Caractérisation de complexes d’inhibiteurs à visée thérapeutique avec des métalloprotéines

Caractérisation de complexes d’inhibiteurs à visée
thérapeutique avec des métalloprotéines

Conception in silico des médicaments 

 Introduction générale

 La conception de médicaments est une science axée essentiellement sur le patient, dans laquelle les laboratoires et les industries pharmaceutiques s’efforcent d’améliorer les médicaments déjà présents sur le marché ou d’inventer une entité chimique thérapeutique totalement nouvelle. Dans les deux cas, la vision finale est d’obtenir un nouveau médicament plus puissant, ayant un indice de chimiothérapie plus élevé que son antécédent dans la même catégorie. Cependant, le développement de nouvelles drogues à applications thérapeutiques potentielles reste un processus complexe et difficile ; des millions d’euros de capitaux et d’heures de travail y sont consacrés annuellement. De plus, divers aspects doivent être pris en considération au cours de ce développement étant donné qu’il s’effectue dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire associant divers domaines scientifiques dont la biologie structurale, la chimie théorique, l’informatique, la pharmacologie et la synthèse organique [1] [2] . Les progrès technologiques récents, en particulier la fusion entre la biologie moléculaire et l’informatique, contribuent à accélérer, faciliter et améliorer le processus adopté par les sociétés pharmaceutiques pour découvrir de nouvelles cibles médicamenteuses et développer des inhibiteurs agissant à leur niveau  .

 Le processus de développement des médicaments

 Le processus de développement de médicaments comprend deux étapes principales: l’étude préclinique suivie de l’étude clinique. L’étape préclinique se focalise globalement sur l’optimisation d’un candidat thérapeutique dans le but d’améliorer son potentiel et son efficacité envers sa cible alors que l’étape clinique consiste à évaluer le nouveau médicament chez l’homme avant sa mise sur le 27 marché. Nous allons détailler dans ce qui suit chaque étape du développement médicamenteux, en prenant comme référence la Figure 3 qui le schématise. 

