré fini F/Q, où Q est soit Q soit un corps quadratique imaginaire dont l’anneau des entiers est principal, il détermine dans la plupart des cas les ordres des ψ-composantes du p-Sylow de Cl (OF ), où ψ : Gal (F/Q) −→ µp−1 ⊂ Z × p est un morphisme de groupes non trivial. La méthode est ensuite développée par divers auteurs, en particulier par K. Rubin, qui l’utilise pour démontrer dans un contexte très général, la conjecture de Gras et la conjecture principale de la théorie d’Iwasawa pour les unités cyclotomiques (voir l’appendice de [65]), ainsi que pour les unités elliptiques (voir [50] et [52]). Notre exposé suit de très près le travail de K. Rubin, à qui les résultats exposés ici (en particulier l’intégralité de la section 3.2) sont essentiellement dûs. Quelques adaptations ont dûes être faites lors des preuves (par exemple en section 3.3, et en annexe, section A.4) pour couvrir le cas p|#µ(k) et le cas de la caractéristique positive. Les résultats de la sous-section 3.4.1 sont les nôtres. Un point crucial est de prouver l’existence de systèmes d’Euler « initialisés » en chaque unité de Stark. Dans [51], K. Rubin a montré que si on néglige la condition de congruence (E4) dans la définition des systèmes d’Euler (voir définition 3.2.2.1), et si on « tord » les unités de Stark à l’aide d’annulateurs du module galoisien des racines de l’unité, alors de tels systèmes existent toujours. Cependant on est alors contraint d’éviter certains caractères lors de la preuve de la conjecture de Gras. C’est pourquoi il nous a paru préférable de procéder différemment et de distinguer le cas quadratique imaginaire et le cas des corps de fonctions. Dans le cas quadratique imaginaire, il est bien connu que les unités de Stark s’expriment à l’aide d’unités elliptiques, or il existe des systèmes d’Euler « initialisés » en chaque unité elliptique. Dans le cas de caractéristique non nulle, D. Hayes a démontré la conjecture de Stark à l’aide de modules de Drinfel’d (voir [21]). Notons k∞ le complété de k en ∞, (k∞) alg une clôture algébrique de k∞, et C∞ la complétion de (k∞) alg par rapport à l’unique valeur absolue prolongeant celle de k∞. Si on fixe un signe sgn : k × ∞ −→ k(∞) ×, où k(∞) est le corps des constantes de k∞, alors on peut considérer naturellement C∞ comme un Ok-module via l’utilisation de certains 31 Systèmes d’Euler. modules de Drinfel’d sgn-normalisés. Les unités de Stark sont alors obtenues à l’aide de certains points de torsion de C∞. C’est en utilisant cette constuction que nous pouvons déterminer explicitement des systèmes d’Euler « initialisés » en chaque unité de Stark.

