Forces de défense et de Sécurité et démocratie en Afrique de l’Ouest

Forces de défense et de Sécurité et démocratie en Afrique de l’Ouest

 L’usage des armes et de l’uniforme comme moyen de pression sur la population

D‘après les forces coloniales, les rapports entre les forces de sécurité et la population doivent être des rapports de subordination et de soumission aux hommes portant l‘uniforme449. En effet, elles incarnent la puissance de l‘Etat au sein de son territoire. Ce qui fait que les autorités politiques doivent instaurer autour de ces éléments un mythe, une crainte ne leur permettant pas d‘être accessibles à tout point. Cette situation va leur permettre d‘être autoritaire envers les civils et de ne pas voir leurs décisions remises en cause. Les forces de sécurité sont des institutions mises en place par les autorités publiques pour le maintien de l‘ordre et la sécurité des individus. En ce sens, nous avons des services comme la police450 qui incarne ce rôle au premier plan ainsi que d‘autres services comme le service d‘hygiène, etc. La police a alors un double face, nécessaire au maintien de l‘ordre et à la paix des citoyens. En effet, elle peut paraître en même temps suspecte lorsque la tenue, les galons et l‘autorité du policier sont confiés à des mains inexpertes ou à un esprit mal formé. Le port de l‘uniforme rappelle les traumatismes subis par les populations dans nos Etats et surtout. Au Sénégal, en raison des agissements connus lors de la période coloniale qui nous a laissé de mauvais souvenirs, le droit est aussi bien au service du policier qui doit être bien équipé et protégé pour accomplir ses devoirs. Mais, il y a aussi le droit pour le citoyen, riche ou pauvre, puissant ou faible d‘être protégé contre les excès d‘autorité. Au Sénégal par exemple, les forces de sécurité se sont organisées en syndicat dans les années 1980451 pour protester contre les prétendues injustices subies de la part des autorités Etatiques. C‘est ainsi qu‘ils furent presque tous radiés par le Président Abdou Diouf452 , qui procéda juste après à un recrutement massif pour remplacer les éléments de la police destitués. 449 L‘uniforme est un ensemble d’effets réglementaires réservé à une catégorie de personnel, confectionné suivant certaines spécifications (tissus, couleur, coupe) et dont le caractère militaire et national est affirmé par des attributs ou insignes nettement définis. Louis Delperrier, L’Uniforme, l’Etat et la Fonction militaire, Paris : université Paris-I, Panthéon Sorbonne, Centre d’études politiques de défense, 1981. 450 Le service de la police « Etude sur les polices en Afrique subsaharienne francophone : structures et missions au regard de la prévention de la criminalité » ; Yann-Cédric QUERO Montréal Février 2008.  Le président Abdou DIOUF, né le 7 septembre 1935 à Louga, est un homme d’Etat sénégalais. Premier ministre puis successeur de Léopold Sédar Senghor à la présidence de la République de 1981 à 2000, ses différents mandats furent placés sous le signe de l’approfondissement de la démocratie, la libéralisation progressive de l’économie et la décentralisation de l’administration. Les citoyens sénégalais à la suite de ces évènements ont subi un traumatisme à l‘égard de cette loi de radiation des policiers pourtant nécessaire à la société. Cette situation n‘est pas un fait divers, elle exprime certaines facettes profondes de notre société qui a opté de faire valoir le droit, la primauté du droit sur la force. Ce qui est en déphasage avec les principes proclamés pour la protection des droits de l‘Homme. Il serait vain en effet de proclamer les droits de l‘homme si l‘on ne mettait pas en même temps tout en œuvre pour assurer le devoir de les respecter par tous, partout et pour tous. En dehors de cette situation qui a porté atteinte aux droits et libertés, des forces de sécurité au Sénégal, dans les années 1980, ces dernières ont souvent contribué à rétablir la situation. En effet, lors de certaines manifestations considérées comme des troubles à l‘ordre public, leur intervention est souvent très efficace. Il s‘agit des grèves qui constituent des protestations des citoyens face à certaines injustices vécues dans un secteur bien déterminé. C‘est le cas par exemple de la grève des étudiants de 1968453. Elle a conduit à des centaines d‘étudiants blessés, certains torturés au sein des pavillons de l‘université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il convient de préciser que ces violences sont faites sous la bénédiction des autorités politiques sénégalaises. Pire, le 11 janvier 1980, au Lycée Djignabo Bassène de Ziguinchor, l‘élève Idrissa Sagna fut tué par les forces de sécurité par une balle réelle. C‘est pourquoi cette journée est commémorée au sein du monde scolaire et universitaire comme une journée noire. Une succession de meurtres au sein du milieu universitaire est de plus en plus notée. Il s‘agit du meurtre de Balla Gaye455 en 2000, récemment Bassirou Faye456 en 2014, sans oublier le meutre de l‘étudiant Fallou SENE457 en date du 15 mai 2018 à l‘Université Gaston Berger de St-Louis. Et tant d‘autres situations de tortures faites par les forces de l‘ordre à l‘égard des étudiants. Dans d‘autres manifestations comme celles des partis politiques, les forces de  sécurité, au lieu de veiller au maintien de l‘ordre public, contribuent à instaurer un désordre en bafouant les libertés d‘expression des citoyens. En effet, le rôle de ces forces de l‘ordre est d‘encadrer de telles manifestations et se limiter à la protection des populations. Au Sénégal, il faut le dire les forces de sécurité ont souvent marqué la vie des populations par les violences commises à leurs égards. Ce qui fait que la population a une crainte incommensurable et a même souvent peur de recourir aux instances juridictionnelles pour que leurs droits soient rétablis. Quant au Mali, en ce moment dans la capitale458, on assiste à la présence accrue de véhicules non dédouanés459 dans la circulation. Ce qui constitue un phénomène illicite et illégal. Mais, il est devenu une pratique récurrente chez les hommes de tenue. De nos jours, le dédouanement des voitures n‘est exigé qu‘aux seuls citoyens ordinaires, c’est-à-dire les civils. Les hommes en uniforme ont fabriqué leur propre plaque et n‘ont plus besoin d‘obtempérer aux coups de sifflet des agents de la circulation, car le laisser passer est déjà afficher sur la plaque. Il est connu de tous que l‘uniforme donne beaucoup d‘avantages surtout au Mali, dans la mesure où les différents corps des forces de sécurité et de défense procèdent à la légitimation de cette pratique illicite. Elle a d‘ailleurs été pratiquée par la douane qui dans les normes devrait exercer le contrôle de tous les produits importés. Elle doit ensuite procéder à la délivrance des documents à dédouaner. Ensuite, viennent d‘autres corps tels que la police, la gendarmerie, les gardes pénitentiaires etc. Ils sont les seuls Maliens autorisés à circuler dans des véhicules non dédouanés. Du coup, ils ne sont plus perçus comme des citoyens ordinaires, mais comme des Maliens supérieurs aux autres. 

