ETUDE IN SITU DE LA DIVERSITE MICROBIENNE AEROPORTEE

ETUDE IN SITU DE LA DIVERSITE MICROBIENNE AEROPORTEE

STABILITE TEMPORELLE DES AEROSOLS MICROBIENS DANS LE MUSEE DU LOUVRE

Le manque de données moléculaires environnementales sur les microorganismes aéroportés dans les espaces clos a souligné la nécessité de planifier une surveillance de la diversité microbienne. Dans ce contexte, cette étude vise à donner une représentation globale de la diversité et de la dynamique des microorganismes aéroportés d’un ERP (le musée du Louvre) sur une période de six mois. Notre approche s’est divisée en deux parties. La première, devait permettre d’évaluer la charge microbienne et d’identifier la stabilité ou les variations temporelles des communautés bactériennes et fongiques. La seconde partie a été consacrée à l’étude de la diversité bactérienne et a été appliquée de la même manière à des échantillons choisis au terme de l’analyse préliminaire. Ce travail devait conduire à une meilleure description des communautés microbiennes rencontrées dans l’air du musée du Louvre. 

ANALYSE DE LA DIVERSITE EUCARYOTES 

Matériel et Méthodes 

Ce chapitre présente la caractérisation de la diversité eucaryote présente dans l’air de deux environnements intérieurs. En particulier, il détaille la dynamique temporelle et spatiale de cette diversité dans le musée du Louvre et un bureau paysager. 

Séquençage

 Les échantillons ont été amplifiés en utilisant les amorces suivantes : l’amorce eucaryote sens (5′- CCATCTCATCCCTGCGTGTCTCCGACTCAGACGAGTGCGTCTTAATTTGACTCAACACGG-3 ‘) pour l’échantillon J1 et (5’- CCATCTCATCCCTGCGTGTCTCCGACTCAGATCAGACACGCTTAATTTGACTCAACACGG-3 ‘) pour l’échantillon J164 et l’amorce eucaryote anti-sens (5’- CCTATCCCCTGTGTGCCTTGGCAGTCTCAGGGGCATCACAGACCTGTT -3’). Pour les échantillons bureau et musée, l’amorce eucaryote sens (5′- CCATCTCATCCCTGCGTGTCTCCGACTCAGTGATACGTCTCTTAATTTGACTCAACACGG -3′) et l’amorce eucaryote anti sens (5′- CCTATCCCCTGTGTGCCTTGGCAGTCTCAGGGGCATCACAGACCTGTT -3’) ont été utilisées. Des aliquots d’ADN de chaque échantillon ont été utilisés pour une réaction PCR de 50 µL. Des séquences avec une taille moyenne de 220 pb ont été amplifiées afin de construire quatre banques eucaryotes. Le système Gene Amp High Fidelity PCR (Applied Biosystems) a été utilisé pour la PCR dans les conditions suivantes : 95°C pendant 10 min, suivie de 30 cycles de 95°C pendant 30 s, 50°C pendant 30 s et 72°C pendant 1 min et une étape finale d’élongation à 72°C pendant 10 min. Tous les amplicons produits à partir d’échantillons différents ont été purifiés à l’aide de billes Agencourt AmPure XP (Agencourt Bioscience Corporation, MA, Etats-Unis). A l’issue de cette étape de purification, une partie des amplicons est contrôlée sur puce Agilent DNA 1000 (Agilent Technologies), afin de contrôler l’absence d’un pic aux environs de 120 pb, représentatif de la présence de dimères d’amorces. Les amplicons ont été séquencés en utilisant le 454 GS-FLX Titanium (Roche). 

Analyses phylogénétiques 

Chaque séquence a été nettoyée de toutes les amorces et les séquences plus courtes (> = 150 pb) ont été enlevées à l’aide de la plateforme dédiée de RDP. Les séquences ont été vérifiées pour les chimères, ont été alignées et une matrice de distance a été générée en utilisant MOTHUR (v.1.20.0) (Schloss et al., 2009). Les phylotypes ont été définis sur la base de 97% de similarité par le programme DOTUR (Schloss et Handelsman, 2005). Un représentant de chaque phylotype a été comparé à la base de données publique NCBI avec le programme MOTHUR (v.10.27). Les courbes de raréfaction et les indices de diversité ont été obtenus par le biais du programme DOTUR à 97% de similarité. Un total de 55 339 séquences d’ARN ribosomique 18S a été analysé dans le but d’accéder à la diversité eucaryote présente dans l’air des environnements intérieurs. Parmi elles, 21 733 étaient CHAPITRE 2 – RESULTATS ET DISCUSSION 172 affiliées à différents domaines des plantes ou encore aux Metazoa. Ces séquences n’ont pas été gardées pour l’analyse suivante. II.3.B Résultats II.3.B.a Diversité temporelle des organismes eucaryotes dans l’air du Musée du Louvre Deux banques d’ADNr 18S ont été construites à partir des prélèvements ponctuels réalisés les jours 1 et 164 dans le Musée du Louvre. Un total de 14 329 séquences pour l’échantillon J1 et de 15 499 séquences pour J164, ont été analysées sur la base de 97% de similarité. Ces séquences sont distribuées en 300 et 736 phylotypes pour J1 et J164, respectivement. ÿ Analyse au niveau du groupe Les différentes séquences appartenant aux Eukarya ont été analysées au niveau groupe. On retrouve dans l’air du musée une faible diversité de groupes (2 à 3 pour les échantillons J1 et J164, respectivement) (Figure 46). Figure 46 : Répartition des phyla eucaryotes dans chacun des échantillons d’air du musée du Louvre. Les cercles représentent, en partant de l’intérieur, l’échantillon J1 et J164. Néanmoins, la diversité eucaryote du Musée du Louvre est majoritairement dominée par le groupe des Fungi (97,5% des séquences pour J1 et 86,0% des séquences pour J164). Le second groupe retrouvé dans les deux échantillons est celui des Stramenopiles (2,3% des séquences pour J1 et 8,8% des séquences pour J164). Le groupe des Parabasalidea a été retrouvé dans un seul des échantillons d’air intérieur (0,02% des séquences de l’échantillon J164). 