Notations

On fixe un nombre premier p, un corps global k de caractéristique ρ 6= p. Si ρ = 0 on suppose que k est un corps quadratique imaginaire. On conserve les notations des chapitres précédents. Pour toute extension abélienne K/k de degré fini, on note AK la p-partie du groupe Cl (OK). On choisit aussi des idéaux premiers non nuls p1, …, pr de Ok, tels qu’on ait la décomposition suivante, Ak = hcl(p1)i × · · · × hcl(pr)i, (3.1.1.1) dans Cl (Ok), où cl(pi) est la classe de pi dans Cl (Ok). Si Ak est nul, on choisit r = 0 et {p1, …, pr} = ∅. Pour tout i ∈ {1, …, r} soit p ri l’ordre de hcl(pi)i, et soit αi ∈ Ok tel que p p ri i = (αi). Soit r := Xr i=1 ri , et soit m une puissance de p telle que p r = #Ak < m. Pour tout corps F, et tout n ∈ N, on note µpn(F) le groupe des racines p n -ièmes de l’unité dans F, et on pose µp∞(F) = ∞ ∪ n=0 µpn(F). On fixe l’extension K/k, abélienne de degré fini, de groupe de Galois G, ainsi que l’ensemble LK des idéaux maximaux de Ok premiers à p, tels que pour tout ℓ ∈ LK, ℓ est totalement décomposé dans K (µm′, √m α1, …, √m αr) /k, (3.1.1.2) où on a posé m ′ := m#µp∞(k) 1 . Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que l’ensemble LK dépend de m, bien que cela n’apparaisse pas dans la notation. D’autre part, nous remarquons que pour tout i ∈ {1, …, r}, puisque p ri < m, pi est ramifié dans k (µm′, √m α1, …, √m αr) /k, d’indice au moins mp −ri . En particulier tout ℓ ∈ LK est premier à Yr i=1 pi . 3.2 Les premiers rouages de la machinerie des systèmes d’Euler. 3.2.1 Constructions de certaines extensions cycliques. Pour tout idéal non nul m de Ok, on note wm le nombre de racines de l’unité dans k qui sont congrues à 1 modulo m (en particulier si ρ 6= 0, alors wm = 1). On pose aussi ek := #µ(k). Lemme 3.2.1.1 Pour tout ℓ ∈ LK, il existe une extension cyclique K(ℓ) de K de degré m, contenue dans le compositum K · Hℓ , totalement ramifiée en toutes les places de K au-dessus de ℓ, et non ramifiée partout ailleurs. Démonstration. Par la théorie du corps de classe, Gal (Hℓ/H) ≃ (Ok/ℓ) × /Im (µ(k)), (3.2.1.1) 1Si r = 0, la condition devient ℓ est totalement décomposé dans K (µm′ ) /k 32 où Im (µ(k)) est l’image de µ(k) dans (Ok/ℓ) × . Donc l’extension Hℓ/H est cyclique de degré (N(ℓ) − 1) wℓ/ek. Puisque ℓ est totalement décomposé dans k (µm′) /k (et dans le cas ρ = 0, premier à p), m ′ divise N(ℓ) − 1. Il en résulte que m divise (N(ℓ) − 1) wℓ/ek, et on en déduit que le sous-corps Fℓ de Hℓ fixé par Gal (Hℓ/H)m est une extension cyclique de H de degré m. Soit D := hσp1 , …, σpr i le sous-groupe de Gal (Fℓ/k) engendré par les automorphismes σpi := (pi , Fℓ/k). Soit D le sous-corps de Fℓ fixé par D. Soit L le souscorps de H fixé par Ak, Ak étant identifié à la p-partie de Gal (H/k) via l’isomorphisme d’Artin. D’après (3.1.1.1), on a D ∩ H = L. (3.2.1.2) Si σ ∈ D ∩ Gal (Fℓ/H), on déduit de (3.1.1.1) qu’il existe (e1, …, er) ∈ N r tel que σ = ((x), Hℓ/k), avec x := Yr i=1 α ei i . Or ℓ étant totalement décomposé dans k ( √m αi), αi est une puissance m-ième modulo ℓ, et ce pour tout i ∈ {1, …, r}. Donc x est une puissance m-ième modulo ℓ, et d’après (3.2.1.1), on en déduit σ = IdFℓ . On a alors vérifié que Fℓ = D.H. (3.2.1.3) De (3.2.1.2) et de (3.2.1.3) on déduit [D : L] = [Fℓ : H] = m. Or [L : k] est premier à p par construction de L, donc la p-extension maximale D ′ ⊆ D de k est linéairement disjointe de L, et vérifie D ′ k = D. Du diagramme ci-dessous, et puisque ℓ est non-ramifié dans K/k, on déduit aisément que K.D′ vérifie les conditions de la proposition. Fℓ D @ @ @ @ @ @ @ H m ~~~~~~~ Ak @ @ @ @ @ @ @ @ D A A A A A A A A L m }}}}}}}} A A A A A A A A D′ k m }}}}}}}}  Définition 3.2.1.2 On note SK l’ensemble des produits sans facteur carré d’idéaux appartenant à LK. Pour tout m ∈ SK, on pose K(m) :=  K si m = (1) K(ℓ1)· · · K(ℓj ) si m = ℓ1 · · · ℓj Remarque 3.2.1.3 Pour des raisons de ramification, pour (m, n) ∈ S2 K, on a – K(m) ∩ K(n) = K (m ∧ n), où m ∧ n est le plus grand commun diviseur de m et n. – K(m) · K(n) = K (m ∨ n), où m ∧ n est le plus petit commun multiple de m et n. 

Définition d’un système d’Euler

On fixe une clôture algébrique k alg de k, on note k sep la fermeture séparable de k dans k alg, et on note k ab la fermeture abélienne de k dans k sep . 33 Définition 3.2.2.1 Soit m 6= (0) un idéal de Ok. On note LK(m) l’ensemble des ℓ ∈ LK tels que ℓ ∤ m, et on note SK(m) l’ensemble des n ∈ SK tels que m ∧ n = (1). On note UK(m) l’ensemble des applications ε : SK(m) → 

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