Extensions de Lie p-adiques et (Phi, Gamma)-modules

Extensions de Lie p-adiques et (Phi, Gamma)-modules

MODULES ET VECTEURS LOCALEMENT ANALYTIQUES DANS Be† rig

Caruso a développé dans [Car13] une théorie pour étudier les représentations p-adiques de GK, où K est un corps p-adique, mais en remplaçant l’extension cyclotomique par l’extension de Kummer K∞/K. Comme dans le cas des (ϕ, Γ)-modules, les représentations p-adiques et modulo p de GK∞ sont classiées par la catégorie des ϕ-modules étales (sur des anneaux qu’on va dénir). En revanche, comme l’extension de Kummer n’est pas galoisienne, on n’a pas de groupe Γ qui agit à proprement parler et on ne peut plus copier la méthode de Fontaine pour obtenir des (ϕ, Γ)-modules. La stratégie de Caruso est alors de construire des (ϕ, τ )-modules, c’est-à-dire d’ajouter au ϕ-module une action de τ , qui est un générateur topologique de Gal(K∞ ·Kcycl/Kcycl), mais où τ agit après tensorisation par Ae L, L étant le compositum de l’extension de Kummer et de l’extension cyclotomique. Caruso a posé deux questions à la n de son article. D’une part, la catégorie des (ϕ, τ )-modules étales étant équivalente à celle des (ϕ, Γ)-modules étales puisque ces deux catégories sont équivalentes à celle des représentations de GK, il s’est demandé s’il était possible d’expliciter directement cette équivalence sans repasser par les représentations. D’autre part, Caruso s’est demandé s’il existe un analogue du théorème de CherbonnierColmez, armant que les (ϕ, Γ)-modules cyclotomiques sont surconvergents, dans le cas des (ϕ, τ )-modules, après avoir déni ce qu’on entend exactement par surconvergence des (ϕ, τ )-modules. La partie 4.1 de ce chapitre est dédiée à l’exposition des constructions et résultats de Caruso concernant les (ϕ, τ )-modules. Les dénitions et constructions initiales de Caruso ne fonctionnent cependant pas tout à fait dans le cas p = 2, et on montrera comment étendre les notions de Caruso au cas p = 2 avec les dénitions de Gao et Liu [GL16]. Le reste du chapitre a pour but d’utiliser la théorie des vecteurs localement analytiques pour faire le lien entre (ϕ, Γ)-modules et (ϕ, τ )-modules et de déduire du théorème de Cherbonnier-Colmez la surconvergence des (ϕ, τ )-modules. Ainsi, la partie 4.2 de ce chapitre se concentre sur la détermination de la structure des vecteurs localement analytiques dans les anneaux BeI L et Be† rig,L, en utilisant des méthodes similaires à celles de Berger dans [Ber16b] et des traces de Tate normalisées dans certains anneaux de périodes an d’obtenir des lemmes d’approximation satisfaisants. La partie 4.3 de ce chapitre montre comment passer des (ϕ, τ )-modules aux (ϕ, Γ)-modules et inversement, et comment en déduire la surconvergence des (ϕ, τ )-modules. La démonstration de la surconvergence  utilisant de façon cruciale certains théorèmes de Kedlaya sur les ϕ-modules [Ked05], on exposera aussi dans la sous-partie 4.3.1 les résultats principaux de Kedlaya dont nous aurons besoin.