Les agissements des forces armées en période d’atteinte à l’intégrité de la territoriale

Les forces armées ont pour mission principale de veiller à la défense de leur territoire. C‘est le symbole de souveraineté de tout Etat indépendant et les autorités politiques se dotent obligatoirement de cet appareil pour la sauvegarde de leur frontière. Ainsi dans la vie courante de l‘exercice du pouvoir au sein de l‘Etat, des événements troublant l‘ordre public peuvent survenir. A cet effet, des soulèvements de population peuvent avoir lieu et exigent l‘intervention des forces armées. Les populations s‘organisent ainsi en mutinerie466 armée subitement ou en mouvement de rébellion, ou en mouvement national de libération. La situation la plus fréquente en Afrique de l‘Ouest est le cas de rébellion. Face à une telle situation, certains membres des forces armées ont des agissements qui portent atteinte aux droits de l‘Homme. Car il arrive de voir plusieurs cas de viols et des persécutions à l‘égard des femmes et beaucoup d‘enfants sont tués. Ce qui constitue manifestement des violations aux principes intangibles de la réglementation au sein des forces armées. L‘exemple du conflit en Casamance467 constitue l‘un des épisodes marquants de l‘histoire du Sénégal indépendant. Cette situation touche également les pays limitrophes comme la Guinée Bissau et la Gambie. Il en est ainsi dans la majeure partie des Etats de l‘Afrique Ouest. En effet, ce conflit oppose le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC)468 et les forces gouvernementales du Sénégal. Il convient de préciser que ce conflit a fait beaucoup de morts et des blessés, sans oublier des dégâts causaient par les mines anti personnelles. Lors de ces affrontements, plusieurs habitants des villages se sont déplacés du fait de l‘insécurité et de la menace de la part des forces armées et des rebelles. Cette situation a créé un traumatisme au sein des populations. A l‘issue des conférences nationales souveraines469 , souvent le jeu démocratique est souvent ouvert. Les populations sont dans l‘attente de voir s‘exécuter les recommandations et feuilles de route que leurs représentants ont fait adopter. C‘est ainsi que dans les années 1960, les dirigeants africains se trouvent interpeler sur le destin de leur pays. Ils deviennent plus concentrer sur les dangers qu‘ils puissent faire encourir à leur peuple s‘ils manquaient à leur devoir. La plupart des dirigeants ont tiré les leçons du passé en ce qui concerne les lourds tributs payés par les populations du Congo Belge470, du Nigéria, confrontés aux tristes réalités telles que la famine, les maladies, les décès par milliers. Les rebellions armées peuvent être conçues comme une infraction contre l‘autorité publique et sous forme d‘attaques ou de résistances avec des violences et voies de fait envers certains fonctionnaires ou officiers publics. Les rébellions en Afrique en général et en Afrique de l‘Ouest comprennent de mouvements qui naissent avec des revendications sociales. Elles sont parfois incomprises par l‘opinion publique et révèlent de profonds malaises sur ce continent. Le foisonnement de ces groupes armés qui se disent défenseurs de la paix et de l‘égalité sociale, participe au rééquilibrement identitaire dans certains pays. Les chefs rebelles ont drainé avec eux beaucoup de combattants et se sont fait une popularité qui nourrit leur action. Théâtres d‘affrontements armés impliquant plusieurs acteurs471, les pays africains sont aujourd‘hui victimes des faillites et d‘échec du processus démocratique. De nombreux groupes armés sont fragmentés en divers mouvements et changent de stratégies au fur et à mesure que les conflits avancent. Les investigations menées et les rapports parcourus montrent pour la plupart que les rebellions mettent en mouvement différents acteurs. Les combattants sont d‘abord des ex-militaires, ensuite des désœuvrés, des apprentis locaux et les alliés politiques qui sont les élites intermédiaires. 

