Couplage entre la capacité de double couche et les processus faradiques

COUPLAGE SPECTRO-ÉLECTROCHIMIQUE RAMAN-IMPÉDANCE : APPLICATION À LA POLYANILINE

Couplage entre Spectroscopie d’impédance électrochimique et électrogravimétrie 

 Une microbalance à quartz (33) fonctionnant en milieu électrolytique permet de mesurer des variations de masse avec une sensibilité atteignant 1ng.cm-2. En régime stationnaire ou quasi-stationnaire, le changement de masse avec le temps est obtenu en mesurant directement l’évolution de la fréquence de résonance du quartz dont l’une des faces constitue l’interface électrochimique. En régime sinusoïdal, la variation de masse est obtenue en mesurant la différence entre fw la fréquence de résonance de l’oscillateur et f0 la fréquence de référence d’un oscillateur dans l’air ; cette différence ∆f, proportionnelle à la variation de masse, est convertie en tension à l’aide d’un convertisseur fréquence-tension avant d’être analysée par l’AFT. C. Gabrielli et coll. ont étudié l’insertion ionique par couplage de l’impédance électrochimique et de la fonction de transfert électrogravimétrique ∆m sur différents ∆E systèmes : WO3 (6), polyaniline (34, 35, 36), polypyrrole (37, 38, 39) et bleu de prusse (40, 41). Lors de l’oxydation (ou réduction) du matériau déposé sur l’électrode électrochimiquement active du quartz, des échanges ioniques à l’interface film/électrolyte viennent compenser la charge et correspondent à des changements de masse ∆m. D’après les auteurs, le mécanisme d’insertion des cations et des anions est décrit par deux étapes parallèles dans le cas d’un polymère conducteur P . où P est le polymère hôte et M+ P, et − P,A sont les cations et les anions insérés. La position de la fonction de transfert ∆m/∆E dans le plan de Nyquist permet de séparer les différentes espèces impliquées dans les processus de compensation de charge. Si l’anion est inséré seul, il apparait dans le premier cadran, le cation expulsé seul apparaissant dans le troisième cadran. Dans le cas où chaque espèce participe, les différentes boucles de la fonction de transfert correspondent à la relaxation d’une espèce, chargée ou non, impliquée dans le mécanisme d’oxydo-réduction du polymère. La Figure 2 en donne un exemple. -8,00E-008 -6,00E-008 -4,00E-008 -2,00E-008 0,00E+000 2,00E-008 4,00E-008 6,00E-008 8,00E-008 solvant anion cation Figure 2 : Exemple de fonction de transfert ∆m ∆E dans le cas de l’insertion d’anions et de solvant et d’expulsion de cations Les fonctions de transfert partielles relatives à la contribution du cation et du solvant d’une part et de l’anion et du solvant d’autre part peuvent également être déterminées. Cette approche permet ainsi de distinguer la nature des ions impliqués dans le transfert de charge, leur degré de solvatation et le rôle du solvant libre en fonction du milieu d’étude. 

Couplage entre la capacité de double couche et les processus faradiques : méthode de la modulation de capacité

