Effets biologiques des particules de TiO2 sur l’intestin, état de l’art

Particules de TiO2 micrométriques

Origine : Le dioxyde de titane (TiO2) (CAS-No. 13463-67-7) est l’oxyde naturel du Titane (Ti), le neuvième élément chimique le plus abondant de la croûte terrestre devant l’hydrogène et derrière le magnésium (0,6 %). Le TiO2 utilisé dans l’industrie est extrait de gisements constitués de différentes formes minérales de Ti. C’est un composé très inerte qui est extrait à partir des minerais par un procédé utilisant des chlorures ou par des traitements à l’acide sulfurique.
Le rutile est le minerai qui contient le plus de TiO2 (85-90 %) mais il est peu disponible naturellement. De ce fait, le TiO2 utilisé dans les produits de consommation est majoritairement extrait d’autres minerais plus abondants : l’ilménite, TiFeO3, présent dans des sables de plage ou dans des roches dures et le leucoxène, Fe2O3.nTiO2, produit de dégradation naturel de l’ilménite. L’ilménite constitue la principale réserve mondiale de Ti, on en trouve principalement en Afrique du Sud, en Australie ou au Canada . C’est de ce minerai que sont extrait les 95 % de l’origine du TiO2 pigmentaire utilisé aujourd’hui (contre 5 % provenant directement du rutile). L’exploitation de mines de titane constitue un enjeu économique et écologique. Par exemple, la compagnie Australienne Mineral Commodities projette d’ouvrir une mine de titane en Afrique du sud. Celle-ci compte extraire près de 450 000 tonnes de minerais de titane, par an et pendant 22 ans, principalement de l’ilménite qu’elle vendra aux industries aéronautique, chimique, énergétique et militaire, ce qui devrait lui assurer un chiffre d’affaire de 110 millions d’euros.

Le TiO2 dans l’alimentation

Les additifs alimentaires sont des substances intentionnellement ajoutées aux denrées alimentaires lors de leur fabrication, leur conservation ou leur packaging. 24 catégories (couleur, conservation, goût, texture, origine de fabrication…) permettent de les classer en fonction de leur fonction principale. Ils ont une définition et une réglementation complexe . Les colorants alimentaires sont une catégorie à part d’additifs alimentaires, ils ont de ce fait une réglementation spécifique mais de nombreuses similitudes existent comme par exemple l’interdiction complète des carcinogènes. Les nanomatériaux dans l’alimentation : L’utilisation de NPs dans le secteur de l’agroalimentaire est une technologie encore émergente mais depuis les années 2000, elle ne cesse de se développer. En 2006, le marché mondial des nanomatériaux dans l’alimentation était évalué à environ 410 millions de dollars par la société de conseil Cientifica avec une prévision de 5,8 milliards de dollars en 20127. Ces nouvelles technologies utilisées dans l’agroalimentaire ont dérivé d’une utilisation dans les domaines pharmaceutiques et cosmétologiques. L’incorporation de NPs dans les produits alimentaires et les emballages leur apportent des propriétés attractives telles qu’une meilleure conservation, un meilleur aspect, etc. Des associations de consommateurs ont tenté de répertorier les entreprises agroalimentaires utilisant des NPs dans leurs procédés mais compte tenu de la législation actuelle et des sensibilités concernant la santé et l’environnement, les entreprises interrogées sont peu nombreuses à avoir répondu aux sollicitations8,9. L’utilisation des nanotechnologies et des NPs en particulier concerne principalement le domaine de l’emballage alimentaire.
L’utilisation de NPs et de nano-composants intelligents sert à l’amélioration des propriétés de l’emballage (piégeur 02, antimicrobiens, enzymes), permet d’assurer la traçabilité et la fraicheur des produits pendant le transport et le stockage, de détecter des bactéries ou des produits périmés et de renforcer l’emballage (nano feuille, cellulose). Pour ces NPs incorporés dans les emballages, il existe un risque qu’ils migrent et contaminent les aliments. De plus, en fin de vie de ces emballages, les NPs peuvent contaminer l’environnement .

