Tuberculose multirésistante

Tuberculose multirésistante

La tuberculose est la première cause de mortalité infectieuse dans le monde avec 4 millions de décès par an. On estime qu’un tiers de la population mondiale est infecté par le Mycobacterium tuberculosis (MTB) avec plus de 8 millions de nouveaux cas de tuberculose active par an. Au Sénégal, il a été rapporté en 2012, 12810 cas de tuberculose dont 32 cas de tuberculose multirésistante et un taux de mortalité de 3% [56]. La tuberculose multirésistante touche 480 000 personnes à travers le monde dont 60% se trouve au Brésil, en Chine en Inde, en Russie et en Afrique du Sud. La tuberculose est une infection mycobactérienne chronique liée, dans la majorité des cas, au M. tuberculosis (ou bacille de Koch). Dans 90% des cas, la prolifération de M. tuberculosis est limitée par les défenses immunitaires de l’hôte. Les bacilles peuvent cependant rester sous forme latente dans l’organisme, d’où la notion de tuberculose-infection latente. Dans environ 10% des cas, la tuberculose latente peut évoluer vers la tuberculose active ou tuberculose-maladie. Aujourd’hui seul le BCG, largement utilisé dans le programme élargi de vaccination, est utilisé pour lutter contre les formes graves de l’infection chez l’enfant mais il ne protège pas contre la tuberculose pulmonaire qui est la forme la plus répandue ; de plus, cette protection ne s’applique pas sur toutes les tranches d’âge [48]. Au cours des 5 dernières années, une augmentation alarmante de la tuberculose multirésistante a été notée notamment en Europe orientale, en Asie et en Afrique australe [8, 68]. La tuberculose pulmonaire résistante aux médicaments (DR-TB) est causée par des souches de M. tuberculosis (MBT) qui sont résistantes aux médicaments antituberculeux. Il est supposé que la résistance aux médicaments est surtout liée à l’accumulation de mutations des gènes de M. tuberculosis [49]. La tuberculose multirésistante (MDR-TB) est une forme particulière de tuberculose résistante aux médicaments. Elle se développe en cas de résistance de M. tuberculosis à au moins l’isoniazide et rifampicine, les deux médicaments antituberculeux majeurs [65]. Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (2010) les MDR primaires à MBT comprennent environ 4% de l’ensemble des cas de tuberculose nouvellement détectés. De plus avec le TB-MDR, la morbidité et la mortalité deviennent de plus en plus élevées malgré une prise en charge adéquate thérapeutique des patients [21, 46]. De nos jours, ce n’est pas la monorésistance aux médicaments antituberculeux qui fait l’objet de préoccupations mais le plus grand souci réside dans la multirésistance à la combinaison des principaux médicaments antituberculeux utilisés dans des protocoles thérapeutiques standards .Les premiers foyers de TBMR ont été identifiés dès la fin des années 1980 . L’émergence d’une forme encore plus virulente de la tuberculose, la tuberculose ultrarésistante (“Extensively Drug Resistant Tuberculosis” ou [XDR TB] ou [TB UDR] ou [TB UR]) a récemment été définie comme une résistance non seulement à l’isoniazide et à la rifampicine mais également à au moins trois des six grandes classes d’antituberculeux de seconde ligne. Les véritables causes de la multirésistance aux antituberculeux ne sont pas encore élucidées bien que des facteurs de risques et des prédispositions génétiques aient été cités comme pouvant être à l’origine de cette multirésistance [8]. Sur le plan immunologique, peu d’études ont été faites chez les sujets tuberculeux multirésistants bien que des études sur la production de certaines cytokines impliquées dans l’immunopathogenèse de la TB MR ont été réalisées. Au cours de l’infection à M. tuberculosis, les cellules T effectrices et les cellules “Natural Killer” (NK) produisent l’IFN-γ qui joue un rôle essentiel dans l’élimination de la bactérie en stimulant les macrophages alvéolaires qui vont induire la production de métabolites actifs permettant l’élimination du pathogène [49]. Des études récentes ont décrit une baisse progressive, voire même un tarissement de la production de l’IFN-γ chez les sujets ayant une tuberculose multirésistante, mais une fois que ces patients ont subi une ablation chirurgicale des zones caséeuses, il a été noté un regain de la sécrétion d’IFN-γ suivi d’une guérison. C’est ainsi que nous nous sommes proposé d’étudier la production d’IFN-γ chez les patients souffrant d’une tuberculose multirésistante au Sénégal. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer la production d’’IFN-γ après stimulation avec des peptides spécifiques de M. tuberculosis chez des sujets atteints de tuberculose multirésistante au Sénégal. Les objectifs secondaires consistaient à : – Comparer la production d’IFN-γ chez des patients atteints de TB MR par rapport à des patients atteints de tuberculose latente et des patients atteints des tuberculose active; – Vérifier si le taux lymphocytaire T n’influe pas sur la production d’IFN-γ ; – Identifier les gènes de résistance aux antituberculeux de première ligne chez ces patients TB MR. L’hypothèse principale est que les patients atteints de tuberculose multirésistante seraient incapables de répondre suffisamment à une stimulation à des peptides spécifiques de M. tuberculosis car l’immunopathogenèse de la multirésistance serait liée à un déficit de la fonction effectrice des lymphocytes T.

