Étude exploratoire qualitative menée auprès de co-dormeurs

Motivation à la pratique du co-dodo

En France, les bébés ont souvent eu leur propre berceau où ils passaient beaucoup de temps, ils y été nourris et bercés. Cependant, avant les années 1500, les lits étaient partagés par toute la famille. Chaque membre pouvait ainsi profiter de la chaleur emmagasinée, les chauffages étant absents dans les habitations.
Après le Moyen-Age, l’Eglise considère le fait de dormir avec son enfant comme immoral. Dans la même époque des cas de morts par étouffements associés à des infanticides sont découverts. La pratique du lit partagé est donc bannie .
En outre, pour des raisons économiques certaines familles pauvres résistent, ne pouvant pas s’offrir des berceaux et des lits pour toute la famille.
Ce n’est que dans les années 1930 après la première guerre mondiale, que le pays entre dans une période de libéralisme et de croissance économique importante. L’allaitement connait une diminution du fait de la généralisation du lait artificiel et de l’augmentation du nombre de femmes au travail. La sexualité et le couple se libère au milieu du 20ème siècle et le lit parental devient un royaume intime réservé au couple. C’est à ce moment-là que le sommeil séparé devient la norme en France et dans la plupart des pays occidentaux.
L’autonomisation précoce de l’enfant est à cette époque une signification de bonne éducation . Il apparait cependant que dans certaines cultures notamment les asiatiques, le taux de co-dodo avoisine les 90% . L’analyse du tableau IV (Types de besoins auxquels répond le co-dodo en fonction des participantes) de ce travail montre une composante traditionnelle à la pratique du co-dodo seulement pour une participante sur 6 mais au vu des données historiques et de la littérature il est possible de se dire que la composante culturelle reste très importante dans la façon de coucher son enfant.
D’ailleurs, dans certaines cultures la séparation mère-enfant pendant le sommeil est vécue comme une maltraitance. Cette affirmation peut s’appuyer sur les travaux d’Harlow . Il étudie l’attachement sur des primates séparés de leurs mères à la naissance dans les années 1960. Ses travaux soulignent l’importance du contact inter-individuel pour le développement psychique et neuro-moteur.

Entourage, société et co-dodo

Après analyse du tableau I (Caractéristiques socio-économiques et familiales des participantes), l’âge des participantes est situé aux alentours de 30-35 ans. Elles sont donc matures, de plus elles sont pour 5 d’entre elles multipares et connaissent déjà donc les changements que peuvent engendrer l’arrivée d’un enfant dans un couple.
Dans le tableau IX (Les types d’influence sur les couples), il a été relevé des influences sur le couple mais elles sont très nombreuses. Il n’y a donc pas un impact majoritaire du co-dodo sur les couples mais plusieurs éléments qui sont mobilisés tout aussi importants.
Il est nécessaire de préciser que l’arrivée d’un enfant dans un couple ou dans une famille engendre de nombreux bouleversements à la fois psychiques et physiques. Winnicott évoque la préoccupation maternelle primaire qui est un état psychologique de la mère qui s’élabore tout au long de la grossesse et continue plusieurs semaines après la naissance de l’enfant afin qu’elle puisse mettre à disposition tous ses sens pour permettre un environnement propice au meilleur développement possible de son enfant. Ceci est un bouleversement psychique parmi tant d’autres aussi importants existant au moment de l’arrivée d’un enfant.
Concernant la sexualité et la vie intime du couple dans le post-partum, elle est influencée par de nombreux facteurs évoqués précédemment, ils peuvent être physiques comme la présence de lochies chez la femme ou psychiques comme la préoccupation maternelle primaire ou le baby blues. Les facteurs peuvent être également sociaux, environnementaux, biologiques… . Selon Fabre-Clergue C, « La reprise des rapports sexuels a lieu en général (…) après l’arrêt des saignements » .
Selon cet auteur, 80% des hommes sont gênés par la présence de leur bébé dans leur chambre, 5% sont dérangés par l’allaitement maternel, 10% sont perturbés après l’accouchement. Selon l’étude de Groman , 71% des femmes évoquent une appréhension à la reprise des rapports sexuels.
Ceci fait énormément de facteurs entrant en relation avec l’intimité du couple étant donné que chacun a son fonctionnement et son organisation qui lui est propre et qui le définit. En effet dans un livre intitulé «Familles en suisse, les nouveaux liens», différents types de couples existent selon que les partenaires sont fusionnels ou autonomes, selon qu’ils sont casaniers ou ouverts socialement…