L’évaluation préclinique 

L’étude préclinique est primordiale avant d’administrer la molécule thérapeutique chez les patients traités. Elle comprend plusieurs étapes successives [4], citées et détaillées ci-dessous :  Etape 1 : Identification de la cible : Le point de départ clé dans le pipeline de découverte de médicaments est l’identification du site de liaison à cibler correspondant à la pathologie en question. C’est une étape incontournable où s’effectue une analyse méticuleuse des caractéristiques structurales et chimiques de la cible, en se basant sur diverses références bibliographiques et sur des approches génomiques et protéomiques. La cible en question pourra alors être séquencée, clonée et purifiée en grandes quantités afin d’être testée.  Etape 2 : Construction de la cible : Après avoir identifié la cible thérapeutique, on passe à sa construction puis à son évaluation rigoureuse afin de démontrer que la modulation de la cible engendrera le résultat clinique souhaité.  Etape 3 : Identification de molécule « tête de série » L’étape la plus importante dans le processus de conception de médicaments est l’identification d’un inhibiteur « tête de série » (lead compound) à partir de petites molécules modulatrices de la fonction de la cible (Figure 2). Ces molécules peuvent être des produits naturels (sources animales, venins, toxines etc) ou des 28 médicaments préexistants. L’identification se fait par différentes approches telles que le criblage virtuel à haut débit (High Throughput Screening) ou la conception basée sur la structure (Structure-based Drug Design). Les candidats « tête de série » sélectionnés à l’issue de ces approches possèdent une activité biologique optimale vis-à-vis de la cible, et d’une relation structureactivité liée à une efficacité thérapeutique. En d’autres termes, ce sont les molécules qui présentent un bon score de liaison évaluant le ratio affinité/spécificité et un bon équilibre entre hydrophilicité/lipophilicité, parmi les milliers de molécules testées. Un autre critère de filtration des candidats médicamenteux se base sur la règle de 5 de Lipinski, qui comprend des critères physico-chimiques nécessaires à une bonne biodisponibilité et absorption des composés par voie orale [5] [6]. Les propriétés de Lipinski sont les suivantes : 1. Un poids moléculaire inférieur à 500 Da. 2. Log P (indice de lipophilie) inférieur à 5. C’est le coefficient de partage entre l’eau et le solvant organique, permettant d’évaluer la lipophilie d’un composé organique et donc d’estimer sa propriété à traverser ou non les membranes biologiques. 3. Le nombre de donneurs de liaisons hydrogènes est inférieur à 5. 4. Le nombre d’accepteurs de liaisons hydrogènes est inférieur à 10.  Etape 4 : Optimisation de la molécule « tête de série » Une fois choisies et identifiées, les molécules « leads » sont alors optimisées. Elles subissent un processus de raffinage de leur structure chimique, dans le but de construire le plus haut niveau possible de puissance, de sélectivité et d’affinité pour la cible d’intérêt. Le raffinage comprend précisément la modulation des paramètres pharmacocinétiques comme par exemple la relation dose-effet, la relation concentration-temps et la distribution du médicament-candidat. 30  Etape 5 : Conception de formulaires et de schémas posologiques appropriés Cet aspect de la conception diffère de la manipulation et de l’optimisation moléculaire par le fait qu’au cours de cette étape la composition du produit médicamenteux est modifiée et non la structure moléculaire du principe actif. Ainsi on cible obtenir un degré élevé de disponibilité biologique tout en conservant l’efficacité thérapeutique du médicament.  Etape 6: Vérification de l’activité Après avoir identifié une cible thérapeutique et filtré les molécules candidates (à peu près 250 composés arrivent à ce stade à partir des milliers testés), une série de tests est effectuée afin de valider l’activité de l’inhibiteur sur sa cible. La vérification se fait in vitro sur des modèles de laboratoire de complexité croissante, commençant par des modèles enzymatiques puis cellulaires puis tissulaires. Lors de cette phase, les propriétés ADME-Tox (Administration, Distribution, Métabolisme, Excrétion et Toxicité) seraient évalués ainsi que les propriétés mutagènes, cancérogènes et tératogènes les plus pertinents du médicament [7] [8] . Ces informations quantitatives sont nécessaires pour la distribution de la molécule du médicament en sa forme active dans les différents compartiments de l’organisme, en fonction de la dose et de l’intervalle entre les doses.  Etape 7 : Tests in vivo chez les animaux Après avoir testé plusieurs candidats thérapeutiques in vitro, on passe aux tests in vivo chez les animaux avant de débuter les essais cliniques chez l’homme. Cette dernière étape des études précliniques fournit des informations sur l’innocuité et l’efficacité du médicament sur un modèle animal présentant la maladie qu’on 31 désire traiter. Ainsi plusieurs données pourront être récupérées comprenant la toxicité aiguë, la cinétique et le métabolisme du médicament ainsi que la sensibilité des organes de l’animal testé. La dose de départ est évaluée de même afin qu’elle soit dans une marge de sécurité acceptable, sans danger aux humains.

L’évaluation clinique

 Suite aux tests de la phase préclinique, moins que cinq composés à peu près arrivent à l’étape d’évaluation chez des êtres humains volontaires. C’est une étape cruciale avant la commercialisation du médicament, basée sur des données recueillies lors des essais cliniques, comme les effets toxicologiques de la drogue sur le corps humain, son niveau plasmatique, son absorption, son excrétion et la formation de ses métabolites [9]. Notons qu’une demande d’approbation par la FDA doit être déposée pour pouvoir procéder à l’étude sur des patients humains. L’étude clinique se fait en 3 étapes [10] [11] :  Etape 1 : Etudes ADME-Tox chez les humains Une étude des propriétés ADME-Tox est menée à ce stade sur de petits groupes de volontaires sains (moins de 100 personnes) dans le but d’évaluer la sécurité du composé, notamment par la recherche de ses effets secondaires afin de corroborer la toxicité pré-évaluée chez l’animal.  Etape 2 : Evaluation pharmacologique Les essais de la phase 2 ont pour objectif de confirmer l’action thérapeutique du médicament-candidat et de vérifier sa dose optimale. Les tests sont alors menés sur des personnes malades, en commençant par un petit groupe de 100 personnes 32 avant de passer à plusieurs centaines de patients. On peut alors déterminer la dose à la fois efficace et bien tolérée de substance à administrer.  Etape 3 : Etude en « double-aveugle » Une étude comparative est exécutée, vis-à-vis du composé de référence et d’un placebo. Son but est la comparaison de l’efficacité thérapeutique du médicament par rapport au placebo. Elle contribue de même à évaluer le rapport bénéficerisque. Ces essais sont menés sur de grandes populations de patients. Un seul candidat thérapeutique sera choisi après son succès dans la phase clinique, il est alors prêt à être soumis aux autorités de santé pour sa commercialisation. C’est ce qu’on appelle l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). 

