Caractéristiques des composites cimentaires incorporant des fibres végétales

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Synthèse

Nous avons étudié dans cette partie le comportement des bétons biofibrés après une exposition à des températures élevées. Ces bétons ont été comparés à des bétons « classiques », fibrés (fibres de verre) et non fibrés. Les résultats expérimentaux ont montré que les bétons biofibrés présentaient une perte de résistance plus importante que les bétons « classiques », que ce soit à 300°C ou à 600°C. Ces pertes de résistance sont principalement dues à la dégradation des fibres à « basse » température (dès 250°C). La dégradation thermique des fibres entraîne une augmentation de la porosité, ce qui engendre des résistances mécaniques plus faibles.

CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons étudié la durabilité des bétons biofibrés. Cette étude est essentielle dans le cadre du développement d’un béton pour l’industrie, d’autant plus qu’elle aborde une facette souvent peu étudiée pour les bétons biosourcés.

Amélioration du comportement sur le long terme

Nous avions révélé dans le Chapitre 4 que les fibres de lin présentaient un mauvais comportement sur le long terme au sein d’une matrice cimentaire, avec une perte très rapide de ténacité pour les composites, dès 90 jours. Le traitement des fibres de lin ne permettant pas d’améliorer leur durabilité dans les matériaux cimentaires, nous avons choisi de modifier la matrice cimentaire dans le but de diminuer son agressivité vis‑à‑vis des fibres de lin. Trois liants alternatifs ont donc été étudié, avec différents taux de substitution par rapport au ciment Portland : le métakaolin (15 % et 30 %), le laitier de hauts fourneaux (30 % et 60 %) et le ciment sulfo‑alumineux (100 %).
En premier lieu, ces liants alternatifs n’ont pas affecté de manière significative les propriétés à l’état frais des mortiers. L’air occlus des mortiers n’est que peu impacté par l’utilisation des liants alternatifs, tout comme la masse volumique. Toutefois, on notera que le laitier de hauts fourneaux a permis d’améliorer l’ouvrabilité des mortiers.
Dans un second temps, il ressort que ces liants alternatifs impactent les propriétés des mortiers
à l’état durci. La cinétique de développement des résistances en compression a été modifiée. En effet, les composites fabriqués avec les liants alternatifs présentent globalement des résistances sur le court terme (7 et 28 jours) plus faibles que le mortier biofibré fabriqué avec 100% de ciment Portland, quand bien même ces liants permettent d’atteindre des résistances quasi‑équivalentes, voire supérieures au ciment Portland après 90 jours de cure. C’est sur le comportement en flexion que les liants alternatifs ont un impact important. En effet, une importante baisse de ténacité était observée sur les mortiers biofibrés composés de ciment Portland, et ce même à moyen‑terme (90 jours). Les liants alternatifs ont permis de limiter plus ou moins la dégradation des fibres entre 28 et 90 jours. Sur le long terme (320 jours), le ciment sulfo‑alumineux, et le métakaolin (au taux de 30%) dans une moindre mesure, permettent au composite de conserver une ténacité importante.
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Cependant, le laitier de hauts fourneaux ne semble pas être efficace pour limiter la dégradation des fibres de lin. L’efficacité du ciment sulfo‑alumineux pour améliorer le comportement sur le long terme des composites biofibrés a pu être confirmée par des analyses thermogravimétriques et par des mesures du pH. En effet, d’après la littérature, la dégradation des fibres végétales est principalement due à deux phénomènes : la présence d’hydroxyde de calcium qui entraîne une minéralisation importante des fibres dégradant fortement leurs performances mécaniques (Ramakrishna et Sundararajan, 2005), et l’environ fortement alcalin qui provoque une hydrolyse alcaline des constituants des fibres végétales (Gram, 1983). Le ciment sulfo‑alumineux a permis de diminuer considérablement le pH des mortiers. De plus, l’hydratation de ce liant n’entraîne pas la formation d’hydroxyde de calcium. Le ciment sulfo‑alumineux s’avère donc être un liant compatible avec les composites biosourcés.
Comportement des bétons biofibrés en conditions extrêmes
L’étude du comportement des bétons en environnements extrêmes a été conduite sur deux bétons biofibrés, un béton non‑fibré et un béton renforcé de fibres de verre. Par rapport aux besoins industriels de CMEG, ces bétons devaient présenter un étalement supérieur à 55 cm et une résistance minimale en compression à 28 jours de 30 MPa. Ces bétons ont ensuite été testés dans des conditions extrêmes, à savoir : sous cyclage de gel‑dégel et après exposition à des températures élevées (300 °C et 600 °C).