Analyse au niveau phylum et phylotype

 La diversité eucaryotes de l’air intérieur du Musée du Louvre est dominée par les champignons affiliés aux Ascomycota (pour 92,2% J1 et 64,9% pour J164) et aux Basidiomycota (7,3% pour J1 et 32,3% pour J164) quelque soit la date du prélèvement (Figure 47). Figure 47 : Répartition des phyla fongiques de chacun des échantillons d’air du musée du Louvre. Les cercles représentent, en partant de l’intérieur, l’échantillon J1 et J164. La diversité eucaryote des bioaérosols intérieurs a été évaluée à l’aide de plusieurs paramètres tels que les indices de diversité (Simpson et Schao1), le recouvrement (C) (Tableau 23) et les courbes de raréfaction (Figure 48). Tableau 23 : Analyse de la diversité eucaryote de deux échantillons d’air intérieur (J1 et J164). Indices de diversité Echantillons Nombre de séquences Nombre de phylotypes Recouvrement C (%) Schao1 Simpson Jour 1 14329 300 65 429 3.1 Jour 164 15499 736 61 1232 Figure 48 : Courbes de raréfaction déterminées à partir de bibliothèques ADNr 18S pour les échantillons d’air J1 et J164. En se basant sur les courbes de raréfaction construites à partir des données et de l’analyse des valeurs, les échantillons devraient contenir au total 429 et 1 232 OTU distincts pour J1 et J164, respectivement. Le recouvrement calculé est similaire pour les deux échantillons. Les indices de Simpson ont montré que la diversité eucaryote différait en fonction du jour de prélèvement. L’indice de Simpson est plus élevé pour l’échantillon J164. Par ailleurs, les valeurs données par Schao1 prédisent une diversité eucaryote trois fois plus élevée pour J164. Les données mettent en évidence des différences de diversité au niveau phylum et phylotype entre les échantillons J1 et J164, soulignant une variabilité temporelle des eucaryotes dans l’air. 

Diversité spatiale des organismes eucaryotes dans l’air de deux espaces clos

 Deux banques d’ADNr 18S ont été construites à partir des prélèvements intégrés réalisés dans le musée et dans le bureau. Un total de 13 064 séquences pour le musée et de 10 447 séquences pour le bureau ont été analysées sur la base de 97% de similarité. Ces séquences sont distribuées en en 722 et 1 029 phylotypes pour le musée et le bureau, respectivement. ÿ Analyse au niveau du groupe La diversité eucaryote est représentée par trois groupes différents, mais reste largement dominée par le groupe des Fungi (Figure 49). Le groupe des Fungi apparaît comme le groupe le mieux représenté dans les deux échantillons d’air, avec 97,8% et 99,6% des séquences dans le musée et le bureau, respectivement. Figure 49 : Répartition des phyla eucaryotes dans chacun des échantillons d’air intérieur. Les cercles représentent, en partant de l’intérieur, le musée et le bureau. ÿ Analyse au niveau phylum et phylotype La diversité eucaryotes de l’air intérieur du musée et du bureau est principalement dominée par les champignons affiliés aux Basidiomycota (63,7% des séquences pour le musée et 66,5% des séquences pour le bureau) et aux Ascomycota (35,0% pour le musée et 32,3% pour le bureau), quelque soit le lieu étudié (Figure 50). Figure 50 : Répartition des genres fongiques retrouvés dans les échantillons d’air du musée et du bureau. Les cercles représentent, en partant de l’intérieur, le musée et le bureau. Comme précédemment, la diversité eucaryote des bioaérosols du musée et du bureau, a été évaluée à l’aide de plusieurs paramètres permettant de mesurer la diversité (Figure 51 et Tableau 24). Tableau 24 : Analyse de la diversité eucaryote de l’air de deux environnements intérieurs (un musée et un bureau). Indices de diversité Echantillons Nombre de séquences Nombre de phylotypes Recouvrement C (%) Schao1 Simpson Musée 13064 722 67 1039 5.1 Bureau 10447 1029 56 1682 5.3 Figure 51 : Courbes de raréfaction déterminées à partir de bibliothèques ADNr 16S pour les échantillons d’air du musée et du bureau. L’analyse des valeurs et des courbes de raréfaction estime qu’un total de 1 039 et 1 622 OTU distincts est retrouvé dans l’air du musée et du bureau, respectivement. Le recouvrement calculé est plus élevé pour le musée que pour le bureau. Les indices de Simpson et de Schao1sont du même ordre de grandeur et montrent que la microflore eucaryote présente une diversité équivalente dans le musée et le bureau. D’un point de vue spatial (deux sites de prélèvements différents), la diversité eucaryote moyennée sur quatre semaines apparaît plus stable. 