Généralités sur les (ϕ, τ )-modules 

La théorie des (ϕ, τ )-modules

  Dans ce qui suit, on ne supposera plus comme au chapitre 2 que K/Qp est une extension nie, et on se place à nouveau dans le cadre plus général exposé au chapitre 1, c’est-à-dire que K/F est une extension nie totalement ramiée et F = W(k)[1/p] est le corps des fractions de l’anneau des vecteurs de Witt à coecients dans k, un corps parfait de caractéristique p. On va maintenant s’intéresser au cas où l’on choisit de dévisser l’extension K/K via une extension de Kummer, en suivant la stratégie de Caruso [Car13], c’est-à-dire à l’aide des (ϕ, τ )-modules. On va commencer par détailler un peu la construction de ces (ϕ, τ )- modules et rappeler les principaux résultats de l’article de Caruso. On fera attention au fait que nos notations dièrent de celles de Caruso et on renvoie à nouveau à l’annexe sur les anneaux de périodes pour faire le lien entre les notations utilisées ici et celles de Caruso, rappeler les dénitions des anneaux en question et récapituler les relations entre les diérents anneaux. Dans la suite, on xe une extension de Kummer K∞/K et on conserve les notations de la partie 3.3.1. En particulier, on xe π une uniformisante de K, de polynôme minimal E(X) sur F, et on se donne une suite compatible (πn)n∈N de racines p n -ièmes de π, de sorte que π0 = π et π p n+1 = πn pour n ≥ 0. On note également L la clôture galoisienne de K∞/K et on choisit τ un générateur topologique de Gal(L/Kcycl) tel que c(τ ) = 1, où c désigne le cocycle de Kummer associé à K∞/K. Pour bien faire la diérence avec les anneaux dénis dans le cadre cyclotomique, on mettra en indice des anneaux relatifs à l’extension de Kummer un symbole τ . Il s’agit simplement d’une notation, les anneaux ne dépendant pas du choix de l’élément τ mais uniquement de l’extension de Kummer. On sera également amené à considérer dans les parties suivantes à la fois des anneaux de Fontaine relatifs à l’extension Kcycl/K et à l’extension K∞/K. An de pouvoir distinguer plus facilement les deux cas de gure, on notera HK = Gal(K/Kcycl) comme usuellement, et Hτ,K = Gal(K/K∞). On notera également, si A est une algèbre munie d’une action de GK, AK = AHK et Aτ,K = AHτ,K . Expliquons à présent comment construire les (ϕ, τ )-modules, en caractéristique p. On peut, comme en 1.1.1, dénir le corps des normes de K∞/K et plonger celui-ci dans Ee. La famille (ζpn ) et la famille (πn) dénissent chacune un élément de Ee +, qu’on notera respectivement ε et πe. On pose u = ε − 1, et on rappelle que vE(u) = p p−1 . On a alors un plongement du corps des normes de K∞/K dans Ee, dont l’image est Eτ,K := k((πe)). Soit Eτ la clôture séparable de Eτ,K dans Ee. Comme Gal(K/K∞) agit trivialement sur Eτ,K, tout élément de Gal(K/K∞) stabilise Eτ , ce qui nous donne un morphisme Gal(K/K∞) → Gal(Eτ/Eτ,K). Par le théorème 1.1.8, c’est même un isomorphisme, et on obtient alors une classication des Fp-représentations de dimension nie de Gal(K/K∞) par les ϕmodules étales sur Eτ,K. Il s’agit d’un cas particulier des constructions de la partie 1.1.1. Rappelons simplement que, pour V une Fp-représentation de Gal(K/K∞), on dénit D(V ) = (Eτ ⊗Fp V ) Gal(K/K∞) , qui est un Eτ,K-espace vectoriel muni d’un endomorphisme ϕEτ,K -semi-linéaire ϕD(V ) induit par ϕEτ ⊗ 1. Réciproquement, si D est un ϕ-module