Tout d’abord, les essais de gel‑dégel ont souligné une dégradation progressive des bétons « classiques » tout au long des cycles. Cependant, les bétons biofibrés se caractérisent par une bien meilleure résistance à ces cycles de gel‑dégel. Les essais non destructifs ont permis de constater une faible perte de masse par rapport aux bétons BT et BFV. Par ailleurs, les essais de résistance mécanique menés à l’issue des 300 cycles de gel‑dégel ont confirmé ces résultats : la résistance des bétons biofibrés n’est pas amoindrie par les essais au gel. Les résistances à la compression sont même supérieures après 300 cycles, du fait de la poursuite de l’hydratation des bétons. La forte teneur en air et la plus grande porosité des bétons expliquent ce meilleur comportement au gel‑dégel. Cet air occlus supplémentaire est apporté par les fibres de lin qui jouent un rôle d’agent entraineur d’air dans les bétons.
Les essais sous hautes températures ont conduit à des résultats différents. En effet, du fait de leur nature chimique, les fibres de lin se dégradent thermiquement à des faibles températures (à partir de 250 °C). Ceci résulte en une diminution des propriétés mécaniques par rapport à des bétons non‑biosourcés : une fois les fibres de lin dégradées thermiquement, la porosité des bétons est fortement augmentée ce qui engendre des baisses importantes de résistance mécanique. La fissuration de ces bétons est également beaucoup plus prononcée.
Conclusion générale et perspectives
L’ensemble des travaux présentés dans ce manuscrit a été réalisé dans le cadre du projet BTONLIN au sein des laboratoires de recherche de l’ESITC Caen et du CRISMAT. L’objectif de ce travail de thèse consistait à étudier la formulation, le comportement mécanique, physique, rhéologique et la durabilité de bétons et mortiers incorporant des fibres de lin.
Les recherches précédentes sur l’incorporation de fibres de lin dans les matériaux cimentaires ont montré la faisabilité de cette voie de valorisation (Chafei, 2014; Le Hoang, 2013). Cependant, les connaissances vis‑à‑vis des perturbations constatées nécessitent d’être approfondies. En outre, la durabilité et le comportement sur le long terme sont des aspects essentiels pour le développement de matériaux de constructions innovants, et en particulier en vue d’une industrialisation. C’est pourquoi plusieurs travaux expérimentaux ont été menés dans le cadre de cette thèse :
• Etude de l’influence de plusieurs paramètres, tels que la longueur, le taux de fibres ou encore la teneur en pâte, sur la formulation et les propriétés des bétons ;
• Traitement des fibres de lin et étude de leur influence sur les propriétés de mortiers biofibrés ;
• Caractérisation de la durabilité des bétons en environnements extrêmes et amélioration du comportement sur le long terme des composites biofibrés.
Dans un premier temps, l’étude bibliographique a mis en évidence l’intérêt grandissant pour le développement de matériaux de construction biosourcés. Toutefois, la plupart des études s’intéresse aux isolants végétaux ou écomatériaux non porteurs (comme le béton de chanvre). Les recherches portant sur les composites cimentaires biosourcés pour des applications structurelles sont davantage limitées. La fibre de lin est une ressource naturelle d’origine végétale renouvelable, abondante et locale en région Normandie. Cette fibre présente l’avantage d’avoir des propriétés mécaniques proches de celles de la fibre de verre, d’être recyclable et plus légère. Elle présente
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Conclusion générale et perspectives

toutefois quelques points spécifiques tels qu’une mauvaise tenue à la chaleur, une forte sensibilité
à l’humidité et une forte dispersion de ses caractéristiques. L’incorporation de fibres dans une matrice cimentaire a pour but d’améliorer le comportement du matériau en flexion et de lui apporter un comportement mécanique davantage ductile plutôt que fragile. Les caractéristiques du composite fibré sont fonction de la quantité, de la nature et de la résistance des fibres utilisées. Par ailleurs, une modification significative de la rhéologie des composites biofibrés est constatée. La bibliographie a mis également en évidence une diminution importante de la résistance en traction des fibres végétales en milieu alcalin. Différentes méthodes ont été utilisées à travers le monde pour améliorer les propriétés des composites cimentaires biofibrés. Nous avons pu distinguer deux principales techniques : un traitement des fibres avant incorporation dans le composite, et une modification du liant utilisé pour améliorer sa compatibilité avec les fibres végétales.

