ENTREPRISE AFRICAINE ET PERSONALITE CULTURELLE

ENTREPRISE AFRICAINE ET PERSONALITE CULTURELLE

Modèles théoriques d’analyse : Présentation et opérationnalisation 

Dans le but de décrypter notre objet, nous nous appuierons sur un support théorique devant nous servir de modèles théoriques d’analyse. C’est ainsi que nous comptons opérationnaliser les élaborations théoriques suivantes : le culturalisme, l’interactionnisme, la méthode compréhensive. 

Le Culturalisme 

Il a aussi le sens de l’anthropologie culturelle et suppose une idéologie culturaliste mettant en exergue les valeurs et les représentations socioculturelles. Lesquelles, comme indiquent les thèses de l’école américaine, façonnent la personnalité de l’individu d’autant qu’elles conditionnent et orientent sa manière de penser, d’agir, de réagir etc. Par ailleurs, la culture en tant que « ensemble des valeurs, des croyances et des normes qu’un groupe a adoptées pour résoudre ses problèmes d’intégration interne et d’adaptation à son environnement »  selon E SHEIN, nous permet d’adopter le culturalisme pour scruter la culture d’entreprise de C.P.S aux fins de saisir l’interconnexion ou pas entre le système et la structure de la personnalité des acteurs. Plus clairement, il servira à examiner l’effectivité ou pas de l’implication, de l’intégration de l’acteur dans le système ou encore les adaptations ou non entre les valeurs de l’acteur et la législation administrative du système. 

L’interactionnisme 

 L’analyse organisationnelle en général, celle de l’entreprise en particulier repose essentiellement sur l’interaction système / acteur. C’est en ce sens que Jean MAISONNEUVE écrit que : « une interaction a lieu lorsqu’une unité d’action produite par un sujet A agit comme stimulus d’une unité réponse chez un autre sujet B et vice versa » . Ce qui fait que le management de l’entreprise doit reposer sur l’interférence et l’implication mutuelles entre salariés et administration. A ce titre Alex MUCHIELIE parle de « système d’actions » et de « causalité circulaire» car « le comportement de chacun est pris dans un jeu complexe d’implications mutuelles, d’actions et de rétroactions » 24 . Ainsi donc, dans le cas d’espèce concernant notre objet, et vu que ce sont les systèmes d’interactions qui opérationalisent les normes de conduite dans les structures organisationnelles, la théorie interactionniste est destinée à nous permettre, par le canal d’analyse des rapports de production, de savoir si oui ou non sa culture d’entreprise est assujettie aussi bien à l’expression de la personnalité des salariés qu’aux modalités formelles administratives de gestion rationnelle. 

La méthode compréhensive 

La sociologie compréhensive de Max WEBER (1864-1920) est « une science dont l’objet est de comprendre par interprétation l’activité sociale, pour ensuite expliquer causalement le développement et les effets de cette activité »  Ainsi donc, elle implique une démarche interprétative ; et cette interprétation selon WEBER « nous engage seulement à ne pas borner à décrire la position respective des agents dans la société, mais à tenir compte aussi du sens que les acteurs attachent à leurs propres positions » . Ce qui explique que la connaissance de l’action sociale passe par le sens que l’individu lui confère. La méthode compréhensive traduit l’interprétation du sens de l’activité humaine. C’est la signification du sens que l’acteur donne à son action. L’action ou l’activité sociale doit donc être comprise par le sens que lui attachent les acteurs. Par ailleurs, au sein des structures et institutions sociales, l’homme mène des activités multiformes et en tant qu’ouvrier et maître de ces dernières, il cherche à leur donner un sens et une justification. WEBER est intéressé par la manière dont l’homme se comporte dans la communauté et la société ; comment il forme ses relations et les transforme. En effet, comprendre c’est saisir l’évidence du sens d’une activité si l’on sait que l’activité humaine s’oriente d’après un sens qu’il s’agit de comprendre pour le rendre intelligible. Donc la méthode compréhensive est une méthode logique orientée vers la saisie du sens d’une activité ou d’un comportement. D’ailleurs, en vue de comprendre et d’appréhender l’interpénétration des déterminations culturelles et celles rationnelles, dans le cadre de notre étude, l’approche compréhensive de WEBER en vertu de ses caractéristiques exposées plus haut, nous servira d’outil théorique. Elle est destinée à nous permettre de comprendre les motifs des actes des agents. Dit autrement, moyennant cet aperçu théorique, nous serons à même d’attribuer une signification aux comportements des acteurs. Ce qui nous permettra de savoir si ces derniers sont mus par des procédures administratives, ou si ce sont les éléments culturels et leur personnalité de base qui déterminent leurs actions ou encore s’ils combinent judicieusement ces deux facteurs. Pour ce faire, calquant notre démarche sur celle de WEBER relativement à l’interprétation causale ou explicative de ces deux phénomènes. Nous les analyserons à l’aune du rapport de cause à effet qui suppose que tout ce qui est produit, produit à son tour une action ; bref, ce que l’on considère, d’un certain point de vue comme un effet, peut à son tour agir comme cause, de même que ce que l’on appelle cause peut être considéré d’un autre point de vue comme un effet. 

