Diversifier et peser les nouveaux rôles des opérateurs et le déplacement des lieux de création de la valeur

Diversifier et peser les nouveaux rôles des opérateurs et le déplacement des lieux de création de la valeur

La bifurcation majeure que connaissent un certain nombre d’opérateurs de réseaux techniques urbains européens ne se cantonne pas à des ajustements internes, si importants soient-ils. Elle repose également sur un redéploiement des activités et sur une transformation profonde des métiers pratiqués par les opérateurs. Cette réorientation fonctionnelle participe également du changement de modèle économique de ces entreprises, qui tablent désormais sur une plus grande diversification de leurs activités, loin de l’opérateur municipal de réseau fournisseur d’un fluide et responsable d’une connexion. Elle traduit le changement des territorialités économiques des firmes d’infrastructures locales. Ces territoires sont à comprendre non seulement comme des périmètres de déploiement des activités, mais comme des espaces d’activités qui font l’objet d’une forme d’appropriation par l’opérateur, et donc de territorialisation, si l’on suit l’approche sackienne classique (Sack, 1986). Au fond, ce mouvement est fondamental dans la compréhension des transitions à l’œuvre et des nouveaux modèles économiques qui se mettent en place, car il traduit un changement dans la manière de créer de la valeur dans les mondes techniques (I). Cette diversification change la place et le rôle des opérateurs dans le paysage urbain et permet d’interroger les complexes recompositions entre les missions de service public qui leur incombent et les transformations industrielles et capitalistiques qu’ils développent. Derrière ces dilemmes entre missions traditionnelles et fonctions nouvelles se noue un enjeu important, la transformation des rapports entre l’opérateur local et les autorités municipales, qui prennent une nouvelle dimension (II).

Diversifier pour régner, et pour régner plus loin

Deux stratégies de diversification peuvent être isolées. L’une, relativement classique, consiste à développer les offres et les activités en lien avec le cœur opérationnel et les filières économiques de ces entreprises municipales. Elle est en partie née de la conjonction de processus de libéralisation des marchés de l’énergie et d’une attention plus grande portée aux usages et aux usagers, parfois interprétée de façon simpliste pad’énergie à fournisseur de services énergétiques (Finon, 2008). L’autre, plus étonnante, repose sur une diversification plus large, bien au-delà des périmètres et filières d’intervention classiques des opérateurs de réseaux urbains.  r le passage de fournisseurce qu’on pourrait appeler une diversification interne, en lien avec les activités traditionnelles des opérateurs de service urbain. Dans ce domaine, les dispositifs mis en place par les SWM à Magdeburg témoignent d’une forte cohérence et d’une stratégie mûrement réfléchie et développée pas à pas (1). Du côté de la EMASESA, la trajectoire suivie est davantage marquée par une logique fluctuante peu stabilisée, alternant entre ressac et flot de retour houleux (2). Dans un cas comme dans l’autre, la diversification participe d’un mouvement de création de valeur qui emprunte à une certaine lecture de l’économie de la fonctionnalité (3).

Les SWM ont développé une stratégie de diversification sur le long terme, prenant rapidement acte et tirant partie de certaines conséquences de la libéralisation des marchés de l’énergie. C’est donc depuis le début des années 2000 qu’ils ont commencé à mettre en place une offre très structurée de services liés à l’énergie. Les différents dispositifs proposés participent du mouvement général d’une individualisation plus poussée des rapports entre l’usager et l’opérateur (décrit par Coutard et Rutherford, 2009). L’arsenal des offres de services se déploie à travers divers canaux. L’entreprise diffuse ainsi à tous les habitants de petits guides sur la thématique des services énergétiques, dont le but est d’encourager des changements de pratiques de la part des usagers, sur un ton qui se veut volontiers provoquant (photo 44). En plus de ces guides de bonnes pratiques, voire de bonnes conduites, les SWM organisent, dans leur centre d’accueil des clients, des séminaires sur les économies d’énergie, offrent des services de conseils énergétiques personnalisés et vendent un certain nombre de produits associés à ces conseils, comme en témoigne un bref aperçu du site Internet de l’entreprise (photo 45).

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *