Droit de l’environnement

Droit de l’environnement

 Extension du principe « pollueur-payeur ». – Dans la mesure où la procédure collective n’est pas toujours capable de prendre en charge le passif environnemental du débiteur, il apparaît nécessaire d’assurer son paiement en dehors des mécanismes offerts par le droit des entreprises en difficulté. De même, les solutions dégagées par le droit de l’environnement montrent encore des insuffisances1289. Cette difficulté peut s’expliquer par l’inadaptation des textes en vigueur à la notion même de créance environnementale. Il ressort des développements précédents que la réglementation en la matière présente des lacunes. Le champ d’application limité des solutions envisagées, ainsi que le contexte particulier dans lequel peuvent naître des créances environnementales fait que la notion n’est pas appréhendée dans sa globalité. L’État, en tant que garant de l’intérêt général, peut être amené à intervenir par l’intermédiaire de l’ADEME1290 afin d’assurer la dépollution des sites dont l’exploitant n’est pas en mesure d’assumer les travaux. Or, l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, qui reprend les dispositions de la Charte de l’environnement, dispose que les mesures visant la protection de l’environnement doivent respecter différents principes, dont le principe « pollueur-payeur ».

Une intervention étatique en lieu et place du débiteur revient à faire supporter ces coûts à l’ensemble de la communauté, au mépris du principe constitutionnel. Alors que le Code de l’environnement réglemente différentes activités pour limiter leur empreinte écologique, l’ensemble des pollutions générées par les entreprises n’est pas appréhendé. Bien souvent, les dispositions applicables sont lacunaires, à l’instar de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement. Si elle permet la remise en état d’un site en cas de cessation d’activité, elle ne concerne pas toutes les activités à risques. En conséquence, la conciliation entre le droit des entreprises en difficulté et le paiement des créances environnementales suppose le recours à des notions plus larges que la référence aux activités réglementées. Lorsqu’une entreprise génère une pollution, le sol est l’un des premiers éléments touchés. Si les bâtiments du débiteur sont pollués, il est logique que le sol le soit également dans la mesure où, par définition, le bâti est un bien qui ne peut en être détaché. La recherche de responsables subsidiaires à l’aune du périmètre d’action du droit de l’environnement 297 d’instrument juridique général traitant de l’ensemble des aspects de la protection des sols1291.

En France, ceux-ci sont soumis à différentes dispositions du Code de l’environnement, susceptibles de rentrer en concurrence. Afin de prendre en considération ce vide, la jurisprudence est intervenue, ce qui a permis l’émergence d’un droit des sites et sols pollués (Section I). Les règles posées dans ce domaine révèlent la valeur constitutionnelle de l’environnement et la nécessité de trouver des responsables subsidiaires en cas d’insolvabilité du débiteur initial. Néanmoins, cette évolution est encore insuffisante pour assurer une protection optimale de l’environnement. Plus récemment, le législateur a opéré une modification majeure des règles avec l’adoption de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dite loi « ALUR ». Cette réforme a donné une assise juridique à la mise en place d’une chaîne de responsables (Section II).

Emergence d’un droit des sites et sols pollués en jurisprudence 

Recours aux outils existants

Lorsqu’une entreprise est à l’origine d’une pollution, le sol figure parmi les premiers éléments touchés. Si les pays industrialisés ont pris conscience de cette donnée à partir des années 19751292, l’intervention du législateur français afin de permettre la dépollution des sols a longtemps été attendue. L’appréhension de cette problématique s’est faite par l’intervention de la jurisprudence à l’aide des outils existants. Le recours à la législation relative aux ICPE, bien qu’utile dans certains cas, a montré ses limites en matière de protection des sols (§1), ce qui a rendu nécessaire l’utilisation de la législation relative aux déchets (§2). § 1. – Insuffisance de la législation relative aux ICPE pour la protection des sols 264. Genèse. – Si l’article L. 110-1 du Code de l’environnement dresse une liste des éléments intégrés au patrimoine commun de la nation, à l’origine, le sol n’y était pas mentionné1293. Il n’apparaissait pas plus au titre des éléments que vise à protéger la législation relative aux installations classées  lorsqu’elle entend encadrer l’activité industrielle. Dès lors, il est compréhensible qu’il n’existe pas de législation propre à permettre de traiter la problématique des sites et sols pollués . Et pourtant, les activités réglementées reposent sur le sol. Si elles génèrent des pollutions, celles-ci vont impacter directement cet élément. Le Code de l’environnement comporte de multiples dispositions qui visent directement le sol , mais davantage dans un souci de prévention que de dépollution.

