Espaces de déformation d’Epstein et de Teichmüller

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Rappels de dynamique complexe en dimension un

Le lecteur est supposé être familier avec les bases de la dynamique complexe en dimension un. Nous rappellerons cependant ici quelques notions et résultats fondamentaux que l’on utilisera de manière répétée par la suite. Nous renvoyons le lecteur à [Mil06] ou [CG93] pour une introduction à la dynamique complexe en dimension un, et pour les preuves de tous les résultats énoncés dans cette section. Définition 2.1.1. Soit f une fraction rationnelle de degré d ≥ 2. On définit l’ensemble de Fatou F(f) comme le plus grand ouvert sur lequel la famille des itérées de f forme une famille normale. Une composante de Fatou est une composante connexe de l’ensemble de Fatou. L’ensemble de Julia J (f) est son complémentaire. Théorème 2.1.2. L’ensemble de Julia est un compact non vide et complètement invariant (c’està-dire que J (f) = f −1 (J (f)). Il est soit d’intérieur vide, soit la sphère de Riemann P1 toute entière. Le théorème suivant est une description importante de l’ensemble de Julia : Théorème 2.1.3. L’ensemble de Julia est exactement l’adhérence des cycles répulsifs de f. En fait, les cycles répulsifs constituent la très grande majorité des points périodiques : Théorème 2.1.4 (Inégalité de Fatou-Shishikura). Soit f une fraction rationnelle de degré d ≥ 2. Il existe au plus 2d − 2 cycles non répulsifs. Théorème 2.1.5. Si une composante de Fatou U est complètement invariante, alors l’ensemble de Julia est exactement la frontière de U. Proposition 2.1.6. On suppose ici que f est un polynôme. Alors le bassin d’attraction de l’infini est une composante de Fatou complètement invariante. Définition 2.1.7. Soit U une composante de Fatou invariante. — On dit que U est une composante de Fatou attractive s’il existe un point fixe z0 ∈ U de multiplicateur de module strictement compris entre 0 et 1. — On dit que U est une composante de Fatou superattractive s’il existe un point fixe z0 ∈ U de multiplicateur nul. — On dit que U est un une composante de Fatou parabolique si la frontière de U contient un point fixe de multiplicateur égal à 1. — On dit que U est un disque de Siegel si U est simplement connexe et que f|U : U → U est holomorphiquement conjuguée à une rotation d’angle irrationnel. — On dit que U est un anneau de Herman si U est un anneau de module fini et que f|U : U → U est holomorphiquement conjuguée à une rotation d’angle irrationnel. Dans le cas d’une composante attractive, tout point de U converge vers le point fixe par itération de f. De plus, il existe une coordonnée holomorphe définie au voisinage du point fixe z0 qui conjugue la dynamique à la multiplication par λ ∈ ∆, où λ est le multiplicateur de z0. De même, tout point de U converge vers z0 dans le cas superattractif et parabolique. Dans le cas superattractif, la forme normale holomorphe près de z0 est donnée par z 7→ z k , pour un certain k ≥ 2. Le cas parabolique est plus subtil, et nous y reviendrons plus en détail dans le chapitre suivant. Il existe des coordonnées holomorphes (appelées coordonnées de Fatou) qui conjuguent la dynamique à la translation de un sur un voisinage de z0 intersecté avec U (mais pas sur un voisinage complet de z0). Enfin, mentionnons le fait que toute composante attractive ou parabolique contient toujours au moins une orbite critique. Théorème 2.1.8 (Classification des composantes de Fatou invariantes, Fatou). Soit U une composante de Fatou invariante. Alors U est de l’un des types suivants : attractive, superattractive, parabolique, un anneau de Herman ou un disque de Siegel. De plus, pour chacune de ces possibilités, il existe une fraction rationnelle ayant une telle composante de Fatou. Le théorème suivant ([Sul85]) est un résultat fondamental. Nous en donnerons une preuve auto-contenue (voir théorème 2.4.28) qui s’inspire fortement de la présentation de McMullen dans les notes [McM14]. En conjonction avec le théorème de classification précédent , il permet d’obtenir une description complète et très explicite de la dynamique possible dans l’ensemble de Fatou d’une fraction rationnelle en dimension complexe un. Théorème 2.1.9 (Pas de domaine errant, Sullivan [Sul85]). Soit f une fraction rationnelle. Toute composante de Fatou de f est prépériodique. Définition 2.1.10. Un exemple de Lattès est une fraction rationnelle f telle qu’il existe un revêtement ramifié holomorphe de degré fini φ : C/Λ → P1 de la sphère par un tore complexe C/Λ et un endomorphisme affine ˜f : C/Λ → C/Λ tel que le diagramme suivant commute : C/Λ f˜ / φ  C/Λ φ  P1 f /P1 Les exemples de Lattès forment une famille bien comprise d’exceptions à plusieurs résultats. Leur ensemble de Julia est toute la sphère, mais certaines d’entre elles possèdent un paramètre complexe de déformation puisqu’elles possèdent un champ de droite invariant (voir la définition ci dessous et le théorème 2.4.24). Dans ce cas, on parle alors d’exemples de Lattès flexibles. Nous renvoyons le lecteur à [Mil06] pour une discussion détaillée des exemples de Lattès. Les exemples de Lattès flexibles sont également les seules fractions rationnelles qui admettent des différentielles quadratiques rationnelles intégrables invariantes (voir proposition 2.3.2). Définition 2.1.11. Un champ de droites invariant est une forme de Beltrami invariante par f dont le support est inclus dans l’ensemble de Julia J (f). La conjecture suivante est centrale en dynamique complexe. Elle est équivalente à la généricité de l’hyperbolicité pour les fractions rationnelles. Conjecture 2.1.12 (Pas de champs de droite invariants, McMullen). Les exemples de Lattès flexibles sont les seules fractions rationnelles ayant un champ de droites invariant. Notons que l’existence de champs de droites invariants implique que l’ensemble de Julia J (f) est de mesure de Lebesgue positive. Lorsque J (f) n’est pas P1 toute entière, J (f) est d’intérieur vide et la question de savoir si dans ce cas J (f) pouvait avoir une mesure de Lebesgue positive est longtemps restée ouverte. On sait maintenant que la réponse à cette question est oui : il existe même des polynômes quadratiques dont l’ensemble de Julia a une mesure de Lebesgue positive, d’après un théorème dû à X. Buff et A. Chéritat ([BC12]). Définition 2.1.13. Soit f une fraction rationnelle. On notera Cf l’ensemble des points critiques de f, et Vf = f(Cf ) l’ensemble de ses valeurs critiques.

