Albert Demangeon (1872-1940). De l’école communale à la chaire en Sorbonne, l’itinéraire d’un géographe moderne

Albert Demangeon (1872-19). De l’école communale à la chaire en Sorbonne, l’itinéraire d’un géographe
moderne

Les sources : connaissance et réception d’Albert Demangeon

Les sources sur Albert Demangeon sont de nature très variée. Plus que d’autres parmi ses collègues, ce géographe offre l’intérêt d’avoir donné lieu à un dépôt relativement abondant d’archives personnelles. Les sources que nous présentons dans ce chapitre sortent parfois du cadre de la période étudiée. Sans nous borner à les énumérer, nous souhaitons en montrer l’importance et signaler les problèmes qu’elles peuvent poser. Après l’étude des sources primaires et des archives, nous examinons des textes et des témoignages évoquant Albert Demangeon, ce qui nous permet d’esquisser une image du personnage et de nous interroger sur l’évolution de sa réception depuis 1940. I Les sources primaires. A) Les oeuvres. Il s’agit certes d’une évidence, mais il convient de partir des oeuvres du géographe. Comment les retrouver ? Dès 1940, Paul Marres1 a fait suivre la notice nécrologique qu’il a publiée d’une « bibliographie sommaire des publications d’Albert Demangeon » dans laquelle il ne mentionne 1 MARRES Paul, Albert Demangeon, Annales de l’Université de Paris, tome 15, n°3-4, juillet-décembre 1940, p. 280-290. 31 que les principaux livres et les articles des Annales de géographie (et seulement deux autres publiés ailleurs). En 1941, un « Comité de patronage », présidé par Emmanuel de Martonne, a décidé la publication d’un ouvrage pour honorer la mémoire d’Albert Demangeon ; ce livre, intitulé « Problèmes de géographie humaine2  » et sur lequel nous reviendrons, contient une « liste des publications géographiques d’Albert Demangeon » ; or cette liste est incomplète. Elle ne comprend bien évidemment pas les ouvrages posthumes parus après la guerre. Certains ouvrages, tels les manuels scolaires, n’ont pas été répertoriés. Les notices rédigées dans le cadre du renseignement militaire à la Commission de géographie du Service géographique de l’armée puis au Comité d’études entre 1915 et 1919, les comptes rendus rédigés dans la Bibliographie géographique annuelle (devenue internationale en 1931) ne sont pas cités : c’est sans doute un choix contextuel et pratique. Mais d’autres omissions ne peuvent être qu’involontaires. Elles s’expliquent par les circonstances historiques (la guerre et l’Occupation ne facilitaient guère les recherches), voire par le manque de temps ; rien ne nous permet de dire qu’un travail ait été délibérément écarté. En 1987, Geoffrey Parker3 a repris le travail d’Emmanuel de Martonne en présentant les livres puis une sélection d’articles d’Albert Demangeon de manière thématique (Local and Regional Studies ; Commercial and Economic Geography ; Political and International Geography ; Agriculture, Settlement and Habitation ; General) ; certaines notices nécrologiques et quelques références sont également indiquées. Le problème est identique puisqu’il part de la liste publiée dans les « Problèmes de géographie humaine » qu’il suppose – à tort – complète. C’est pour pallier ces carences que nous avons répertorié l’ensemble des oeuvres d’Albert Demangeon4 . Le bilan est impressionnant ! Une douzaine de livres dont certains feront date (plus une dizaine de manuels scolaires), une centaine d’articles, un millier de notes et de comptes rendus sans parler de divers rapports, de questionnaires, de l’élaboration de cartes, de préfaces, de recueils de photographies… La classification de ces travaux est moins simple qu’il n’y paraît. Les articles sont naturellement beaucoup plus nombreux que les livres9 . Une moitié paraît dans les Annales de géographie. Ce sont les plus importants ; on ne peut les comparer avec ceux publiés dans les revues pour les instituteurs10 qui sont essentiellement des conseils pédagogiques. La prééminence des articles publiés dans ces Annales s’affirme au fil des années. A partir de 1927, seuls quatre articles paraissent dans un autre périodique. Albert Demangeon en écrit plusieurs dans le Bulletin de la Société de géographie de Lille pendant qu’il exerce dans cette ville, mais aucun ensuite ; à cette époque, il en signe également dans La Géographie (Bulletin de la Société de géographie), mais aucun après. On peut aussi signaler qu’il participe à huit livres en rédigeant à chaque fois un ou deux chapitres qui ont la dimension d’un article (et qui d’ailleurs ont été parfois publiés comme tels séparément) sans même parler des préfaces11. Il est toutefois un peu artificiel de dénombrer ces articles car ils sont d’importance fort variable. Dans les Annales de géographie comme dans celles de Lucien Febvre, les plus importants sont en début de numéro, en gros caractères ; mais certaines notes et certains comptes rendus ont la taille d’un article et les différences entre les caractères typographiques ne permettent pas de faire un distinguo réel. C’est pourquoi nous avons dénombré à la fois les articles, les notes et les comptes rendus rédigés par Albert Demangeon12. Si la proportion globale reste la même (environ la moitié est publiée dans les Annales de géographie), on peut aussi constater la croissance du nombre de notes et de comptes rendus au fil du temps et surtout l’augmentation de la part prise par les Annales d’histoire économique et sociale : 16 % du total, chiffre d’autant plus important que cette revue ne paraît qu’à partir de 1929 et qu’Albert Demangeon n’y rédige pratiquement que des comptes rendus 

