Une fratrie au cœur de nos interventions

Au terme de notre formation en soins infirmiers, nous sommes amenées à réaliser un travail de Bachelor, sous forme de revue de littérature, nous inscrivant dans une démarche de recherche de données probantes. Le but étant l’élaboration d’un questionnement clinique professionnel. En effet, les infirmiers et infirmières seront de plus en plus souvent amenés à baser leurs pratiques sur des données probantes, et ce afin de mettre en place des projets de soins ou d’adapter des techniques de soins. Ce travail s’inscrit dans une démarche commencée bien avant la dernière année avec des cours abordant par exemple la recherche en soins infirmiers.

Nous avons en outre décidé d’axer notre travail sur le thème de la pédiatrie par intérêt personnel. En effet, nous souhaitons toutes deux travailler dans le contexte de l’enfant après notre diplôme. Bien qu’aucune de nous n’ait fait son stage de pédiatrie en oncologie, nous avons décidé de nous focaliser sur ce contexte afin d’obtenir un questionnement précis. Nous avons, de plus, spécifié que notre travail ne porterait non pas sur l’enfant malade, mais sur la fratrie de celui-ci. De surcroît, l’une d’entre nous a également été touchée de près par cette maladie et a pu remarquer au fil des années les conséquences que la maladie a sur tous les membres de la famille. Elle a pu se rendre compte à quel point la fratrie d’un enfant malade était sans le vouloir mise à l’écart, autant d’un point de vue physique que d’un point de vue moral. L’enfant sain est placé dans la famille pendant que les parents sont à l’hôpital et la discussion tourne sans cesse autour de l’enfant malade.

L’oncologie dans un contexte pédiatrique est une expérience difficile, du point de vue du patient comme de celui de sa famille. Comment expliquer à des enfants que leur frère ou leur sœur souffre d’un cancer ? Comment aborder la maladie? Comment accompagner la famille dans sa globalité dans ces moments difficiles ? Comment adapter son langage? Toutes ces questions doivent trouver des réponses afin de donner aux enfants malades et à leur famille le meilleur cadre de guérison possible. Le but est également d’éviter que l’entourage considéré comme sain devienne lui même patient à la suite d’une dépression ou d’une autre pathologie.

La personne au centre de notre questionnement est le frère ou la sœur d’un enfant souffrant d’un cancer. En effet, nous avons souhaité axer nos recherches sur cette population, car le concept de personne, selon le métaparadigme de la discipline infirmière, n’est pas forcément restreint à la personne malade. Elle peut être un proche aidant, un groupe homogène, un membre de la famille, etc. De plus, nous pensons que soutenir cette population aurait un lien directement bénéfique sur les relations fraternelles ainsi que sur les parents qui pourront être orientés et accompagnés dans la prise en charge de leurs autres enfants. L’article de la revue médicale suisse parue en 2010 Etre le frère ou la sœur d’un enfant atteint d’un cancer: un groupe de parole, émet l’hypothèse que le rôle parental peut être perturbé par la maladie d’un enfant et se manifester sous la forme d’une «disponibilité physique différente, liée à leurs nombreuses absences de la maison, mais aussi une attention psychique diminuée de par les angoisses qu’ils traversent.» (Santarelli Menegon, Muller Nix, Von der Weid, Michel pp. 2372-2373)

Le manque de santé n’est pas forcément la maladie, mais elle peut aussi bien être un risque de mal-être psychique. En effet, selon l’article Etre le frère ou la sœur d’un enfant atteint d’un cancer: un groupe de parole paru dans la revue médicale suisse n°274 en 2010, il est exposé que les fratries touchées par la maladie d’un frère ou d’une sœur, peut amener une cascade de conséquences négatives, par exemple, un repli sur soi, des troubles du comportement, etc. (Santarelli-Menegon, Muller Nix, Von der Weid, Michel). Il est donc primordial, selon nous, d’agir afin de préserver un équilibre et un bon état de santé chez cette population.

L’environnement englobe le contexte de la vie de la personne ainsi que les ressources sociales qui l’entourent. Dans notre travail, le contexte est le milieu hospitalier où l’enfant malade est traité, le domicile de la fratrie ainsi que les différents lieux où va la fratrie lorsque les parents doivent se rendre au chevet de l’enfant malade. Les ressources sociales sont les personnes qui interviennent dans la vie de la fratrie de l’enfant malade. Cela peut être un membre de la famille, un ami ou encore des professionnels de la santé ou socio-éducatifs. Nous pensons qu’en tenant compte de ces facteurs lors de la réponse à notre question de recherche, nous pourrons agir à plus large spectre et orienter les personnes présentes pour ces enfants pour une prise en charge plus optimale.