Voies d’exposition aux particules et nanoparticules, valeurs limites d’exposition

L’inhalation, la voie cutanée et l’ingestion sont les trois principales voies d’exposition aux NPs de TiO2 . En effet, l’exposition humaine à lieu pendant la fabrication et la manipulation des NPs, lors de l’utilisation des produits les contenant et en fin de vie de ces produits. Les principales voies d’exposition pour lesquelles il existe des données toxicologiques sont l’inhalation et l’exposition cutanée. Ces données ont été obtenues dans le cadre de l’étude de l’exposition des travailleurs. La population quant à elle est principalement exposée aux NPs de TiO2 lors de la consommation de produits en contenant. La voie cutanée et la voie intestinale sont alors les plus pertinentes. L’exposition aux NPs de TiO2 par ingestion est moins documentée que l’exposition par inhalation et l’exposition au colorant E171 l’est encore moins .
Le risque d’exposition par inhalation concerne principalement les travailleurs manipulant les poudres de TiO2. Les NPs, de par leur petite taille, se déposent en profondeur dans le tractus respiratoire et notamment au niveau des alvéoles pulmonaires. Elles sont alors susceptibles de franchir l’épithélium et de se retrouver dans l’interstitium pulmonaire. Elles peuvent alors engendrer une inflammation, un stress oxydant et rejoindre le système sanguin ou lymphatique . Le risque d’exposition par voie cutanée résulte principalement de l’application de cosmétiques et de crèmes solaires. La peau est une barrière efficace recouverte d’une couche superficielle (10 µm) de cellules mortes. La principale question qui se pose est celle du franchissement de cette barrière par les NPs après des expositions répétées à de la crème solaire par exemple, lorsque la peau est saine et lorsqu’elle est lésée, ainsi que les effets de ces NPs sur les couches profondes de la peau. L’exposition par ingestion résulte de la consommation de produits alimentaires contenants l’additif E171 ou des médicaments contenant le TiO2 comme excipient . Là encore, le franchissement de la
barrière intestinale et les effets toxiques ou pro-inflammatoires des NPs sur les cellules intestinales sont les deux problématiques principales.

Les éléments de la barrière intestinale

Le tractus gastro-intestinal s’étend de la bouche à l’anus et mesure entre 5 et 7 m en moyenne chez l’homme. En plus des fonctions primordiales de digestion, d’absorption de macro et micro nutriments et d’homéostasie de l’eau, l’intestin représente une barrière protectrice entre le milieu intérieur (l’organisme) et le milieu extérieur c’est à dire la lumière du tube intestinal. L’intestin comprend le duodénum, le jéjunum et l’iléon, qui composent l’intestin grêle, et enfin le colon également appelé le gros intestin. L’organisation des cellules de l’épithélium intestinal, la couche de mucus, les mécanismes de protection des cellules, la présence de tissus lymphoïdes sous-jacents et la présence du microbiote intestinal lui permettent d’assurer cette fonction de barrière protectrice (CDU-HGE, 2014).
Le microbiote : Dans le ventre de sa mère le fœtus se trouve dans des conditions stériles, protégé par la poche des eaux. Lors de l’accouchement le nourrisson est colonisé par les premiers micro-organismes provenant du vagin maternel, de sa peau, de l’environnement de la pièce puis du lait maternel lors de l’allaitement. Il faudra attendre entre 2 et 4 ans pour la mise en place d’un microbiote mature et stable fonctionnellement .
Le microbiote est un organe à part entière, pourtant resté longtemps méconnu car 70 % des bactéries qui le composent ne sont pas cultivables du fait de leurs besoins spéciaux en nutriments et du fait qu’elles ne se cultivent qu’en anaérobie. Elles sont aussi difficilement cultivables de façon isolée. Depuis les années 1970-1980, l’avènement de la métagénomique, permettant de caractériser l’ensemble des génomes des micro-organismes qui peuplent notre flore intestinale, a permis d’accroître la connaissance des diverses bactéries du microbiote, en particulier leur identification . Cette révolution a été permise grâce au développement des techniques de séquençage. Pour l’analyse de la phylogénétique des bactéries du microbiote intestinal, le séquençage de l’ARN de la petite sous-unité du ribosome ARNr 16S est la technique aujourd’hui la plus utilisée. L’ADN bactérien peut aussi être directement analysé après amplification par PCR à partir d’un échantillon contenant les bactéries .
Les chiffres ont été revu à la baisse mais on estime que les bactéries du microbiote intestinal sont 2 à 10 fois plus nombreuses que les cellules d’un individu . Elles sont aussi 10 fois plus petites en moyenne (1 µm de diamètre contre 10 µm pour les cellules). Les communautés bactériennes anaérobies sont dominantes et on dénombre chez les individus entre 500 et 1000 espèces différentes suivant les études . Le microbiote intestinal diffère quantitativement et qualitativement le long du tractus gastro intestinal, la majorité de ces bactéries étant localisées dans le colon. Les espèces bactériennes diffèrent aussi selon si elles se trouvent au sein de la lumière intestinale, dans la couche de mucus ou au plus proche de l’épithélium intestinal .

