Comment arriver à la fusion ?

Comment arriver à la fusion ?

Depuis leur invention en 1960, le domaine des lasers n’a cessé de se développer et les applications sont de plus en plus nombreuses étant donné le large éventail de leurs propriétés de cohérences spatiale et temporelle. Un des axes de recherche qui nous intéresse plus particulièrement est le développement de lasers dits de puissance, qui mettent en œuvre de très fortes énergies. Ces lasers focalisent la lumière dans un très petit volume et dans un temps très bref, afin d’obtenir l’éclairement le plus important possible. Dès 1962, Jean Robieux proposa d’utiliser ces lasers de puissance et de les faire interagir ave des cibles millimétriques dans le but de créer des réactions de fusion et donc de produire de grandes quantités d’énergie. Deux méthodes sont actuellement développées pour recréer les conditions de fusion. L’une d’elle, notamment portée via le projet international ITER, est la Fusion par Confinement Magnétique (FCM). Ici le combustible nécessaire est maintenu à une certaine densité à l’aide de puissant champ magnétique dans des temps dépassant la dizaine de minute, le but étant d’obtenir l’équivalent d’un réacteur en régime stationnaire comme les réacteurs de fission des centrales nucléaires actuelles.

L’autre, qui sert de cadre à notre étude, est appelée Fusion par Confinement Inertiel et consiste à comprimer une cible sphérique composée d’atomes de deutérium (D) et de tritium (T) d’environ 1 mm de rayon à l’aide de nombreux faisceaux lasers, jusqu’à atteindre les conditions de pression, température et densité pour vaincre la répulsion coulombienne et amorcer les réactions de fusion dans des temps, cette fois-ci, de l’ordre de la nanoseconde. La combustion elle-même ne dure pas plus d’une centaine de picosecondes. La réaction DT produit alors un atome d’hélium (He) et un neutron, qui présentent une énergie cinétique importante. Il existe d’autres réactions possibles de fusion nucléaire mettant en œuvre des noyaux légers, néanmoins la réaction DT a été retenue car elle présente le plus fort taux de réaction. L’étude de la FCI est un des objectifs du Laser MégaJoule (LMJ) construit et opéré par le Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA). Lancé en 1995 suite à l’arrêt des essais nucléaires, le LMJ a pour objectif premier de reproduire en laboratoire certaines conditions physiques représentatives du fonctionnement d’une arme thermonucléaire, afin de valider les codes de simulation. Outre les applications militaires, un tel laser permettra l’étude de nouveaux domaines de la physique des plasmas.

Un laser équivalent (de classe MJ) est actuellement opérationnel aux États-Unis sous le nom de National Ignition Facility (NIF). Notons qu’il existait jusqu’en 2013 un prototype du LMJ en fonctionnement appelé LIL (Ligne d’Intégration Laser) qui comprenait 4 faisceaux identiques aux 176 faisceaux du LMJ. Dans le cas de la FCI, l’une des clés pour atteindre la fusion est un transfert d’énergie efficace entre les faisceaux laser incidents et la cible. Pour cela, différentes méthodes concernant la compression des cibles et l’allumage des réactions nucléaires sont apparues au cours des dernières décennies. Nous allons en présenter les deux principales : l’attaque directe et l’attaque indirecte.

Le lissage optique des faisceaux lasers

On comprend donc que la propagation d’un faisceau laser intense dans un plasma peut être grandement détériorée par différentes instabilités paramétriques. De plus, même si cela ne rentre pas directement dans le cadre de notre étude, il faut ajouter à cela un problème appelé imprint du faisceau laser (impression ou gravure), plus spécifique à l’attaque directe. En effet, les inhomogénéités de l’éclairement laser au niveau de la zone de focalisation donnent lieu à un défaut d’irradiation et donc de pression. Une fois ces défauts ensemencés dans la cible, ils vont servir de germes aux instabilités hydrodynamiques qui se développeront lorsque la cible sera mise en vitesse.

Ces instabilités peuvent rapidement dégrader la symétrie d’implosion de la cible, voire même détruire la cible, empêchant ainsi l’allumage des réactions de fusion. L’ensemble de ces difficultés, ainsi que bien d’autres non citées, mettent en avant l’importance d’avoir un éclairement sur cible uniforme. Or, les faisceaux actuels ne permettent pas d’obtenir une tache focale parfaite. Lors de l’amplification, notamment, des effets de distorsions du front d’onde dus au chauffage du milieu amplificateur induisent des défauts dans l’éclairement laser. Les caractéristiques spatiales (tailles, formes, …) et temporelles (temps de vie, …), ainsi que l’intensité de ces défauts, vont définir si des instabilités paramétriques peuvent se développer et, le cas échéant, comment elles vont se développer. En plus d’être néfastes pour les raisons que nous venons d’évoquer, ces défauts ne sont pas reproductibles d’un tir sur l’autre. Pour toutes ces raisons, des techniques dites de « lissage optique » ont été introduites dans les années 1980. Elles consistent à briser les cohérences spatiale et/ou temporelle du faisceau laser.