 Discussion et conclusions 

A l’heure actuelle, il n’existe que très peu de données disponibles permettant de caractériser la diversité des eucaryotes présents dans l’air des espaces clos (Chapitre 1, § IV.2.A.a). Deux études traitant du sujet ont été publiées, l’une portant sur l’air d’une piscine thérapeutique et l’autre sur deux centres commerciaux. Les résultats de l’analyse de la diversité montrent comme dans notre étude la prédominance de séquences fongiques et notamment des phyla Ascomycota et Basidiomycota (Tringe et al., 2008 ; Angenent et al., 2005). Récemment, quelques études se sont intéressées à la diversité fongique en aérosols de l’air extérieur par l’utilisation de méthodes moléculaires. Les auteurs suggèrent que les séquences d’ADN fongiques détectés dans l’air, proviennent de spores (connues pour résister aux stress environnementaux et pour leur capacité à survivre aux transports dans l’air) (Desprès et al., 2007 ; Fröhlich-Nowoisky et al., 2009). L’air extérieur apparait majoritairement dominé par les Ascomycota et les Basidiomycota quelque soit le lieu de prélèvement et le temps. Les différences observées sont au niveau de l’abondance de chaque phyla dans les différents échantillonnages (Boreson et al., 2004 ; Desprès et al., 2007 ; Fierer et al., 2008 ; Fröhlich-Nowoisky et al., 2009 ; Lee et al., 2010). Pour les personnes souffrant d’allergies, l’exposition à des spores fongiques ou des pollens en environnements intérieurs est particulièrement préoccupante. L’ensemble des maladies allergiques (asthme, rhinite, conjonctivite, etc.) concerne 20% de la population dans les pays industrialisés. La concentration en allergènes dans les lieux clos résulte assez souvent d’une mauvaise aération ou ventilation conduisant à une augmentation des concentrations en polluants et ainsi à une dégradation de la QAI. Si les spores d’ascomycètes (Clasdosporium spp., Aspergillus spp. ou Alternaria spp.) sont fréquemment citées comme pouvant induire un certain nombre de réponses allergiques (Kurup et al., 2000), les basidiomycètes sont eux, peu incriminés malgré qu’ils apparaissent représenter une part importante de la diversité fongique de l’air. L’exposition des individus aux spores de basidiomycètes ainsi que leurs implications dans les phénomènes allergiques sont peu documentées. L’étude de Helbling et al. (1998) démontre l’existence d’une sensibilisation aux basidiomycètes fréquente chez des sujets souffrant d’allergies respiratoires. Par ailleurs, ils mirent en évidence que des spores de Pleurotus pulmonalis pouvaient certainement induire des allergies respiratoires chez des sujets sensibilisés. Une autre étude sur quelques 701 adultes vivant aux Etats Unis ou en Europe de l’Ouest, montre que les basidiomycètes peuvent être une importante source d’allergènes de l’air et ce, dans des régions géographiquement très disparates. En outre, ces allergènes pourraient représenter un réel risque sanitaire pour les personnes souffrant d’asthme (Lehrer et al., 1994). Contrairement à la diversité bactérienne, qui affiche une certaine stabilité à la fois dans le temps et sur différents environnements, les données montrent une variabilité temporelle de la diversité eucaryote (Chapitre 2, § II.1 et § II.2). Cette observation est à relier à la valeur de stabilité obtenue à partir des profils de CE-SSCP. En effet, alors que la stabilité bactérienne était d’environ 55%, elle avoisinait les 30% pour la stabilité eucaryote. D’un point de vue méthodologique, il n’y a pas congruence entre l’identification des champignons basée sur l’ADNr 18S et la classification encore essentiellement basée sur la région ITS, et sur les caractéristiques morphologiques et physiologiques. Ceci parce que l’ensemble des champignons n’ont aucune cohérence phylogénétique. Il existe des formes sexuées et non sexuées classées séparément.

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