Table des matières

Remerciements
Liste des abréviations
Symboles des acides aminés
Résumé en français de la thèse
Résumé en anglais de la thèse
Chapitre I : Introduction générale au projet
Chapitre II : Contexte Scientifique
Partie A : Conception in silico des médicaments
A.I.Introduction générale
A.II.Le processus de développement des médicaments
A.II.1. L’évaluation préclinique
A.II.2. L’évaluation clinique .
A.III. La conception rationnelle de médicaments
A.III.1. La conception de médicaments basée sur la structure
Partie B : SIDA et VIH
B.I. La pandémie du SIDA
B.II. Le virus d’Immunodéficience Humaine de type 1 (VIH-1)
B.II.1. Structure virale
B.II.2. Génome du VIH-1
B.II.3. Cycle réplicatif
B.III. Intégrase et mécanisme d’intégration 46
B.III.1. Structure de l’intégrase
B.III.1.1. Le domaine N-terminal
B.III.1.2. Le domaine central
B.III.1.3. Le domaine C-terminal
B.III.2. Mécanisme d’action de l’intégrase
B.III.2.1. Maturation en 3’ de l’ADN viral
B.III.2.2. Etape de transfert de brin
B.III.3. Interactions de l’intégrase avec l’ADN viral
B.III.3.1. Régions de l’intégrase reconnues par l’ADN viral
B.III.3.2. Régions de l’ADN viral reconnues par l’intégrase
B.IV. Mécanisme d’inhibition de l’intégrase
B.IV.1. Thérapies anti-VIH-1
B.IV.1.1. Les inhibiteurs de l’entrée du VIH-1
B.IV.1.2. Les inhibiteurs de la fusion virus-cellule
B.IV.1.3. Les inhibiteurs de la transcription inverse
B.IV.1.4. Les inhibiteurs de l’activité protéolytique
B.IV.2. Inhibition de l’intégrase virale
B.IV.2.1.Les inhibiteurs dicétoniques (DKAs)
B.IV.2.1.1.Le mécanisme d’action des INSTIs
B.IV.2.1.2.Raltégravir
B.IV.2.1.3.Elvitégravir
B.IV.2.1.4.Dolutégravir
B.IV.2.2.Emergence des mutations de résistance contre les INSTIs
Conclusions du chapitre II
Approche de travail développée dans cette thèse :rationalisation par modélisation moléculaire
Chapitre III : Démarches et outils
Partie A : La Chimie Computationnelle : de la mécanique quantique à la mécanique moléculaire
A.I. Notions de base de chimie quantique
A.I.1.Théorie d’Hartree-Fock
A.I.2.Méthodes post-Hartree-Fock
A.I.3.Théorie de la Fonctionnelle de la Densité
A.I.4.Les fonctions de bases
A.I.5. L’erreur de superposition de base
A.II. Méthodes interprétatives quantiques
A.II.1. Méthodes de décomposition d’énergie .
A.II.1.1. Décomposition d’énergie : Approche RVS
A.II.1.2. Décomposition d’énergie : Approche ALMOEDA
A.II.2.Méthodes d’analyse topologique
A.II.2.1.Contours des potentiels électrostatiques moléculaires
A.III. Mécanique moléculaire : approches classiques et polarisables
A.III.1. Champs de force classiques
A.III.2. Champs de force polarisables
A.III.2.1. Champ de force polarisable : SIBFA
A.III.2.1.1. Formulation du potentiel SIBFA.
A.III.2.1.2. Calcul de l’énergie multipolaire
A.III.2.1.3.Calcul de l’énergie d’échange-répulsion
A.III.2.1.4. Calcul de l’énergie de polarisation
A.III.2.1.5. Calcul de l’énergie de transfert de charge
A.III.2.1.6. Calcul de l’énergie de dispersion
A.III.2.2. Champ de force polarisable : AMOEBA
A.III.2.2.1. Formulation du potentiel AMOEBA
A.III.2.2.2. Calcul de l’énergie de vdW
A.III.2.2.3. Calcul de l’énergie électrostatique
