De l’évaluation à l’adaptation d’un environnement de jeu sérieux

De l’évaluation à l’adaptation d’un environnement de jeu sérieux

Classifications existantes

La classification des jeux sérieux ne peut pas se baser uniquement sur le domaine d’application (appelé aussi le marché ou encore le secteur) car il y a d’autres critères très importants qu’il faut prendre en compte. En effet, les champs d’application sont trop nombreux pour pouvoir construire une typologie robuste. De plus, le système qui se focalise sur les secteurs d’application ne prend pas en considération le type de finalité visée par chaque jeu. Nous présentons dans ce qui suit deux classifications différentes des jeux sérieux. La première classification, proposée par Alvarez [6], distingue les jeux sérieux selon l’intention initiale souhaitée et implémentée par les concepteurs. Elle répertorie les cinq catégories suivantes : — Les jeux éducatifs (Edugame) : le terme « jeu éducatif » nous renvoie au terme anglais « edugame » (pour « education » et « game »). Un jeu éducatif vise à transmettre une connaissance ou un apprentissage en mobilisant des ressorts ludiques [6] comme le jeu éducatif « Smart Grids » qui propose une découverte des réseaux intelligents, et le jeu « Arcademic Skill Builders » qui permet aux jeunes élèves de 3 à 8 ans de compléter leur enseignement (en mathématiques) de manière ludique. — Les jeux publicitaires (Advergaming) : le terme « advergaming » combine deux mots anglais « advertising » (publicité) et « game » (jeu). L’objectif des jeux publicitaires est de se baser sur la technologie interactive et la jouabilité des jeux vidéo pour en faire un outil de communication en diffusant un message publicitaire destiné aux consommateurs [6]. L’idée étant de libérer le joueur de l’apprentissage du gameplay pour qu’il se focalise sur les éléments graphiques ou sonores. Ces derniers véhiculent des marques que l’on souhaite mettre en valeur. Citons le jeu « Milka Biscuit Saga » comme exemple qui est un jeu permettant à « Milka » de promouvoir sa marque, ses valeurs et ses produits. Citons aussi, le jeu « La Chuuuuute » visant à mettre en valeur la marque « Oasis », une marque à l’identité visuelle bien définie. — Les jeux de marché (Edumarket game) : le terme « edumarket » désigne le jeu dont l’intention est d’éduquer sur un type de marché. Cette catégorie désigne les jeux sérieux dont l’intention est d’informer, ou tout au moins de sensibiliser les utilisateurs à un message socio-éducatif [6]. Cette forme différente de communication permet de modifier la sensibilité des publics afin qu’ils appréhendent avec plus d’aisance les enjeux sociaux. Par exemple le jeu « Food-Force » dont la vocation est de sensibiliser les enfants aux missions 13 humanitaires que mènent les Nations Unies dans leurs combats quotidiens contre la famine. « S.O.S. Mission Eau » est un autre exemple de jeux de marché destiné aux enfants de 7 à 11 ans pour les initier au fonctionnement des réseaux et infrastructures de gestion d’eau potable. — Les jeux engagés (Political game) : ces jeux sérieux expriment des messages de nature politique, religieuse ou militaire. Pour y parvenir, cette catégorie a pour objectif de détourner les règles classiques des jeux vidéo ou leurs aspects graphiques et sonores afin d’interpeller les joueurs. Citons l’exemple de « Save The Peoples » qui tente d’envoyer un message anti-guerre où le joueur doit sauver les civils des zones critiques en les guidant vers une tente de base. « People Power : The Game of Civil Resistance » est un autre exemple de jeux engagés qui oppose le joueur, incarnant un mouvement populaire non-violent, à un régime contrôlé par l’ordinateur. La lutte s’inscrit dans des scénarios différents comme la dictature, l’occupation, la défense des droits des minorités, la corruption, etc. — Les jeux d’entraînement et de simulation (Training and simulation game) : ces jeux ont pour vocation de permettre à l’utilisateur de s’entraîner à exécuter une tâche donnée ou d’étudier un phénomène s’inspirant du réel qui a été reproduit dans un environnement virtuel [6]. A titre d’exemple, nous citons le jeu « Security Game » destiné aux collaborateurs d’entreprises désireuses de sensibiliser leurs employés aux nombreux risques encourus avec l’utilisation omniprésente d’Internet (la cybersécurité). « Granualts Game » est un autre exemple de jeux d’entraînement et de simulation permettant de mesurer les risques au sein d’une carrière d’exploitation. Si la dimension ludique a pour objectif de procurer du plaisir, il reste à cerner les fonctions associées à la dimension sérieuse. Pour cela, la recherche référencée par [32] propose une autre classification prenant en compte les dimensions ludique et sérieuse des jeux sérieux de manière simultanée en se basant sur les trois critères suivants : — Jouabilité (Gameplay) : ce critère renseigne sur la dimension ludique en définissant toutes les activités et stratégies de jeux vidéo mises en oeuvre pour maintenir l’engagement et la motivation du joueur tout au long de la session de jeu. — Intention (Purpose) : ce critère couvre la finalité du jeu sérieux. Il renseigne sur la ou les fonctions utiles dépassant le « simple divertissement » comme la diffusion d’un message éducatif, l’entraînement et l’échange des biens. — Secteur (Scope) : ce critère est basé sur les domaines d’application visés par le jeu sérieux. Il informe sur le type de public (marché et âge) que le concepteur cherche à cibler. 