GENERALITES SUR LA REPONSE IMMUNITAIRE ANTITUBERCULEUSE 

tuberculosis est une bactérie à localisation pulmonaire ou extra pulmonaire. La voie respiratoire sert en effet de point d’entrée, ce qui fait que les atteintes pulmonaires constituent les principales manifestations cliniques de la maladie [10]. C’est une bactérie intracellulaire facultative capable de survivre dans les cellules mononuclées où elle peut échapper aux mécanismes de défenses immunologiques de l’hôte [30]. La capacité des mycobactéries à survivre dans la cellule hôte est surtout due à leur métabolisme lent ainsi qu’à la capacité du bacille à inhiber le complexe phagosome-lysosome et permettre ainsi l’acidification du phagosome [25]. M. tuberculosis exprime des gènes qui lui permettent d’échapper au système immunitaire de même qu’au traitement par des antibiotiques (figure 1) [14]. Figure 1 : Physiopathologie de M. tuberculosis les différentes étapes de la présentation antigénique. www.thelancet.com/respiratory Published online March 24, 2013 http://dx.doi.org/10.1016/52213-2600 (14)70033-5 

 Immunité antimucosale contre M. tuberculosis  

Le rôle des IgA sécrétoires dans l’immunité muqueuse contre M. tuberculosis Le rôle de l’immunité humorale antituberculeux reste controversé. Récemment des études ont montré le rôle protecteur de certains anticorps sécrétoires antituberculeux tels que les IgA sécrétoires [1, 47]. Ces IgA constituent la première barrière de défense au niveau des muqueuses contre les agents pathogènes, permettant la neutralisation des mycobactéries et l’inhibition de leur adhérence au niveau de la muqueuse respiratoire. I.2. Immunité cellulaire contre M. tuberculosis L’immunité antituberculeuse est essentiellement de type cellulaire [11], faisant intervenir principalement les lymphocytes T, les phagocytes, les polynucléaires (figure 2). Le devenir d’une infection tuberculeuse dépend de la virulence du M. tuberculosis et du statut immunitaire de l’hôte. Le risque de développer une tuberculose active après la primoinfection augmente avec le degré d’immunosuppression. Les mycobactéries sont contenues dans les gouttelettes d’expectoration des patients bacillifères expulsées au cours des efforts de toux ou d’éternuement. Après inhalation par une personne contacte, il peut se produire une primo-infection, infection aigue asymptomatique et non contagieuse . Les bacilles sont dirigés jusqu’aux alvéoles où ils sont phagocytés par les macrophages alvéolaires. Il s’en suit une réponse immunitaire cellulaire à prédominance Th1 dont le stade ultime est la formation d’un granulome inflammatoire. Les cellules dendritiques phagocytent les mycobactéries, migrent jusqu’aux ganglions, y présentent les peptides bactériens aux lymphocytes T CD4+ naïfs qui, après différenciation, retournent dans le poumon et forme un granulome où une réponse anti infectieuse sera initiée. Au niveau du granulome, on y retrouve les trois types cellulaires indispensables à une réponse protectrice contre le BK (macrophages, lymphocytes T CD4+ et lymphocytes T CD8+ ) qui empêche la réplication des bactéries. Les macrophages phagocytent les mycobactéries qui seront détruites après activation. Par contre s’il y’a rupture, liquéfaction et lésions caséeuses, les mycobactéries atteignent la circulation générale et là interviennent les cellules du système immunitaire. Les lymphocytes