Approche de reconstruction 3D des états et outil associé

Approche de reconstruction 3D des états et outil associé

Les maquettes sont difficilement conçues depuis leur création pour supporter les évolutions dans le temps. Souvent il est nécessaire d’intégrer à la maquette originaire les étapes historiques disparues des édifices ou d’apporter des modifications à la maquette reconstituée. La construction et structuration d’une maquette spatiotemporelle d’un édifice patrimonial et de ses états passés demande un double effort conceptuel : d’une part la maquette doit être construite et structurée dans l’espace en prenant en compte les échelles fondamentales de ses éléments architecturaux et de ses décors ; d’autre part tels éléments doivent obéir aux critères de décomposition temporelle. De ce fait, des liens entre éléments structurés doivent être établis afin de garder une trace des transformations qui se sont succédées. De plus, le seul état actuel peut être reconstruit rigoureusement grâce aux techniques mixtes de relevé laser et de photogrammétrie ; en revanche les états passés sont conditionnés par un certain nombre d’éléments disparus dont la morphologie et l’époque d’appartenance peuvent résulter incertaines. Dans ce sens, le processus d’interprétation augmente au fur et à mesure que les informations spatiales et métriques se réduisent. Par conséquent, la reconstruction tridimensionnelle se base dans un premier temps sur l’acquisition géométrique de quelques éléments subsistants ; dans une deuxième étapes elle se base sur l’interprétation des sources (parfois très imprécises d’un point de vue formel et graphique), et s’appuie sur les relations de composition qui peuvent être établies à partir des connaissances architecturales. Les sources historiques constituent une contrainte fondamentale comme leur nature détermine l’approche de modélisation 3D, sa qualité métrique et son niveau de fiabilité. Ce chapitre est consacré à la description de la démarche de restitution des états historiques. Tout particulièrement, cette approche va de la prise en main d’une maquette à l’aboutissement de ses étapes temporelles. Nous présentons la methode de décomposition sémantique exprimée en fonction du temps et nous définissons la nature des entités morphologiques temporelles et leurs possibles relations réciproques. Cette démarche méthodologique a donné lieu à une application développée dans le but de compléter et structurer la maquette spatio-temporelle afin de la prédisposer à représenter l’évolutivité au fil du temps (voir à ce propos l’Annexe D). L’intérêt de cet dispositif est de fournir un outil de modification, de vérification et de validation de la structuration temporelle (Figure 32).

Reconstruction 3D des états

Cette étape de notre démarche se base sur la restitution d’un état quelconque de l’édifice (actuel ou passé). Nous soulignons deux aspects fondamentaux : premièrement, dans cette approche, diverses techniques de restitution 3D peuvent être exploitées, à condition que le résultat soit une maquette structurée en fonction d’un point de vue. Deuxièmement, nous n’avons pas forcement besoin de commencer avec la restitution de l’état actuel, qui constitue seulement un des états représentant le cycle de vie d’un bâtiment. En effets, cet état ne peut pas toujours être restitué, car si les édifices ont disparus, aucune acquisition de données sur le terrain n’est possible. Dans le cas où des éléments sont subsistants, la restitution de l’état actuel peut constituer le point de départ pour la reconstruction géométrique. Dans ce dernier cas, la modélisation géométrique de l’état actuel peut se baser sur une acquisition photographique, laser, ou hybride (qui consiste dans l’association des premières deux techniques). A titre d’exemple, une acquisition hybride de l’état actuel est possible à travers l’outil Nubes Forma, qui permet de : 

  • extraire des nuages de points les profils pertinents pour la reconstruction géométrique ;
  • restituer la morphologie de l’édifice à travers trois techniques en fonction de l’objet de restitution : les profils pertinents de points précédemment extraits, les primitives architecturales et un maillage automatique à partir de points du nuage ;
  • importer les photos de l’état actuel dans la même interface de modélisation et les calibrer à travers la corrélation entre les coordonnées 3D de la volumétrie restituée et les mêmes points 2D identifiés sur les photos. 

Le modèle ainsi restitué constitue la base pour les opérations suivantes de reconstruction des étapes historiques. Afin de restituer les étapes passés, il s’agit premièrement d’isoler chaque état sur la base des connaissances variées telles que les sources iconographiques et l’interprétation des experts. Cette démarche, décrite dans les sections suivantes et dans (De Luca et al. 2010), est basée sur trois opérations complémentaires : • Référencement spatial des sources en s’appuyant sur l’état précédemment restitué ; • Modélisation de chaque état historique en s’appuyant sur les sources iconographiques ; • Eventuel enrichissement de la géométrie à travers l’extraction de textures et la projection à partir des images.

