Transporteur ABCA3 dans les leucémies aiguës myéloïdes

Transporteur ABCA3 dans les leucémies aiguës myéloïdes

Les leucémies aiguës myéloïdes

 Les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) représentent un groupe hétérogène d’hémopathies malignes caractérisées par la prolifération de cellules hématopoïétiques de la lignée myéloïde bloquées à un stade précoce de leur maturation. Ces cellules malignes sont communément appelées « blastes ». Dans le modèle le plus répandu actuellement, le processus de transformation d’une cellule hématopoïétique normale en cellule tumorale requiert l’accumulation d’un ou plusieurs évènement(s) génétique(s) qui conduisent à l’émergence d’un clone cellulaire anormal possédant un avantage prolifératif par rapport aux cellules médullaires saines. L’acquisition d’au moins 2 de ces événements a longtemps été considérée comme indispensable à cette transformation : association d’au moins un événement dans un gène dit de classe I (impliqué dans la prolifération, tel que FLT3) avec au moins un événement dans un gène dit de classe II (responsable d’un blocage de maturation, tel que le transcrit de fusion PML-RARA) (Kelly and Gilliland 2002). Des études moléculaires récentes ont démontré que le phénomène de transformation leucémique est en réalité plus complexe, et 8 groupes d’anomalies génétiques conductrices (H. Döhner, Weisdorf, and Bloomfield 2015) dans les LAM sont maintenant bien individualisés, parmi lesquelles figurent les altérations de la mécanique d’épissage (Figure 1). L’organisation mondiale pour la santé (OMS) a révisé en 2016 (Arber et al. 2016) sa classification des cancers pour les LAM (Tableaux 1 et 2), avec une prise en compte plus importante des anomalies moléculaires dans la hiérarchisation. Les LAM y sont définies comme la présence de « blastes » dans la moelle osseuse, ceux-ci devant représenter plus de 20% de la cellularité médullaire totale, excepté en cas d’identification de certaines anomalies génétiques récurrentes et spécifiques des LAM : les anomalies chromosomiques de type t(15;17);PML-RARA, inv(16) ou t(16;16);CBFB-MYH11 et t(8;21);RUNX1-RUNX1T1.

Données épidémiologiques

L’Institut National du Cancer (InCa) a estimé le nombre de cas de LAM en France en 2018 à 3428 (soit 62% de l’ensemble des leucémies), avec un âge médian à 69 ans pour les hommes et 72 ans pour les femmes, soit un taux d’incidence standardisée sur l’âge de 4,9 (femmes) à 5,7 (hommes) pour 100 000 habitants (Le Guyader-Peyrou et al. 2019), ce qui est comparable aux données de la base SEER (Surveillance Epidemiology and End Results) aux Etats-Unis. Ce taux d’incidence est en légère augmentation depuis les années 1990, avec environ +1% entre 1990 et 2018. A l’échelle individuelle, l’incidence augmente progressivement avec l’âge, avec une accélération notable à partir de 50 ans (Figure 2). Chez l’enfant (de 0 à 14 ans), durant la période 2004-2008 en France, 16% des leucémies avaient un phénotype myéloïde, avec un taux d’incidence de 6,2 par million d’habitant et par an (incidence standardisée sur l’âge, ASR, de 6,4/106 /an), stable sur les 3 dernières décennies et un sex-ratio de 1,1 (Lacour et al. 2010). La majorité (80%) des leucémies pédiatriques sont des leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL).  Chez l’enfant comme chez l’adulte, il est difficile de dégager une cause unique au développement d’une LAM, mais certains facteurs de risque notables sont bien connus et favorisent le développement des LAM dites secondaires. Un traitement antérieur par radiothérapie et/ou chimiothérapie, notamment par agents alkylants ou inhibiteurs de topoisomérase II, entraîne un surrisque de développer une hémopathie maligne : on parle alors de LAM liée aux traitements (Belitsky et al. 2020). Une maladie médullaire chronique, telle qu’un syndrome myélodysplasique ou myéloprolifératif, peut également évoluer vers une LAM, le risque étant différent en fonction de la maladie, des anomalies génétiques sousjacentes et du pourcentage de blastes (Tefferi and Vardiman 2009). De même, certaines mutations génétiques constitutionnelles (résumées dans le Tableau 3) prédisposent aux hémopathies malignes. Des mutations somatiques prédisposant aux hémopathies myéloïdes peuvent être acquises au cours de la vie sur une certaine proportion de cellules médullaires, phénomène dit d’hématopoïèse clonale de signification indéterminée (CHIP, clonal hematopoiesis of indeterminate significance) si la fréquence allélique (VAF, variant allele frequency) de cette mutation est supérieure ou égale à 2% (Steensma 2018), en l’absence de – 18 – cytopénies ou d’une hémopathie. Le risque de transformation est estimé entre 0,5 et 1% par an. 