Table des matières

NOTATIONS
INTRODUCTION
A. Contexte
B. Objectifs de l’étude
C. Organisation du rapport
1 ETAT DE L’ART
1.1 Introduction
1.2 La fibre de lin
1.2.1 Généralités sur les fibres végétales
1.2.2 Le lin : de la plante à la fibre
1.2.3 La fibre de lin
1.2.3.1 Morphologie d’une fibre végétale
1.2.3.2 Composition chimique
1.2.3.3 Propriétés hygroscopiques
1.2.3.4 Propriétés mécaniques
1.2.3.5 Comportement thermique
1.3 Caractéristiques des composites cimentaires fibres
1.3.1 Les bétons et mortiers renforcés de fibres artificielles
1.3.1.1 Généralités
1.3.1.2 Propriétés des bétons fibrés
1.3.1.3 Les principaux bétons renforcés de fibres
1.3.2 Caractéristiques des composites cimentaires incorporant des fibres végétales
1.3.2.1 Propriétés à l’état frais
1.3.2.2 Propriétés à l’état durci
1.4 Durabilité des composites cimentaires à fibres végétales
1.4.1 Propriétés sur le long terme
1.4.2 Impact du milieu cimentaire sur les fibres végétales
1.4.3 Méthodes d’amélioration des caractéristiques sur le long terme des composites  cimentaires incorporant des fibres végétales
1.4.3.1 Traitement des fibres
1.4.3.2 Modification de la matrice cimentaire
1.5 Conclusion
CARACTERISATION DES MATERIAUX ET METHODES EXPERIMENTALES
2.1 Introduction
2.2 Caractérisation des matériaux de l’étude
2.2.1 Eau
2.2.2 Granulats
2.2.2.1 Présentation des granulats utilisés
2.2.2.2 Analyse granulométrique
2.2.2.3 Masses volumiques et absorption d’eau
2.2.2.4 Coefficient d’aplatissement et module de finesse
2.2.2.5 Compacité granulaire
2.2.3 Liants et fines
2.2.3.1 Présentation des liants utilisés
2.2.3.2 Granulométrie des liants et fines
2.2.3.3 Caractéristiques physico‑chimiques des liants
2.2.4 Adjuvants
2.2.5 Fibres de verre
2.2.6 Fibres de lin
2.2.6.1 Caractéristiques chimiques des fibres
2.2.6.2 Teneur en matières organiques et minérales
2.2.6.3 Teneur en eau
2.2.6.4 Mesure de la masse volumique absolue
2.2.6.5 Cinétique d’absorption d’eau
2.2.6.6 Comportement hygroscopique
2.2.6.7 Imagerie par microscopie optique et mesure du diamètre de fibres
2.2.6.8 Caractérisation mécanique des fibres de lin
2.3 Méthodes de caractérisations des composites cimentaires.
2.3.1 Préparation et confection des éprouvettes
2.3.1.1 Mortier
2.3.1.2 Béton
2.3.2 Propriétés à l’état frais
2.3.2.1 Masse volumique et air occlus
2.3.2.2 Consistance des mortiers
2.3.2.3 Ouvrabilité et fluidité des bétons
2.3.2.4 Essais sur pâte de ciment durcissante
2.3.3 Hydratation
2.3.3.1 Calorimétrie semi‑adiabatique
2.3.3.2 Analyses thermo‑gravimétriques
2.3.4 Propriétés physico‑chimiques
2.3.4.1 Mesure du pH
2.3.4.2 Porosité accessible à l’eau
2.3.4.3 Vitesse de propagation des ondes ultrasonores
2.3.5 Propriétés mécaniques
2.3.5.1 Bétons
2.3.5.2 Mortiers
2.4 Conclusion
3.1 Introduction
3.2 Formulation des bétons
3.2.1 Squelette granulaire : optimisation et influence des fibres de lin
3.2.2 Pâte cimentaire des bétons
3.2.3 Formulation et élaboration des bétons
3.2.3.1 Cahier des charges et programme expérimental
3.2.3.2 Méthodologie de formulation des bétons
3.3 Propriétés des bétons à l’état frais
3.3.1 Maniabilité
3.3.2 Air occlus
3.4 Propriétés des bétons à l’état durci
3.4.1 Résistances en compression et flexion
3.4.1.1 Influence de la longueur et du taux de fibres de lin
3.4.1.2 Influence de la teneur en pâte
3.4.2 Module d’élasticité
3.4.3 Porosité accessible à l’eau et masse volumique apparente sèche