Il est traditionnel dans l’interprétation des mesures d’impédance de séparer a priori les processus faradiques (courant de conduction) associés aux échanges d’électrons à l’interface métal-solution des processus associés à la polarisation de l’interface (courant de déplacement) et représentés par la réponse de la capacité de double couche. Cette séparation est illustrée, dans l’analyse des mesures d’impédance CHAPITRE I Etude bibliographique 11 électrochimique par circuit électrique équivalent, en associant en parallèle la capacité de double couche et l’impédance faradique. C’est la représentation de Randles. Lorsque des espèces neutres ou chargées s’adsorbent sur l’électrode, la distribution de potentiel est modifiée et cela influe sur la valeur de la capacité de double couche définie en haute fréquence. De même, la relaxation de ces charges en basse fréquence peut conduire à une pseudo-capacité d’adsorption voire à une inductance. Il en résulte que la séparation entre la capacité de double couche et les processus faradiques est une procédure arbitraire. La méthode de couplage de capacité repose sur l’utilisation d’un signal composite, somme de deux modulations sinusoïdales à basse (ω) et haute (Ω) fréquences : elle consiste à mesurer l’effet d’une modulation basse fréquence du potentiel (c’est-à-dire typiquement en dessous de quelques Hz) sur la réponse de la capacité de double couche mesurée simultanément à une fréquence suffisamment haute pour ne pas modifier la distribution et la relaxation des espèces à l’interface. Elle est représentée par une quantité, notée ZC = ∆CΩ(ω)/∆Eω, qui montre différents comportements suivant que la capacité suit instantanément ou non les variations de potentiel. Cette quantité peut être écrite de la façon  représente la modulation en basse fréquence (ω) de la capacité haute fréquence (Ω), E0 est le potentiel de polarisation, Cint la capacité intégrale du système (Cint = Q/E), ∆ ω ∆ E C R int représente la contribution complexe (non réelle) de la modulation de la capacité intégrale. La première situation correspond au cas d’une électrode idéalement polarisable (Hg) pour laquelle on prévoit que l’expression de ZC ne comportera que les deux premiers termes du second membre qui s’identifient à la dérivée statique de la capacité différentielle de double couche par rapport au potentiel. Cette quantité ne dépend pas de la fréquence et le diagramme de ZC doit se réduire à un point de l’axe réel à toute fréquence, ce que l’on observe bien expérimentalement. L’introduction d’un composé  organique comme le n-butanol introduit des relaxations basse fréquence traduisant l’adsorption-désorption de ce composé. Dans d’autres situations comme la transpassivité du nickel ou du fer ainsi que la dissolution active du fer en milieu acide, présentées dans (43), où la capacité ne suit pas instantanément les variations de potentiel, ZC montre une dépendance en fréquence due au troisième terme de ZC : les boucles basse fréquence de l’impédance et celles de ZC montrent généralement une étroite similitude, ce qui renforce la crédibilité des mécanismes réactionnels fondés sur l’hypothèse d’intermédiaires adsorbés dont la relaxation du recouvrement est invoquée pour rendre compte des boucles basse fréquence dans l’impédance faradique. Cette technique permet potentiellement d’analyser directement les fonctions de transfert de la forme ∆θ/∆E, non accessible à l’impédance électrochimique classique, associées aux recouvrements θ d’espèces intermédiaires adsorbées avec le potentiel. La nouvelle méthodologie développée dans ce travail doit précisément répondre à cette question et fournir en outre une identification chimique des espèces adsorbées impliquées.

Données bibliographiques sur la polyaniline

La synthèse de la polyaniline (PANI) est connue depuis longtemps déjà. C’est en 1862 que Letheby (44) la réalise pour la première fois ; il décrit ce produit comme un précipité vert foncé, déposé sur l’électrode de platine. Ce n’est qu’au début du siècle dernier (1910) que Green et Woodhead (45) reprennent la synthèse de la polyaniline, par oxydation de l’aniline avec le persulfate d’ammonium. En 1986, MacDiarmid (46) décrit la polyaniline comme un nouveau polymère conducteur. 

Synthèse de la polyaniline 

 La polyaniline est synthétisée par polymérisation oxydante du monomère aniline dissous dans une solution acide aqueuse ou organique (47). La polymérisation peut être réalisée soit par oxydation chimique, soit par oxydation électrochimique. Le processus de polymérisation et les propriétés du polymère obtenu dépendent fortement des méthodes et des conditions de synthèse.

Méthode par oxydation chimique 

De nombreuses variantes de la synthèse de la polyaniline par voie chimique existent dans la littérature (49). La polyaniline formée par oxydation chimique est généralement précipitée à partir d’une solution aqueuse contenant du peroxydisulfate d’ammonium (NH4)S2O8, de l’acide chlorhydrique, sulfurique, nitrique ou perchlorique, et de l’aniline. Pendant la condensation oxydante de l’aniline, la solution devient progressivement colorée et il se forme un précipité vert foncé de polyaniline. Cette méthode permet d’obtenir des quantités importantes de produit, par contre, elle nécessite au moins une étape de purification. 

