État des lieux en belgique : la cour de cassation et la cour constitutionnelle

ÉTAT DES LIEUX EN BELGIQUE : LA COUR DE CASSATION ET LA COUR CONSTITUTIONNELLE

LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION

Depuis l’arrêt Le Ski, rendu en 1971 par la Cour de cassation , il est considéré qu’en cas de conflit entre une loi et un traité international, c’est la norme de droit international qui prime et qu’il convient d’écarter l’application de la norme nationale. Ce grand principe ne vaut que pour les normes internationales conventionnelles dotées d’un effet direct .

COMPÉTENCE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE POUR CONTRÔLER LA CONFORMITÉ DES LOIS NATIONALES AU DROIT EUROPÉEN ET INTERNATIONAL 

La Cour constitutionnelle belge se distingue sous plusieurs aspects des autres juridictions constitutionnelles. En premier lieu, le Tribunal constitutionnel fédéral allemand, par exemple, a été mis en place pour répondre à des besoins impérieux de protection des droits fondamentaux des individus, à la toute fin de la Seconde guerre mondiale et en plein développement du droit international. La Cour constitutionnelle belge, appelée Cour d’arbitrage jusque 2007, a elle été créée en 1983 avec pour mission, comme son nom l’indiquait, de vérifier le respect des règles répartitrices de compétence entre entités fédérées dans la toute jeune Belgique fédérale.

En second lieu, la Cour constitutionnelle belge n’a pas compétence pour juger de la violation de toutes les dispositions constitutionnelles ; ses normes de référence se limitent à   une liste fermée d’entre elles . Elle a toutefois conquis au fil du temps des compétences   supplémentaires qui ne lui avaient pas été initialement dévolues.

A titre d’illustration, suite à la communautarisation de l’enseignement, l’on craignait pour le respect de l’égalité en la matière et la Cour semblait être la mieux à même d’en assurer le contrôle. Dans les faits, elle a utilisé cette compétence circonscrite au seul enseignement pour connaître de l’égalité dans tous les cas qui lui étaient présentés. Face à ces initiatives inattendues et dans une volonté de régularisation, le législateur a fini par placer les articles 10 et 11 de la Constitution consacrant les principes d’égalité et de non-discrimination dans les normes de référence de la Cour. De même, la loyauté fédérale, inscrite en 1993 à l’article 143, §1er, de la Constitution, est une notion purement politique qui n’était pas   censée, vu le pouvoir discrétionnaire et la notion d’opportunité qu’elle implique, pouvoir être soumise à la censure du pouvoir judiciaire. Qu’à cela ne tienne, la Cour l’a évoquée à plusieurs reprises dans sa jurisprudence, ce qui a encore une fois poussé le législateur à son inscription parmi les normes de référence en 2014.

Il n’en va pas différemment pour le contrôle de la primauté des dispositions du droit international, qui évidemment ne lui était pas initialement dévolu. Néanmoins, comme elle a coutume de le faire, elle s’est arrogé ce droit. La Cour a été amenée à connaître, sur question préjudicielle, d’une loi d’assentiment à une convention préventive de double imposition entre la Belgique et les Pays-Bas. Elle en est arrivée, dans son arrêt n° 26/91 , à examiner si cette   loi, et indirectement cette convention, respectaient bien la Constitution belge. Elle s’est ainsi placée en porte-à faux par rapport à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui contrôlait pour sa part le respect du droit international par le droit belge. Ce contrôle des lois d’assentiment à un traité international, basé sur la compétence générale de contrôle des normes législatives, a été limitée en 2003 par l’introduction d’un paragraphe premier dans l’article 26 de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle (ci-après « LSCC ») qui considère   comme irréfragablement constitutionnelles les lois d’assentiment relatives aux traités européens et empêche leur remise en cause par une question préjudicielle.

A terme, la Cour constitutionnelle va opérer le raccourci suivant : quiconque viole le droit international viole également les articles 10, 11 et 172 de la Constitution . Malgré le  fait qu’elle ne dispose pas de la moindre compétence en ce sens, cela lui permet de juger, en toutes circonstances, de la primauté du droit international.

COMPÉTENCE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE DE MAINTENIR LES EFFETS 

Le maintien des effets d’une disposition annulée par la Cour est prévu à l’article 8, alinéa 3, de la LSCC qui énonce que « si la Cour l’estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des effets des dispositions annulées qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu’elle détermine ». Cette possibilité était déjà prévue à l’article 6, alinéa 2, de la loi ordinaire du 28 février 1983 créant la Cour d’arbitrage .

Cette compétence de maintien, qui a toujours été admise lors d’un recours en annulation, a été étendue aux questions préjudicielles par la Cour de manière prétorienne dans l’arrêt n° 125/2011 . Cinq ans plus tard, cette prérogative a été sans surprise régularisée et   introduite à l’article 28 de la LSCC .

Il est fondamental de préciser que le maintien des effets de la norme se distingue du maintien de la norme elle-même. Initialement, le maintien des effets ne pouvait intervenir que pour le passé. Dans son arrêt n° 106/2004, la Cour constitutionnelle va néanmoins ordonner non seulement le maintien des effets pour les situations antérieures à son arrêt, mais elle prolonge aussi l’application de la norme de manière limitée dans le futur (voy. infra). On parle dans ce dernier cas de figure de « maintien de la norme ».

La primauté du droit européen a bien été reçue en Belgique tant par la Cour de cassation que la Cour constitutionnelle. Il n’empêche que la compétence de maintien de la Cour constitutionnelle n’est pas sans causer plusieurs difficultés.

Table des matières

1. HIÉRARCHIE DES NORMES ET LES DIFFÉRENTS ASPECTS DE LA PRIMAUTÉ DU DROIT DE L’UNION
2. ÉTAT DES LIEUX EN BELGIQUE : LA COUR DE CASSATION ET LA COUR CONSTITUTIONNELLE
2.1.LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION
2.2.COMPÉTENCE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE POUR CONTRÔLER LA CONFORMITÉ DES LOIS NATIONALES AU DROIT EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
2.3.COMPÉTENCE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE DE MAINTENIR LES EFFETS
3. PROBLÉMATIQUES ISSUES DU MAINTIEN DES EFFETS
3.1.LE MAINTIEN DES EFFETS OU L’APPLICATION D’UN PRINCIPE DE PRIMAUTÉ DU DROIT NATIONAL PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE
3.2.QUESTION DU CONTRÔLE JURIDICTIONNEL
3.3.VIOLATION DE LA CONSTITUTION PAR LA LSCC
4. RELATIONS ENTRE LA CJUE ET LA COUR CONSTITUTIONNELLE
4.1.JUSTIFICATION DU MAINTIEN DES EFFETS PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE ET EXEMPLES ISSUS DE SA JURISPRUDENCE
4.2.JURISPRUDENCE DE LA CJUE
CONCLUSION

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