Domaine fiscal et monde des affaires impératifs de secret et de discrétion

Domaine fiscal et monde des affaires : impératifs de secret et de discrétion 

Le secret professionnel

Fondement
Le secret professionnel, principe central de la culture professionnelle de la confidentialité, aux déclinaisons et fondations juridiques multiples, est un puissant rempart contre la divulgation des informations personnelles des particuliers. Celui-ci doit être appréhendé de manière générale à la fois comme un droit et comme un devoir dans le chef du confident. En rendant pénalement répréhensible la violation de cette obligation, le législateur impose au dépositaire du secret de garder confidentielles les informations qui ont été portées à sa connaissance dans le cadre de ses fonctions.

L’article 458 du Code pénal sanctionne « les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d’enquête parlementaire et celui où la loi, le décret ou l’ordonnance les oblige ou les autorise à faire connaître ces secrets, les auront révélés ».

Pour qu’une violation du secret professionnel soit constatée, les éléments suivants doivent être réunis:
– le dépositaire du secret est une personne désignée par la loi ou dépositaire, par état ou par profession, des secrets qui lui sont confiés ;
– celui-ci doit procéder à une révélation ;
– les faits révélés doivent être confidentiels, soit ne pas être connus ou être connus par un nombre limité de personnes. De plus, ces informations doivent avoir été recueillies en raison de l’état ou de la profession du dépositaire du secret et à l’occasion de leur exercice. Les faits doivent participer aux nécessités de l’intérêt social qui fondent et justifient le secret professionnel ;
– la révélation du secret professionnel à un tiers doit intervenir dans un cas où elle n’est pas admise ;
– l’auteur doit avoir la volonté de révéler une information couverte par le secret professionnel. Cette infraction requiert un dol général, une faute intentionnelle , elle suppose donc que l’auteur avait conscience que la révélation des informations était défendue. La révélation par imprudence ou maladresse n’est ainsi pas visée.

En marge de l’article 458 C.P., le secret professionnel est consacré dans un nombre important de lois spéciales, propres à certains domaines particuliers, et dont les dispositions renvoient aux sanctions prévues par le Code pénal.

Le secret professionnel des agents du fisc : article 337 du Code des impôts sur les revenus 

Au sein de la longue liste de déclinaisons du secret professionnel figure le secret fiscal. L’article 337 C.I.R./ 92 stipule que « celui qui intervient, à quelque titre que ce soit, dans l’application des lois fiscales ou qui a accès dans les bureaux de l’administration en charge de l’établissement, ou celle en charge de la perception et du recouvrement, des impôts sur les revenus, est tenu de garder, en dehors de l’exercice de ses fonctions, le secret le plus absolu au sujet de tout ce dont il a eu connaissance par suite de l’exécution de sa mission ».

Le secret professionnel est solidement ancré dans la législation fiscale. La détermination de l’assiette imposable du contribuable repose sur les informations fournies par celui-ci dans sa déclaration fiscale. L’existence même d’un impôt et plus particulièrement d’un impôt sur les revenus nécessite que des informations personnelles soient communiquées à l’administration et implique une transparence quasi absolue du contribuable. Par ailleurs, les pouvoirs d’investigation dont dispose l’administration, prérogatives essentielles pour l’exacte perception de l’impôt, sont considérables et offrent à celle-ci l’accès à de nombreuses données personnelles des particuliers. L’impératif de secret est dès lors le corollaire et dans une certaine mesure le contrepoids aux obligations de sincérité et de collaboration caractérisant les relations entre les contribuables et l’administration.

Secret professionnel et obligations de collaboration entretiennent des rapports complexes. La difficulté porte essentiellement sur la question de l’utilisation de ces données tant à l’égard des tiers, qu’à l’égard d’autres administrations nationales, d’administrations étrangères mais aussi à l’égard des juridictions et du ministère public.

