Prise en charge en milieu d’urgence du pied diabétique

Le pied diabétique se définit par l’ensemble des lésions cutanées et ostéo-articulaires, localisées au départ au niveau du pied chez le sujet diabétique. En effet, le pied est une région à haut risque chez le diabétique, en raison des atteintes vasculaires, neurologiques et infectieuses qui touchent particulièrement les extrémités distales des membres inférieurs. Il constitue un problème majeur dans tous les pays tant sur le pan médical que social et économique, de part sa fréquence et sa gravité, dominées par un taux d’amputations des membres inférieurs encore très élevé essentiellement dans les pays en voie de développement (1). En effet, une amputation du membre inférieur est réalisée toutes les 30 secondes chez un patient diabétique dans le monde, ce qui donne environ 1 million d’amputés diabétiques par an (1). Le mécanisme précis des lésions est aujourd’hui de mieux en mieux connu. L’atteinte du pied est polyfactorielle et les divers éléments en cause agissent de façon synergique.Une lésion minime du pied, peut chez le diabétique, si elle est négligée enclencher la spirale du processus pathologique qui va engager le pronostic fonctionnel et probablement vital du patient constituant ainsi un tournant dans la vie du diabétique. La prise en charge du pied diabétique s’organise dans le cadre d’une équipe multidisciplinaire, regroupée en unité de podologie dans les services de diabétologie, qui prend en charge les différents problèmes posés .Le but commun est d’obtenir la cicatrisation et si possible la restitution d’un pied fonctionnel, en limitant les risques à chaque intervention invasive, en évitant une amputation haute mais aussi des gestes trop délabrants au niveau du pied. Les progrès récents permettent de diminuer le taux des amputations grâce à la prise en compte systématique de la composante ischémique des ulcérations chroniques, permettant après un bilan d’élargir les indications de revascularisation par angioplasties distales ou pontages et grâce à l’amélioration du traitement des infections osseuses et des parties molles.

Epidémiologie

Incidence et prévalence

Le pied diabétique constitue un véritable problème de santé publique par son poids économique et son retentissement grave (1). L’incidence et la prévalence annuelle du pied diabétique ont été évaluées différemment selon les pays. En USA (4) comme en suède (5), l’incidence annuelle a été d’environ 2%. En Afrique subsaharienne (5), les taux observés restent élevés (19% au Burkina-Faso, 8% en côte d’ivoire). Sa fréquence est croissante et reste un des principaux motifs d’hospitalisation chez les diabétiques, comme l’attestent les données épidémiologiques (1,4,5).

Au Maroc, une étude faite à l’hôpital militaire de Rabat durant la période allant du 1er janvier 2003 au 1er décembre 2005 a démontré que parmi les 1200 diabétiques hospitalisés durant cette période, 90 patients présentaient un pied diabétique ce qui représente une fréquence de 7,5% (6).

Imagerie par résonnance magnétique IRM

L’IRM semble avoir une meilleure sensibilité et spécificité, notamment pour les atteintes de l’avant-pied et l’évaluation des tissus mous, bien que certains auteurs rapportent des performances très voisines avec la scintigraphie. La précision anatomique donnée par cet examen est particulièrement utile pour guider un éventuel geste chirurgical.

Scintigraphie osseuse

La scintigraphie osseuse au technétium a une meilleure sensibilité mais sa spécificité est médiocre (60). En effet, une hyperfixation peut correspondre certes à un foyer d’ostéite mais aussi simplement à une zone de remaniements en rapport avec la neuro-ostéo-arthropathie diabétique, à une zone d’hyperpression pathologique voire à une atteinte limitée aux tissus mous (61).

Etude bactériologique 

a. Prélèvement :
Les prélèvements bactériologiques ne sont indiqués qu’en cas d’infection établie cliniquement (57). Avant tout prélèvement, la plaie doit être préparée. Son débridement est indispensable au moyen d’une curette ou d’un scalpel stériles. Ensuite, un nettoyage doit être réalisé avec une gaze imbibée de sérum physiologique stérile.

Plusieurs méthodes de prélèvement existent :

L’écouvillonnage superficiel de la plaie est la méthode la plus utilisée car la plus facile. Sa réalisation est simple, elle consiste le plus souvent à passer simplement un écouvillon de coton sur une surface de 1 cm² de la plaie dans un mouvement en zigzag combiné à une rotation. Ce prélèvement demeure cependant sans intérêt étant donné qu’il est le plus souvent contaminé par l’ensemble de la flore cutanée et qu’il a une valeur prédictive positive très médiocre pour identifier la bactérie responsable (58).

L’aspiration à l’aiguille fine est plus spécifique que le prélèvement superficiel mais reste toutefois très peu sensible (59).

Le curetage de la base de l’ulcère est supérieur à l’aspiration pour la mise en évidence des bacilles à gram négatif et des anaérobies qui peuvent être impliqués dans ces infections.
La biopsie osseuse est considérée comme « le gold standard »pour le diagnostic, et permet d’obtenir le prélèvement bactériologique le plus adéquat. (60) Quelle soit la technique utilisée, les prélèvements doivent être envoyés rapidement en bactériologie sur des milieux de culture adéquats.

b. Germes en cause :  
Les cellulites superficielles sont en général causées par un seul pathogène (staphylococcus aureus ou streptocoque). L’infection profonde est le plus souvent polymicrobienne associant fréquemment germes aérobies et anaérobies. Cependant, les germes anaérobies ne sont que rarement retrouvés en l’absence d’association à un ou plusieurs germes aérobies et aéro-anaérobies.