Inflammation et immunité au sein de l’épithélium intestinal

Défense de l’organisme : L’inflammation a deux fonctions principales, défendre l’organisme contre les agressions et réparer lorsque l’intégrité de l’organisme est compromise (blessure, infection). Pour assurer ces fonctions, le système immunitaire inné et le système immunitaire acquis, les deux volets du système immunitaire chez l’Homme, sont mobilisés. Ils ont en commun de nombreux mécanismes et communiquent grâce à des médiateurs de l’inflammation, les cytokines .
Le système immunitaire inné est la première ligne de défense mise en place, il est non adaptatif. Suite à une infection par un virus ou un pathogène, la réponse cellulaire est immédiate. Les agresseurs sont identifiés par les cellules grâce à un panel de récepteurs, membranaires ou intracellulaires, les PRRs qui reconnaissent les antigènes spécifiques aux pathogènes (PAMPS). Parmi ces récepteurs, les principaux sont les Toll-Like récepteurs (TLR), mais aussi les récepteurs couplés à la protéine G, et les NOD-Like récepteurs (NOD). Ces récepteurs sont exprimés par des cellules impliquées dans cette réponse et déjà présentes dans les tissus (au sein des tissus lymphoïdes) : les monocytes/macrophages, les cellules dendritiques, les lymphocytes, les mastocytes, mais également sur les cellules de l’épithélium intestinal i.e. TLR4, TLR5, NOD2. Suite à la reconnaissance de pathogènes par l’intermédiaire de ces récepteurs, les cellules, immunitaires et épithéliales, sécrètent des cytokines, qui sont des protéines ou peptides médiateurs de la réponse immunitaire et de l’inflammation. Les premières cytokines à être sécrétées, IL-1 et TNF-α, augmentent la perméabilité vasculaire, mobilisent d’autres médiateurs, afin de recruter des cellules impliquées dans cette réponse immunitaire, et notamment plusieurs types cellulaires qui ont la capacité d’éliminer les pathogènes : les macrophages, différenciés à partir des monocytes, les lymphocytes NK (Natural killer) et les granulocytes. Lors de cette réponse, un groupe d’une trentaine de protéines, faisant partie du système du complément (dont les peptides C1 à C9) sont aussi mobilisées pour éliminer les pathogènes, réguler l’inflammation et moduler la réponse immunitaire.
Le système immunitaire acquis est la seconde ligne de défense de l’organisme. Il est plus évolué car il permet de garder en mémoire les agressions passées afin d’y répondre plus facilement lors d’une deuxième attaque. Les cellules les plus importantes de cette réponse sont les lymphocytes B et T . Ces cellules sont produites dans la moelle osseuse puis murissent dans les os pour les lymphocytes B et dans le thymus pour les lymphocytes T. Arrivés à maturités, ils sont stockés dans les tissus lymphoïdes où ils identifient les antigènes qui leur sont présentés par les cellules présentatrices d’antigènes (APC) comme les cellules dendritiques, les mastocytes, les monocytes. Les lymphocytes B sont responsables de la production d’anticorps alors que les lymphocytes T sont importants pour la phase d’induction de la réponse immunitaire. En effet, la réponse immunitaire acquise se déroule en deux phases. La première phase est la phase d’induction de la réponse, pendant laquelle les antigènes sont présentés aux lymphocytes T naïfs, présents dans les tissus lymphoïdes et qui n’ont pas encore vu d’antigènes. Ces lymphocytes naïfs possèdent des marqueurs cellulaires, CD8 ou CD4, qui orienteront leur différenciation en lymphocytes actifs : les lymphocytes TCD8 se différencient en lymphocytes cytotoxique T et les lymphocytes TCD4 en lymphocytes T auxiliaire i.e., Th1, Th2, Th17 ou Treg, suivant le type de réponse qui sera induite. La deuxième phase est la phase effective, elle dépend de la réponse cellulaire qui a été privilégiée.