Sens et opérationnalité des concepts

« La première démarche du sociologue doit donc être de définir les choses dont il traite afin que l’on sache et qu’il sache bien de quoi il est question » 27. Ainsi donc cette section tend à donner un contenu définitionnel aux principaux vocables de notre libellé, mais aussi à ceux usités régulièrement dans le texte. Il s’agit ici d’une approche notionnelle devant permettre d’élaborer un cadre explicatif opératoire aux termes afin de nous édifier et d’édifier nos interlocuteurs sur leur pertinence. Pour ce faire, nous apportons des éléments de définition aux concepts suivants : Entreprise, culture d’entreprise, personnalité culturelle, facteurs d’interdépendance. – Entreprise : Nous entendons par entreprise non pas un agent de production à finalité marchande et financière poursuivant des objectifs d’efficacité et de rationalité purement et simplement économique. Nous la concevons pas non plus par rapport à ses fondamentaux et processus micro et/ou macro économiques versés dans le quantitatif et la calculabilité de la production. Néanmoins, nous l’abordons dans son acception de « laboratoire social » de « système d’actions concrets », d’entité et d’organisation sociales, de collectivités sociales avec des processus sociaux internes. Elle est une organisation sociale au sein de laquelle évoluent des acteurs sociaux avec leurs sensations, leurs émotions, leurs désirs, leurs besoins, leurs préférences, leurs préoccupation en un mot leur personnalité spécifique. C’est en ce que Philipe Bernoux l’a définie : « L’entreprise n’est pas seulement un lieu ou ses membres doivent coordonner leurs actions, mais un lieu où se crée un lien social particulier, où existent des identités, des accords, un bien commun. L’entreprise peut donc être traitée comme un sujet sociologique, capable d’autonomie et créatrice de social : au sens fort du terme, ce qui lie les individus et fait une société (…), ce qui est créé est cependant bien au-delà des moyens et des instruments : l’entreprise n’existe pas sans reconnaissance mutuelle, sans affection societatis, comme disent les juristes, sans une certaine communauté, sans relations privilégiées avec ses membres, même si elles peuvent être conflictuelles (…). Ainsi définie, l’entreprise peut devenir un lieu d’apprentissage de la coopération. L’entreprise est à la fois une organisation formelle, une culture, un ensemble d’acteurs, un système de liens sociaux, un lieu d’apprentissage de la coopération … » 28. Ainsi donc, nous adhérons à cette conception de Bernoux puisque nous abordons l’entreprise sous l’angle des caractéristiques socio culturelles de ses acteurs liées à leur personnalité. Bref, nous concevons l’entreprise dans sa culture. – Culture d’entreprise : L’émergence du mot « culture » dans la gestion de l’entreprise est liée à la crise du taylorisme. En effet, après s’être rendus compte que la méthode de gestion taylorienne était problématique et contreproductive du fait de la non implication de l’acteur, les managers ont jugé nécessaire de réformer le fonctionnement de l’entreprise par la prise en considération de la réalité humaine interne. Ils ont assoupli la gestion rigide classique par une reconnaissance de la ressource humaine. Laquelle est constituée d’agents sociaux possédant chacun, en ce qui le concerne, une culture spécifique. Par ailleurs la culture est une notion polysémique. Du point de vue anthropologique elle décrit le mode de fonctionnement d’un groupe selon des règles entérinées par la tradition. Du point de vue sociologique, on utilise le paradigme culturalisme pour désigner « le système de valeurs d’une société constituant un ensemble original et cohérent caractérisé par certaines valeurs dominantes formant un ensemble ». Elle est donc l’ensemble des valeurs morales, des mœurs, des coutumes et us qui caractérisent un groupe ou une société donnée. C’est un système de valeurs existant dans des institutions sociales. Du point de vue organisationnel, la culture « permettrait de synthétiser des éléments de l’organisation liés à son histoire, ses contraintes propres, son système d’action concret, ses acteurs dominants (…), ses choix, ses conflits, ses valeurs particulières etc. ». Par ailleurs la culture d’entreprise appelée aussi « socialisation organisationnelle » ou « culture organisationnelle » traduit non seulement les pratiques professionnelles, les valeurs et les procédures administratives de gestion qui s’imposent aux travailleurs dans l’entreprise, mais l’apport, la contribution de ces derniers inhérents à leur personnalité d’autant plus que l’entreprise est un construit social. En d’autres termes, les cultures d’entreprise impliquent aussi bien les facteurs organisationnels d’entreprise que les propriétés socio culturelles des acteurs de l’entreprise. Ce qui exhorte R. Burt à considérer que la culture est à l’entreprise ce qu’elle est à n’importe quel autre système social : un ensemble de croyances, de pratiques et de mythes communs à un groupe de personnes au point qu’elles se sentent investies les unes par rapport aux autres, avec un sentiment d’appartenance. En ce sens, Jean Daniel Reynaud explique la culture d’entreprise comme étant « un capital de traditions qui créent un climat et des manières de faire, mais aussi