Les germes aérobies et aéro-anaérobies les plus fréquemment rencontrés sont staphylococcus auréus, les entérobactéries et les entérocoques. Les corynebactéries et pseudomonas aeruginosa ne sont pas fréquemment en cause mais leur présence semble plus fréquente en cas d’ostéomyélite ou de nécrose que d’abcès. Une étude prospective réalisée à l’hôpital militaire d’instruction Mohammed V, d’octobre 2009 à Mars 2010 concernant 27 patients recueillis dans la majorité des cas dans les services d’Urgences de l’hôpital, le but était de chercher les principales bactéries isolées de l’infection de pied chez les patients diabétiques et leur sensibilité vis-à-vis des antibiotiques afin de prescrire une antibiothérapie ciblée et réduire le risque d’amputation. Dans cette étude, on a colligé 27 patients avec pied diabétique infecté, le nombre d’isolat est de 49. Les bacilles à Gram-négatif représentent 61,2%, les cocci à Gram-positif 36,7% et des bacilles à Gram-positif 2%. Quant aux anaérobies on n’a pas pu déterminer leur pourcentage exact. La répartition par espèce montrait la prédominance de Proteus mirabilis (12,2%).

Examens à visée vasculaire

Dans ses grandes lignes, le bilan d’une artériopathie est le même chez les diabétiques que chez les non diabétiques. L’appréciation de la diffusion des lésions artérielles est ainsi indispensable par la recherche d’une atteinte des coronaires et des carotides puisque le diabétique est aussi un athéroscléreux (65).

La radiographie sans préparation

Les radiographies sans préparation des autres territoires peuvent visualiser la médiacalcose  plus fréquente au niveau des artères de jambe et du pied et des images d’ostéolyse au niveau du pied  .

Echodoppler artériel des membres inférieurs

C’est le moyen d’investigation le plus fréquemment utilisé et recommandé dans l’évaluation de l’artériopathie du patient diabétique qui présente des symptômes cliniques ou une abolition des pouls distaux. Dans notre étude, cet examen a été réalisé seulement chez 4 des malades, et s’est révélé normal. L’échographie détecte les sténoses et les occlusions, et couplée au doppler, permet d’en apprécier le caractère hémodynamiquement significatif ou non au repos ou lors de l’exercice physique. Par rapport à l’échographie conventionnelle, elle permet une meilleure visualisation des lésions peu échogènes (athérosclérose non calcifiée, fibrose, thrombus pariétal). Toutefois, chez le diabétique, la performance de l’échographie doppler est limitée au niveau des artères de jambe, en sorte que si le profil lésionnel à ce niveau est décisif pour porter des indications thérapeutiques, une artériographie est indispensable

Artériographie

C’est l’examen de choix pour évaluer précisément les lésions artérielles du diabétique. Elle est réservée surtout aux patients chez qui l’indication d’un geste de revascularisation a été posée. La réalisation technique doit en être rigoureuse avec notamment opacification des artères de la cheville et du pied indispensable pour apprécier la possibilité de pontages distaux .

Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
I.Type d’étude
II.Population cible
1.Critères d’inclusion
2.Critères d’exclusion
III.Recueil des données
1.Les données épidémiologiques
2.Les données cliniques
3.Les données paracliniques
4.Les données thérapeutiques
5.Les données évolutives
IV.Analyse statistique
RESULTATS
I.EPIDEMIOLOGIE
1.Sexe
2.Age
3.Les antécédents
II.Clinique
1.Circonstances de découverte de la lésion
2.Délai moyen de consultation
3.Caractéristiques de la lésion
III.BILAN PARACLINIQUE
1.La glycémie à jeun
2.Prélèvement bactériologique
3.Radiographie standard
4.Echo-Doppler vasculaire
5.L’artériographie
IV.TRAITEMENT
1.Antibiothérapie et soins locaux
2.Type d’insuline utilisé
3.Traitement conservateur
4.Traitement chirurgical
5.Antibioprophylaxie
V.EVOLUTION ET PRONOSTIC
DISCUSSION
I.Epidémiologie
1.Incidence et prévalence
2.Sexe
3.Age
4.Diabète
II.ETUDE CLINIQUE
1.Point de départ des lésions : Facteurs déclenchants
2.Délai de la consultation
3.Caractéristiques de la lésion
4.Facteurs de risque du pied diabétique
5.Formes étiologiques
III.EXAMENS PARACLINIQUES
1.La glycémie à l’admission
2.Examens à visée infectieuse
3.Examens à visée vasculaire
4.Examens à visée neurologique
IV.TRAITEMENT
1.L’intérêt de l’approche multidisciplinaire
2.Equilibre glycémique
3.Antibiothérapie
4.Traitement conservateur
5.Le traitement chirurgical
V.EVOLUTION ET PRONOSTIC
1.Evolution
2.Pronostic fonctionnel
3.Pronostic vital
VI.APPAREILLEAGE DE L’AMPUTE DIABETIQUE
1.Prothèses des amputations mineures
2.Prothèses des amputations majeures
VII.PREVENTION
1.Dépistage des patients à risque
2.Prévention active
CONCLUSION

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