A.III.2.2.4. Calcul de l’énergie de polarisation
Partie B : La dynamique moléculaire conventionnelle
B.I. Principes de la dynamique moléculaire classique
B.I.1. Conditions de calcul
B.I.1.1. Echelles de temps
B.I.1.2. Les ensembles
B.I.1.3. Les conditions périodiques
B.II. Nos choix des systèmes biologiques simulés du VIH-1
B.III.Notre Protocole de dynamique moléculaire conventionnelle appliqué
Partie C : Calculs d’énergie libre
C.I. Notions théoriques générales sur le calcul d’énergie libre alchimique
C.II. Cycle thermodynamique alchimique
C.II.1. Cycle thermodynamique alchimique des énergies libres absolues
C.II.2. Types de contraintes
C.III. Méthodes d’estimation des énergies libres des simulations à l’équilibre
C.III.1. Approches de perturbation.
C.III.1.1. Méthode FEP
C.III.1.2. Méthodes BAR et MBAR
Conclusions du chapitre III
Chapitre IV. Résultats et Discussion
Partie A : Conception et évaluation des nouveaux noyaux d’halobenzènes issus du DTG
A.I. Introduction générale de la partie A
A.II. Conception des nouveaux noyaux halogénés à partir du DTG
A.III. Evaluation de l’énergie d’interaction des nouveaux noyaux halogénés avec les bases terminales de l’ADN viral du VIH-1
A.III.1. Calculs mécanique et quantiques corrélés de l’énergie d’interaction totale du complexe C16-G4-nouveau noyau
A.III.2. Décomposition de l’énergie d’interaction totale des composés
A.IV. Evaluation qualitative de l’interaction des nouveaux noyaux halogénés avec les bases terminales de l’ADN viral du VIH-1
A.IV.1. Détermination des contours de potentiel électrostatique
A.V. Conclusions du chapitre IV partie A
Partie B : Simulations par dynamique moléculaire des complexes biologiques cibles du VIH-1
B.I. Introduction générale de la partie B
B.II. Présentation des systèmes à simuler
B.III. Analyse des simulations de dynamique moléculaire conventionnelle
B.III.1. Etude des interactions ADN viral – Intégrase
B.III.2. Etude des interactions ADN viral -Inhibiteurs
B.III.3. Etude des interactions Intégrase –Inhibiteurs
B.III.3.1. Evaluation de la distance entre des résidus clés de l’intégrase virale et les inhibiteurs
B.III.3.2. Evaluation de la distance entre les résidus causant des mutations de résistance primaires et secondaires chez l’intégrase du VIH-1 et nos inhibiteurs
B.IV.Conclusions du chapitre III partie B
Partie C : Calculs d’énergie libre alchimique absolue des interactions au sein des complexes simulés du VIH-1
C.I.Introduction générale de la partie C
C.II.Notre protocole pour le calcul des énergies libres alchimiques absolues
C.III.Résultats des calculs des énergies libres absolues alchimiques
C.III.1.Calculs des énergies libres absolues alchimiques des complexes ADN-Inhibiteurs
C.III.2.Calculs des énergies libres absolues alchimiques des complexes ADN-IntégraseInhibiteurs
C.III.3. Calculs des énergies libres absolues alchimiques des complexes ADN-DTG et Intégrase-DTG
C.IV. Conclusions du chapitre III partie C
Chapitre V. Conclusions et Perspectives
V.I. Conclusions des travaux de thèse
V.II. Perspectives des travaux de thèse
Chapitre VI. Annexes

projet fin d'etude

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