comme l’ensemble du système de régulation des rapports sociaux dans l’entreprise » 31. Bref la culture d’entreprise est un système de valeurs culturelles aux objectifs de l’entreprise. Concrètement la culture d’entreprise se traduit par : – Le respect et l’implication des acteurs ; – La manière de prendre des décisions ; – Celle de trouver des solutions ; – Celle de traiter le client ; – Celle de communiquer ; – Sans oublier la manière dont les niveaux hiérarchiques, les compétences, les statuts sont marqués. On en déduit que donc, la culture d’une entreprise, en sus des modalités procédurales et formelles établies dans le but d’une rationalisation conséquente : type de commandement, système managérial, organigramme, règlement intérieur, fiche de fonction, de compétence, de polyvalence, système de formation, mode de recrutement, politique sociale etc. doit être assujettie à l’éthique socioculturelle traditionnelle de ses salariés en vue de leur permettre d’exercer la plénitude de leur personnalité. Dans des termes plus clairs, l’administration directionnelle et les modalités de gestion sont à réajuster en conformité avec les identités et valeurs socioculturelles des acteurs et vice versa. La culture d’entreprise permet donc de décrire et d’expliquer le fonctionnement de l’entreprise. – Personnalité culturelle : A la manière de l’école culturaliste américaine qui conçoit la personnalité comme le fruit du processus de socialisation, de l’éducation de base qui prédéterminent les manières de faire, d’agir , de réagir, de sentir, de se comporter …, nous l’expliquons aussi par la conséquence des facteurs culturels. Dans cette perspective, Susan Cloninger la définit : « la personnalité subit l’influence substantielle des convictions transmises socialement et des pratiques qui constituent la culture » . Ainsi donc on ne saurait définir la notion de personnalité sans la lier à celle de culture si l’on sait que celle – ci traduit les « convictions et les pratiques transmises socialement, influant sur notre comportement et notre personnalité » . Elle s’explique par un état psychologique de la personne qui fixe les motifs de son comportement et de son attitude. En ce sens, Winfried Hubert constate : « (…) Elle n’est pas synonyme de comportement ou d’activité (…). Elle est ce qu’il y a derrière les actes spécifiques et dans l’individu » . C’est tout le sens de la « psychologie sociale différentielle » de Serge Moscovici : « Elle a pour but de décrire les différences qui existent entre les comportements sociaux de groupe » . Ces différences de comportements sont d’ordre culturel, social, de personnalité. Car chaque individu perçoit et sent le réel en rapport avec son environnement social. Au demeurant, dans la vie concrète de l’entreprise, la personnalité culturelle des acteurs est synonyme des déterminations culturelles qui conditionnent leur façon d’être. Plus clairement c’est l’explication culturelle du comportement et de la conduite des uns et des autres, mais aussi celle de leurs interactions. Elle est matérialisée par les actions, les réactions, en somme les comportements et attitudes des acteurs inhérents à leur personnalité de base, à leur éducation et à leurs propriétés sociétales. Bref, dans la vie de l’entreprise, les acteurs agissent, entrent en relation, négocient, administrent en fonction de leur personnalité culturelle ; laquelle est le reflet du processus de socialisation. – Facteurs d’interdépendance On rappelle que l’entreprise est une collectivité sociale organisée, un construit social composé d’agents ou d’acteurs sociaux de personnalité différentes. Son organisation est régie par des procédures formelles d’administration, bref un management destiné à gérer d’une façon efficiente le personnel. Ainsi donc les facteurs d’interdépendance ou l’interdépendance des facteurs renvoient donc, concrètement, aux rapports, aux interrelations, bref à l’interaction entre les systèmes de signification communs, les schémas d’interprétation communs, l’identité collective qui constitue le point de repère de tous les travailleurs par la mise en place d’un dispositif réglementaire et formel, et les déterminations « valorielles » et identités individuelles et collectives des acteurs liées aux coutumes sociales, aux croyances, à la tradition … vecteurs de leur personnalité. Elle implique aussi l’osmose entre la philosophie de l’entreprise, sa charte de conduite exprimée par le règlement intérieur, les descriptifs de postes, les systèmes de récompense et de sanction adoptés, les interdits, les tabous, les marges de liberté … et le système de valeurs de la société environnante d’où sont issus les acteurs.

Table des matières

Avant propos
Introduction générale
Première partie : Cadre général d’analyse et méthodologique
Chapitre I : Approche générale
Chapitre II : Approche théorique et conceptuelle
Chapitre III : Démarche méthodologique
Deuxième partie : Analyse institutionnelle
Chapitre IV : Historique et présentation de l’entreprise
Chapitre V : Organisation structurelle de l’entreprise
Troisième partie : Traitement des données
Chapitre VI : gestion par l’entreprise des valeurs socioculturelles
Chapitre VII : Analyse de l’attitude et du comportement des acteurs
Conclusion

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