Méthode par oxydation électrochimique 

La méthode de synthèse de la polyaniline par oxydation électrochimique se réalise généralement sur des substrats de métal noble (50) ou d’oxydes conducteurs (51). Cette méthode présente des avantages par rapport à l’oxydation chimique : la polymérisation électrochimique permet de bien contrôler le processus du dépôt en enregistrant le potentiel, la charge et l’intensité du courant traversant la cellule ; elle permet de contrôler précisément la quantité de polymère déposée, donc l’épaisseur ; elle permet aussi de préparer des couches minces homogènes qui sont bien adhérentes au substrat (52). Enfin, les réactions d’électropolymérisation des polymères conducteurs permettent d’en contrôler la stœchiométrie, afin de préparer des films polymères ayant des propriétés électroactives et de bons comportements d’électrode (53). Les méthodes de dépôt électrochimiques utilisées sont les suivantes : (1) la polymérisation à courant constant – méthode galvanostatique (54), (2) la polymérisation à potentiel constant – méthode potentiostatique (55), la polymérisation par cyclage de potentiel – méthode potentiodynamique (56, 57, 58). On admet généralement que la méthode potentiostatique permet d’éviter les effets de suroxydation, car le potentiel d’oxydation est strictement contrôlé ; elle est également très efficace pour préparer des films épais sur une courte période. Cependant, Cui et coll. (59) montrent que la réduction due uniquement à la fixation du monomère sur la chaîne de PANI pendant le dépôt potentiostatique est incomplète. Ceci conduit à l’accumulation de PANI oxydée résiduelle et de produits d’hydrolyse dans le film. Le film de PANI obtenu par cyclage de potentiel est très adhérent à la surface de l’électrode (59) ; cette méthode permet de suivre l’activité redox du polymère formé sur l’électrode car le premier couple redox de PANI est constamment contrôlé pendant le cyclage. Par conséquent, la polymérisation peut être arrêtée au moment où les caractéristiques voltammétriques du polymère formé sont optimales, l’inconvénient de la méthode par cyclage est qu’une grande partie du temps de dépôt correspond à des potentiels où il n’y a pas de polymérisation ; ceci explique que le rendement de cette méthode soit moins élevé que celui des deux autres (59).

