Activité insecticide

Activité insecticide

Le Spinosad, utilisé par application topique sur les larves du denier stade larvaire de T.absoluta entraîne une inhibition de la mue nymphale, évaluée à l’exuviation, par les insectes morts (larves ou nymphes) mais aussi les mues bloquées et/ou incomplètes. Ces effets du Spinosad, en accord avec la littérature (Chaabane et al., 2012; Maiza et al., 2013) sont attribués à la neurotoxicité du Spinosad et ont aussi été signalés avec d’autres pesticides d’origine biologique (Martinez & Van Emden, 2001 ; Almeida et al., 2014 ; Boulahbel et al., 2015. Cette action s’explique via les nAChRs des insectes (Somers et al., 2015) où le Spinosad agit sur des sites distincts par rapport à l’imidaclopride (Blacquière et al., 2012 ; Rinkevich & Scott, 2012). La cytotoxicité du Spinosad au niveau du système nerveux (Almeida et al., 2014 ; Somers et al., 2015 ) pourrait expliquer l’inhibition de la mue via son impact sur le système neuroendocrine ; ainsi, la 20-hydroxyecdysone (20E) et l’hormone juvénile (JH), qui jouent un rôle central dans la régulation des mues et du développement (Gade & Hoffman 2005; De Loof et al., 2014), seraient perturbées via leurs neurohormones respectives. Le Spinosad, présente une toxicité relativement basse chez T. absoluta, avec une DI 50 de 243.50 µg correspondant à une concentration de 243, 50 ppm. Cependant, des concentrations plus basses (0,08 à 0,26 ppm) ont été mises en évidence (Roditakis et al., 2013) en traitant les larves de T. absoluta après trempage des feuilles dans le Spinosad (méthode préconisée par l’Insecticide Resistance Action Commitee ou IRAC) ; cette efficacité plus grande peut être expliquée par le mode d’application utilisée qui permet un traitement double par ingestion mais aussi par contact. Les concentrations du Spinosad précisées chez T. absoluta sont proches de celles retrouvées chez d’autres lépidoptères ravageurs comme Ostrinia nubilalis, Chilo agamemnon et Sesamia cretica avec des valeurs respectives de 166, 179 et 185 ppm (Sabbour & Abde-Rahman, 2013; Wang et al., 2009, 2013). D’autres 65 DISCUSSION lépidoptères présentent une toxicité beaucoup plus variable ; en effet, des valeurs de 8,7, 0,41, 0,29, 1,001 et 31,1 ppm sont, respectivement, notées chez Lymantria dispar (Wanner et al., 2002), Helicoverpa armigera ( Wang et al., 2009), Spodoptera exigua (Wang et al., 2013), Plutella xylostella (Li et al., 2015), Herpetogramma phaeopteralis (Tofangsazi et al., 2015). Par ailleurs, chez un autre Lépidoptère, Dargida diffusa, le Spinosad est cité comme plus efficace que par rapport à d’autres biopesticides comme l’azadirachtine, ou des champignons entomopathogènes (Reddy & Antwi, 2016). Le Spinosad est également très efficace chez les Diptères comme Aedes albopictus (0,3 ppm) (Bond et al., 2004) et Glossina palpalis gambiensis (2,2 ppm) (De Deken et al., 2004). La variabilité dans les valeurs des concentrations létales est expliquée par une activité insecticide du Spinosad qui est différente selon les espèces car elle est liée aux variations dans les sous-unités des nAChRs (Rinkevich & Scott, 2012). Par ailleurs, la régulation des récepteurs mais aussi les voies de signalisation intracellulaires impliquées dans la régulation des canaux ioniques peuvent aussi jouer un rôle crucial dans la différence de sensibilité des insectes aux pesticides (Lavialle-Defaix et al., 2010). Il est important de noter que les différences de sensibilité aux pesticides entre les espèces d’insectes peuvent aussi être liées à d’autres mécanismes comme le taux de pénétration à travers la cuticule, leur absorption par les insectes, le transport dans les tissus de l’organisme ou encore le métabolisme (Besard et al., 2011). En définitive et, en se basant sur la littérature, le Spinosad, chez T. absoluta, semble moins efficace comparativement à d’autres pesticides (Roditakis et al., 2013) comme le flubendiamide (1,31 ppm), le chlorantraniliprole (0,53 ppm), le benzoate d’émamectine (0,12 ppm) ou encore l’indoxacarbe (17,5 ppm). 2. Effet du Spinosad sur les Biomarqueurs enzymatiques Dans le programme de lutte intégrée (IPM), les pesticides chimiques restent la principale approche dans le contrôle des espèces nuisibles et les biomarqueurs sont les 66 DISCUSSION meilleurs indicateurs de l’impact des xénobiotiques (Rao, 2006) ; ainsi, ils permettent de prédire l’effet toxique se produisant au niveau de l’organisme biologique et à mieux comprendre le mode d’action des insecticides.

