Expérimentation de la télédermatologie en Maison de Santé Pluridisciplinaire

La demande de soins en dermatologie

L’observatoire de la médecine générale : En France, peu de données permettent d’avoir une vue d’ensemble des motifs de recours aux soins et des problèmes de santé en soins primaires. Quelques systèmes de recueil continu et systématique de données de morbidité en médecine de ville existent, essentiellement les réseaux d’IMS-Health (Intercontinental Marketing Services) et Thales (CEGEDIM). Ces opérateurs privés sont orientés vers le suivi des prescriptions médicamenteuses et leurs données ne sont pas librement accessibles. La Société française de médecine générale (SFMG) a développé depuis 1995 un réseau national composé de plus d’une centaine de médecins généralistes, constituant l’Observatoire de la médecine générale (OMG). Celui-ci a permis d’alimenter une base de données médicale exploitable, reposant sur l’utilisation du Dictionnaire des résultats de consultation. Cet observatoire a interrompu ses activités en 2011 faute de soutien financier pérenne .
Selon les dernières données de l’Observatoire, les pathologies dermatologiques représentaient environ 6 % des résultats de consultation en médecine générale. La dermatite atopique était la pathologie dermatologique la plus fréquente . Une nouvelle révision à ce sujet a été apportée par l’étude ECOGEN. L’étude ECOGEN : L’étude ECOGEN (Eléments de la COnsultation en médecine GENérale), réalisée entre décembre 2011 et avril 2012 sous l’égide du Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE) a permis de mieux connaitre le contenu de la consultation du médecin généraliste à l’échelle nationale . Il s’agit d’une étude transversale nationale multicentrique réalisée en patientèle de médecine générale. Les investigateurs étaient 54 internes de 27 facultés de médecine, en stage supervisé de niveau 1 chez 128 maîtres de stage universitaires.
L’étude a permis de décrire de façon précise le contenu de l’acte de consultation en médecine générale. Pour un total de 20613 consultations, l’étude a montré qu’en moyenne les consultations de médecine générale comportent 2,6 motifs de consultation, 2,2 résultats de consultation (problèmes diagnostiqués par le médecin) et 4,7 procédures de soins. Chaque résultat de consultation était associé à 1,2 motif de consultation (symptôme ou plainte du patient) et associés à 2,1 procédures de soins (réalisées ou programmées). L’activité des médecins généralistes était dominée par les situations de prévention (11 %), recouvrant la promotion de la santé et le dépistage, et la prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaires dans 13,1 % des cas. Quant aux pathologies dermatologiques, elles représentaient environ 5 % des motifs de consultation en médecine .

Motifs des demandes d’avis spécialisé en dermatologie par les médecins généralistes 

Dans une étude portant sur les motifs des demandes d’un avis spécialisé, les médecins généralistes souhaitaient avoir l’avis du dermatologue pour 26,89 % des pathologies, soit dans un quart des pathologies dermatologiques.
Pourtant, pour un quart des avis souhaités, le médecin généraliste ne le demandait pas. Les causes citées étaient les suivantes :
le patient était déjà suivi par le dermatologue ; le patient avait déjà pris un rendez-vous chez le dermatologue ; le patient était réfractaire à la consultation de dermatologie ; le patient était adressé aux urgences directement ; le patient était trop éloigné géographiquement du dermatologue ; le médecin et/ou le patient jugeait le délai de rendez-vous trop long ; le médecin souhaitait voir l’évolution de la pathologie avant la consultation spécialisée. Il attendait de voir l’efficacité du traitement qu’il avait prescrit ou il attendait une guérison spontanée.
Dans d’autres cas, c’est le patient qui a refusé la demande d’avis car ce dernier était réfractaire aux avis spécialisés .
Certains médecins ont estimé que leur prise en charge était assez souvent similaire à celle des dermatologues et doutaient de la nécessité de la demande d’avis .
Concernant l’évaluation du degré d’urgence, il s’agit d’une des principales difficultés relevées par les médecins généralistes . Elle concerne les pathologies de « gravité intermédiaire » car elle pose la question du délai d’adressage.
La demande d’avis spécialisé rapide est souvent motivée par l’incertitude diagnostique avec la peur de retard diagnostique d’une pathologie grave telle que le mélanome. En Haute-Normandie, une étude qui a fait l’objet d’une thèse de médecine générale, a pu identifier ces motifs plus précisément.

Différence entre l’urgence médicale et l’urgence ressentie en dermatologie

Il existe une discordance entre l’urgence ressentie par le patient ou le généraliste et l’urgence réelle selon le dermatologue . Le degré d’urgence peut être difficile à évaluer du fait de la répercussion psychologique de la pathologie cutanée. Le patient peut ressentir une angoisse particulière par rapport à son revêtement cutané, plus importante que pour les autres organes de spécialité . Une étude allemande a montré que sur 247 patients hospitalisés en service de dermatologie, entre 25,9% et 31 % d’entre eux présentaient des modifications psychologiques secondaires à leur pathologie cutanée, notamment des syndromes dépressifs . D’où l’intérêt de pouvoir assurer une prise en charge adaptée, dans un délai raisonnable, aussi bien pour le patient que pour son médecin traitant.