Table des matières

Chapitre 1 Contexte de l’étude 
Partie I : Particules et nanoparticules de TiO2 
1. Particules de TiO2 micrométriques
2. Nanoparticules de TiO2
3. Le TiO2 dans l’alimentation
4. Voies d’exposition aux particules et nanoparticules, valeurs limites d’exposition
Partie II : Barrière intestinale humaine
1. Les éléments de la barrière intestinale
2. Modèles cellulaires in vitro d’épithélia intestinaux
Partie III : Effets biologiques des particules de TiO2 sur l’intestin, état de l’art
1. Propriétés physico-chimiques et activité biologique des NPs
2. Impact biologique des NPs de TiO2 après leur ingestion
3. Le E171 en particulier
4. Impact sur la barrière intestinale et lien avec les maladies intestinales
Partie IV : Maladies de l’intestin
1. Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)
2. Cancers
objectifs et démarche
Chapitre 2 matériels et méthodes
1. Particules de TiO2 utilisées
2. Modèle cellulaires
3. Modalités d’exposition des cellules aux particules
4. Techniques utilisées pour évaluer des effets des particules sur les différents modèles cellulaires
5. Analyse statistique
Chapitre 3 caractérisation : modèles cellulaires et particules
Partie I : modèles cellulaires
1. Caco-2 et Caco-2/HT29-MTX
2. Caco-2(C1)/RajiB
3. Intégrité des épithélia intestinaux par mesure TEER
Partie II : caractérisation des particules de TiO2
1. Le colorant E171
2. Les NPs de TiO2 : A12 et P25
3. Récapitulatif des trois particules de TiO2 de l’étude
4. Suivi de la dispersion après les expositions chroniques
Chapitre 4. cyto-, géno-toxicité, stress oxydant et stress du réticulum 
Partie I : effets des particules sur des épithélia intestinaux différenciés 
1. Introduction
2. Article 1
Abstract
Introduction
Material and Methods
Results
Discussion
Conclusion
Acknowledgments
Supplementary data .
3. Résultats complémentaires : Accumulation des particules dans les cellules
4. Conclusion
Partie II : cellules non différenciées, résultats complémentaires 
1. Introduction
2. Article 2
Abstract
Introduction
Material and Methods
Results
Discussion
Conclusion
Acknowledgments
Supplementary data
3. Conclusion
Conclusion sur la toxicité du E171
Chapitre 5 impact sur la fonction de barrière intestinale 
Partie I : Effets de deux NP-TiO2 sur des cellules Caco-2 non différenciées 
1. Introduction
2. Résultats
3. Conclusion
Partie II : Effets du E171 sur la fonction de barrière, sur des modèles de cellules intestinales différenciées
1. Introduction
2. Article 3
Abstract
Introduction
Material and Methods
Results
Discussion
Conclusion
Supplementary data
3. Résultats complémentaires, sécrétion du mucus
4. Conclusion
Conclusion sur l’impact de la fonction de barrière
Chapitre 6 Discussion et perspectives 
Discussion méthodologique
Discussion générale sur les résultats
Perspectives
Conclusion 
Références
Annexes

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