Effets sur les GSTs et la Catalase

Le mécanisme de détoxication des xénobiotiques impliquent plusieurs types d’enzymes qui dégradent les insecticides en métabolites moins toxiques (Soderlund, 1997). Le processus de détoxication comprend différentes phases et les deux premières sont essentielles. La première phase ou phase de fonctionnalisation des xénobiotiques est assurée par des enzymes telles que les monooxygénases, hydrolases et réductases. La deuxième phase ou phase de conjugaison est réalisée par des enzymes telles que les glutathion-S-transférases (GSTs) qui catalyse la conjugaison des molécules fonctionnalisées à des substrats endogènes afin de faciliter leur excrétion (Li, 2009; Misra et al., 2011). Parallèlement, les glutathion Stransférases représentent une famille d’enzymes multifonctionnelles, essentiellement cytosoliques impliquées, dans de nombreux processus physiologiques parmi lesquels le transport intracellulaire, la biosynthèse des hormones et la protection contre le stress oxydatif ; ainsi, les GSTs sont considérées comme des modérateurs du stress oxydatif (Konus, 2015) et la catalase correspond à un biomarqueur de ce stress. Le rôle des GSTs comme enzyme de détoxication des insecticides, et particulièrement pour le Spinosad, a été cité chez différents insectes comme Glyphodes pyloalis (Piri et al., 2014 ) ; cependant, certains travaux ont noté que ce même pesticide semble ne pas induire l’activité des GSTs, comme chez le lépidotère H. armigera (Wang et al., 2009). Les résultats obtenus, chez T. absoluta, après traitement au Spinosad, mettent en évidence une augmentation des activités spécifiques des GSTs démontrant l’induction de ce système enzymatique et confirmant ceux obtenus par Reyes et al., (2012) et Yalcin et al., (2015). Des 67 DISCUSSION résultats similaires ont été enregistrés chez d’autres espèces traitées avec le même pesticide, Apis mellifera (Carvalho et al., 2013), Drosophila melanogaster ( Chaabane et al., 2012), G. pyloalis (Piri et al., 2014) ou Xanthogaleruca luteola, (Tamam et al., 2014). Chez T. absoluta, l’augmentation des GSTs, notée dès 24 h après traitement, se poursuit au stade adulte de la G0 avec une hausse d’un facteur 3 ; cet effet est retrouvé à la génération suivante (G1), où l’enzyme de détoxication montre un facteur qui est de 2 chez les nymphes et de 0,5 chez les adultes; par ailleurs, la différence notée entre les âges chez les séries traitées (nymphes et adultes), confirme cette baisse progressive dans les valeurs des GSTs. La diminution dans l’activité spécifique des GSTs, observée entre les âges, peut être expliquée par l’implication de ces enzymes dans la biosynthèse hormonale et la régulation du métabolisme cellulaire et la physiologie (Broard & Menon, 2013). Ainsi, les expérimentations conduites ont apporté un nouvel élément qui est l’effet différé du Spinosad au niveau de la descendance démontrant ainsi une rémanence du Spinosad. Par ailleurs, les GSTs sont bien impliquées dans la détoxication du Spinosad chez T.absoluta et peuvent donc avoir un important rôle dans le contrôle du stress oxydatif (Konus, 2015). Les systèmes cellulaires de défenses antioxydants dans les organismes biologiques sont altérés lorsqu’ils sont exposés aux pesticides et/ou polluants environnementaux; cependant, les niveaux d’antioxydants dans les organismes vivants peuvent augmenter de manière à restaurer le déséquilibre causé par les dommages oxydatifs (Yildirim et al., 2011). Les teneurs en enzymes antioxydants peuvent donc être utilisées dans l’évaluation du stress oxydatif (Livingstone, 2001) et la catalase (CAT : EC 1.11.1.6) représente l’une des principales enzymes de ce processus; elle est impliquée dans la défense de la cellule contre les effets toxiques du peroxyde d’hydrogène en catalysant sa décomposition en oxygène et eau, ce qui limite les effets délétères des espèces réactives à l’oxygène (ROS) (Goyal & Basak, 2010 ; Mamidala et al., 2011 ; Hu et al., 2015). L’activité de la catalase n’est pas spécifique à un 68 DISCUSSION groupe de contaminants, mais peut être induite par une large gamme de xénobiotiques (Badiou-Bénéteau et al., 2012 ; Chakrabarti et al., 2015). Chez T.absoluta, l’activité des enzymes de détoxication, suite au traitement au Spinosad, est parfaitement corrélée avec les valeurs de la catalase démontrant donc un stress oxydatif. Le Spinosad, provoque une augmentation de cette enzyme au cours des deux générations successives (G0 et G1) de T. absoluta conformément à ce qui est retrouvé, après traitement avec ce même pesticide, chez D. melanogaster (Chaabane et al., 2012), Tribolium. castaneum (Awan et al., 2012) et A. mellifera (Carvalho et al., 2013). Par ailleurs, la baisse dans l’activité spécifique de la catalase, observée entre les âges chez les adultes peut être liéé à une interaction hormonale agissant sur le stress oxydatif (De Loof, 2008; Belles & Piulachs, 2015). Les résultats montrent que la CAT augmente, comparativement aux témoins, chez les nymphes et les adultes de la G0 avec un facteur de 0.5 à 2 respectivement ; un effet différé est retrouvé chez la génération suivante (G1) avec un facteur 0.5 chez les nymphes. Chez les adultes de la G1, la comparaison entre les séries témoins et traitées, montre des valeurs similaires et ceci peut être lié à l’important processus de détoxication mis en jeu parallèlement (GSTs facteurs 3, 2). La hausse dans l’activité spécifique de la catalase pourrait être expliquée par un mécanisme d’adaptation à la prévention de l’accumulation des espèces réactives de l’oxygène (ROS) résultant de la présence du Spinosad et à une intensification de la sensibilité envers ce pesticide au niveau des membranes cellulaires. L’augmentation de l’activité de la catalase dès 24h après le traitement est expliquée par le fait que cette enzyme est connue pour présenter une réponse claire et rapide de la contamination par les xénobiotiques (Wenning et al., 1988). L’augmentation de l’activité de la catalase a aussi été observée chez D.melanogaster suite au traitement avec une autre molécule naturelle, l’Azadirachtine (Boulahbel et al., 2015).

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