Positionnement

L’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la communication par les différentes générations de consoles et d’ordinateurs a permis la conception et le développement de jeux vidéo et de simulateurs de plus en plus innovants. Cette exploitation commune de ces technologies rend la distinction de ces deux types d’application parfois floue. Les nouveaux logiciels qui sont les jeux sérieux accentuent encore cette confusion [66]. Afin de positionner les jeux sérieux vis-à-vis des jeux vidéo, Zyda [99] a proposé un modèle de jeu sérieux basé sur une extension du jeu vidéo classique, comme 15 le montre la figure 1.3. En effet, il suppose que le jeu vidéo se compose essentiellement de trois éléments à savoir l’histoire (story), l’art (art) et le génie logiciel (software). Une équipe (team) s’occupe de la réalisation de chaque composant, par exemple l’équipe de conception (design team) s’occupe de la conception du scénario ou l’histoire du jeu. Après, Zyda a intégré la dimension pédagogique qui formalise l’ensemble des activités permettant d’éduquer et d’instruire une connaissance et/ou une compétence particulière. Cette intégration rend le jeux vidéo plus « sérieux » favorisant ainsi l’apprentissage des apprenants-joueurs. La pédagogie impliquée doit toutefois être liée à l’histoire du jeu (story) pour atteindre un objectif bien déterminé. Un jeu sérieux doit alors équilibrer ses deux composantes « divertissante » et « sérieuse ». Figure 1.3. – Du jeu vidéo au jeu sérieux [99] Après avoir exposé la différence entre un jeu sérieux et un jeu vidéo, nous visons maintenant à établir une distinction claire entre les concepts jeu sérieux et simulateur. En effet, les simulateurs représentent des logiciels multimédias interactifs avec des éléments dynamiques contrôlés par l’utilisateur et permettent de reproduire artificiellement un fonctionnement d’un phénomène réel [30]. Mais, ils ne comportent pas la dimension ludique d’un jeu sérieux (mécaniques de jeu) et surtout ne contiennent pas un scénario utilitaire supportant la dimension pédagogique. La présence d’un instructeur est alors nécessaire pour exposer notamment le contexte et les objectifs pédagogiques à atteindre. Ainsi, les simulateurs et les jeux sérieux sont très différents dans leurs buts. Alors qu’un simulateur est conçu à des fins d’évaluation ou de calcul, un jeu sérieux est conçu à des fins de divertissement et d’apprentissage où l’utilisateur a un but précis à atteindre [66]. Afin d’illustrer clairement les différences entre ces types d’applications, nous reprenons l’exemple du plus célèbre des jeux sérieux à savoir « America’s Army ». 16 Cette application peut être considérée comme un jeu vidéo quand elle est téléchargée et jouée pour sa composante ludique ou divertissante. « America’s Army » peut être considéré aussi comme un jeu sérieux lorsqu’il est utilisé comme outil de recrutement ; et comme un simulateur quand il est intégré dans les stages d’entraînement militaire. Ainsi, il est possible de considérer le jeu sérieux comme un concept pouvant avoir des interférences (intersections) avec ceux de jeux vidéo et de simulateurs. Ils possèdent la composante ludique des jeux vidéo tout en proposant, parfois, une simulation d’une situation réelle de formation ou d’apprentissage. Cependant, dans certains cas les frontières entre ces trois concepts restent encore floues [66]. D’un autre côté, la recherche référencée par [6] propose de distinguer quatre concepts clés liés aux jeux sérieux à savoir : — Le serious game (jeu sérieux) : il désigne un jeu vidéo ayant été créé à des fins pédagogiques ou utilitaires. — Le serious gaming : il est un concept plus global définissant le détournement de jeux vidéo à des fins pédagogiques, c’est à dire le fait de détourner un jeu vidéo existant pour en faire un outil « sérieux ». — La gamification ou la ludification : elle consiste à transposer les mécaniques du jeu vidéo dans un domaine non-ludique pour résoudre des problèmes de la vie réelle. Elle vise alors à rendre plus ludiques des activités qui ne sont pas considérées comme des jeux. — L’application utilitaire : elle est un logiciel mettant uniquement l’accent sur la dimension sérieuse.

