Étude de l’effet de la variabilité environnementale sur la croissance de l’arche Senilia senilis (linné, 1758) dans le Delta du Sine-Saloum

Étude de l’effet de la variabilité environnementale sur la croissance de l’arche Senilia senilis (linné, 1758) dans le Delta du Sine-Saloum

Croissance de l’arche

 Le coefficient d’allométrie de la relation longueur-masse a un exposant b = 3. Ce qui indique qu’il y a isométrie de croissance, l’animale grossit en même temps qu’il grandit. Niang, (2016) a trouvé un coefficient d’allométrie de 3,14 pour des individus dont la taille est comprise entre 15 et 20 mm dans l’AMP du Bamboung. Dans le rapport du projet « Femmes et coquillages » (Anonyme, 2011), le coefficient d’allométrie trouvé est égale à 2,52. Wolff et al., (1987) déterminent quant à eux une allométrie variant entre 2,27 et 3,04 pour des arches de taille supérieure à 4 cm, suivies entre mars 1985 et avril 1986. Nos mesures sont donc cohérentes avec les observations effectuées lors de précédentes études. Le taux de croissance moyen obtenu au cours de la période de mesure est de 0,88 mm par mois : 0,24 mm entre juin et juillet, 0,6 mm entre juillet et août et 1,5 mm entre août et septembre. Ces taux de croissance, bien que comparables aux taux de croissance décrits dans la littérature, sont globalement inférieurs aux observations effectuées dans de précédents travaux. Ils sont en effet 28 inférieurs au taux de croissance moyen de 1,5 mm par mois estimé au cours du projet « Femmes et coquillages » (Anonyme, 2011), et également inférieurs aux 1,5 à 2 mm par mois mesuré par Diouf et Sarr, (2014) dans la zone de Niodior, Dionewar et Falia. Walter, (2006) trouve un taux de croissance de 0,8 mm par mois dans la lagune de Mbodiéne au Sénégal, comparable à la valeur moyenne obtenue dans notre étude. Il est à noter qu’un taux de croissance de 2 mm est décrit dans le banc d’Arguin, en Mauritanie. Les faibles taux de croissance entre Juin et Juillet pourraient être associés à la manipulation des animaux. En effet les animaux ont été pêchés sur un banc, manipulé pour la sélection des gammes de tailles et marqués à la calcéine avant d’être ensemencés sur un nouveau banc. On observe ainsi un net arrêt de croissance sur la coupe sclérochrologique avec une reprise progressive de la croissance qui semble confirmer cette hypothèse. Des conditions environnementales moins favorables pourraient aussi expliquer ces faibles taux de croissance (cf. ci-après). Le suivi de l’évolution du contenu en eau peut être un indicateur du cycle de reproduction chez les bivalves comme l’a montré Deslous-Paoli (1982) chez l’huitre Crassostrea gigas. En effet, la période de reproduction correspond à une libération des gamètes entrainant ainsi chez l’animal une perte de matériel principalement lipidique chez les femelles et donc avec une teneur en eau limité, ce qui fait augmenter la teneur en eau de l’animal. De plus, pour compenser le matériel perdu lors de la reproduction, il y’a une entrée d’eau dans l’animale augmentant ainsi leur contenu en eau. Cependant il existe d’autres hypothèses sur cette variation du contenu en eau notamment celle de Shumway (1977) qui a monté que la diminution de salinité de l’eau entraine une augmentation du contenu en eau chez certaines espèces de bivalves comme Chlarnys opercuIaris, Modiolus modiolis, Mya arenaria, Mercenaria mercenaria et Crassostrea gigas. Les résultats obtenus sont plutôt en faveur de l’hypothèse Deslous-Paoli (1982). En effet l’augmentation du contenu en eau dans nos individus coïncide avec la période de forte salinité et correspond à la période de reproduction. Au moment de la diminution brutale de la salinité, au mois de septembre, une diminution du contenu en eau est observée. Cette diminution du contenu en eau marquerait ainsi le début de formation des gamètes ou la formation de réserves gonadiques. Les échantillons pour l’analyse histologique ont été effectués et les analyses histologiques en cours permettront de préciser ces hypothèses en décrivant le cycle de maturation de S. senilis. Une expérimentation sur 1 an couplé avec des observations histologiques est actuellement poursuivit et permettra de décrire le cycle saisonnier de la maturation. 