Prise en charge diagnostique

Les LAM peuvent se révéler cliniquement de diverses manières. Le plus fréquemment, elles sont suspectées devant l’association d’un syndrome d’insuffisance médullaire (anémie, thrombopénie et leucopénie) et d’un syndrome tumoral (hépatomégalie, splénomégalie, adénopathies). Certaines localisations tumorales sont assez typiques des LAM, notamment l’hypertrophie gingivale et les atteintes tissulaires (appelées chloromes), de localisation le plus souvent neuro-méningée, osseuse et cutanée (que l’on dénomme alors leucémides). Parfois, ces leucémies se révèlent d’emblée par leurs complications métaboliques : hémorragie profonde avec ou sans coagulopathie, syndrome de lyse tumorale ou leucostase. Devant de telles anomalies cliniques et/ou biologiques, la réalisation en urgence d’un hémogramme s’impose et oriente fortement le diagnostic : mise en évidence de cytopénies, éventuellement signes de dysmyélopoïèse ou blastose circulante. Une blastose sanguine circulante peut être présente mais ne reflète pas le degré d’envahissement médullaire. Les dernières recommandations internationales de prise en charge diagnostique des LAM pédiatriques datent de 2012 (Creutzig et al. 2012) mais des recommandations plus récentes ont été émises pour les patients adultes par l’European LeukemiaNet (ELN) (H. Döhner et al. 2017) et devrait bientôt être actualisées au vu des progrès récents (Estey 2020). Une mise à jour pédiatrique sera prochainement disponible. Une fois le diagnostic de LAM suspecté, la réalisation rapide d’une analyse de la moelle osseuse, recueilli lors d’un myélogramme, est indispensable en vue de la réalisation d’examens : cytologiques, cytochimiques, immunophénotypiques (appartenance de lignée, recherche d’un immunophénotype aberrant associé à la leucémie ou LAIP, leukemia-aberrant immunophenotype), cytogénétiques (caryotype métaphasique, fluorescence in situ par hybridation (FISH) interphasique) et moléculaires (recherche de transcrits de fusion, de mutations, de surexpressions géniques…). Par ailleurs, il est utile de prélever un excédent de sang médullaire en vue d’analyses ancillaires, à des fins de recherche comme de diagnostic. En cas d’aspiration pauvre ou de suspicion de syndrome myélodysplasique, la réalisation d’une biopsie ostéo-médullaire est recommandée. En cas de contre-indication à la réalisation immédiate d’un myélogramme, ces analyses peuvent être réalisées via un prélèvement sanguin veineux (la rentabilité étant d’autant meilleure que la blastose circulante est importante). Les cellules, ADN et ARN extraits de ces prélèvements doivent être si possible conservés, avec accord du patient, au sein de bio-banques centralisées afin de faciliter la recherche sur ces maladies rares. Le bilan d’extension de la maladie est essentiellement clinique : examens neurologique et dermatologique complets, état des lieux des atteintes tumorales et recherche de complications hémorragiques ou métaboliques (syndrome de lyse tumorale, coagulopathie, leucostase). Contrairement aux patients adultes, la recherche d’une atteinte neuro-méningée par analyse du liquide cérébro-spinal est systématique chez l’enfant et est réalisée le plus tôt possible. Elle peut cependant être décalée de quelques jours en cas de contre-indication à la ponction lombaire, notamment en raison de troubles de l’hémostase ou d’une hyperleucocytose majeure. Elle doit néanmoins être effectuée dans la première semaine de traitement, excepté pour les leucémies aiguës promyélocytaires. En cas d’atteinte neurologique clinique, une imagerie cérébrale, préférablement par résonance magnétique, est indispensable pour distinguer des manifestations hémorragiques de localisations tumorales. Il conviendra bien entendu de réaliser également tous les autres examens nécessaires au bilan pré-thérapeutique du patient : évaluation des fonctions hépatique et rénale, échocardiographie, électrocardiogramme, groupages sanguins érythrocytaires, sérologies pré-transfusionnelles et typage HLA en vue d’une éventuelle transplantation de cellules souches hématopoïétiques (TCSH) allogénique.

Table des matières

 INTRODUCTION
1. Les leucémies aiguës myéloïdes
1.1. Définitions et épidémiologie
1.2. Prise en charge diagnostique
1.3. Caractéristiques biologiques
1.3.1. Caractéristiques cytogénétiques
1.3.2. Caractéristiques génomiques
1.3.3. Caractéristiques épigénétiques
1.3.4. Caractéristiques transcriptomiques
1.3.5. LAM et microenvironnement
1.4. Traitement actuel des LAM
1.5. Perspectives thérapeutiques
2. Epissage des ARN prémessagers
2.1. Le spliceosome.
2.2. Epissage alternatif
2.3. Epissage et maladies humaines
3. Epissage alternatif et cancer
3.1. L’épissage alternatif pathologique comme une nouvelle caractéristique des cellules cancéreuses
3.2. Apport théranostique de l’épissage alternatif dans les cancers
3.3. Thérapies ciblant l’épissage en cancérologie
3.4. Epissage alternatif dans les LAM.
4. Impact du gène ABCA3 dans les hémopathies malignes
4.1. La famille des ABC transporteurs
4.2. ABCA3 : structure, fonction et pathogénie
4.3. ABCA3 et résistance aux traitements du cancer, mécanismes et impacts pronostiques
OBJECTIFS
RESULTATS
PARTIE 1 : IMPACT PRONOSTIQUE DE L’EXPRESSION D’ABCA3 DANS LES LAM DE L’ADULTE ET DE L’ENFANT
ABSTRACT
INTRODUCTION
PATIENTS & METHODS
RESULTS
DISCUSSION
REFERENCES
SUPPLEMENTARY DATA
PARTIE 2 : L’EXCLUSIONDE L’EXON 19 D’ABCA3 MODULE SON IMPACT PRONOSTIQUE DANS LES LAM
1. Impact structurel de l’exclusion de l’exon 19 d’ABCA3
2. L’exclusion de l’exon 19 confère un pronostic défavorable dans les LAM pédiatriques
PARTIE 3 : PROPOSITION D’UN NOUVEAU SCORE TRANSCRIPTIONNEL ET POSTTRANSCRIPTIONNEL DANS LES LAM PEDIATRIQUES
INTRODUCTION
RESULTS
DISCUSSION
REFERENCES
SUPPLEMENTARY DATA
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
REFERENCES
ANNEXES

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *