Anatomie d’une artère

Les pathologies cardiovasculaires sont une cause acquise majeure de décès et de morbidité dans le monde (Cardiovascular diseases (CVDs) 2019). Les principales étiologies des évènements graves, tels que les accidents vasculaires cérébraux et les infarctus du myocarde, ont pour origine l’athérosclérose ou l’artériosclérose. Ces deux pathologies sont caractérisées par une rigidification de l’artère, l’athérosclérose étant une pathologie principalement intimale et l’artériosclérose une pathologie médiale.

L’imagerie échographique est la modalité d’imagerie de première intention pour l’examen des troncs supra aortiques. Dans une image vasculaire acquise par échographie les tunica intima et tunica media ne sont pas discernables, mais forment une seule entité appelée complexe intima media. L’épaisseur de ce complexe est depuis longtemps considérée comme indicatrice du risque cardiovasculaire (O’Leary et al. 1999 ; Stein 2004 ; Touboul et al. 2012). Il semblerait que les mouvements longitudinaux (Zahnd et al. 2012 ; Tat et al. 2016 ; Tat et al. 2015) et des déformations du complexe intima media qui ont lieu durant le cycle cardiaque telles que des compressions longitudinales (Zahnd et al. 2015), radiale (Zahnd et al. 2017 ; Soleimani et al. 2019 ; Nilsson et al. 2011), et des cisaillements (Nilsson et al. 2009) soient potentiellement également des marqueurs du risque cardiovasculaire. Tous ces paramètres sont d’intérêt. Or, il n’existe pas de méthode permettant de les évaluer de façon simultanée sur des images issues de la routine clinique. Nous nous proposons donc dans cette thèse de développer une méthode permettant l’évaluation simultanée de ces déplacements à la fois radiaux et longitudinaux et des déformations prenant place dans le complexe intima media.

Le système artériel

Le système artériel est le réseau vasculaire permettant d’acheminer le sang du cœur aux autres organes, le retour vers le cœur se faisant par le système veineux.  . Les différentes pathologies affectant les parois artérielles, ainsi que leur impact sur les caractéristiques biomécaniques de la paroi, seront également traitées. Enfin une revue succincte des méthodes d’évaluation de ces caractéristiques sera présentée.

Anatomie d’une artère

Les artères sont non seulement les vaisseaux permettant le passage du sang, mais ont également un rôle actif permettant la transformation d’un flux pulsatif en un flux plus régulé (Greenwald 2007). Pour une description complète de la composition de chacune des couches de la paroi artérielle, le lecteur est invité à se référer à Wagenseil et al. 2009. Les artères sont composées de trois structures concentriques qui sont, de la plus interne à la plus distale :

Tunica intima (intima)
L’intima est la tunique interne de l’artère. Elle est composée d’une couche de cellules épithéliales jointives. Celle-ci a aussi le rôle de structure sécrétante : elle secrète différentes molécules permettant la vasoconstriction ainsi que la vasodilatation en réponse à l’acétylcholine (Furchgott et al. 1980). L’intima secrète également un antiagrégant plaquettaire (Moncada et al. 1977), la prostacycline, ce qui permet d’éviter que les plaquettes ne se fixent sur celle-ci. Les cellules composant cette couche sont sensibles aux contraintes mécaniques notamment aux contraintes de cisaillements, ce qui permet de réguler la rigidité artérielle en fonction du flux (Vlachopoulos et al. 2011).

Tunica media (media)
La media est une couche composée de muscles lisses, séparée de l’intima par la limitante élastique interne. Ces cellules musculaires sont organisées de façon concentrique et sont entourées d’une matrice extra cellulaire (MEC) composée entre autres de collagène et d’élastine. Les concentrations relatives entre ces deux types de molécules déterminent le comportement élastique des artères. Le diamètre de l’artère peut être modifié par des contractions des cellules musculaires en réaction à des molécules sécrétées par l’intima (Vlachopoulos et al. 2011).

Tunica adventitia (adventice)
L’adventice est, quant à elle, une couche de tissus conjonctifs liant l’artère et les tissus alentours (Majesky et al. 2011). Elle a également le rôle d’irrigation de la tunica media, car elle contient le système vasculaire irriguant celle-ci. Elle aurait également un rôle actif dans la propagation du sang (Rey et al. 2002).