Le soin est un aspect clé dans notre travail. Il englobe la rencontre, la mise en confiance, la prise en charge, en d’autres termes, différentes interventions infirmières. C’est sur ce rôle infirmier que nous allons orienter notre questionnement afin de mettre en place des interventions ciblées et adéquates.

D’un point de vue sociosanitaire et selon le rapport annuel 2015 de l’OFS (Office Fédéral de la Statistique), le cancer touche très peu les enfants ; environ 0,5% des tumeurs apparaissent avant l’âge de 15 ans. Cependant il reste la première cause de mortalité infantile. Avec environ 190 nouveaux cas par année, le cancer touche principalement les nourrissons et les enfants situés entre 1 et 4 ans. Néanmoins le taux de guérison est plus élevé que chez l’adulte puisqu’il atteint les 85% comparativement à l’adulte où le taux de guérison se situe vers les 60%. La plupart d’entre eux retrouveront donc une vie « normale » au bout de quelques années.

Ces dernières années, la littérature s’intéresse, en plus des parents, à la fratrie de l’enfant atteint du cancer. D’après l’article de la revue médicale suisse paru en 2010 Etre le frère ou la sœur d’un enfant atteint d’un cancer : un groupe de parole, environ la moitié des enfants atteints du cancer a une fratrie. Selon ce même article : « la survenue d’un cancer chez l’enfant est un évènement qui, non seulement met en danger sa vie, mais provoque d’intenses émotions dont les conséquences sur l’équilibre du groupe familial, et en particulier celui des frères et sœurs, sont complexes » (Santarelli-Menegon, Muller Nix, Von der Weid, Michel, 2010, p. 2372). L’article rappelle aussi le rôle primordial de la relation fraternelle. Il faut donc être capable de faire face aux besoins de cette population.

Selon un autre article de la revue Perspective infirmière publié en 2012 L’enfant oublié, des sentiments tels que la peur, la culpabilité, la jalousie, l’abandon ou la tristesse touchent la fratrie de l’enfant malade. Par exemple «les enfants d’âge préscolaire croient aussi que les évènements sont le résultat de leurs pensées. Ils peuvent se sentir responsables de la santé de leur frère s’ils ont eu des pensées négatives à son égard» (Beaulieu, p.25). Toujours selon ce même article, beaucoup de facteurs ont une influence sur la réaction de la fratrie face à la maladie comme l’âge de celle-ci, mais aussi le sexe, les facteurs économiques et démographiques, l’information reçue, etc. «Une étude réalisée par Sharpe et Rossiter (2002) démontre que moins la fratrie est tenue informée de l’évolution de la maladie d’un frère ou d’une sœur ou des traitements qui lui sont prodigués et moins elle est impliquée dans les soins, plus la maladie affecte la vie familiale au quotidien et plus les risques sont élevés que les enfants en santé développent des comportements inappropriés». (Beaulieu, p.24)

Des moyens de prise en charge de la fratrie ont été mis en place depuis quelques années. L’ARFEC (Association Romande des Familles d’Enfants atteints d’un Cancer) a été fondée en 1987 et ses bénévoles sont principalement des parents ou membres de la famille d’un enfant malade ou l’ayant été. Leur but principal est de permettre aux familles des enfants touchés par le cancer de pouvoir se rencontrer, échanger et partager des moments ensemble. Elle apporte aussi des aides financières. Elle a également mis en place, depuis quelques années, des activités comme un groupe de parole, de l’art thérapie ou encore des camps d’été où les enfants malades et leur fratrie sont accueillis pendant une semaine. Le but étant que toutes les activités soient destinés autant à l’enfant atteint du cancer qu’à sa fratrie. Au CHUV, un espace a été aménagé pour les familles afin qu’elles puissent par exemple partager un repas ensemble.

D’un point de vue plus professionnel, les infirmières sont au cœur de la prise en charge de l’enfant malade, elles jouent un rôle de pivot entre les professionnels de la santé, la famille et l’enfant malade. En tant que tel, on peut rapidement se sentir démuni face à une si grosse prise en charge et ne pas avoir les outils pour répondre aux questionnements de la fratrie. Selon Beaulieu (2012) : «les infirmières qui travaillent auprès de famille d’un enfant atteint d’une maladie chronique peuvent les aider à mieux s’adapter» (p.25).

Table des matières

Introduction
Question et problématique
Contexte et origine de la problématique
Pertinence de la question en fonction du contexte sociosanitaire et professionnel
Question de recherche
Concepts théoriques retenus et liens avec la problématique
Méthode
Bases de données
Mots clés et équations de recherche
Périodiques et ouvrages consultés
Résultats
Analyses des articles
Comparaison des articles
Discussion et perspectives
Réponses à notre question de recherche
Perspectives pour la pratique
Limites de notre revue de littérature
Pistes de recherches
Conclusion

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