Directrice Catherine DORISON

Directrice Catherine DORISON.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ouvre une nouvelle ère dans la prise en compte du handicap en France, et bien évidemment dans la façon d’envisager la scolarisation des élèves handicapés. Par bien des aspects, cette loi est en rupture avec les principes de la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées. Elle induit des changements cruciaux pour ce qui concerne la scolarisation, en instituant la mise en place d’un dispositif inédit, motivé par une volonté affichée de tout mettre en œuvre pour que le projet de l’élève ou de sa famille puisse aboutir. Cette loi révolutionne le jeu institutionnel à l’œuvre dans les prises de décisions. Quels sont les enjeux de tels bouleversements ? Quels changements sont attendus par rapport au fonctionnement induit par la loi de 1975 ? L’étude de ce cadre général nous sera nécessaire pour aborder l’objet de notre réflexion, à savoir en quoi l’Enseignant Référent est un maillon essentiel dans l’application de la loi de 2005 pour la scolarisation des élèves handicapés. En effet, qu’est-ce qui a conduit le législateur à créer cette fonction unique ne serait-ce que par son champ d’intervention depuis la petite section d’école maternelle jusqu’au BTS, au sein de l’Education Nationale ? Comment cette idée a émergé en regard des critiques adressées au fonctionnement précédent ? Et Quelle place occupe l’Enseignant Référent présenté comme la « pierre angulaire du dispositif » ? Afin de mieux percevoir cette fonction, nous attacherons à cerner les missions de l’Enseignant Référent, définies par les textes de loi, le décrivant comme « l’acteur central des actions conduites en faveur des élèves handicapés » , mais aussi par des prescriptions « intermédiaires » telles que celles proposées dans l’ouvrage de Fabienne Ramond et Jean-Marc Louis , (respectivement conseillère pédagogique ASH et IEN en Moselle) détaillant le contexte de ses actions, ses champs d’intervention et les compétences qu’il doit mettre en œuvre pour parvenir à exercer sa mission. Notre premier corpus sera donc constitué des textes réglementaires qui organisent la fonction, auxquels viendront s’ajouter les rapports officiels émanant de plusieurs instances institutionnelles.

Contexte institutionnel.

Cependant, la prescription de la loi pour nationale qu’elle soit, est-elle déclinée localement de façon identique ? Existe-t-il des disparités dues à des facteurs locaux qui infléchiraient le cadre réglementaire, des choix de pilotage particulier ou des contraintes inhérentes au département ? Nous tenterons, avec les informations en notre possession (fiches de poste, lettres de mission) de voir si des différences apparaissent, et d’apprécier si ce sont des différences de nature (liés à des politiques locales) ou de degré dans l’application de la loi. Ce corpus de consignes officielles locales, a été recueilli auprès d’Enseignants Référents ou directement sur les sites des Inspections Académiques. Nous examinerons par ailleurs la situation dans le Val d’Oise, puisque c’est notre lieu d’implantation et que la possibilité d’entretiens directs avec les Enseignants Référents a permis de dégager une typologie départementale. Qui sont les enseignants référents du Val d’Oise, comment sont-ils arrivés à ce poste ? Quelle place occupe t-il dans leur carrière ? Comment conçoivent-ils leur mission, quelle part d’autonomie ont-ils ? Comment se perçoivent-ils ? Quelle distance s’accordent-ils par rapport aux prescriptions locales ? Comment construisent-ils au quotidien l’exercice de leur profession ? Notre second corpus est lui constitué par les entretiens avec les acteurs mêmes, que ce soit bien sûr, les entretiens semi-directifs réalisés auprès de 16 Enseignants Référents du Val d’Oise, les entretiens avec quelques partenaires des Enseignants Référents, l’entretien avec l’Inspecteur d’Académie du Val d’Oise et bien entendu l’entretien avec l’IEN-ASH en charge du pilotage des Enseignants Référents. Un troisième corpus vient compléter ce matériel par un questionnaire élaboré à partir des premiers entretiens réalisés, destiné à affiner le profil des 47 Enseignants Référents en Val d’Oise et envoyé à chacun d’eux. Ces rencontres, ainsi que les réponses au questionnaire, ont permis de mettre à jour certaines caractéristiques, qui n’autorisent pas à généraliser, mais à repérer des préoccupations récurrentes, une culture professionnelle commune articulée sur des fonctionnements similaires, des échanges de pratiques, autour de la création ou l’harmonisation d’outils communs. C’est d’ailleurs pour avoir une image un peu plus globale des pratiques des Enseignants Référents à travers la France qu’un dernier questionnaire a été établi et adressé à tous les Enseignants référents de France joignables par courrier électronique via le site de l’Inspection Académique du département. Les réponses à ce questionnaire constituent notre quatrième et dernier corpus . Retrouve-t-on une unité professionnelle au travers des fonctionnements propres de chacun ? Les éléments apportés par les Enseignants Référents de nombreux départements, les témoignages de partenaires des Enseignants Référents (médecins scolaires, psychologues scolaires, coordonnateur MDPH, directeurs d’établissements, IEN, AVS,…), la constitution d’associations départementales d’Enseignants Référents, nous laissent entrevoir dans la fonction même plus qu’une simple émanation de la profession d’enseignant spécialisé (enseignant titulaire d’un CAPA-SH ). Nous nous inscrirons pour cette étude d’une fonction plurielle, dans la démarche utilisée par Anne Barrère . Nous tenterons d’analyser ce que nous avons perçu des pratiques des Enseignants Référents, leur manière de gérer le contexte et de s’approprier les injonctions institutionnelles. Notre but étant d’approcher « l’unité et la diversité des Enseignants Référents au travers de leur manière de faire, de dire et de vivre, ce qui est jour après jour, leur travail. » Nous terminerons notre réflexion en examinant comment ce positionnement si particulier de l’Enseignant Référent dans le système de scolarisation des élèves handicapés lui confère une place fondamentale, encore en cours de construction et en constante évolution. A la fois interlocuteur « fil rouge » de la famille, tout au long du Projet de Scolarisation de l’enfant, mais sans possibilité de décision directe sur sa scolarité ; enseignant spécialisé de formation, mais agissant en dehors du cadre de la classe ; partenaire incontournable de plusieurs instances institutionnelles dans le champ de la santé, du médico-social, mais sans pouvoir hiérarchique aucun ; au carrefour d’enjeux et d’intérêts parfois contradictoires, l’Enseignant Référent dans un contexte aux champs multiples doit malgré tout assurer la cohérence du projet personnalisé de scolarisation en étant peut-être autre chose qu’une simple courroie de transmission, interface entre l’Education Nationale et la MDPH.

La loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées s’inscrit dans une réflexion issue du rapport Bloch Lainé (les associations d’handicapés ou de parents d’enfants handicapés ayant été entendues). Elle définit des orientations nouvelles, au regard d’un référentiel d’action publique : – Elle affirme l’importance de la prévention. – Elle impose l’obligation éducative. – Par ailleurs, elle ne donne pas de définition du Handicap. Simone Veil, alors Ministre de la Santé, ne voulait pas s’enfermer dans une définition a priori qui risquait selon elle, de figer des catégories et d’exclure du bénéfice de la loi des personnes non prévues au départ. Elle déclare devant le Sénat le 3 avril 1975 « Sera désormais considérée comme handicapée toute personne reconnue comme telle par les Commissions départementales ». – C’était donc aux commissions départementales de l’éducation spéciale (CDES) ou aux commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) qu’était dévolue la reconnaissance du handicap. 112 Rôle et place des commissions dans la loi de 1975 « Les Commissions départementales de l’éducation spéciale (CDES) reconnaissent -un niveau de handicap aux enfants et jeunes handicapés de moins de 20 ans… -leur accordent des prestations (allocation d’éducation spéciale, carte d’invalidité…), -les orientent vers les structures médico-éducatives et sont en outre sollicitées – pour divers avis (transport scolaire, tiers temps pour examen…). Idem pour les COTOREP au-delà de 20 ans. Les CDES n’abordent toutefois qu’en partie le champ de la scolarisation des enfants et adolescents handicapés, essentiellement à travers leur orientation vers des établissements médico-éducatifs. En effet, la loi stipule que la CDES peut déléguer certaines de ses compétences qui n’ont « pas d’incidence financière » aux plus de 1 100 commissions de circonscription préscolaire et élémentaire (CCPE) et environ 200 commissions de circonscription de second degré (CCSD).» Une CDES existe dans chaque département. Toutes les décisions de la CDES sont normalement prises pour une durée limitée, en général 1 ou 2 ans. Le dossier est alors revu et complété, de manière a prendre en compte toutes les évolutions de l’enfant ou les changements dans sa situation. La CDES prend des décisions qui s’imposent à la fois aux organismes de sécurité sociale, aux établissements scolaires ordinaires ou de l’éducation spéciale. Elle est constituée de 12 membres, 1 secrétariat de permanent et plusieurs équipes techniques. Les 12 membres titulaires représentent l’Education Nationale (3), La DDASS (3), les usagers (3), les organismes de sécurité sociale (3). L’Education Nationale qui préside en alternance avec la DDASS ces commissions y occupe une place de choix, les organisent, les chapotent et y détient un pouvoir de décision important. La composition des équipes techniques varie selon la spécificité des dossiers à traiter : handicaps moteurs, psychique, intellectuel- sensoriel. Elle comprend un enseignant spécialisé, un éducateur spécialisé, un psychologue, une assistante sociale, un médecin de PMI ou de santé scolaire ou un pédiatre, un médecin généraliste et selon le cas un médecin d’inter secteur de psychiatrie infanto juvénile, un médecin spécialiste en médecine physique et réadaptation.

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