L’artériosclérose et l’athérosclérose

Les deux pathologies sont souvent confondues et les termes parfois utilisés de façon interchangeable. Cependant, les deux ont des sens différents qu’il est important de distinguer (Diehm et al. 2000 ; Pickering 1963 ; Greenwald 2007).

Artériosclérose

Le mot «artériosclérose» est une combinaison d’«artère» et de «sklerosis», mot grec signifiant durcissement (Lobstein 1829). Ainsi, la définition d’artériosclérose est un durcissement – rigidification – de l’artère. Une partie des mécanismes expliquant cette rigidification sont exposés dans Lyle et al. 2017. Il est important de noter que la plupart de ces mécanismes prennent place dans la tunica media.

Les artères de gros calibre – aorte, carotide, iliaque, fémorale et brachiale – sont élastiques de façon à emmagasiner de l’énergie élastique durant la systole cardiaque. Cette énergie est ensuite restituée durant la diastole, empêchant une trop forte chute de la pression artérielle. Ce comportement permet un flux stable en aval, protégeant ainsi les parties les plus fragiles du système vasculaire (Greenwald 2007; Lyle et al. 2017 ; O’Rourke et al. 2007 ; Wagenseil et al. 2009). La rigidification des artères conduit à une réduction de ce phénomène de lissage du flux. Cela a deux conséquences principales : 1. Une pression systolique augmentée causant des pathologies telles que des ruptures des artérioles distales, pouvant entraîner des AVC hémorragiques, démences vasculaires, troubles rénaux, 2. Une chute de pression diastolique, ce qui peut, entre autres, causer des troubles de perfusion des artères coronaires (Lyle et al. 2017 ; Greenwald 2007) pouvant conduire à une insuffisance cardiaque. La rigidification des artères a longtemps été considérée comme une conséquence inévitable du vieillissement, ce qui est actuellement remis en cause (Schellinger et al. 2019).

Athérosclérose

Contrairement à l’artériosclérose, l’athérosclérose est une pathologie prenant place principalement dans la tunica intima. Il s’agit d’une pathologie focale avec création d’une plaque dans la tunica intima. Le mot «athérosclérose» vient du nom de ces plaques qui ont été décrites comme étant des dépôts de matière grasse évoluant vers une présence de calcifications. Ces plaques sont qualifiées d’athérome signifiant «tumeur pleine de matière ayant l’apparence de gruau» (Turnbull 1915). La seconde partie provient, elle, du même mot «sklerosis» signifiant durcissement. Il est intéressant de noter, comme l’a fait Pickering, que ce mot est quelque peu ambigu signifiant «tumeur pleine de matière ayant l’apparence de gruau durci».

La description morphologique d’une plaque est plus utile que la définition histologique dans notre cas : le consensus de Mannheim (Touboul et al. 2012) décrit une plaque comme une protubérance empiétant sur la lumière vasculaire d’au moins 0.5 mm ou de 50% de l’épaisseur intima-média dans la partie saine, ou également une zone où la distance entre la limite intima lumen et media adventice est supérieure à 1.5 mm. Cette définition est cohérente avec celle de, Turnbull 1915 mais inclut également l’hypertrophie du complexe intima media.

Lorsque les plaques sont de faible épaisseur et stables, leur retentissement clinique est faible. Cependant deux cas de figure peuvent se présenter :
— Plaque empiétant fortement sur la lumière vasculaire : restriction de l’afflux sanguin en aval de la plaque (artériopathie oblitérante des membres inférieurs, angor).
— Rupture de la plaque : envoi d’embole dans le flux sanguin (AVC ischémiques, infarctus du myocarde).

Chacune de ces éventualités peut avoir un retentissement clinique lourd comme les pathologies présentées entre parenthèses en témoignent. Ainsi, lorsqu’une plaque est présente, il est trop tard pour prendre des mesures préventives. Les traitements sont alors des traitements médicamenteux au long cours et des traitements chirurgicaux dans les cas aigus.

Impact sur la biomécanique des artères

L’athérosclérose et l’artériosclérose ont toutes deux des impacts sur la composition de la paroi vasculaire.

L’artériosclérose est une pathologie affectant principalement la tunica media. Dans la matrice extracellulaire, l’élastine laisse une place plus grande au collagène, ce qui augmente sensiblement la rigidité de l’artère (Schellinger et al. 2019). Il est aussi connu depuis longtemps que la tunica media peut se calcifier ce qui augmente également la rigidité de celle-ci. Une artère rigide ne joue plus son rôle de régulation de la pression artérielle, ce qui est une des causes d’un ensemble de pathologies.