Divergences invariantes

Définition 2.2.1. Soit K ⊂ P1 un compact de mesure de Lebesgue nulle. Notons D(K) l’espace des différentielles quadratiques méromorphes sur P1−K avec un nombre fini de pôles dans P1−K qui sont tous simples, quotienté par le sous-espace des différentielles quadratiques intégrables. On appelle D(K) l’espace des divergences le long de K. Soit f une fraction rationnelle ; supposons que K = f(K). Alors l’opérateur de poussé en avant f∗ passe au quotient et définit un endomorphisme linéaire (que l’on notera encore f∗) de D(K). Définition 2.2.2. Soit une fraction rationnelle f et K un compact invariant. On note Df (K) l’espace des divergences invariantes le long de K, c’est-à-dire l’espace des points fixes de f∗ : D(K) → D(K). Remarque 2.2.3. L’opérateur ∇f = Id − f∗ induit une application linéaire naturelle de Df (K) dans Q(K ∪ Vf )/∇fQ(K). C’est un point essentiel, puisque l’on verra que Q(K ∪ Vf )/∇fQ(K) représente, dans un certain sens, le plan cotangent aux mouvements holomorphes dynamiques de K. Si q est une différentielle quadratique méromorphe en dehors de K et ayant un nombre fini de pôles, tous simples, en dehors de K, alors on notera [q]K sa classe de divergence le long de K. Supposons maintenant que K ⊂ C, comme ce sera le cas concrètement lorsque l’on travaillera en coordonnées. Soit q une différentielle quadratique holomorphe en dehors de K, ayant un pôle au plus triple à l’infini. A priori, on ne peut pas parler de la divergence de q le long de K à cause de ce pôle triple. Cependant, il existe une manière canonique d’associer à q une divergence le long de K bien définie. En effet, si l’on fixe un triplet Z ⊂ C arbitraire, il est facile de voir que l’on peut trouver une unique différentielle quadratique qZ telle que : — qZ est holomorphe en dehors de Z ∪ {∞} — qZ a des pôles simples en Z — qZ − q est holomorphe au voisinage de l’infini. Ceci vient essentiellement du fait que les différentielles quadratiques dz2 z−zi , où zi ∈ Z, sont linéairement indépendantes et ont un pôle triple à l’infini. 

Différentielles quadratiques invariantes

Les deux propositions suivantes sont classiques et sont des résultats fondamentaux, utilisés de manière cruciale par exemple pour construire les espaces de déformation d’Esptein. Proposition 2.3.1. Soit q une différentielle quadratique rationnelle à pôles simples sur P1 . Alors kf∗qk ≤ kqk. De plus, il y a égalité si et seulement si f ∗ f∗q = f∗f ∗ q = dq. Proposition 2.3.2. Soit f une fraction rationnelle qui n’est pas un exemple de Lattès, et q une différentielle quadratique rationnelle à pôles simples sur P1 . Alors ∇f q = q − f∗q = 0 si et seulement si q = 0. Exemple 2.3.3. Soit fc(z) = z 2 + c, c ∈ C, et q une différentielle quadratique rationnelle à pôles simples. Alors kqk = kf∗qk si et seulement si q(z) = q(−z) pour tout z ∈ P1 . Cependant, comme aucun polynôme ne peut être un exemple de Lattès, on a toujours q 6= f∗q. On verra cependant plus tard qu’il existe des polynômes quadratiques f et des différentielles quadratiques rationnelles intégrables q de norme unitaire, telles que q − f∗q soit de norme arbitrairement petite. Nous allons maintenant nous intéresser aux points fixes de l’opérateur de poussé en avant f∗ sur différents espaces de différentielles quadratiques. Définition 2.3.4. Soit f une fraction rationnelle. On notera Λf l’adhérence de la grande orbite critique de f, et Ωf = P1 − Λf . Définition 2.3.5. Un anneau de rotation pour f est une composante connexe de Ωf qui est un anneau de module fini et sur laquelle f est conjuguée à une rotation irrationnelle. Un cycle d’anneaux de rotation pour f de période p est une famille de composantes (A, . . . , f p−1 (A)) de Ωf qui sont toutes des anneaux de rotation pour f p . 

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