Table des matières

Introduction générale
I ÉTAT DE L’ART
1 Jeux sérieux et gestion de crise
1.1 Introduction
1.2 Présentation du concept de jeux sérieux
1.2.1 Définitions
1.2.2 Domaines d’application
1.2.3 Classifications existantes
1.2.4 Positionnement
1.3 Proposition d’une nouvelle classification des jeux sérieux
1.3.1 Nouvelle classification des jeux sérieux
1.3.2 Portail Web associé à la classification proposée
1.4 Gestion de crise : domaine privilégié d’application de jeux sérieux
1.4.1 Définition de la gestion de crise
1.4.2 Enjeux et spécificités de la formation à la gestion de crise
1.5 Jeux sérieux de gestion de crise
1.5.1 Exemples représentatifs
1.5.2 Évaluation des joueurs dans les jeux sérieux de gestion de crise
1.6 Conclusion
2 Évaluation des jeux sérieux de gestion de crise : une revue systématique de la littérature
2.1 Introduction
2.2 Méthode de recherche : revue systématique de la littérature
2.2.1 Questions de recherche
2.2.2 Termes de recherche
2.2.3 Base de données de recherche
2.2.4 Critères d’inclusion et d’exclusion
2.2.5 Diagramme de PRISMA Flow
2.3 Synthèse des travaux d’évaluation dans les jeux sérieux de gestion de crise
2.3.1 Concept de l’évaluation
2.3.2 Étude bibliographique
2.3.3 Travaux représentatifs
2.4 Discussion
2.4.1 Critique de l’existant
2.4.2 Solution proposée et objectif
2.5 Conclusion
II CONTRIBUTIONS
3 Un cadre théorique pour l’évaluation des apprenants dans les jeux sérieux de gestion de crise
3.1 Introduction
3.2 Contexte théorique
3.2.1 Informatique affective et émotions
3.2.2 Théorie du Flow
3.2.3 Modèle de déséquilibre cognitif
3.2.4 Fouille de données éducatives
3.3 Le concept de facette d’évaluation
3.3.1 Facette pédagogique
3.3.2 Facette émotionnelle
3.3.3 Facette sociale
3.4 Grille d’analyse multicritères pour la caractérisation et l’évaluation des JSGC
3.5 Cadre théorique pour l’évaluation individuelle et collective dans les JSGC basé sur les états émotionnels
3.5.1 Architecture générale du cadre proposé
3.5.2 Processus d’évaluation émotionnelle individuelle
3.5.3 Processus d’évaluation collective
3.6 Conclusion
4 Approche d’évaluation des apprenants dans les jeux sérieux de gestion de crise : mise en oeuvre du cadre théorique
4.1 Introduction
4.2 Méthode d’évaluation de la facette sociale
4.2.1 Vue générale de la méthode d’évaluation de la facette sociale
4.2.2 Modélisation du réseau social d’apprentissage
4.2.3 Évaluation quantitative du réseau social
4.2.4 Évaluation qualitative des interactions sociales
4.3 Méthode d’évaluation de la facette émotionnelle
4.3.1 Vue générale de la méthode d’évaluation de la facette émotionnelle
4.3.2 Collecte et annotation des données
4.3.3 Fusion des données collectées
4.3.4 Analyse des données
4.3.5 Visualisation des données
4.4 Conclusion
5 Validation expérimentale
5.1 Introduction
5.2 Présentation et caractérisation de la plate-forme iScen
5.2.1 Description générale et architecture logicielle
5.2.2 Analyse fonctionnelle
5.2.3 Bilan
5.3 Présentation d’un exemple de scénario de gestion de crise et sa gamification5
5.3.1 Définition générale d’un scénario de gestion de crise
5.3.2 Procédure d’évacuation
5.3.3 Gamification de la procédure d’évacuation
5.4 Validation expérimentale
5.4.1 Protocole expérimental
5.4.2 Déroulement de l’expérimentation .
5.4.3 Interfaces principales du jeu
5.4.4 Post-évaluation
5.5 Résultats obtenus et discussions
5.5.1 Résultats de l’évaluation de la facette sociale
5.5.2 Résultats de l’évaluation de la facette émotionnelle
5.6 Conclusion
6 De l’évaluation à l’adaptation d’un jeu sérieux
6.1 Introduction
6.2 Vers l’adaptation des jeux sérieux
6.2.1 Définition du concept d’adaptation
6.2.2 Types d’adaptation
6.2.3 Processus d’adaptation des jeux sérieux
6.3 Illustration d’une adaptation avec la plate-forme iScen .
6.3.1 Décomposition d’iScen selon l’architecture MVC
6.3.2 Illustration de l’adaptation proposée .
6.4 Conclusion
Conclusion générale
Liste des publications liées à la thèse
Annexe 1
Annexe 2

projet fin d'etude

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