Utilisation de la notion de copule en tomographie

En 1917, Johann Karl August Radon (1887-1956) publia un article [1] à but purement mathématique qui aura plus tard beaucoup d’applications dans divers domaines et plus particulièrement en science d’imagerie, et dans l’une de ses branches qui nous intéresse dans ce travail qui est la tomographie. En effet, la méthode analytique de reconstruction d’image en tomographie se fait via l’utilisation de l’outil mathématique développé par Radon, qui porte son nom et est appelé la transformée de Radon.

Bien que les principes mathématiques de la théorie de reconstruction d’un objet à partir de la connaissance de ses projections aient été énoncés en 1917, les applications pratiques ne seront faites qu’en 1956 [2] par Ronald Newbold Bracewell (1921-2007) dans le domaine de la radio-astronomie. Les premières applications médicales furent réalisées en 1961 par William Henry Oldendorf (1925-1992) qui avait utilisé une source de rayonnements émettant des rayons gamma et bien d’autres par la suite. La tomographie par rayons X assistée par ordinateur (appelé aussi tomodensitométrie ou plus simplement scanner) fut développée par Godfrey Newbold Hounsfield (1919-2004). Cette mise au point de la tomodensitométrie a été considérée comme la découverte la plus importante dans le domaine de la radiologie après celle des rayons X en 1895 par Wilhelm Conrad Röntgen (1845-1923) et c’est ainsi qu’elle a valu le prix Nobel de Médecine en 1979 délivré conjointement à G.N. Hounsfield et aussi à Allan MacLeod Cormack (1924-1998). La tomographie axiale assistée par ordinateur ou Computed Tomography (CT) est basée sur la détection d’un faisceau de rayons X tournant autour du patient. Cependant, à l’opposé de la radiologie classique où le faisceau transmis est détecté et visualisé à l’aide d’un film ou d’un amplificateur de luminance, il est détecté électroniquement puis numérisé. L’image est ensuite reconstruite à l’aide d’un calculateur et visualisée. L’acquisition de plusieurs coupes adjacentes conduit à l’information tridimensionnelle [3].

Dans le domaine des statistiques et de la théorie des probabilités, une passionnante histoire conduit à la découverte de la deuxième notion centrale qui nous intéresse dans ce rapport. Premièrement, nous devons rappeler aussi les questions posées par Maurice Fréchet (1878-1973) en 1940, dans le premier volume de l’un de ses importants travaux qu’il a écrit en trois volumes dans le domaine des probabilités [4] ayant trait à la reconstruction d’une densité jointe de probabilité qui conduiront aussi à la solution proposée par Abe Sklar en 1959 [5] à la notion de copule. Nous précisons au passage que Maurice Fréchet avait comme superviseur de thèse Jacques Salomon Hadamard (1865-1963) dont l’un des articles [6] nous intéressera dans ce travail. Les questionnements de Maurice Fréchet et bien d’autres dans le domaine de la probabilité conduiront a beaucoup de travaux de recherche que nous ne pourrons pas tous citer, jusqu’à la réponse, qui nous intéresse et qui sera donnée par Abe Sklar introduisant la notion de copule [5]. Si nous lisons aussi les travaux de Wassily Hoeffding (1914-1991) qui sont réimprimés [7, 8] il s’avère que ce dernier aurait pu faire la découverte des copules avant Abe Sklar sauf que la définition donnée était faite dans l’intervalle [−1/2, 1/2] autre que l’intervalle [0, 1] où les copules sont généralement définies, et que la publication de Wassily Hoeffding en 1940 était apparue dans un journal scientifique allemand pendant la seconde guerre mondiale à une période de trouble mondial et donc la communauté scientifique n’y avait pas fait attention, comme l’a mentionné R. Nelsen dans l’introduction de son livre [9].

Pour la première utilisation des travaux de Johann Radon [1] dans le domaine statistique et qui était d’abord faite en utilisant le lien qu’il y a avec la transformée de Fourier, cela était faite en 1936 en commençant par les travaux de H. Cramér et H. Wold [10]. Mais comme l’a mentionné Stanley. R. Deans dans l’introduction de son livre [3] ce sera plutôt Alfred Rényi (1921-1970) en 1952 [11] qui va faire cette connexion dans le champs des travaux en statistique et par la suite W.M. Gilbert [12] y apportera encore plus d’éclaircissement.