Pourquoi la télédermatologie ?

Lorsqu’il est exercé par un médecin, le téléconseil recouvre une pratique médicale assimilable à la mise à disposition d’un savoir-faire et d’une information personnalisée. Il s’agit d’une prestation engageant la responsabilité du médecin. Mais le téléconseil ne doit pas être confondu avec la télémédecine. Phénomène mondial, la télémédecine a été définie en 2009 par l’Organisation Mondiale de la Santé comme recouvrant « les pratiques mondiales de santé publique reposant sur
des dispositifs mobiles » . Sur le plan des usages, le périmètre s’étend des fonctions basiques du téléphone tels que les SMS ou les textos, jusqu’aux fonctionnalités les plus sophistiquées appuyées sur les techniques les plus modernes telle que les communications via Smartphone ou Tablettes. Le dernier rapport de l’OMS de mars 2014, réalisé dans 114 pays, montre que la télémédecine, vue sous l’angle de la communication entre professionnels de santé fait partie, avec les centres d’appel d’urgence, des 4 types de programmes les plus fréquemment mis en œuvre dans la plupart des Etats interrogés . Au niveau européen, la Commission européenne, après la publication de son Livre vert qui stipule les exigences à appliquer à la santé mobile en matière de sécurité, se donne jusqu’à 2020 pour élaborer un cadre juridique de la télémédecine qui soit partagé par tous les Etats membres. La dermatologie est la spécialité la plus déployée en télémédecine, du fait de l’importance de l’examen visuel mais aussi d’un contexte favorable. La dermatologie, confrontée à des difficultés importantes de permanence mais aussi à une forte demande de consultations, expose à un risque non négligeable de perte de chances pour les patients en cas de délai diagnostique important dans certaines pathologies telles que les mélanomes. L’activité de santé connectée dédiée à la dermatologie, toute activité confondue, en dehors de la télédermatologie, propose au total 229 applications de m-santé . Cette partie de l’activité des dermatologues, très chronophage du fait d’une demande importante, peu ou pas rémunérée et à risque sur le plan de la responsabilité médicale devant des exigences de plus en plus particulières, confirme l’importance de la télédermatologie. Les médecins généralistes, partenaires des dermatologues dans de la prise en charge de la population générale, sont aussi motivés de leur coté par ce type de santé mobile, pour les motifs déjà exposés. Mais l’implémentation d’un tel processus, sans cotation des actes CCAM définis officiellement et portant souvent à des confusions sur le plan légal, peut être réalisée à ce jour sous titre expérimental par contrat particulier entre les Agences Régionales de Santé et les praticiens libéraux ou par programme national.

Définition des actes de télémédecine

Le décret d’application n°2010-1229 du 19 octobre 2010, en application de la loi HPST précise les conditions de mise en œuvre des actes de télémédecine et défini les actes qui relèvent de la télémédecine: La téléconsultation, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation . Il s’agit d’un acte médical réalisé en « temps réel ».
La téléexpertise, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient . Il s’agit d’un acte médical réalisé en « temps différé ».
La télésurveillance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé . Il s’agit d’un acte médical qui peut être réalisé en « temps différé » mais aussi en « temps réel », selon l’indication médicale.
La téléassistance médicale, qui a pour objet de : permettre à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte . Il s’agit d’un acte médical réalisé en « temps réel ».
La réponse médicale urgente qui est apportée dans le cadre de la régulation médicale mentionnée à l’article L. 6311-2 et au troisième alinéa de l’article L. 6314-1. Il s’agit d’un acte médical réalisé éminemment en « temps réel ».