L’athérosclérose est, elle, une pathologie de la tunica intima. L’intima dans cette pathologie est affectée par un dépôt de matières grasses à la fois autour des cellules endothéliales et dans la limitante élastique interne (Turnbull 1915). La création et l’évolution des plaques sont des processus extrêmement complexes qui ne sauraient être résumés convenablement dans cette partie. Pour plus d’information sur ces mécanismes le lecteur est invité à se référer aux articles (Tabas et al. 2015 ; Slager et al. 2005) qui étudient respectivement la formation et la rupture de la plaque. Des phénomènes inflammatoires (Bäck et al. 2015 ; Vlachopoulos et al. 2011) et immunologiques (Gisterå et al. 2017) ont été mis en évidence pour la formation et l’évolution de la plaque. Le chapitre 23 de Vlachopoulos et al. 2011 présente une revue des connaissances et hypothèses sur la formation et l’évolution des plaques.

L’artériosclérose et l’athérosclérose sont souvent concomitantes (Wilkinson et al. 2009). Ce lien peut être lié aux modifications des caractéristiques biomécaniques causées par l’artériosclérose créant des conditions favorables à la formation et l’évolution de plaques athéromateuses. En effet, il a été mis en évidence que les stress mécaniques ont un impact sur la formation et la rupture des plaques (Slager et al. 2005). Les cisaillements de la paroi artérielle ont également été corrélés au développement de plaques (Vlachopoulos et al. 2011 ; Gijsen et al. 2019). Cette hypothèse est cependant sujette à discussion (Selwaness et al. 2014 ; Weir-McCall et al. 2018). De nombreuses études établissent un lien fort entre la rigidité artérielle et l’atherosclérose (Popele et al. 2001 ; Selwaness et al. 2014 ; Zureik et al. 2003 ; Wilkinson et al. 2009).

Ainsi, l’évaluation in vivo du comportement mécanique de la paroi artérielle peut donner des informations précieuses sur la santé vasculaire d’un sujet. Ces informations peuvent être en lien direct avec la rigidité artérielle ou avec les contraintes mécaniques s’appliquant sur celle-ci qui ont un rôle dans l’athérosclérose.

Table des matières

1 Contexte 
1.1 Le système artériel
1.1.1 Anatomie d’une artère
1.1.2 L’artériosclérose et l’athérosclérose
1.1.2.1 Artériosclérose
1.1.2.2 Athérosclérose
1.1.3 Impact sur la biomécanique des artères
1.1.4 Mesure in vivo du risque cardiovasculaire
1.1.4.1 Estimation de la rigidité artérielle
1.1.4.2 Doppler vasculaire
1.1.4.3 Mouvements du complexe intima media
1.1.5 Formation de l’image
1.1.5.1 Principe physique
1.1.5.2 Formation d’un écho
1.1.6 Caractéristiques de l’image
1.1.6.1 Résolution spatiale et temporelle
1.1.6.2 Speckle
2 État de l’art
2.1 Estimation du mouvement en échographie
2.1.1 Schéma d’appariement de blocs
2.1.1.1 Métrique de différence
2.1.1.2 Métrique de ressemblance
2.1.1.3 Limites des méthodes d’appariements par bloc
2.1.2 Utilisation des gradients spatiaux et temporels
2.1.3 Utilisation de points clefs
2.1.4 Estimation des mouvements de la paroi vasculaire
2.1.5 Synthèse
2.2 Détection de points clefs
2.2.1 Descripteurs
2.2.2 Métrique pour la détection de blobs
2.2.2.1 Cas unidimensionnel
2.2.2.2 Cas bidimensionnel
2.2.3 Espace d’échelle
2.2.4 SIFT
2.2.4.1 Métrique permettant la détection
2.2.4.2 Définition du descripteur
2.2.5 SURF
2.2.5.1 Détecteurs
2.2.5.2 Description de l’environnement des points détectés
2.2.6 KAZE
2.2.6.1 Espace d’échelle
2.2.6.2 Détection des points clefs
2.2.6.3 Description des points clefs
2.2.7 Harris
2.2.8 Appariement des points clefs détectés
2.3 Limites
3 Conclusion

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