 Les comptes rendus des oeuvres

Après le recensement des oeuvres qui apparaissait comme un point de départ évident, celui de leurs comptes rendus semble être une suite logique. De longueur très variable, ils nous donnent des indications parfois précieuses sur la réception de telle ou telle oeuvre. Nous avons tenté de les dénombrer17, mais nous n’avons pas la prétention de les avoir tous repérés. Ils sont en effet très nombreux : environ trois cents (sans compter les lectures modernes). Si les articles jugés importants n’ont pas été oubliés (notamment ceux sur l’habitat rural, sur le Limousin…), ce sont les « grands » livres qui ont été le plus commentés avec environ les deux tiers des comptes rendus18 ; en outre, ces comptes rendus sont plus longs que ceux des articles. Les livres considérés comme des modèles sont très commentés : il en est ainsi de « La Picardie » ou des deux volumes de la Géographie universelle parus en 1927. Sont beaucoup moins commentés les ouvrages à diffusion restreinte (la thèse complémentaire ou le premier livre sur le Rhin), le « Dictionnaire de géographie », les livres de vulgarisation, voire les volumes de la Géographie universelle sur la France qui terminent la collection. Ces comptes rendus paraissent certes dans les revues de géographie – à commencer par les Annales de géographie et la Bibliographie géographique -, mais également dans des périodiques d’histoire, de sociologie, des revues généralistes, sans parler des journaux. Il y en a également dans des revues étrangères (anglo-saxonnes, allemandes, belges…). Nous constatons sans étonnement que les livres consacrés à l’Empire ou aux Iles Britanniques sont particulièrement commentés dans les périodiques anglo-saxons ; la traduction d’un ouvrage quelques années après sa parution en France est souvent l’occasion d’un nouveau compte rendu. Il existe bien sûr un rapport entre la nature du livre et celle des publications qui en présentent le compte rendu. La plupart du temps, ce sont des revues universitaires qui effectuent ce travail. Mais « Le déclin de l’Europe » suscite beaucoup d’analyses et de 17 Voir Annexe 2. 18 Voir Tableau 3. 41 commentaires dans les journaux, alors que les revues savantes restent discrètes. Trois ans plus tard, « L’Empire britannique » aura l’honneur des uns et des autres. Enfin, comme nous le verrons, ces comptes rendus sont très souvent élogieux (sauf pour « La France économique et humaine »). Ceci s’explique certes par la qualité des travaux mais d’autres raisons peuvent intervenir : Albert Demangeon devient progressivement un universitaire important qu’il serait de mauvais goût de critiquer. Quant aux oeuvres d’avant 1914, les géographes modernes, désireux de faire émerger cette nouvelle science, semblent alors s’entraider en publiant des comptes rendus élogieux des travaux de leurs collègues. Il ne faudrait pas, pour autant, mettre systématiquement en doute la sincérité des auteurs de comptes rendus… C) Les revues des universités. Il s’agit ici des revues éditées par les universités et non de l’ensemble des revues savantes où de nombreux articles de géographie font référence aux travaux d’Albert Demangeon. A cette époque, les universités françaises publient chaque année des livrets destinés aux étudiants qui contiennent des renseignements précieux, notamment la liste des cours dispensés19 comportant, entre autres, ceux d’Albert Demangeon. L’Université de Lille édite de plus une autre revue20. Enfin, les rapports annuels d’Emmanuel de Martonne, Président de l’Institut de géographie et collègue d’Albert Demangeon, expliquant en détails les activités de cet institut, ne manquent pas d’intérêt21. Ces revues permettent aussi de trouver des renseignements sur les activités des collègues d’Albert Demangeon.