Table des matières

CHAPITRE I : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1 Les différents couplages existant entre la spectroscopie d’impédance électrochimique et une technique de caractérisation physico-chimique
I.1.1 Introduction : Généralisation de la notion d’impédance
I.1.2 Couplage entre la spectroscopie d’impédance électrochimique (SIE) et la spectroscopie optique
I.1.2.a Transmittance / Réflectance
I.1.2.b Infrarouge
I.1.2.c Fluorescence
I.1.3 Couplage entre la spectroscopie d’impédance électrochimique et l’électrogravimétrie
1.1.4 Couplage entre la capacité de double couche et les processus faradiques : méthode de la modulation de capacité
I.2 Données bibliographiques sur la polyaniline
I.2.1 Synthèse de la polyaniline
I.2.1.a Méthode par oxydation chimique
I.2.1.b Méthode par oxydation électrochimique
I.2.1.c Influence des paramètres de dépôt
I.2.2 Description des différentes formes de polyaniline
I.2.3 Propriétés optiques des polyanilines
I.2.4 Caractérisation structurale par spectroscopie Raman
I.2.5 Impédance électrochimique d’un polymère conducteur
CHAPITRE II : TECHNIQUES DE CARACTERISATION ET CONDITIONS EXPERIMENTALES
II.1 Spectroscopie Raman
II.1.1 Principe
II.1.1.a Théorie classique
II.1.1.b Théorie quantique
II.1.2 Intensité du signal Raman
II.1.3 Intérêt et inconvénients
II.1.4 Appareillage de spectroscopie Raman
II.2 Transmittance Optique
II.3 Spectroscopie d’impédance électrochimique (SIE)
II.3.1 Appareillage pour la spectroscopie d’impédance électrochimique
II.3.2 Circuit électrique équivalent
II.4 Préparation des échantillons
II.4.1 Substrat : couche mince d’or/mica
II.4.1.a Conditions de dépôt
II.4.1.b Mesure de l’épaisseur des couches minces
II.4.2 Préparation du film de polyaniline sur le substrat or/mica
CHAPITRE III : COUPLAGE RAMAN/IMPÉDANCE : SON PRINCIPE ET ÉTALONNAGE
III.1 Schéma de principe
III.2 Signal Raman analysé : Considérations générales
III.2.1 Acquisition du spectre Raman en mode ligne
III.2.2 Définition de l’intensité d’une bande Rama
III.2.3 Conversion intensité Raman/ tension
III.2.4 Logiciel convert-CCD
III.2.5 Correction des pics parasites
III.2.6 Evaluation du bruit de mesure
III.2.5.a Bruit statistique
III.2.5.b Bruit de mesure de l’intensité d’une bande Raman
III.3 La mesure dynamique Raman/Impédance
III.3.1 Dispositif expérimental
III.3.2 Logiciel développé pour la mesure de la fonction de transfert 7 voies
III.3.2.a Le principe
III.3.2.b Avantages du logiciel développé au laboratoire
III.4 Correction de la réponse de l’appareillage
III.4.1 Fonctionnement du CCD
III.4.2 Temps d’action du volet
III.4.3 Simulation de la fonction de transfert du CCD
III.4.4 Mesure de la fonction de transfert du CCD
III.4.4.a Zone de linéarité de la diode
III.4.4.b Simultanéité de l’émission lumineuse avec le potentiel
III.4.4.c Résultats expérimentaux
CHAPITRE IV : APPLICATIONS
IV.I Etude d’un processus d’adsorption/désorption
IV.I.1 La cyanopyridine
IV.I.2 L’acide isonicotinique (INA)
IV.I.2.a Voltammétrie et Raman
IV.I.2.b Expérience de couplage Raman/impédance
IV.II Etude d’un processus d’insertion : cas de la polyaniline
IV.II.1 Etude stationnaire
IV.II.1.1 Voltammétrie
IV.II.1.1.a Influence du pH
IV.II.1.1.b Influence de l’anion : milieu chlorure et milieu nitrique
IV.II.1.1.c Influence de l’oxygène dissous dans la solution à pH 3.7
IV.II.1.2 Spectres Raman stationnaires in situ à trois pH
IV.II.1.2.a Spectres Raman stationnaires à pH 2.5
(a) Raie excitatrice 632.81 nm
(b) Raie excitatrice 514.532 nm
IV.II.1.2.b Spectres Raman stationnaires à pH 3
(a) Raie excitatrice 632.81 nm
IV.II.1.2.c Spectres Raman stationnaires à pH 3.7
(a) Raie excitatrice 632.81 nm
(b) Raie excitatrice 514.532 nm
IV.II.1.2.d Conclusion des études concernant les spectres Raman stationnaires
IV.II.1.3 Influence de l’équilibre acido-basique au sein du film à pH 3.7
IV.II.2 Définition des conditions d’étude
IV.II.2.1 Influence de la concentration de l’électrolyte support
IV.II.2.2 Epaisseur maximale admissible et intensité des bandes Raman en fonction de l’épaisseur pour deux raies excitatrices (λ = 514.532 nm et λ =632.81 nm);domaine de linéarité
IV.II.2.2.a Raie excitatrice 514.532 nm
IV.II.2.2.b Raie excitatrice 632.81 nm
IV.II.2.3 Linéarité – Influence de l’amplitude pour la mesure de couplage Raman/impédance électrochimique
IV.II.2.4 Seuil de formation de la pernigraniline – Caractérisation optique UVVisible d’un film de polyaniline à pH 3
IV.II.3 Impédances électrochimiques – Résultats d’impédance électrochimique en milieu acide à pH 2.5, 3 et 3.7
IV.II.3.1 Résultats d’impédance électrochimique à pH 2.5
IV.II.3.2 Résultats d’impédance électrochimique à pH 3
IV.II.3.3 Résultats d’impédance électrochimique à pH 3.7
IV.II.3.4 Evolution des données de spectroscopie d’impédance électrochimique en fonction du pH
IV.II.3.5 Conclusions sur les résultats d’impédance électrochimique
IV.II.4 Résultats du couplage Raman/impédance
IV.II.4.1 Résultats du couplage à pH 2.5
IV.II.4.1.a Raie excitatrice 632.81 nm (bandes étudiées : 1330 et 1480 cm-1)
IV.II.4.1.b Raie excitatrice 514.532 nm (bandes étudiées : 1330, 1480, 1510, et 1620 cm-1)
IV.II.4.2 Résultats du couplage à pH 3 avec la raie excitatrice 632.81 nm (bandes étudiées : 1480 et 1330 cm-1)
IV.II.4.3 Résultats de couplage à pH 3.7
IV.II.4.3.a Raie excitatrice 632.81 nm (bandes étudiées : 1220, 1280, 1330 et 1480 cm-1)
IV.II.4.3.b Raie excitatrice 514.532 nm (bandes étudiées : 1330, 1480, 1510 et 1620 cm-1)
IV.II.4.4 Discussion des résultats obtenus
IV.II.5 Mécanismes et simulations
IV.II.5.1 Mécanisme à 3 espèces / 1 réaction électrochimique
IV.II.5.2 Mécanisme à 3 espèces / 2 réactions électrochimiques
IV.II.5.3 Simulations
IV.II.5.3.a Variations des concentrations stationnaires : à pH 2.5 et pH 3.7
IV.II.5.3.b Impédances
IV.II.5.3.c Concentration / potentiel pour l’éméraldine sel et l’éméraldine base à pH 2.5 et pH 3.7
IV.II.5.3.d Raman / charge pour l’éméraldine base et l’éméraldine sel en fonction du pH à -100 mV
CHAPITRE V : CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Bibliographie
ANNEXE : Fonctionnement d’un CCD
Liste des abréviation et des symboles

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