Nous pourrons aussi mentionner le travail de George G. Lorentz (1910-2006) en 1949 [13] qui est connecté à celui de Alfred Rényi [11] sur les conditions qu’une fonction donnée soit reconstruite à partir de ses projections suivant certains axes (nous expliquerons en détail le terme projection). L’équivalence de ses conditions générales données dans [13] pour le cas général de l’analyse des fonctions, sera faite, mais cette fois dans un domaine restreint pour les problèmes d’analyse combinatoire sera aussi donnée par Herbert John Ryser (1923-1985) en 1957 [14] et en 1960 [15]. Il y a beaucoup d’autres travaux qui s’en suivront comme cela est indiqué dans le livre sur la tomographie discrète [16] dans le premier chapitre introductif. Bien qu’il y a eu ce lien entre les travaux de Radon et celui dans le domaine statistique il n’y a pas encore eu une connexion directe entre la transformée de Radon en tomographie et la théorie des copules en statistique. D’où notre première motivation dans ce travail.

Notre travail à la vue des rappels des travaux historiques du précédent paragraphe pourra se situer alors dans le cadre de la tomographie à faible nombre de projections, en ce sens que nous ne disposons pas de toutes les projections de la fonction à reconstruire, mais seulement de deux projections orthogonales. Et nous montrerons donc le lien qu’il y a avec la notion de copule. Et ensuite pour le cas discret, nous montrerons aussi le lien qui existe entre la notion de copule discrète telle que définie dans le travail de W.F. Darsow, B. Nguyen et E.T. Olsen en 1992 [17] et de la tomographie discrète.

En pratique pour le cas de faible nombre de projections, le problème de la reconstruction en tomographie devient un problème inverse “mal posé”. Le terme “mal posé” est compris dans le sens donné par Jacques Salomon Hadamard [6]. Pour obtenir une solution satisfaisante à un problème inverse mal posé, une des solutions est d’utiliser de l’information a priori. Notre seconde motivation dans ce travail sera d’utiliser les informations a priori dont on dispose. Nous nous intéressons aux notions de copules aux entropies maximales. Pour lire une histoire passionnante sur l’origine du concept d’entropie et quelques noms des personnages ayant contribué à l’émergence de l’application de la notion d’entropie qui sera faite dans plusieurs domaines (Chimie, physique, mathématiques, théorie de l’information, etc ) dont l’un des principaux contributeurs fut notamment Ludwig Boltzmann (1844-1906) l’article [18] pourrait être consulté.

Nous nous focalisons aux expressions mathématiques de l’entropie, dont l’une la plus connue décrite en 1948 [19] par Claude Elwood Shannon (1916-2001) connu comme ”le père de la théorie de l’information“. Nous utiliserons aussi l’entropie de Alfred Rényi [20, 21]. En gardant à l’esprit le thème principal de ce travail, nous recherchons toujours dès que ce sera possible le lien qu’il pourra avoir entre l’entropie utilisée et l’expression explicite de la loi de probabilité associée et enfin via le théorème de Sklar l’expression de la copule qui en découle. Il y a différente sorte d’entropies dont on pourra retrouver les expressions dans les articles [21], [22], [23] et [24], normalement différentes familles de copules correspondantes devraient être données si nous associons les contraintes de marginales de deux projections dont nous disposons. La méthode d’apport d’information via la notion d’entropie a connu un essor sans précédent grâce aux travaux de Edwin Thompson Jaynes (1922 1998) qui publia en 1957 les deux articles [25] et [26]. La technique de maximum d’entropie décrite par E.T.Jaynes sera donc utilisée dans ce travail pour déduire l’expression explicite de la loi de probabilité jointe.

Table des matières

1 Motivations et notations
1.1 Un peu d’historique
1.2 Notations
2 Tomographie
2.1 Tomographie en imagerie médicale
2.1.1 Tomographie 2D en géométrie parallèle
2.1.2 Problème direct
2.1.3 Principe de l’algorithme en tomographie
2.2 Tomographie avec deux projections
2.3 Tomographie en géométrie parallèle
2.3.1 Transformée de Radon
2.3.2 Transformée à Rayons X et Transformée de Radon
2.3.3 Exemples de calcul d’une transformée de Radon
2.4 Conclusion
3 Théorie des copules
3.1 Distribution multivariée
3.1.1 Densité de loi conjointe de probabilité
3.1.2 Fonction de répartition
3.1.3 Marginales pour le cas multivarié
3.1.4 Loi gaussienne multivariée
3.1.5 Mélange de Gaussiennes
3.1.6 Loi de Student
3.1.7 Loi de Student multivariée
3.2 Deux problèmes équivalents
3.3 Copule et leur utilisation
3.3.1 Copule bivariée
3.3.2 C-volume et mesure doublement stochastique
3.3.3 Copule multivariée
3.3.4 Différentes méthodes de construction des copules
3.4 Utilisation des copules en statistique
3.4.1 Estimation au sens du maximum de vraisemblance
3.4.2 Inférence des fonctions marginales (IFM)
3.4.3 L’approche bayésienne
3.5 Quelques points et discussion sur les copules
3.6 Conclusion
4 Conclusion

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