Le lissage spatial

Le lissage spatial a été introduit au début des années 80 par Y. Kato et al. L’idée est d’introduire un déphasage spatial aléatoire sur le champ électrique avant sa focalisation par la lentille, ou par un réseau comme c’est le cas sur le LMJ. Ce déphasage doit être aléatoirement distribué dans un plan transverse à la propagation du faisceau. Pour cela, on utilise des lames de phase aléatoires (Random Phase Plate, RPP). Les plus courantes sont constituées d’éléments carrés ou suivant un arc de cercle, et induisent aléatoirement un retard de λ0/2 (déphasage de π) à un retard nul (déphasage de 0). La taille caractéristique des éléments donne la taille caractéristique de la tache focale : plus ils sont petits, plus la tache focale est étalée. Ce type de lame a été utilisé dans les simulations discutées dans la suite de ce mémoire. Il en existe des plus complexes (et plus onéreuses), où le retard varie continûment sur toute la lame. On parle alors de Continuous Phase Plates (CPP) ou Kinoform Phase Plates (KPP).

C’est le type de lame de phase aléatoire utilisé sur le LMJ. En effet, contrairement aux lames RPP dont les discontinuités de phase génèrent des taches focales satellites ou, a minima, des pieds de tache important, les KPP permettent d’obtenir des taches focales à flancs raides. La tache focale obtenue après focalisation est le résultat de l’interférence entre les figures de diffraction de chaque élément de la lame de phase. Dans le champ lointain , l’intensité laser est redistribuée sur une multitude de surintensités appelées points chauds, ou speckles. L’ensemble formant ce que l’on appelle une figure de tavelures. Ces point chauds sont distribués aléatoirement, mais ont des propriétés statistiques bien connues et reproductibles d’un tir à l’autre. Il peut paraître étonnant d’appeler lissage une technique qui produit une tache focale inhomogène. C’est pourquoi on parle aussi de mise en forme spatiale plutôt que de lissage spatial.

L’intérêt est que l’ensemble des défauts dans la phase du laser avant focalisation sont gommés, dès lors que la largeur caractéristique de ces défauts est supérieure à la taille caractéristique des éléments de la lame de phase, ce qui est généralement le cas. Ainsi, même si les défauts du laser varient d’un tir à l’autre ou d’un faisceau à l’autre, la tache focale est figée et reproductible. Les surintensités ont une taille caractéristique bien définie et très petite. Typiquement, les largeurs transverses de ces surintensités sont de quelques micromètres, alors que leur longueur dans le sens de propagation est de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de micromètres. Le contrôle, de la taille, mais aussi de l’intensité des points chauds va permettre une meilleur maîtrise des instabilités paramétriques. Il est donc important de comprendre l’influence des techniques de lissage sur ces paramètres ainsi que l’influence de ces paramètres sur le développement des instabilités paramétriques.

Une seconde étape peut compléter le lissage du faisceau laser. On peut soit effectuer une nouvelle étape de lissage dont les effets seront perçus après une courte durée par intégration temporelle, on parle alors de lissage temporel; soit une étape de lissage dont les effets sont instantanés, c’est le lissage par double polarisation (PS).

Chaîne laser du LMJ

Architecture : Avant d’aborder les options de lissage, nous allons d’abord détailler une chaîne laser du LMJ de la source jusqu’à la cible. En effet, c’est cette partie qui a conditionné un certain nombre de choix sur le lissage.la source fibrée qui génère le profil de l’impulsion temporellement et spatialement; le module préamplificateur (MPA), qui est le premier étage d’amplification (gain de 109 ) qui met en forme spatialement aussi l’impulsion; la section d’amplification qui donne l’énergie requise; et enfin, la conversion de fréquence qui convertit la longueur d’onde de l’IR à 1053 nm (1ω) en longueur d’onde dans l’UV à 351 nm (3ω) pour une meilleure interaction avec la paroi du holhraum.

La source est la partie fibrée du LMJ. Sa fonction est de générer l’impulsion laser, de la mettre en forme spectralement et temporellement mais aussi de distribuer et de transporter les impulsions obtenues vers les différents modules pré-amplificateurs (MPA). En effet, il n’y a sur le LMJ que 4 sources dont les impulsions seront distribuées chacune vers 88 MPA.
Une première mise en forme spectrale, c’est-à-dire une modulation de phase pour s’affranchir de la diffusion Brillouin stimulée au sein du laser (à différencier de la diffusion Brillouin stimulée au sein du plasma, objet de cette thèse qui a lieu lors de l’interaction laser-plasma), s’effectue juste après la génération de l’impulsion. L’impulsion modulée en phase se propage ensuite à travers de nombreuses fibres (environ 50 concaténations de fibres sur le trajet du faisceau dans la source). Cette propagation est supérieure à 200m et est essentiellement due à la longueur de la fibre de retard qui permet d’effectuer un éventuel blocage de l’impulsion après réponse du diagnostic d’élargissement spectral (DES). Une seconde mise en forme spectrale est ensuite effectuée pour cette fois-ci lisser le faisceau pour l’interaction laser-plasma .
La polarisation devant être parfaitement contrôlée, on retrouve à différents niveaux de la source des polariseurs (ou analyseurs).