Table des matières

1. Introduction 
2. La demande de soins en dermatologie 
2.1. L’observatoire de la médecine générale
2.2. L’étude ECOGEN
2.3. Motifs de recours à la dermatologie en Haute Normandie
2.4. Motifs des demandes d’avis spécialisé en dermatologie par les médecins généralistes en France
2.5. Différence entre l’urgence médicale et l’urgence ressentie en dermatologie
3. L’offre de soins en dermatologie 
3.1. Identification de l’offre de soins en dermatologie en France
3.2. Identification de l’offre en Haute-Normandie
3.3. Le délai de rendez-vous
3.4. Problématique de la formation médicale en dermatologie pour les internes de médecine générale à l’UFR de Médecine et de Pharmacie de Rouen
4. Solutions aux problèmes d’accessibilité au dermatologue pour la population générale 
4.1. Les forums et les blogs
4.2. La santé connectée en dermatologie
4.3. La place du courrier électronique et du téléphone
4.4. Le téléconseil
4.5. Pourquoi la télédermatologie ?
5. Cadre de la télémédecine 
5.1. L’évolution de la télémédecine en France
5.2. La loi HPST
5.3. Le pacte territoire santé
5.4. Définition des actes de télémédecine
5.4.1. La téléconsultation
5.4.2. La téléexpertise
5.4.3. La télésurveillance médicale
5.4.4. La téléassistance médicale
6. Enjeux médico-légaux 
6.1. Information et consentement du patient à l’acte de télémédecine
6.2. Le dossier médical : accès aux données et mises à jour en temps réel
6.3. La sécurité des données
6.4. Le secret médical
6.5. Responsabilité en cas d’erreur de diagnostic
6.6. Obligations des utilisateurs de la télémédecine
6.7. Obligation d’assurance des professionnels de santé
7. Objectifs de la télédermatologie 
7.1. Situation aiguë nécessitant un avis d’expert
7.2. Situation complexe nécessitant une coordination des intervenants
7.3. Situation d’éloignement
7.4. Avis d’expert pour des dossiers compliqués
7.5. Situations nécessitant une surveillance des patients
8. Exemples des projets de télédermatologie 
8.1. Réseaux et outils
8.2. Plaies chroniques (téléexpertise/téléconsultation) en Franche-Comté (Besançon)
8.3. Plaies chroniques Languedoc-Roussillon et Basse Normandie
8.4. Téléconsultations dans le service de dermatologie du CHU de Rouen
8.5. La télédermatologie en milieu carcéral : l’expérimentation du Mans
8.6. La télédermatologie en milieu carcéral : l’expérimentation en Île-de-France
8.7. Téléexpertise régionale en Corse en dermatologie libérale
8.8. Télédermatologie en médecine générale en Région PACA
8.9. Quelques exemples d’études à l’étranger
9. Les conditions financières 
9.1. Le cadre actuel
9.2. Les sources de financement
9.2.1. Au niveau européen
9.2.2. Au niveau national
9.2.3. Au niveau local
9.3. Méthodes de rémunération
9.3.1. Tarification à l’acte
9.3.2. Tarification forfaitaire
9.3.3. Expérimentation des nouveaux modes de rémunération
9.4. Le rapport de l’Assurance Maladie concernant la cotation des actes en télémédecine
10. L’expérimentation en Haute-Normandie
10.1. L’appel à projet en Haute-Normandie
10.2. Les objectifs
10.3. Méthodes
10.3.1. Critères de choix des MSP et des Dermatologues
10.3.2. Les acteurs de l’expérimentation en Haute-Normandie
10.3.2.1. Les MSP- Sites d’expérimentation
10.3.2.2. Les dermatologues
10.3.2.3. L’ARS de Haute-Normandie
10.3.2.4. L’URPS de Haute-Normandie
10.3.2.5. Le GCS Télésanté
10.3.2.6. Les Sociétés ATOS et BULL
10.3.2.7. Au sujet de SANTEOS et WORLDLINE
10.3.2.8. A propos d’AGFA HeathCare
10.3.2.9. La société COVALIA
10.3.2.10. Le projet PRATIC
10.3.2.11. Les patients
10.4. Le déroulement de la prise en charge
10.5. Le processus de téléexpertise
10.5.1. La plate-forme informatique
10.5.2. Le workflow
10.5.3. La création d’un dossier initial de demande d’examen
10.5.4. Une fiche « patient »
10.5.5. Une fiche de demande de téléexpertise (voir ANNEXE 1)
10.5.6. Une fiche de bilan initial
10.5.7. Une fiche de réponse (Voir ANNEXE 2)
10.6. Le financement pour le projet de Haute-Normandie
10.6.1. Financement par l’ARS
10.6.2. Indemnisation pour le Dermatologue
10.6.3. Indemnisation pour le médecin généraliste
10.6.4. Investissement technologique
11. Le suivi et l’évaluation de l’expérimentation 
11.1. Indicateurs de qualité
11.1.1. Qualité des photographies
11.1.2. Qualité des soins
11.2. Indicateurs de processus
11.2.1. Accessibilité
11.2.2. Faisabilité
11.2.3. Indicateurs de volume
11.3. Indicateurs de satisfaction
11.3.1. Satisfaction des professionnels de santé
11.3.2. Ressenti du patient
11.4. Indicateurs de coûts
11.4.1. Coût de la télédermatologie par patient versus la consultation traditionnelle
11.4.2. Coûts secondaires
12. Discussions
13. Conclusion 
14. Bibliographie 
15. Annexes 
15.1. Annexe 1. Proposition de fiche de recueil
15.2. Annexe 2- Proposition de fiche de réponse
15.3. Annexe 3 – L’ancienne schéma pour le flux de l’information

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