La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’étendue des informations protégées par le secret professionnel : celui-ci « concerne toutes les affaires dont (le fonctionnaire) a eu connaissance en exécution de sa mission, même celles qui sont dénuées de caractère fondamental ou ne sont que de nature statistique ». L’intégralité des éléments contenus dans les dossiers fiscaux sont ainsi couverts par cette protection. Il est évident que seules les données présentant un caractère confidentiel sont visées par l’obligation de secret. Les informations qui relèvent du domaine public sont exclues.

Une particularité du secret professionnel fiscal tient en la personne qui en est investie. En effet, le secret fiscal est d’avantage celui du fisc que celui de ses agents. Ce n’est pas au fonctionnaire concerné qu’il appartient et qui doit ainsi veiller à son respect. Comme le souligne l’administration fiscale elle-même « le droit au secret n’appartient pas au fonctionnaire luimême, quel que soit son grade. Ce droit appartient en réalité à l’administration et le chef de cette administration peut seul faire libre usage du droit. Tant qu’il n’a pas obtenu de ses supérieurs hiérarchiques l’autorisation de parler, le fonctionnaire doit se taire et invoquer le secret professionnel. En d’autres termes, il ne dispose pas lui-même du droit au secret ; son droit n’est que relatif ». Notons que le secret lie toute personne qui intervient, à quelque titre que ce soit, dans l’application des lois fiscales. Cette obligation s’impose donc à tout fonctionnaire généralement quelconque du Service Public Fédéral Finances.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CONTEXTUALISATION DE LA QUESTION ET NOTIONS THEORIQUES
SECTION 1 : DOMAINE FISCAL ET MONDE DES AFFAIRES : IMPERATIFS DE SECRET ET DE DISCRETION
1. LE SECRET PROFESSIONNEL
1.1. FONDEMENT
1.2. LE SECRET PROFESSIONNEL DES AGENTS DU FISC : ARTICLE 337 DU CODE DES IMPOTS SUR LES REVENUS
1.3. EXCEPTIONS AU SECRET PROFESSIONNEL
1.4. SANCTIONS EN CAS DE VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL
2. LE SECRET D’AFFAIRES
3. SECRET BANCAIRE ET DEVOIR DE DISCRETION : NOTIONS
SECTION 2 : L’OBLIGATION DE DENONCIATION DES FAITS SUSCEPTIBLES D’ETRE SANCTIONNES PENALEMENT
1. LES ARTICLES 29 ET 30 DU CODE D’INSTRUCTION CRIMINELLE
2. LA DENONCIATION PAR LE FONCTIONNAIRE FISCAL DES FAITS D’INTERET FISCAL : AUTORISATION PREALABLE
3. CONCERTATION OBLIGATOIRE ENTRE AUTORITES FISCALES ET PENALES : « UNA VIA »
4. SANCTION EN CAS DE DEFAUT DE DENONCIATION : OBLIGATION PUREMENT MORALE ?.21
5. ABSENCE DE PROTECTION DU DENONCIATEUR
DEUXIEME PARTIE : ENTRE DISCRETION ET TRANSPARENCE, COMMENT CONCILIER SECRET ET OBLIGATION DE DENONCIATION ?
SECTION 1 : CONFLIT ENTRE OBLIGATION DE DENONCER ET OBLIGATION AU SECRET
SECTION 2 : OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LES DISPOSITIONS
SECTION 3 : L’ARTICLE 337, ALINEA 2 DU CODE DES IMPOTS SUR LES REVENUS
TROISIEME PARTIE : LE LANCEUR D’ALERTE
SECTION 1 : CONCEPT
SECTION 2 : LE LANCEUR D’ALERTE DANS LE SECTEUR FINANCIER : CADRE JURIDIQUE BELGE ET EUROPEEN
1. CADRE JURIDIQUE BELGE
1.1. LA LEGISLATION SUR LES « ABUS DE MARCHE »
1.2. LA LEGISLATION FINANCIERE SUR LE CONTROLE PRUDENTIEL ET LA LEGISLATION ANTIBLANCHIMENT
1.3. LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE DANS LE SECTEUR PUBLIC
2. CADRE JURIDIQUE EUROPEEN
SECTION 3 : LE STATUT DE LANCEUR D’ALERTE : ASSURANCE D’UNE PROTECTION ?
CONCLUSION

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