Table des matières

Introduction 
Comment arriver à la fusion ?
L’attaque directe
L’attaque indirecte
L’interaction laser-plasma pour la FCI
Les plasmas de FCI
Les instabilités de désintégration
Les instabilités d’autofocalisation et de filamentation
Une zoologie importante d’instabilités
Le lissage optique des faisceaux lasers
Le lissage spatial
Le lissage temporel
Le lissage par double polarisation
Objectifs et plan de la thèse
Objectifs
Plan du manuscrit
I Modèles théoriques et numériques
1 Le lissage optique des lasers de puissance
1.1 Pourquoi le lissage optique ?
1.2 La notion de cohérence
1.3 Définition d’une figure de tavelures
1.4 Principe du lissage optique
1.5 Caractérisation des figures lissées
1.5.1 Aspect spatial
1.5.2 Aspect temporel
1.5.3 Couplage spatio-temporel
1.6 Mise en forme spatiale par lame de phase
1.6.1 Lame de phase aléatoire
1.6.2 Lame de phase à déphasage continu
1.6.3 Lame de phase théorique pour simulations
1.7 Aperçu de différentes techniques de lissage
1.7.1 Lissage par dispersion spectrale
1.7.2 Lissage par double polarisation
1.7.3 Lissage multi couleurs
1.8 Conclusion
2 L’instabilité paramétrique Brillouin stimulée dans les plasmas de fusion
2.1 Description fluide d’un plasma
2.2 Les ondes plasma
2.2.1 Les ondes plasmas électroniques
2.2.2 Les ondes acoustiques ioniques
2.3 Propagation d’un onde électromagnétique
2.3.1 Relation de dispersion
2.3.2 Force pondéromotrice
2.4 L’instabilité de diffusion Brillouin stimulée (SBS)
2.4.1 Description de l’instabilité
2.4.2 Relation de dispersion
2.4.3 Taux de croissance
2.5 Régimes d’instabilités absolues et convectives
2.5.1 Prise en compte de l’amortissement
2.5.2 Le régime d’instabilité convective
2.5.3 Le régime d’instabilité absolue
2.6 Régime non-linaire et sensibilité de l’instabilité Brillouin stimulée
2.6.1 Phénomènes non linéaires
2.6.2 Sensibilités aux inhomogénéités
2.7 Influence du lissage optique
3 Méthodologie de la simulation
3.1 Comment simuler l’interaction laser-plasma ?
3.2 Le code Hρα (HERA)
3.2.1 Le modèle numérique
3.2.2 Conditions laser entrantes
3.2.3 Aperçu des paramètres
3.3 Code de simulation du lissage et de la propagation laser : LMJ_FOC
3.3.1 Cas harmonique
3.3.2 Approche temporelle
3.3.3 Déroulement d’un simulation
3.3.4 Descriptions des fichiers de données
3.3.5 Descriptions des fichiers de sorties
3.4 Conclusion
II Comparaison entre le lissage par dispersion spectrale transverse et longitudinale
4 Études statistiques de la tache focale du LDST et LDSL
4.1 Description des techniques de lissage
4.1.1 Technique de Lissage par Dispersion Spectrale Transverse LDST
4.1.2 Technique de Lissage par Dispersion Spectrale Longitudinale LDSL
4.2 Paramétrer la comparaison des deux lissages
4.2.1 Paramètres des lissages
4.2.2 Paramètres de la simulation
4.3 Observation de la propagation dans le vide
4.3.1 Contraste
4.3.2 Intensité des points chauds
4.3.3 Forme des points chauds
4.3.4 Dynamique des points chauds
4.4 Conclusion
Conclusion
5 Comparaison du LDST et LDSL sur la rétrodiffusion Brillouin stimulée
5.1 Contexte des simulations
5.2 Comparaison du LDST et LDSL par simulations numériques
5.2.1 Initialisation du niveau de bruit pour la RBS
5.2.2 Les limites de la simulation 2D
5.2.3 Mesure de la rétrodiffusion dans les simulations 3D
5.3 Interprétation par le modèle des rayons
5.4 Interprétation par le modèle des points chauds
5.4.1 Paramètres microscopiques impliqués dans la génération de la RBS
5.4.2 Intensité
5.4.3 Largeur et vitesse transverse
5.4.4 Longueur effective d’interaction
5.4.5 Traiter séparément longueur et vitesse
5.5 Conclusion
III Performances d’une chaîne laser LMJ
6 Études d’un quadruplet LMJ
6.1 Chaîne laser du LMJ
6.1.1 Architecture
6.1.2 Justification des choix de lissage
6.1.3 Améliorer les performances
6.2 Du cas idéal au quadruplet LMJ
6.2.1 Simulations 3D de la configuration nominale du LMJ
6.2.2 Écart au cas idéal
6.2.3 Synchronisation en centre chambre
6.3 Réduction de l’effet de conversion FM-AM
6.3.1 Conversion FM-AM
6.3.2 Comment réduire la profondeur de modulation ?
6.3.3 Répartition spectrale
6.4 Conclusion
Conclusions et perspectives
Conclusions
Perspectives
Bibliographie

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