 Paramètres environnementaux 

Nous avons pu mettre en évidence que la variation de la salinité à Falia était fortement influencée par les précipitations avec des valeurs passant de <5 à 39 PSU au cours de la période de mesure. En effet Pages et Citeau (1990) trouvent à Kaolack, en établissant une corrélation entre la salinité et les précipitations entre 1927 et 1987, une diminution de 8 mg L-1 de la salinité suite à une augmentation de la quantité de pluie annuelle de 100 mm. En périodes de pluie, Vidy (2000) trouve dans trois sites au niveau du delta du Saloum (Diotto, Moundé et Guilor), des salinités variant entre 25 et 40 PSU. Les fortes salinités du mois de juin sont dues à un faible apport en eau douce associé à une évaporation importante du fait des fortes températures (39°C) enregistrées à cette période (Niang, 2016; Simier et al., 2004). Les observations de la salinité sur des périodes avant la pluie et après les premières pluies montrent une influence importante de l’océan au niveau de Falia, avec l’inversion du gradient de salinité observé pendant le cycle de marée. La saison des pluies est marquée par une nette augmentation de la température en début de période, suivie par une relative stabilisation entre début juillet et fin octobre et une diminution en fin de période. Au niveau du sédiment, où vivent les arches, d’importantes variations diurnes de la température, pouvant dépasser 5°C, sont enregistrées. Ces variations sont accentuées hors du sédiment (amplitude max. de 10°C). Les animaux enfouis dans le substrat sont donc moins exposés à des variations de métabolisme associées à la température que les animaux vivant sur le substrat. En effet la température est un des facteurs les plus importants qui va moduler les taux métaboliques chez les bivalves. L’oxygène dissous est en moyenne de 5,80 mg l-1. Il varie légèrement entre le mois de juin et le début du mois de septembre avec des amplitudes maximales de 1,5 mg l-1 (Figure 18). Après l’événement majeur de pluie enregistré au mois de septembre, les variations deviennent plus importantes avec une concentration maximum de 12,62 mg l-1 atteint au mois de novembre et un minimum de 3 mg l-1 au mois de septembre. La concentration minimum en oxygène dissout est enregistrée au mois de juin, à 0,22 mg l-1. Or, lorsque la concentration en oxygène est inférieure à 2 mg l-1, la capacité de respiration des arches diminuent (Djangmah et al., 1980). Cependant, ce minimum d’oxygène dissous enregistré ne se maintient pas, et les concentrations durant la période de mesure restent supérieures à 2 mg l-1. Les animaux semblent donc peu soumis à des évènements hypoxiques. 