Référencement spatial des sources 

Notre démarche se base sur l’importation et le référencement d’images dans la scène 3D. Le référencement spatial permet d’établir un lien entre les sources et les éléments déjà restitués. La détection de peu d’éléments en commun entre la maquette et les sources permettra ensuite de modéliser la géométrie par comparaison. Le référencement d’images varie en fonction de la typologie des sources. Le cas du Trophée des Alpes (Figure 34) est emblématique car les évolutions de ce site peuvent être connues grâce à des photos historiques des premières décennies du XXe siècle et à des dessins plus datés à l’époque de la transformation en forteresse. Un dessin des Formigé suppose la forme originaire du monument augustéen. Nous proposons les trois méthodes suivantes de référencement en fonction des sources iconographiques. 

Photos historiques

Cette approche détaille le référencement spatial dans le cas de photos historiques. Avec ce typologie de sources, la technique adoptée est celle de la résection spatiale. Les images sont calibrées (orientées dans l’espace) en exploitant les éléments déjà restitués d’un autre état. Il s’agit de définir les relations projectives entre les photos et l’état restitué. La procédure de résection spatiale permet d’établir un ensemble de correspondances entre chaque photo (coordonnées 2D) et la restitution 3D de l’état (coordonnées 3D). A partir de ces correspondances, il est possible de définir le modèle géométrique de la camera associé à chaque photo, qui est défini par les paramètres intrinsèques (longueur focale et distorsion) et extrinsèques (vecteur de translation et de rotation) du modèle géométrique de l’image. La résection spatiale de la camera pose deux problèmes. Premièrement, dans le cas de photos historiques, les informations au moment de l’acquisition photographique sont souvent inconnues (longueur focale et distorsion) et le format de l’image peut être modifié. Dans ce cas, l’estimation des paramètres intrinsèques devient une tâche difficile. Deuxièmement, souvent l’état actuel restitué et celui décrit par la photo historique sont très différents et cette disparité peut empêcher la détection de coordonnées 2D et 3D. La seule solution est celle de limiter la correspondance de coordonnées aux seules parties qui n’ont pas été modifiées au fil du temps. Cet aspect est très contraignant, et parfois les éléments subsistants sont en nombre très réduit. Le calcule de résection spatiale est fait à travers l’algorithme de calibration d’images de Tsai (Tsai 1986), qui a été intégré dans Nubes Forma. Cette procédure nécessite 11 correspondances 2D/3D pour définir les caractéristiques intrinsèques et extrinsèques de la camera. Afin d’obtenir une calibration précise des photos, il est important que les points caractéristiques soient choisis de façon soignée, en faisant attention à deux aspects : • Les correspondances 2D/3D doivent être distribuées de façon homogène sur toute l’extension maximale de l’image ; • Les mêmes correspondances 2D/3D doivent être sélectionnées de façon homogène sur toute la profondeur de la scène 3D. 

Dessins techniques (relevés manuels, vues de faces, coupes, etc.) et photos redressée

Ce genre d’iconographie utilise les règles des projections orthogonales ; les images sont référencées manuellement à travers l’importation dans la scène à une échelle appropriée (Figure 36). Cette phase s’opère donc en quatre étapes : • Définition de l’orientation du plan de projection orthogonale de l’image à travers 3 coordonnées 3D appartenant à la surface estimée parallèle aux faces de la volumétrie qui sont décrites par l’image ; • Importation de l’image dans la scène sur le plan de projection ; • Mise à l’échelle de la projection orthogonale à travers la correspondance entre deux coordonnées 2D et deux coordonnées 3D ; • Déplacement de l’image en direction orthogonale au plan d’importation afin de restituer les diverses entités visibles dans l’image. La restitution 3D est effectuée à partir du remaniement des volumes par projection de l’image. Cette démarche a deux limites. Premièrement, la mise à l’échelle se base sur deux seules correspondances 2D/3D : il est donc conseillé de choisir des correspondances appropriées, distribuées sur une portion étendue de l’image. Ce genre de dessins étant basé sur l’assemblage de photos (mosaïque de photos) ou sur un relevé manuel (dessins techniques), des marges d’erreurs (plus ou moins importantes) conditionnent le positionnement de l’image et sa mise à l’échelle. Par conséquent, des discordances métriques entre la représentation bidimensionnelle et l’état actuel déjà restitué pourraient se présenter.

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