Th1 sont les principales cellules de la réponse anti-M. tuberculosis. Elles produisent essentiellement l’IFN-γ, l’interleukine 12 (IL-12) et le facteur de nécrose des tumeurs alpha (TNF-α). Au cours de la phase précoce de l’infection, les lymphocytes Th17 vont équilibrer la réaction des neutrophiles empêchant ainsi une forte réaction inflammatoire préjudiciable à l’organisme [16]. Figure 2 : Les différentes étapes de l’infection de la tuberculose et les mécanismes cellulaires de défense de l’organisme. I.3. Rôle de la réponse cytokinique dans la réponse anti-M. tuberculosis  L’IFN-γ Certaines cytokines comme l’IFN-γ peuvent être produites par les cellules épithéliales de la muqueuse pulmonaire [62]. L’IFN-γ peut induire directement la phagocytose des mycobactéries par les macrophages alvéolaires par un mécanisme d’ADCC [18]. Il est également un régulateur essentiel à la présentation antigénique des peptides de M. tuberculosis en augmentant l’expression des molécules de co-stimulation du CMH [7]. La production d’IFN-γ est utilisée comme moyen de diagnostic de M. tuberculosis après stimulation avec des peptides spécifiques parce qu’il permet une discrimination de M. tuberculosis avec les autres mycobactéries ; en plus il empêche les réactions croisées [2]. L’IFN-γ a un rôle essentiel pour l’activation des macrophages [8]. Les lymphocytes T CD8+ , capables aussi de produire de l’IFN-γ, ont pour rôle de lyser les macrophages infectés et inefficaces. Infection par M. tuberculosis Tuberculose latente Passage de la TB latente à la TB active Tuberculose active La sensibilité à la survenue de la maladie tuberculeuse et/ou sa sévérité pourrait être associée(s) à des polymorphismes isolés ou combinés des promoteurs des gènes, soit de l’IFN-γ ou de son récepteur de type 1 [10]. L’IFN-γ, cytokine pro-inflammatoire essentielle dans le contrôle de l’infection peut tout aussi bien participer à sa propagation. En excès, ce sont ses effets immunopathologiques qui sont prédominants, à savoir destruction tissulaire et cavitation qui favorisent la dissémination du BK. Tout est donc dans le juste équilibre du taux d’IFN-γ. Dans les modèles animaux, c’est la quantité totale de cytokine produite qui est un facteur prédictif de la progression vers la tuberculose maladie et non le nombre de lymphocytes T sensibilisés [52].  Le TNF-α C’est un autre médiateur sécrété par les macrophages activés et les cellules épithéliales des poumons; il est essentiel dans l’induction de la réponse immunitaire contre M. tuberculosis . Il contribue à la formation de granulomes au niveau pulmonaire, ce qui permet une séquestration des mycobactéries au niveau du granulome [61, 64]. Comme l’IFNγ, le TNF-α joue un rôle important dans l’activation des macrophages [61], l’induction de l’apoptose et la nécrose des macrophages infectés .L’IL-12 C’est une cytokine immunorégulatrice qui lie l’immunité innée et l’immunité adaptative .Il est principalement produit par les macrophages et sa sécrétion est essentielle pour l’immunité anti-M. tuberculosis. Il augmente la sécrétion d’IFN-γ et l’activation des cellules NK naïves .Le GM-CSF C’est un médiateur produit par les cellules épithéliales des alvéoles et des voies respiratoires, les macrophages. Il a un rôle d’immunorégulation et serait un bon adjuvant efficace pour le développement d’un vaccin contre la tuberculose .

