Transparence par l’audit, transparence de l’audit l’audit tel qu’on le voit

Transparence par l’audit, transparence de l’audit l’audit tel qu’on le voit

De la méfiance envers les dirigeants à l’exigence de transparence

Dans les relations qu’un dirigeant d’entreprise entretient avec les diverses parties prenantes de son organisation, celui-ci occupe fréquemment la position de l’agent, et travaille, le plus clair de son temps, à l’abri des regards. A son doigt, pourrait-on dire, brille un anneau de Gygès. En conséquence, bien qu’on lui fasse suffisamment confiance pour le charger de diriger une structure, il est impératif, dans la perspective de la théorie de l’agence, de contenir l’opportunisme dont il pourrait éventuellement faire preuve. Au sein du dispositif de contrôle mis en œuvre pour ce faire, la comptabilité dite générale ou financière occupe un rôle de tout premier plan. Elle permet en effet d’offrir aux partenaires de l’entreprise une représentation chiffrée de cette dernière, ceci par l’intermédiaire de comptes, ou états financiers. Ces comptes comprennent notamment le bilan, le compte de résultat et l’annexe. Le bilan consiste en une description du patrimoine de la firme à un instant donné. Le compte de résultat mesure et analyse la variation de ce patrimoine au cours d’une période de temps définie. L’annexe commente et complète les informations fournies par le bilan et le compte de résultat. Ensemble, ces documents sont supposés donner de la réalité économique des organisations une image fidèle. Ils doivent ainsi permettre à leurs lecteurs-utilisateurs d’évaluer et donc de contrôler le travail accompli par les chefs d’entreprises, et de prendre leurs décisions sans risquer d’être trompé par ces derniers. En bout de course, la comptabilité sert de la sorte une valeur fondamentale : la paix sociale, le vivre ensemble (Colasse, 1997a, 1997b). Cependant, comment juger de la fiabilité d’un jeu de comptes donné lorsqu’on n’a pas été soi-même témoin des faits que ces comptes sont censés rapportés ? Evaluer la qualité d’une traduction sans disposer du texte original est, bien sûr, chose impossible. Or, les états financiers d’une organisation sont établis sous l’autorité même de celui qu’on cherche à contrôler – à savoir le dirigeant –, et l’on voit mal pourquoi l’éventuel opportunisme que l’on prête à ce dernier se muerait soudainement en une probité sans 27 faille, lorsque vient pour lui le moment de rendre des comptes. Pour que les documents comptables puissent contenir les possibles errements du patron, encore faut-il qu’ils n’en soient pas eux-mêmes la victime. En d’autres termes, si l’on veut réduire le risque que l’activité de reddition de comptes n’éclaire pas correctement les réalisations du chef d’entreprise, cette activité doit, pour commencer, être elle-même rendue tout à fait transparente.

La transparence, par la normalisation comptable et l’audit légal

Comment rendre tout à fait transparente l’activité de reddition de compte des dirigeants d’entreprises ? Une solution a peu à peu été mise en place pour rendre la chose possible : les pratiques productrices de comptes jugés fidèles ont été identifiées, et sont aujourd’hui codifiées sous la forme de principes, de normes, et de procédures à respecter (2.1). Le travail de comptabilisation réalisé au sein d’une entité donnée est jugé transparent s’il se conforme aux règles ainsi déterminées. Garantir cette conformité – c’est-à-dire rendre transparente l’activité de reddition de comptes – constitue le cœur-même de la mission des auditeurs légaux (2.2.). 

La normalisation : de la transparence du chemin menant à l’image fidèle

De multiples principes et normes comptables encadrent aujourd’hui la production des états financiers. La normalisation de la comptabilité est le produit de divers dispositifs institutionnels (2.1.1.) dont les productions s’appuient sur certaines théories scientifiques (2.1.2.). Les normes comptables qu’ils élaborent ont vocation à être de plus en plus nombreuses et détaillées (2.1.3.). Appliquées de bonne foi, elles sont censées permettre de produire une image fidèle de la réalité économique des entreprises (2.1.4.).

Les dispositifs institutionnels de normalisation

Les systèmes de normalisation comptable varient d’un pays à l’autre. En France, comme le souligne Colasse (1997a, p.2719), la codification de l’activité comptable remonte à une ordonnance de Colbert promulguée en 1673, appelée Code Savary. La réglementation et 9 Le contenu de cette sous-partie est principalement tiré de Colasse (1997a, 2000, 2005a et b). 28 la normalisation de la comptabilité ne prennent cependant toute leur ampleur dans notre pays qu’à partir de 1947, année de publication de la première édition du Plan Comptable Général (PCG). En 1957, 1982 et 1999, ce document – aujourd’hui élaboré par le CNC (Conseil National de la Comptabilité) – est révisé.10,11 En 1983, afin de donner suite à une directive européenne sur la structure et le contenu des comptes annuels, le Parlement français vote une loi qualifiée de « loi comptable ». Cette loi est rapidement suivie d’autres textes législatifs, décrets, et arrêtés. Un véritable droit de la comptabilité prend ainsi forme et se développe. Depuis le 1er janvier 2005, suite à un règlement de la Commission européenne, les sociétés françaises faisant appel public à l’épargne doivent présenter leurs comptes consolidés selon les normes IAS/IFRS (International Accounting Standards/International Financial Reporting Standards) produites par l’IASB (International Accounting Standards Board) ; les sociétés non cotées peuvent faire de même si elles le désirent ; les comptes individuels, en revanche, continuent d’être régis par le PCG ; celui-ci ne cesse néanmoins de s’aligner sur les normes internationales.12 2.1.2.Les fondements théoriques de la normalisation comptable Pour normaliser la comptabilité, les dispositifs institutionnels se sont appuyés, dans un premier temps, sur un ensemble de théories qualifiées de classificatoires (2.1.2.1.), avant d’opter, dans un second temps, pour des approches dites normatives (2.1.2.2.).

Les théories comptables classificatoires

Fondées sur une démarche inductive, les théories classificatoires visent à dévoiler, à expliciter et à classifier les principes au fondement de la pratique comptable. Développées aux États-Unis de la fin des années 1930 au début des années 1970, elles influencent à l’époque la définition des US-GAAP (Generally Accepted Accounting Principles).13 La première du genre est celle de Paton (1936), commandée par l’AAA (American Accounting Association), et intitulée A tentative statement of accounting principles underlying corporate financial statements (« Une tentative d’établissement des principes comptables sous-tendant l’élaboration des états financiers d’entreprises »).14 On pourrait également citer le travail de Moonitz (1961), réalisé à la demande de l’AICPA (Accounting Institute of Certified Public Accountants), et titré The basic postulates of accounting (« Les postulats fondamentaux de la comptabilité »).15,16 En France, le premier ouvrage dédié aux principes comptables paraît en 1981 à l’initiative de l’OECCA (Ordre des Experts-Comptables et Comptables Agréés). D’autres classifications sont ensuite développées, dont celle de Lassègue, particulièrement détaillée (1996).17 Colasse (1997a) en propose également une, que nous exposons ici pour son caractère synthétique. Selon lui (1999, pp.2721-2722), si l’on considère la comptabilité comme un instrument de modélisation de l’entreprise, on peut classer les principes comptables en deux catégories, et distinguer ainsi des principes d’observation et des principes de mesure.

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