Les archives

Une grande diversité. Les documents que l’on peut désigner sous l’appellation « archives » sont en fait assez variés ; de plus, tous ne sont pas déposés au même endroit. Un premier lot est constitué par le dossier administratif personnel d’Albert Demangeon. Passons rapidement sur son livret militaire conservé aux Archives départementales de la Seine-Maritime22. Pour son dossier de fonctionnaire, il vaudrait peutêtre mieux employer le pluriel car s’il y en a un dans les archives du Ministère de l’Instruction publique, il en existe aussi un dans les archives de l’Académie de Lille et un autre dans celles de l’Académie de Paris ; cependant, comme on peut s’y attendre, il y a des pièces identiques dans ces différents dossiers. Toutes ces archives sont déposées aux Archives nationales23 sauf celles de Lille déposées aux Archives départementales du Nord24. Dans chaque cas, on trouve une reconstitution de carrière : diplômes obtenus (nature, date, mention…), années passées à l’Ecole normale supérieure, puis dans les lycées et enfin à l’Université. Pendant la période d’enseignement en lycée (1896-1900), on peut voir les cours effectués par Albert Demangeon, les voeux formulés en début d’année et les rapports établis par ses supérieurs hiérarchiques. On peut lire le même type de rapports quand il est à l’Université de Lille (1904-1911) ; mais, à de rares exceptions près, on ne les retrouve pas quand Albert Demangeon professe à la Sorbonne. Enfin ont été conservées des lettres écrites par Albert Demangeon à ses supérieurs pour solliciter une autorisation ou pour plaider la cause de quelqu’un. A côté de ce dossier de fonctionnaire, d’autres archives nous apportent des renseignement intéressants. Les Archives nationales possèdent les fonds du Ministère de l’Instruction publique25, de l’Académie de Paris26 et de l’Ecole normale supérieure27 ; les Archives départementales du Nord conservent ceux de l’Académie de Lille.

Table des matières

Introduction.8
Chapitre I. Les sources : connaissance et réception d’Albert Demangeon
I Les sources primaires
A) Les oeuvres.
B) Les comptes rendus des oeuvres.
C) Les revues des universités
II Les archives.
A) Une grande diversité
B) Les lettres de condoléances après la mort d’Albert Demangeon
III Les notices nécrologiques
A) Un contexte de guerre
B) L’hommage au disparu
IV Les « Problèmes de géographie humaine »
V Les témoignages
A) Les témoignages publiés
B) Les témoignages recueillis
VI L’évolution de la réception d’Albert Demangeon
A) La réception par les géographes anglo-saxons
jusqu’aux années soixante-dix
B) Réflexion et témoignage d’un élève (1969)
C) La présentation par un gendre et élève (1975)
D) L’analyse de géographes épistémologues (1984)
E) Albert Demangeon vu par un spécialiste de géographie politique (1987)
F) Deux analyses de géographes contemporains (1996 et 1998)9
Conclusion
Première partie. L’ascension sociale (1872-1905)
Introduction de la première partie
Chapitre II. Un élève brillant, un normalien prometteur (1872-1904)
I Une origine modeste (1872-1892)
II Les années d’Ecole normale (1892-1895)
A) L’entrée à l’Ecole
B) Les rencontre
C) Les travaux
D) L’agrégation
III Du soldat au professeur de lycée (1895-1900)
IV Caïman à l’Ecole normale (1900-1904
Conclusion
Chapitre III. Un pédagogue pour les instituteurs
I La collaboration à la revue Le Volume
II Les « Travaux scolaires » d’histoire
III Les articles de géographie
A) Une pédagogie du concret pour une discipline de réflexion
B) Un déterminisme naturel très présent.
C) Une prédilection pour la géographie régionale
D) La géographie, science humaine ou naturelle ?
E) Une réception mitigée
Conclusion
Chapitre IV. Une thèse qui fait date : « La Picardie » (1905)190
I Une longue préparation pour un exercice obligé
II La thèse principale
A) Les titres et le plan
B) A la recherche de la méthode
III Un modèle de monographie régionale ?
A) Une soutenance magistrale
B) Un courrier abondant et enthousiaste.
C) Des comptes rendus laudatifs
D) Les honneurs
E) La thèse vue côté picard
F) D’une thèse modèle à un livre de référence
IV Une thèse secondaire originale
Conclusion
Conclusion de la première partie

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