étale sur Eτ,K, on dénit V (D) comme le Fp-espace vectoriel (Eτ ⊗Eτ,K D) ϕ=1 muni de l’action de Gal(K/K∞) induite par celle sur Eτ et où ϕ = ϕEτ ⊗ ϕD. Ces deux foncteurs sont alors quasi-inverses l’un de l’autre et donnent lieu à une équivalence de catégories tannakiennes entre celle des Fp-représentations de dimension nie de Gal(K/K∞) et celle des ϕ-modules étales sur Eτ,K. Dans la théorie des (ϕ, Γ)-modules, on utilise le fait qu’une représentation de GK dénit par restriction une représentation de GK∞, ce qui permet d’associer à une représentation de GK un ϕ-module, et on obtient alors un (ϕ, Γ)-module en munissant ce ϕ-module d’une action de Γ compatible. Ici, K∞/K n’est pas galoisienne donc on n’a pas de groupe de Galois qu’on pourrait faire agir sur le ϕ-module associé à la restriction d’une représentation de GK à GK∞. L’idée est d’utiliser l’action du groupe topologiquement engendré par τ , mais ce dernier agit sur toute l’extension L/K, où L = K∞ · Kcycl. Tout cela amène Caruso à dénir un corps de coecients sur lequel τ agit : on note EeL le sous-corps de Ee formé des éléments xes sous l’action de H∞. Il contient notamment (Eτ ) H∞ et donc en particulier Eτ,K. Cela nous amène à la dénition de (ϕ, τ )-module de Caruso [Car13, Déf. 1.7] : Dénition 4.1.1.  Un (ϕ, τ )-module sur (Eτ,K, EeL) est la donnée de : (1) un ϕ-module étale D sur Eτ,K ; (2) un endomorphisme τ -semi-linéaire τD : EeL ⊗Eτ,K D → EeL ⊗Eτ,K D qui commute à ϕEe L ⊗ ϕD, et qui vérie, pour tout g ∈ Γ tel que χcycl(g) ∈ N : ∀x ∈ D,(g ⊗ id) ◦ τD(x) = τ χcycl(g) D (x). Remarque 4.1.2.  Comme le fait remarquer Caruso dans son article, la diérence entre la deuxième égalité de cette dénition et la proposition 3.3.4 s’explique par le fait qu’on ne demande ici à cette égalité de n’être satisfaite que pour x ∈ D, et pas sur tout EeL ⊗Eτ,K D. Cependant, comme τD est semi-linéaire, le fait que l’identité soit vériée sur D montre qu’en fait on a l’égalité (g ⊗ id) ◦ τD = τ χcycl(g) D ◦ ((τ −χcycl(g) gτ ) ⊗ id). Remarque 4.1.3.  On peut aussi utiliser des corps plus petits que le corps EeL, comme par exemple la clôture séparable de k((π, ε e )) dans Ee. Cette approche est également suggérée par Caruso dans son article, l’intérêt étant que l’étude des points xes de ce corps plus petit sous l’action de certains sous-groupes de Gal(Qp/K∞) est parfois plus simple.  Si maintenant V est une Fp-représentation de GK de dimension nie d, on rappelle qu’on a déni D(V ) = (Eτ ⊗Fp V ) Gal(Qp/K∞) le ϕ-module associé. Par la théorie de Fontaine, D(V ) est de dimension d sur Eτ,K. Pour dénir une structure de (ϕ, τ )-module sur D(V ), il reste juste à construire un automorphisme τD de EeL ⊗Eτ,K D(V ). Pour ce faire, le point de départ est le lemme suivant qui nous donne une autre description de cet espace : Lemme 4.1.4.  L’application naturelle EeL ⊗Eτ,K D(V ) → (Ee ⊗Fp V ) H∞ est un isomorphisme. Démonstration.  Voir [Fon90, A.1.2.6 et A.1.2.7]. Or (Ee ⊗Fp V ) H∞ est naturellement muni d’une action de GK qui est semi-linéaire relativement à la structure de EeL-espace vectoriel. On dénit alors l’application τD comme l’automorphisme de EeL ⊗Eτ,K D(V ) correspondant à l’action de τ sur (Ee ⊗Fp V ) H∞ via l’isomorphisme EeL ⊗Eτ,K D(V ) → (Ee ⊗Fp V ) H∞. On obtient alors bien un (ϕ, τ )-module puisque le sous-groupe H∞ de GK agit trivialement sur EeL et que GK∞ agit trivialement sur D(V ). Réciproquement, si D est un (ϕ, τ )-module sur (Eτ,K, EeL), alors il fournit en particulier un ϕ-module sur Eτ,K et la représentation V (D) associée à ce ϕ-module est V (D) = (Eτ ⊗Eτ,K D) ϕ=1. Il reste à expliquer comment on étend l’action de GK∞ sur V (D) en une action de GK tout entier. Pour ce faire, on a besoin du lemme suivant : Lemme 4.1.5.  