Cantos de Trabalho du lamento des esclaves a l’expression du combat

CANTOS DE TRABALHO : DU LAMENTO DES ESCLAVES A L’EXPRESSION DU COMBAT

Les chants de travail sont un phénomène présent dans beaucoup de cultures depuis des siècles. Le cinéma les a mis en scène, par exemple, dans Hallelujah (King Vidor, 1929), avec les séquences des travailleurs noirs et leur famille chantant dans les champs de coton du Sud des États-Unis. Ou dans Riso amaro (Riz Amer, Giuseppe de Santis, 1949), où les ouvrières saisonnières chantent en rythmant leurs travaux dans les rizières de la plaine du Pô italienne. Ou encore dans le classique de l’animation de Walt Disney Snow White and the seven dwarfs (Blanche-Neige et les sept nains, 1937) :  « On pioche, tic-tac, tic-tac, tic-tac, dans la mine le jour entier / On pioche, tic-tac, tic-tac, tictac, notre jeu préféré / Pas bien malin d’être riche enfin / Si l’on pioche, tic-tac, dans la pierre ou dans la roche / Dans la mine, dans la mine / Où un monde de diamants brille, brille / On pioche, tic-tac, tic-tac, du matin jusqu’au soir / On pioche des diamants par monceaux / Et les sacs de rubis par quintaux ». Les chants allègres et joyeux des sept nains travaillant pour leur propre bénéfice dans la mine, informent que le bonheur du repos dans le confort du foyer aux petits soins de Blanche-Neige est encore plus précieux que les diamants qu’ils ramassent en piochant. En changeant complètement de référence, les chants de travail dans les mines sont évoqués dans une toute autre perspective par les ex-travailleurs mozambicains des mines d’Afrique du Sud, dans Makwayela356 (Jean Rouch, 1977).

Dans ce court film, une chorale de mineurs mozambicains présente une danse et chante une chanson de révolte révolutionnaire très anticapitaliste (« Unis les travailleurs du monde entier ! À bas le capitalisme ») comme un exemple réactualisé des chants et des danses qu’ils jouaient dans les mines d’Afrique du Sud afin de supporter le travail et la nostalgie de leur pays d’origine et l’éloignement de leurs familles. Cette chanson, ils la chantent et dansent pour la caméra devant la porte de l’usine de bouteilles où ils travaillent alors, au Mozambique devenu libre. Au Brésil, les chants de travail ont été mis en scène par Humberto Mauro357 en 1955, avec le son enregistré en studio. Quelques années plus tard, Paulo César Saraceni a fait une tentative de les enregistrer en situation réelle, pendant le tournage de Arraial do Cabo : « Notre idée était de filmer les transformations [dans le village] et d’enregistrer, même sans connaître le cinéma direct qui naissait avec Rouch et les canadiens, la parole des pêcheurs et des ouvriers et les chants de leurs femmes salant les poissons.

Malheureusement notre magnétophone était rudimentaire et avec la différence de kilowatts entre le village de Arraial do Cabo et Rio de Janeiro, nous avons perdu beaucoup de chose. Nous avons pu au moins profiter du discours du fou sur la place déserte et faire un disque des chants des femmes, qui nous avons offert au Musée Historique » 358 . Leon Hirszman a réalisé trois films sur les chants de travail au Nordeste brésilien. Le premier, Cantos de trabalho – Mutirão (1975), a été tourné en août 1974, à Chã Preta, dans l’État de Alagoas. Les deux autres ont été tournés deux ans plus tard en mai 1976, dans l’État de Bahia : Cantos de trabalho – Cana-de-Açúcar (1976), à Feira de Santana ; et Cantos de trabalho – Cacau (1976), à Itabuna. L’intérêt de Hirszman pour les chants de travail datait de quelques années.

À Chã Preta, où il a tourné le premier film de la série, il avait préalablement enregistré quelques plans, quand il faisait les repérages pour son film São Bernardo (1972), une histoire fictionnelle d’après le roman homonyme de Graciliano Ramos, située dans les années trente. Le cinéaste a alors intégré ces images à la fin du film, en montrant selon un registre documentaire que l’état de misère du peuple de la région qu’il représente dans la fiction était encore une réalité dans les années soixante-dix. Sur la création de la musique de São Bernardo, avec Caetano Veloso, il explique : « Nous partons de la musique-seule dans le plan où les paysans viennent en chantant un ‘Rojão do eito’359 qu’ils chantent par paires durant le travail : des plusieurs duos qui entrent l’un après l’autre s’appuyant seulement sur les voix.

De ce thème original chanté, nous avons extrait une relation pour d’autres plusieurs thèmes. Une analyse de ce qui est chanté à partir de la relation structurale du film comme un tout ». 360 Dans une autre occasion, il explique les rapports entre le son et le montage : « Le mouvement principal est donné par le montage, par le conflit entre l’image et le son. Dans quelques plans, l’image est fixe et le son se mouvemente ; dans d’autres moments le son est fixe. Dans un plan où il n’y a pas de mouvements de caméra, le son se déplace avec un personnage qui se rapproche ou s’éloigne de la caméra. Dans un plan où le son n’a pas de mouvement – un commentaire off – donnée par quelqu’un qui se trouve en dehors du plan, l’image se déplace soit par le montage des plans, soit par le mouvement propre de la caméra ».

CANTOS DE TRABALHO – MUTIRÃO362 (1975) 

Ce film a été réalisé à partir d’un contrat  signé avec le Département Culturel du Ministère de l’Éducation et Culture (Departamento de Assuntos Culturais do Ministério de Educação e Cultura) le 24 mai 1974. Le contrat fait référence au projet364 présenté par le réalisateur, daté du 6 décembre 1973, dont les termes sont les suivantes : 

CHANTS DU TRAVAIL AU BRÉSIL 

Les manifestations folkloriques liées aux chants du travail ont été très peu étudiées parmi nous. Le cinéma peut contribuer efficacement à organiser les connaissances sur ce thème et en même temps les diffuser provoquant alors d’autres manifestations et recherches. Le travail de recherches pendant la préparation du filmage doit être orienté vers l’éclaircissement des relations entre le dénommé « mutirão » (entraide), les chants et les festivités qui l’accompagnent. Quand j’étais en Alagoas, avant le filmage de Sao Bernardo, je me suis intéressé à la question et j’ai intégré dans mon film un extrait d’une manifestation de chant choral (en duo) qui accompagnait un travail collectif de préparation de terre pour une plantation. C’était en 1971, à Chã Preta, petit village à une heure de Viçosa, Alagoas.

Mon intérêt sera d’enregistrer également dans le film les vers improvisés qui interviennent normalement et mettent en relief dans le mutirão le caractère d’unité du peuple quand il doit faire face à certains types de travail. Selon Câmara Cascudo – « le mutirão n’est ni amérindien, ni africain. Il est avant tout une permanence culturelle. Une institution sociale… chaque groupe social l’organise selon ses coutumes ou tendances particulières, en relation avec l’ambiance. C’est une institution universelle ». Au Brésil, malgré tout, il est en voie de disparition. Je crois qu’une recherche bien coordonnée pourrait produire une série de films qui, en même temps, auraient leur organisation explicite par région et par type de travail concret. Par exemple, dans ce premier film que je propose de réaliser pour le DAC-MEC, en couleurs et en son direct, j’aborderai le thème au Nordeste des mutirões (mutirão au pluriel) féminins avec les dentellières et les fileuses. 

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