3.5 Conclusion
4 TRAITEMENT DES FIBRES DE LIN : INFLUENCE SUR LES PROPRIETES DES MORTIERS
BIOFIBRES
4.1 Introduction
4.2 Influence des traitements sur les propriétés des fibres de lin
4.2.1 Description des traitements
4.2.1.1 Traitement de surface au plasma atmosphérique
4.2.1.2 Traitement d’enrobage au coulis de ciment/laitier
4.2.1.3 Traitement d’enrobage à l’huile de lin
4.2.2 Microstructure des fibres traitées
4.2.2.1 Observations microscopiques
4.2.2.2 Analyses thermogravimétriques
4.2.3 Densité absolue des fibres
4.2.4 Propriétés hygroscopiques et cinétiques d’absorption d’eau
4.2.4.1 Isothermes de sorption/désorption des fibres de lin
4.2.4.2 Cinétiques d’absorption d’eau
4.3 Caractérisation des mortiers incorporant des fibres de lin traitées
4.3.1 Formulation et élaboration des mortiers
4.3.1.1 Formulation
4.3.1.2 Malaxage, confections d’éprouvettes et conditions de cure
4.3.2 Propriétés à l’état frais
4.3.2.1 Maniabilité
4.3.2.2 Air occlus
4.3.3 Propriétés à l’état durci
4.3.3.1 Porosité accessible à l’eau
4.3.3.2 Comportement à la flexion 3 points
4.3.3.3 Ténacité
4.3.3.4 Résistance à la compression
4.3.3.5 Module d’élasticité dynamique
4.4 Hydratation des composites cimentaires incorporant des fibres de lin traitées
4.4.1 Calorimétrie semi‑adiabatique
4.4.2 Temps de prise sur pâte de ciment
4.4.2.1 Extraction des éluats des fibres
4.4.2.2 Consistances normalisées des pâtes de ciment
4.4.2.3 Temps de début de prise des pâtes de ciment
4.4.2.4 Analyse des éluats
4.4.3 Analyses thermogravimétriques
4.5 Conclusion
5 DURABILITE DES BETONS BIOFIBRES ET AMELIORATION DU COMPORTEMENT SUR
LONG TERME
5.1 Introduction
5.2 Amélioration du comportement sur le long terme des mortiers biofibrés
5.2.1 Formulation et élaboration des mortiers
5.2.1.1 Liants alternatifs
5.2.1.2 Formulation
5.2.1.3 Malaxage, confections d’éprouvettes et conditions de cure
Jonathan PAGE, 2017
5.2.2 Propriétés à l’état frais
5.2.3 Propriétés à l’état durci
5.2.3.1 Porosité accessible à l’eau et masse volumique apparente sèche
5.2.3.2 Résistance en compression
5.2.3.3 Comportement en flexion
5.2.3.4 Ténacité
5.2.3.5 Analyses thermogravimétriques
5.2.3.6 Mesure du pH
5.2.4 Synthèse
5.3 Comportement des bétons biofibrés en conditions extrêmes
5.3.1 Formulation et élaboration des bétons
5.3.1.1 Cahier des charges et formulations
5.3.1.2 Propriétés à l’état frais des bétons
5.3.1.3 Propriétés à l’état durci des bétons
5.3.2 Comportement des bétons biofibrés soumis aux cycles de gel‑dégel
5.3.2.1 Résistance au gel des bétons : approche expérimentale
5.3.2.2 Evaluation de l’endommagement au cours des cycles de gel‑dégel par des essais
destructifs
5.3.2.3 Observations macroscopiques
5.3.2.4 Propriétés résiduelles
5.3.2.5 Observations microscopiques
5.3.2.6 Synthèse.
5.3.3 Comportement des bétons biofibrés sous hautes températures
5.3.3.1 Programme expérimental des essais à hautes températures
5.3.3.2 Propriétés résiduelles des bétons après exposition à des températures élevées
5.3.3.3 Synthèse.
5.4 Conclusion
5.4.1 Amélioration du comportement sur le long terme
5.4.2 Comportement des bétons biofibrés en conditions extrêmes
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
REFERENCES.
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
ANNEXES
RESUME
ABSTRACT

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