A titre d’exemple, l’ancien article R. 512-8 du Code de l’environnement prévoyait que l’étude d’impact qui accompagnait la demande d’autorisation d’exploiter une ICPE devait notamment mentionner l’origine, la nature et la gravité de la pollution des sols ainsi que les conditions de la remise en état du site en fin d’exploitation. L’article R. 122-5 du Code de l’environnement, tel que modifié par le décret n°2017-626 du 23 avril 20171297 , maintient cette référence au sol. De même, l’article L. 512-18 du Code de l’environnement impose aux exploitants de certaines catégories d’installation de mettre à jour un état de pollution des sols sur lesquels repose l’installation à chaque changement notable des conditions d’exploitation1298 . C’est d’abord à travers des circulaires que les sites et sols pollués ont été pris en compte par la législation interne1299. Aux termes d’une circulaire du 28 janvier 1993 relative à la réhabilitation des sites industriels pollués, l’obligation de remise en état des sites pollués prend sa source dans l’article 6 de la loi du 13 juillet 1992 sur les déchets et l’article 34 du décret n°77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l’application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement. En conséquence, la dépollution des sols peut, dans un premier temps, être envisagée au prisme de la loi n°76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement.

Initialement, l’article 34-1 du décret d’application précité prévoyait qu’en cas de mise à l’arrêt définitif d’une ICPE, l’exploitant devait notifier cette cessation d’activité au préfet. La notification devait comporter les mesures prises ou à prendre pour assurer la mise en sécurité du site. Cette disposition impose également à l’exploitant de placer le site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts protégés par la législation relative aux ICPE. La remise en l’état est ici imposée au titre de l’autorisation administrative délivrée. Cette obligation existe toujours et se trouve désormais codifiée dans le Code de l’environnement.

Etendue de la remise en état

Le droit des ICPE, depuis son avènement par la loi du 19 juillet 1976, impose à l’exploitant de remettre son site en état lorsque l’installation est susceptible de présenter « des dangers ou inconvénients pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature et de l’environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments » 1302. Si cette obligation peut prendre naissance en cours d’exploitation par le biais d’arrêtés complémentaires, son importance se retrouve au moment de la mise à l’arrêt définitif de l’installation.

A cet instant, elle revêt un caractère systématique1303. Alors que les arrêtés complémentaires ne sont pris que dans le cas où les prescriptions initiales seraient insuffisantes, l’arrêt de l’exploitation entraine nécessairement une obligation de remise en état à destination de l’exploitant. Bien que le décret ne prévoyait pas de sanction spécifique en cas de carence de l’exploitant, la procédure de sanction prévue à l’article 23 de la loi du 19 juillet 1976 pouvait être mise en œuvre par l’autorité administrative compétente. Cette procédure toujours applicable se compose de quatre étapes : la mise en demeure d’effectuer les travaux, la consignation, la réalisation d’office des travaux et la suspension du fonctionnement de l’installation. Si une absence de base légale a pu être déplorée, dans une décision du 8 septembre 1997 , le Conseil d’Etat a approuvé ce dispositif contraignant et a considéré qu’à défaut de remettre le site de l’installation dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976, il peut être fait application des procédures prévues par l’article 23 de cette même loi. Selon les juges, ces mesures ont été instituées pour contraindre les exploitants à prendre les dispositions nécessaires à la sauvegarde des intérêts visés à l’article 1er de la loi. De même, le décret de 1977 n’apportait que de brèves précisions quant à l’étendue de la remise en état, en se contentant de dire qu’elle consistait à remettre « le site dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976». Une circulaire du 3 décembre 1993 relative à la politique de réhabilitation et de traitement des sites et sols pollués prise par le ministère de l’environnement a néanmoins exprimé l’idée selon laquelle les travaux à mener au titre de la réhabilitation des sites et sols pollués devaient être déterminés au regard de l’usage futur du site. Une restauration du site abinitio n’est donc pas imposée à l’exploitant.

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