L’application (Eτ ⊗Eτ,K D) ϕ=1 → (Ee ⊗Ee L (EeL ⊗Eτ,K D))ϕ=1 déduite de l’extension des scalaires de Eτ,K à EeL est un isomorphisme. Démonstration.  Voir [Car13, Lemm. 1.10]. On peut alors appliquer la proposition 3.3.4, ce qui nous dit qu’il existe une unique action de GK/H∞ sur EeL ⊗Eτ,K D pour laquelle les éléments g ∈ GK∞/H∞ agissent par (g ⊗ id) et l’élément τ ∈ GK/H∞ agit via l’automorphisme τD. En composant par la projection canonique GK → GK/H∞, on obtient alors une action de GK sur EeL ⊗Eτ,K D. Comme par ailleurs GK agit sur Ee et donc sur (Eτ ⊗Eτ,K D) ϕ=1 → (Ee ⊗Ee L (EeL ⊗Eτ,K D))ϕ=1, on en déduit que l’action qu’on vient de dénir sur D(V ) prolonge celle de GK∞. Caruso montre alors le théorème suivant [Car13, Thm. 1.11] : Théorème 4.1.6.  Les deux foncteurs D et V dénis précédemment induisent une équivalence de catégories tannakiennes entre celle des Fp-représentations de dimension nie de GK et celle des (ϕ, τ )-modules sur (Eτ,K, EeL). Démonstration.  Le théorème 1.1.22 pour les ϕ-modules garantit que les morphismes canoniques D 7→ D(V (D)) et V 7→ V (D(V ))  sont des isomorphismes, pour tout (ϕ, τ )-module D sur (Eτ,K, EeL) et pour n’importe quelle Fp-représentation V de dimension nie de GK. Il sut alors de vérier que le premier morphisme commute à l’action du groupe topologiquement engendré par τ et que le second est GK-équivariant, ce qui est direct. Pour dénir les (ϕ, τ )-modules en caractéristique 0, il faut relever les diérents anneaux considérés précédemment en caractéristique 0. On va travailler dans Ae = W(Ee) et Be = Ae [1/p], mais il nous reste à dénir un relèvement des corps Eτ,K et EeL. On dénit donc un anneau Aτ,K à l’intérieur de Ae de la façon suivante : Aτ,K = { X i∈Z ai [πe] i , ai ∈ OF lim i→−∞ ai = 0}. Muni de la valuation p-adique vp( P i∈Z ai [πe] i ) = mini∈Z vp(ai), Aτ,K est un anneau de valuation discrète qui admet Eτ,K comme corps résiduel. Si M/K est une extension nie, on note Eτ,M l’extension de Eτ,K correspondant à M · K∞/K∞ par la théorie du corps des normes. Proposition 4.1.7.  Si M est une extension nie de K, alors Eτ,M est une extension séparable de Eτ,K et il existe une unique extension non ramiée Bτ,M/Bτ,K, contenue dans Ae , de corps résiduel Eτ,M et telle que Gal(Bτ,M/Bτ,K) ‘ Gal(Eτ,M /Eτ,K). On note Aτ,M son anneau des entiers pour la valuation p-adique et A+ τ,M := Ae + ∩ Aτ,M . Démonstration.  La démonstration est la même que pour la proposition 1.1.38. Comme Eτ = S M/F Eτ,M est la clôture séparable de Eτ,K, l’extension maximale non ramiée Bunr τ,K de Bτ,K dans Be est aussi la réunion des Bτ,M quand M parcourt les extensions nies de K. On note alors Bτ l’adhérence de Bunr τ,K dans Be pour la topologie p-adique, et on note Aτ son anneau des entiers (qui est aussi le complété de l’anneau des entiers de Bunr τ,K pour la topologie p-adique). On a donc Aτ/pAτ = Eτ . Comme Bunr τ,K est stable sous l’action de GK∞, c’est aussi le cas de Bτ et on a Gal(Bunr