Orchestration de la réponse anti-M. tuberculosis

 Au cours de l’infection par le M. tuberculosis, la phagocytose est initiée par les macrophages alvéolaires qui vont réguler la sécrétion des cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-𝛼. Les lymphocytes T effecteurs et les cellules NK vont sécréter de l’IFN-𝛾 qui vont activer les macrophages alvéolaires qui, à leur tour, vont déclencher une réaction immédiate en sécrétant des nitrogènes et des dérivés oxygénés qui inhibent la prolifération des mycobactéries et induisent leur élimination [60]. Les cellules présentatrices d’antigènes (macrophages et cellules dendritiques), vont produire l’IL-12 qui permet la migration des cellules dendritiques vers les ganglions lymphatiques où va se dérouler la présentation des peptides antigéniques qui joue un rôle important dans l’induction de la réponse innée et adaptative (figure 3). Certaines études ont même montré qu’une déplétion des gènes des récepteurs de l’IFN-𝛾 et de l’IL-12 serait associée à une susceptibilité de contracter la tuberculose . Les lymphocytes TCD8+ spécifiques de M. tuberculosis vont amorcer le transfert des antigènes de M. tuberculosis au niveau du cytosol ou par cross-présentation médiée par absorption des vésicules apoptotiques des mycobactéries qui vont être présentées par les cellules dendritiques aux macrophages .De plus au cours de l’infection chronique, il a été noté une diminution progressive de l’activité cytolytique des lymphocytes T CD8+ comparés à des sujets sains .

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
I. GENERALITES SUR LA REPONSE IMMUNITAIRE ANTITUBERCULEUSE
I.1. Immunité antimucosale contre M. tuberculosis
I.2. Immunité cellulaire contre M. tuberculosis
I.3. Rôle de la réponse cytokinique dans la réponse anti M. tuberculosis
I.4. Orchestration de la réponse anti-M. tuberculosis
II. GENERALITES SUR LES METHODES DE DIAGNOSTIQUES DE LA TUBERCULOSE
II.1. Diagnostic de l’infection tuberculeuse latente
II.2. Diagnostic de la tuberculose active
II.2.1.Examens cliniques
II.2.2.Examens radiologiques
II.2.3.Diagnostic bactériologique ou diagnostic de certitude
II.3. Les nouvelles méthodes de diagnostic
II.4. Les médicaments antituberculeux
II.5. Concept de base de la résistance
II.5.1. La multirésistance
II.5.1.1. Les facteurs de risque de la multirésistance
II.5.1.2. Mécanismes de résistance
II.5.1.3. Tests détection de la résistance
II.5.2. Traitement de la multirésistance
DEUXIEME PARTIE
I. METHODOLOGIE
I.1. Cadre d’étude
I.2. Population d’étude
I.3. Matériel et méthodes
I.3.1. Matériel
I.3.2. Réactifs
I.3.3. Procédures de l’étude
I.3.4. ELISpot- IFN-γ
I.3.4.1. Principe de l’ELISpot
I.3.4.2. Protocole technique (figure 8)
I.3.5. QUANTIFERON- TB GOLD (figure 10)
Etude de l’expression de l’IFN-γ chez les patients atteints de la tuberculose multirésistante au Sénégal
I.3.6. Analyse des données
II. RÉSULTATS
II.1. Caractéristiques démographiques et immunologiques de la population d’étude
II.2. Production de l’IFN-γ après stimulation par différents peptides spécifiques utilisés et les réponses avec le contrôle négatif et le contrôle positif
II.2.1. Comparaison de la production de l’IFN-γ après stimulation avec le pool d’ESAT-6
II.2.2. Production de l’IFN-γ après stimulation par le CFP-10
II.2.3. Production de l’IFN-γ après stimulation par l’Ag85A
III. DISCUSSION
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 

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