Organisation pratique et prévention en santé publique

Le tableau XII (Réactions des pratiquantes face aux comportements de l’entourage) montre que les pratiquants du co-dodo ont tendance à vouloir cacher qu’ils dorment en famille de peur d’être jugés. De plus, selon Perrenoud , certains professionnels de santé veulent plutôt prohiber le co-dodo sûrement ne sachant pas dans quelles situations il est néfaste. Il a été noté que la majorité des participantes font du co-dodo dans le lit familial et non avec un berceau spécialisé qui semblerait être plus sécuritaire . Il est donc nécessaire que les familles pratiquantes soient informées des conditions dans lesquelles il peut être réalisé.
La moitié ont évoqué le fait que l’enfant doit dormir sur le dos avec une gigoteuse plutôt qu’une couverture.
Selon la littérature, ces manières de dormir avec son enfant sont les plus sécuritaires possibles. Seulement une seule personne a dit ne pas dormir avec son enfant quand il est malade. Or, il est dit que les risques de MIN sont augmentés si l’enfant malade dort avec ses parents . Ainsi leurs connaissances ne sont que partielles sur les éléments de préventions et de bonnes pratiques. Elles ne sont pas novices en ce qui concerne les soins au nouveau-né et au nourrisson et connaissent déjà partiellement les recommandations quant à la MIN. Ce recul face à la prévention n’influence-t-il pas leur manière de faire du co-dodo ? Des jeunes primipares n’auraient-elles pas plus besoin d’informations ?

Implication pour la pratique professionnelle

Bien qu’il existe un biais de participation dans cette étude entraînant la sélection de participantes matures, multipares et ayant fait des études universitaires en majorité. Elles ont donc des connaissances partielles et un recul personnel important face aux recommandations sur le sommeil de l’enfant. La littérature et le fait que nous sommes face à une évolution générationnelle positive montre que le co-dodo est une véritable thématique de santé publique que les sages-femmes doivent intégrer à leur pratique. Selon Perrenoud , les professionnels de santé (pédiatres, sages-femmes, éducatrices de la petite enfance et infirmières) interdisent généralement le co-dodo, mais certains l’autorise suivant les contextes.
Ils évoquent à plus de 50% la culture différente ou lorsque l’enfant est malade et à 30% lorsque les parents sont épuisés.
Or, les deux dernières raisons citées ci-dessus sont néfastes et augmentent le risque de MIN. Il y a donc un manque de formation des professionnels de santé et notamment des sages-femmes . La sage-femme doit prendre en compte l’évolution des pratiques et les besoins des couples car certains se retrouvent en difficulté, ne sachant pas à qui demander conseil lorsque cette dernière manque de formation.
La recherche a montré que le co-dodo est une pratique qui s’installe après la naissance de l’enfant, les couples ne prévoyant pas pendant la grossesse qu’ils vont le pratiquer. En conséquence, il serait nécessaire d’utiliser les 2 séances d’éducation postnatales mise en place depuis 2007 par la Sécurité sociale où les sages-femmes interviennent au domicile des parents pour les éduquer à une pratique sécuritaire.

Table des matières

Introduction à l’étude
Matériels et Méthode
Type de recherche
Organisation des focus groupes
Animation des focus groupes
Traitement et analyse des données
Résultats
Les caractéristiques des participantes à l’étude
Une définition du co-dodo
Mise en place : en réponse à quels besoins ?
De nombreux avantages
Quels inconvénients ?
Co-dodo et vie de couple
Qui est le premier à y avoir pensé ?
Les raisons pour lesquelles le conjoint s’est accordé à cette pratique
L’influence sur la vie de couple
Le co-dodo au cœur d’une nuée de préjugés
Ce que l’entourage rapporte sur le co-dodo
Les types de comportements de l’entourage
La réaction des pratiquantes
Qu’en est-il de la société actuelle ?
Un phénomène de santé publique autour de l’enfant et son sommeil
Discussion 
Forces et limites du travail
Analyse des résultats
Motivation à la pratique du co-dodo
Entourage, société et co-dodo
Organisation pratique et prévention en santé publique
Implication pour la pratique professionnelle
Conclusion de l’étude 
Références bibliographiques 
Annexes 

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