τ,K/Bτ,M) ‘ Gal(Eτ/Eτ,M) ‘ Hτ,M := Gal(K/M ·K∞). Si M est une extension nie de K, le théorème d’Ax-Sen-Tate (voir [Tat67, Thm. 1]) montre alors que B Hτ,M τ = (Bunr τ ) HM = Bτ,M et donc que Aτ,M = AHτ,M . Le Frobenius déduit de la fonctorialité des vecteurs de Witt sur Be dénit par restriction des endomorphismes de Aτ,K, Bτ,K, Aτ et Bτ , et envoie notamment [πe] sur [πe] p . On dénit à présent un ϕ-module étale sur Aτ,K (resp. sur Bτ,K) comme la donnée d’un Aτ,K-module de type ni (respectivement d’un Bτ,K-espace vectoriel de dimension nie) D muni d’une application ϕ : D → D semi-linéaire par rapport au Frobenius et dont la matrice dans une base est dans GLd(Aτ,K). On a alors les mêmes résultats qu’en caractéristique p concernant les représentations de GK∞ : Théorème 4.1.8.  Pour V une Zp-représentation de GK∞, on note D(V ) = (Aτ ⊗Qp V ) GK∞ , et si D est un ϕ-module étale sur Aτ,K, on note V (D) = (Aτ ⊗Aτ,K D) ϕ=1. Les foncteurs D 7→ V (D) et V 7→ D(V ) sont alors quasi-inverse l’un de l’autre et donnent 102 CHAPITRE 4. (ϕ, τ)-MODULES ET VECTEURS LOCALEMENT ANALYTIQUES DANS Be† rig lieu à une équivalence de catégories tannakiennes entre celle des Zp-représentations libres de type ni de GK∞ et celle des ϕ-modules étales sur Aτ,K. Théorème 4.1.9.  Pour V une Qp-représentation de GK∞, on note D(V ) = (Bτ ⊗Qp V ) GK∞ , et si D est un ϕ-module étale sur Bτ,K, on note V (D) = (Bτ ⊗Bτ,K D) ϕ=1. Les foncteurs D 7→ V (D) et V 7→ D(V ) sont alors quasi-inverse l’un de l’autre et donnent lieu à une équivalence de catégories tannakiennes entre celle des représentations Qp-linéaires de dimension nie de GK∞ et celle des ϕ-modules étales sur Bτ,K. Comme dans le cas de la caractéristique p, il faut dénir à nouveau un corps de coe- cients sur lequel τ va agir. On va pour cela considérer Ae L = Ae H∞ (comme EeL est parfait, on a aussi Ae L = W(EeL)) et Be L = Ae L[1/p]. Ces anneaux sont munis d’un endomorphisme de Frobenius qui provient de celui sur Be. On peut alors dénir les (ϕ, τ )-modules étales comme en caractéristique p : Dénition 4.1.10.  Un (ϕ, τ )-module étale sur (Aτ,K, Ae L) (resp. (Bτ,K, Be L)) est la donnée de (1) un ϕ-module étale D sur Aτ,K (resp. Bτ,K) ; (2) un endomorphisme τ -semi-linéaire τD : Ae L ⊗Aτ,K D → Ae L ⊗Aτ,K D qui commute à ϕAτ,K ⊗ ϕD, et qui vérie, pour tout g ∈ Γ tel que χcycl(g) ∈ N : ∀x ∈ D,(g ⊗ id) ◦ τD(x) = τ χcycl(g) D (x). On a à nouveau les résultats suivants : Théorème 4.1.11.  On dispose d’une équivalence de catégories entre celle des Zp représentations libres de type ni de GK et celle des (ϕ, τ )-modules étales sur (Aτ,K, Ae L). Démonstration.  Voir [Car13, Thm. 1]. Remarque 4.1.12.  Les résultats restent vrais en remplaçant Zp-représentations par Qp-représentations et Aτ par Bτ . 4.1.2. Généralisation à p = 2 et notion de surconvergence.  On va à présent montrer comment généraliser ces dénitions au cas p = 2 en reprenant les dénitions de Gao et Liu dans [GL16]. Proposition 4.1.13.  Dans le cas p 6= 2, la donnée d’un (ϕ, τ )-module étale (D, τD) sur (Aτ,K, Ae L) est équivalente à la donnée d’un triplet (D0 , ϕD0, G) où : (1) (D, ϕD) = (D0 , ϕD0) en tant que ϕ-modules sur Aτ,K ; (2) G est une action G∞-semi-linéaire sur Ae L de G∞ sur M := Ae L ⊗Aτ,K D0 telle que G commute à ϕM := ϕAe L ⊗ ϕD0 et l’action de τ ∈ G∞ coïncide avec celle de τD sur M ; (3) en tant que sous Aτ,K-module de M, D ⊂ MGal(L/K∞) . Démonstration.  Voir [GL16, 2.1.6]. 4.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES (ϕ, τ)-MODULES 103 Cela nous amène à généraliser la dénition des (ϕ, τ )-modules de la façon suivante, dénition qui est bien équivalente à celle classique dans le cas p 6= 2 par la proposition 4.1.13. Dénition 4.1.14.  On appelle (ϕ, τ )-module étale sur (Aτ,K, Ae L) (resp. (Bτ,K, Be L)) tout triplet (D, ϕD, G) où : (1) (D, ϕD) est un ϕ-module étale sur Aτ,K (resp. Bτ,K) ; (2) G est une action G∞-semi-linéaire de G∞ sur M := Ae L ⊗Aτ,K D (resp. sur M := Be L⊗Bτ,K D) telle que G commute à ϕM := ϕAe L ⊗ϕD (resp. ϕM := ϕBe L ⊗ϕD), c’est-à-dire que pour tout g ∈ G∞, gϕM = ϕMg ; (3) en tant que sous Aτ,K-module de M, D ⊂ MGal(L/K∞) . En particulier, si (D, ϕD, G) est un (ϕ, τ )-module étale sur (Aτ,K, Ae L), on dénit V (D) := (Ae ⊗Ae L D) ϕ=1 := (Ae ⊗Ae L (Ae L ⊗Aτ,K D))ϕ=1 comme la Zp-représentation de GK où GK agit sur Ae L ⊗Aτ,K D via G et GK agit diagonalement sur le produit tensoriel Ae ⊗Ae L (Ae L ⊗Aτ,K D). Proposition 4.1.15.  Le foncteur qui à un (ϕ, τ )-module étale (D, ϕD, G∞) associe la Zp-représentation de GK V (D) := (Ae ⊗Ae L D) ϕ=1 , induit une équivalence de catégories entre la catégorie des (ϕ, τ )-modules étales et celle des Zp-représentations de GK. Démonstration.  Voir [GL16, Prop. 2.1.7]. Cette dénition plus générale englobe donc à la fois celle de Caruso et le cas p = 2, et on dispose toujours d’une équivalence de catégories tannakiennes entre représentations p-adiques de GK et (ϕ, τ )-modules. On considère donc par la suite avoir fait ce choix de dénition pour les (ϕ, τ )-modules. Caruso avait posé plusieurs questions dans son article, dont les deux suivantes : (1) quel lien peut-on faire entre (ϕ, τ )-modules et (ϕ, Γ)-modules, sachant que les deux catégories sont équivalentes puisqu’équivalentes à celle des représentations galoisiennes de GK ? On souhaiterait bien évidemment pouvoir répondre à cette question sans repasser par les représentations de GK. (2) Dans le cas des (ϕ, Γ)-modules, on dispose du théorème de Cherbonnier-Colmez qui arme que tout (ϕ, Γ)-module (cyclotomique) est surconvergent. Ce résultat se révèle extrêmement précieux dans l’étude des représentations galoisiennes, et on aimerait avoir un analogue de ce théorème dans le cas des (ϕ, τ )-modules (si jamais un tel analogue était possible). Gao et Liu ont en fait répondu à cette deuxième question dans le cas où le corps résiduel k de K était ni, et montré dans [GL16] que les (ϕ, τ )-modules sont eectivement surconvergents. On propose ici de donner une méthode pour passer des (ϕ, τ )-modules aux 104 CHAPITRE 4. (ϕ, τ)-MODULES ET VECTEURS LOCALEMENT ANALYTIQUES DANS Be† rig (ϕ, Γ)-modules (et inversement) et d’en déduire une autre façon de montrer la surconvergence des (ϕ, τ )-modules, sans cette fois supposer que k est ni. Expliquons exactement ce qu’on entend par le fait qu’un (ϕ, τ )-module est surconvergent, en reprenant la dénition de [GL16] : Dénition 4.1.16.  On rappelle que si V est une Qp-représentation de GK, le (ϕ, τ )- module associé à V sur (Bτ,K, Be L) est la donnée du ϕ-module D(V ) = (Bτ ⊗Qp V ) GK∞ et d’une action semi-linéaire de G∞ sur M(V ) = (Be ⊗Qp V ) GL . Pour r ≥ 0, on dénit D†,r(V ) = (B†,r τ ⊗Qp V ) GK∞ et M†,r(V ) = (Be†,r ⊗Qp V ) GL . On dit alors que le (ϕ, τ )-module D associé à V est surconvergent s’il existe r ≥ 0 tel qu’on ait D(V ) = Bτ,K ⊗B †,r τ,K D †,r(V ) et M(V ) = Be L ⊗Be†,r L M†,r(V ). où B †,r τ,K = Bτ,K ∩ Be†,r . 