Définition d’un robot vers un glissement sémantique

Définition d’un robot vers un glissement sémantique

Lors de nos recherches bibliographiques, le terme « robot » était généralement associé à des études réalisées sur des machines dont les fonctionnalités sont éloignées des robots de téléprésence que nous utilisons. Cette situation a semé un doute sur la pertinence de désigner cette technologie par le mot « robot ». Nous posions alors la question : les robots de téléprésence sont-ils des robots ? Cette question nous a également été régulièrement posée lors de nos communications. Il nous est alors paru pertinent de répondre à cette question, d’une part pour situer conceptuellement cet objet et d’autre part, pour discriminer d’autres mots clés et affiner notre recherche bibliographique relatives à l’usage de technologies similaires. La rencontre avec cet objet technique qu’est le robot de téléprésence, nous amène nécessairement à débattre de sa définition et de sa filiation à la catégorie des robots. Il s’agit en effet d’une question à laquelle nous avons été confrontées lors de notre premier essai de pilotage d’un de ces robots en 2013 ainsi que lors de nos recherches bibliographiques. Au- delà de sa définition, ses propriétés et capacités techniques contredisaient nos propres représentations autour de ce que devait être capable de faire un robot. En effet, le mot robot renvoie à différentes définitions qui comportent peu de similitudes entre elles et qui pourraient parfois se contredire.  Nous débutons notre analyse en recherchant son étymologie dans la littérature afin d’établir son origine sémantique.

Puis nous rechercherons les définitions qui lui sont données dans les encyclopédies et par leurs concepteurs afin de mettre toutes ces données en parallèle et réfléchir à ses acceptions.  Le mot « robot » provient du tchèque « robota » qui se rapporte au travail forcé, mot lui- même dérivé de « rob » qui signifie « esclave » dans l’ancien slave. L’écrivain Karel Çapek l’introduit en 1920 dans sa pièce de théâtre de sciences fiction intitulée « Rossumovi Univerzàlni Roboti », pour désigner des machines à l’allure humaine (Tisseron, 2015). Dans cette pièce, l’ingénieur à l’origine de leur conception, décide de rendre ces robots plus polyvalents et intègre à leur programmation des sentiments ainsi qu’une forme d’intelligence minime. Après quelques années, les robots s’indignent de cette position d’esclave et prennent le contrôle sur l’humanité. Les divers romans de science-fiction qui ont accompagné l’imaginaire de ses lecteurs durant ces deux derniers siècles, ont dépeint un portrait peu avantageux des robots, en les plaçant comme des créatures destructrices de l’humanité qui, tel le monstre de Frankenstein, ont pour seule volonté la vengeance de l’emprise des humains sur eux. Asimov apaise les lecteurs face aux fantasmes de destruction et de prise de contrôle de la machine sur l’humain, en introduisant dans ses œuvres des lois auxquelles sont soumis les robots et destinées à protéger les êtres humains d’une telle emprise : il s’agit des fameuses trois lois de la robotique. En créant ces lois dans ses romans (1950, 1956, 1967), Asimov crée par la même occasion l’adjectif « robotique », utilisant ce néologisme pour désigner cette science nouvelle relative aux robots.

Il est peu coutumier dans nos champs épistémologiques, de rechercher le fondement d’un nom dans les œuvres de science-fiction. Pourtant, ces écrivains, dont nous avons cité une infime liste, ont largement participé à fonder l’imaginaire collectif autour des robots, de ce qu’ils doivent être, de leur proximité avec les humains, que ce soit une proximité sociale, affective (Tisseron, 2015), physique (Mori, 1970) ou encore intellectuelle. Ils ont fondé leur étymologie, leurs usages sémantiques, nos croyances et représentations sur les robots et participent donc de leur définition. Ces technologies sont bien nées de la science-fiction. Dans la mythologie grecque, Pygmalion tomba amoureux de la statue qu’il sculpta lui-même. De ces deux légendes ressort la dimension de la création d’un artefact dans le but d’asservir son créateur afin de répondre à un besoin. Cependant, cette création finit toujours par dépasser sa fonction initiale, laissant envisager l’absence de maîtrise sur l’évolution qu’aura cette créature et qui ne correspondra plus à la fonction première pour laquelle elle a été créée. De plus, l’impossibilité de maîtriser l’évolution que prendra un artefact et de sa déviation de son usage prescrit, nous laisse penser à l’évolution sociale des usages au cours du processus d’appropriation (Proulx, 2002). Ce sont bien les usages qui vont donner une signification aux artefacts et les transformer dans les activités des individus. L’orientation donnée aux usages des artefacts n’est pas prévisibles à l’avance et peuvent dépasser les intentionnalités premières de leurs créateurs.

 

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