 Relation entre environnement et croissance 

Les premiers résultats ont monté une influence des facteurs environnementaux sur la croissance de Senilia senilis. En effet, les animaux grandissent plus lorsqu’il y a plus d’eau. Le taux d’immersion moyen de 79.4 % indique que les animaux passent plus de temps dans l’eau que hors de l’eau. En comparant la croissance des arches en milieu intertidal et en milieu subtidal, Niang (2016) indique que l’augmentation de la croissance en milieu subtidal pourrait être liée à une disponibilité en nourriture plus importante. En effet les animaux se nourrissent du phytoplancton apporté par les courants. Lorsqu’ils sont exondés, ils arrêtent leur croissance. Cela se manifeste notamment par un arrêt de croissance que l’on observe sur les coupes sclérochronologiques. La marque d’arrêt de croissance est plus forte lors de la grande marée basse pendant laquelle les animaux passent plus de temps exondés. La croissance apparaît aussi plus rapide pendant les périodes où la marée haute à lieu pendant le jour. Bien qu’il soit difficile de conclure à ce stade, cela pourrait être lié à la production du phytoplancton et du microphytobenthos sous l’effet de la lumière, qui contribuerait à augmenter la quantité de nourriture disponible pour les arches. La croissance de S. senilis apparaît significativement influencée par la température et la salinité. La vitesse de croissance est plus rapide en période de fortes températures et d’après nos observations, le seuil optimal se situerait au-delà de 29°C. Cela confirme les observations de Niang (2016) qui observe une diminution de croissance des arches pendant les périodes froides. Par ailleurs, nous avons mis en évidence un effet significatif de la salinité sur la croissance, avec une diminution des taux de croissance entre 28 et 37 PSU. Ces résultats sont en accord avec la littérature : Diouf et Sarr (2014) mettent en évidence une diminution de la croissance avec de fortes salinités mais aussi en période de forte dessalure. Djangmah et al., (1979) observent quant à eux que les arches restent ouvertes pour des salinités comprises entre 15 et 33,5 PSU. Au-delà de ces limites, les animaux se ferment, donc ne s’alimentent plus, ce qui peut expliquer les diminutions de croissance. Dans nos observations, pendant la période de forte dessalure (inférieur à 5 PSU) au mois de septembre, la croissance se trouve fortement ralentie, ce qui est nettement visible au niveau de la coupe sclérochronologique. Cependant, le seuil maximal de 33,5 PSU observé par Djangmah et al. (1979) semble inférieur à celui trouvé dans notre zone d’étude, qui serait au-delà de 35 PSU, nos observations indiquant des croissances positives avec ces valeurs. Une analyse plus approfondie sera nécessaire pour quantifier cet effet sur une large gamme de salinité. Des expérimentations en écophysiologie, visant à mesurer la réponse des arches à un gradient de conditions environnementales (i.e. température, salinité, 31 nourriture) constitue une perspective de premier intérêt pour mieux comprendre la réponse de l’espèce aux variations de son environnement. Conclusion et perspectives Cette étude a permis de mettre en œuvre un protocole expérimental in-situ visant à étudier la croissance de l’arche en fonction de la variabilité des conditions environnementales. Les premiers résultats ont montré une augmentation de la croissance avec une diminution de la salinité dans la gamme 28-37 PSU et une augmentation de la température dans la gamme 28,6- 29,4°C. Une nette diminution de la croissance sous effet d’une intense dessalure a pu être mise en évidence par analyse sclérochronologique. Il s’agit de la première mise en évidence direct de ce type de réponse à haute fréquence. Cette étude a permis d’obtenir les premiers résultats concluants sur une période de 6 mois. Cependant, compte-tenu de la vitesse du courant dans la zone, qui a provoqué un désensablement des parcelles expérimentales, l’expérimentation n’a pu être poursuivie et a nécessité la mise en place d’un nouveau parc avec de nouveau animaux. Il apparait donc plus judicieux d’évaluer la possibilité de mettre en place une structure expérimentale sans grillage, avec une zone tampon de 1m sans arches, pour éviter les problèmes de désensablement qui n’ont pas permis de poursuivre l’expérience plus de 6 mois. Dans la perspective de poursuite de cette étude, des analyses plus poussées sur la sclérochronologie seront faites pour quantifier l’effet des variations environnementales sur la croissance à une échelle plus fine pouvant aller jusqu’à la marée. Un autre point de suivi a été mis en place à Niodior depuis Novembre 2018 et permettra de faire une comparaison entre sites contrastés. Par ailleurs, les analyses histologiques permettront de mieux comprendre les variations du contenu en eau et de décrire le cycle de maturation de l’espèce. Ces différents résultats permettront d’apporter des éléments de connaissance sur la croissance des arches. Cela permettra d’obtenir des d’informations pour décrire la dynamique de l’écosystème, avec une possibilité de développement de modèles de l’échelle individuelle (modèle de croissance) à l’écosystème (bio-géochimie). Cela permettra de soutenir la mise en œuvre de mesures de gestions de la pêcherie afin de limiter la dégradation des ressources dans le Saloum et plus généralement dans les écosystèmes côtiers au Sénégal.

Table des matières

REMERCIEMENT
DEDICACES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
1 MATERIELS ET METHODES
1.1 Généralités sur l’espèce
1.2 Site d’étude
1.3 Matériel biologique
1.4 Dispositif expérimental
1.5 Échantillonnage et analyses biométriques
1.6 Suivi de la croissance par sclérochronologie
1.7 Suivi des paramètres de l’environnement
1.8 Traitement des données
2 RESULTATS
2.1 Relations allométriques
2.2 Croissance
2.3 Évolution du contenu en eau
2.4 Évolution des paramètres environnementaux
2.4.1 Variation de la hauteur d’eau
2.4.2 Évolution de la température
2.4.3 Variation de la salinité
2.4.4 Variation de l’oxygène dissous
2.5 Lien environnement-croissance
2.5.1 Corrélations entre croissance et variables environnementales
2.5.2 Sclérochronologie
3 DISCUSSION
3.1.1 Croissance de l’arche
3.1.2 Paramètres environnementaux
3.1.3 Relation entre environnement et croissance
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 

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