4.1.3. (ϕ, τM)-modules.  On a vu dans la partie 4.1.1 comment associer à une représentation p-adique V de GK un (ϕ, τ )-module. Pour ce qu’on souhaite faire ensuite, on aura besoin de savoir ce que devient le (ϕ, τ )-module associé à la restriction de V à GM, où M est une extension nie de K. Si on pose M∞ := K∞ · M, LM := L · M et Hτ,M := Gal(K/M∞), alors M∞/M et LM/M sont strictement APF par la proposition 1.1.2. Si V est une représentation padique de GM, on peut dénir D(V ) := (Bτ ⊗Qp V ) Hτ,M qui est naturellement muni d’une structure de ϕ-module étale sur Bτ,M, et De(V ) := (Be ⊗Qp V ) GLM , qui est naturellement muni d’une structure de ϕ-module étale sur Be LM , muni d’une action de Gal(LM/M) qui commute à l’action de ϕ. Dénition 4.1.17.  On appelle (ϕ, τM)-module sur (Bτ,M, Be LM ) la donnée d’un triplet (D, ϕD, Gal(LM/M)), où : (1) (D, ϕD) est un ϕ-module sur Bτ,M ; (2) Gal(LM/M) est une action Gal(LM/M)-semi-linéaire sur Be LM de Gal(LM/M) sur Db := Be LM ⊗Bτ,M D telle que cette action commute à ϕ := ϕBe LM ⊗ ϕD ; (3) en tant que sous Bτ,M -module de Db, on a D ⊂ DbHτ,M . Si (D, ϕD, Gal(LM/M)) est un tel (ϕ, τM)-module, on dénit V (D) := (Bτ ⊗Bτ,M D) ϕ=1 et Ve(D) := (Be ⊗Bτ,M D) ϕ=1 = (Be ⊗Be LM Db) ϕ=1 . Comme habituellement, un (ϕ, τM)-module est dit étale si le ϕ-module sous-jacent est étale. Proposition 4.1.18.  4.2. VECTEURS LOCALEMENT ANALYTIQUES DANS BeI L ET Be† rig,L 105 (1) Les foncteurs D 7→ V (D) et V 7→ D(V ) sont quasi-inverses l’un de l’autre et induisent une équivalence de catégories tannakiennes entre la catégorie des ϕ-modules étales sur Bτ,M et celle des représentations p-adiques de GM∞ ; (2) Ve(D)|GM∞ ‘ V (D) ; (3) Les foncteurs D 7→ Ve(D) et V 7→ De(V ) sont quasi-inverses l’un de l’autre et induisent une équivalence de catégories tannakiennes entre la catégorie des (ϕ, τM)-modules étales sur (Bτ,M, Be LM ) et celle des représentations p-adiques de GM. Démonstration.  Le premier point est la proposition A.1.2.6 de [Fon90]. Le deuxième point est une conséquence directe de [GL16, Lemm. 2.1.4] et de notre dénition de (ϕ, τM)-module. Pour le dernier point, on renvoie à la preuve de [GL16, Prop. 2.1.7]. Si on était parti au départ d’une représentation p-adique V de GK dont on a considéré la restriction à GM, et si de plus on suppose que M∞/K∞ est galoisienne, alors (Bτ ⊗Qp V ) Hτ,M est naturellement muni d’une action de Hτ,K/Hτ,M ‘ Gal(M∞/K∞). Comme de plus, (Be ⊗Qp V ) GL ⊂ (Be ⊗Qp V ) GLM , l’action de GM/GLM en tant que sous-groupe de GK/GL sur (Be ⊗Qp V ) GLM coïncide avec celle de GM/GLM sur (Be ⊗Qp V|GM ) GLM . Ces considérations nous amènent à faire la dénition suivante : Dénition 4.1.19.  Si M/K est une extension galoisienne nie telle que M et K∞ soient linéairement disjointes au-dessus de K, et si D = (D, ϕD, Gal(LM/M)) est un (ϕ, τM)-module sur (Bτ,M , Be LM ), on dit que D est muni d’une action de Gal(M/K) si GK agit sur Db := Be LM ⊗Bτ,M D et si : (1) D en tant que sous ensemble de Db est stable sous l’action de HK ⊂ GK ; (2) GLM agit trivialement sur Db, et Hτ,M agit trivialement sur D ; (3) l’action de GM/GLM ⊂ GK/GL coïncide avec l’action de Gal(LM/M) sur Db.

Table des matières

Introduction
0.1. Motivation et notations
0.2. (ϕ, Γ)-modules et corps des normes
0.3. Vecteurs localement analytiques, théorie de Sen et surconvergence
0.4. Extensions de Kummer et (ϕ, τ )-modules
0.5. Modules de Kisin, (ϕ, τ )-modules diérentiels et représentations semi-stables
0.6. Plan de la thèse
1. Théorie du corps des normes, anneaux de Fontaine et (ϕ, Γ)-modules
1.1. La théorie du corps des normes et les (ϕ, Γ)-modules en caractéristique p
1.1.1. La théorie du corps des normes
1.1.2. Représentations
1.1.3. Les (ϕ, Γ)-modules en caractéristique
1.1.4. Les anneaux Ae , Be et les (ϕ, Γ)-modules en caractéristique 0 23
1.2. Anneaux de Fontaine et représentations p-adiques
1.2.1. L’anneau BdR et ses sous-anneaux
1.2.2. Les anneaux BeI, Be † rig et Be † log
1.2.3. (ϕ, N)-modules filtrés
2. Relèvement du corps des normes et groupes de Lubin-Tate relatifs
2.1. Extensions de Lubin-Tate et (ϕq, ΓK)-modules
2.1.1. Groupes formels et extensions de Lubin-Tate
2.1.2. Corps de classes local
2.1.3. Groupes de Lubin-Tate relatifs
2.1.4. (ϕq, ΓK)-modules
2.2. Relèvement du corps des normes
2.2.1. Extensions ϕ-itérées
2.2.2. Relèvement du corps des normes dans le cas hauteur finie
2.2.3. Réalisation d’extensions engendrées par les points de torsion d’un groupe de Lubin-Tate comme extensions ϕ-itérées
3. Vecteurs localement analytiques et théorie de Sen
3.1. Théorie de Sen
3.2. Théorie des vecteurs localement analytiques
3.2.1. Généralités sur la théorie des vecteurs localement analytiques
3.2.2. Le cas de Zp
3.2.3. Le cas Lubin-Tate et les vecteurs localement F-analytiques
3.3. Les extensions de Kummer
3.3.1. Définitions et propriétés
3.3.2. Généralisation des vecteurs localement analytiques pour certaines extensions non galoisiennes
3.3.3. Vecteurs localement analytiques dans Kb∞
3.4. Vecteurs localement analytiques pour une extension de Lubin-Tate
3.4.1. Dans Kbla∞
3.4.2. Dans les (BeI K)
3.4.3. Application au relèvement du corps des normes dans le cas anticyclotomique
4. (ϕ, τ )-modules et vecteurs localement analytiques dans Be † rig
4.1. Généralités sur les (ϕ, τ )-modules
4.1.1. La théorie des (ϕ, τ )-modules
4.1.2. Généralisation à p = 2 et notion de surconvergence
4.1.3. (ϕ, τM)-modules
4.2. Vecteurs localement analytiques dans BeI
L et Be † rig,L
4.2.1. Traces de Tate dans Ae † K
4.2.2. Traces de Tate dans Ae † τ,K
4.2.3. Lemmes d’approximation
4.2.4. Structure des (BeIL)
4.3. Surconvergence des (ϕ, τ )-modules
4.3.1. Pentes de Kedlaya et théorèmes de descente
4.3.2. Descente et monodromie
4.3.3. Surconvergence des (ϕ, τ )-modules
5. (ϕ, τ )-modules à connexion et représentations semi-stables
5.1. (ϕ, τ )-modules et invariants Dcris et Dst
5.1.1. Be †log, B
τ,log,K et vecteurs localement analytiques
5.1.2. Utilisation des (ϕ, τ )-modules
5.2. Modules à connexion et (ϕ, N)-modules filtrés
5.2.1. Modules à connexion sur B
τ,rig,K et théorie de Kisin
5.3. Caractérisation des représentations semi-stables
5.3.1. Construction de (ϕ, N∇)-cristaux et de (ϕ, τ )-modules
5.3.2. Construction de (ϕ, N)-modules filtrés
5.3.3. Calcul des pentes
Annexe : anneaux de périodes
Bibliographie

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