Les ambigüités relatives à l‘effectivité du principe de subordination des forces de défense et de sécurité au pouvoir civil

Les textes constitutionnels, dans la plupart du temps en Afrique de l‘Ouest, ont établi dans leur disposition une stratégie de détermination des prérogatives entre le pouvoir politique et les forces de défense et de sécurité. Les lois fondamentales, dites de la troisième vague475 , sont élaborées au cours de la transition post-autoritaire des années 1990. Ce phénomène a commencé à prendre de l‘ampleur peu de temps après les indépendances des Etats africains. Il convient de signaler que ce phénomène fut un fait bloquant le processus de développement à la fois politique et économique qui demeurait prometteur. En effet, en dépit de la présence de leaders politiques civils qui avaient préalablement contribué à l‘instauration de l‘autoritarisme, ce qui avait pour but la monopolisation des exécutifs et la patrimonialisation des biens publics476. La majeure partie des Etats de l‘Afrique de l‘Ouest ont subi des mutineries, des coups d‘Etats et autres fléaux qui ont gangrené la vie politique de ces derniers. De cet Etat de fait les textes ont établi clairement la subordination des forces de défense et de sécurité au pouvoir politique civil. Par-delà ces dispositions constitutionnelles, les constituants ont voulu placer les normes, certes sous une forme plus ou moins pragmatique, dans les préambules477 à portée juridique très ambigüe. Mais ces dernières font vraiment obstacle au pouvoir autoritaire et au pouvoir militaire, dans la mesure où, à l‘unanimité, les constituants des différents Etats en Afrique de l‘Ouest ont nettement démontré, dans les nouvelles constitutions, une répartition des différentes missions des forces de défense et de sécurité et celles du pouvoir politique. Pour mieux appréhender cette dynamique, nous nous pencherons dans une première partie sur l‘originalité de l‘aménagement des relations civiles et militaires. Ici, nous évoquerons avec exactitude la subordination des forces de défense et de sécurité (Section I). Puis dans la même orientation, il s‘agira de démontrer, dans une seconde partie, la prééminence constitutionnelle de l‘exécutif sur le pouvoir militaire et paramilitaire (Section II). En définitive, dans un pays démocratique c‘est le pouvoir exécutif qui détient les attributions régaliennes de l‘Etat. A cet effet, il est le seul à pouvoir bénéficier du monopole des forces armées de façon légitime et légale. Assurément, à ce que pense le commun des mortels, la sécurité et la défense dans un pays, ne sont pas de la responsabilité des forces de l‘ordre uniquement. Elles obéissent aussi à la règle de la suprématie des autorités civiles sur les forces de défense et de sécurité. Ce principe de la prééminence civile sur l‘armée est incarné par le rôle des trois pouvoirs qui délimitent la portée et les moyens de la politique de défense. Et, cela exige la collaboration des autorités militaires et de la société civile. Cet exercice se fait non pas en termes de subordonnés et/ou d‘exécutants, mais entre partenaires.  

Table des matières

 INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE
LES FORCES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITE
UNE HYPOTHÈQUE SUR LA DÉMOCRATIE
EN AFRIQUE DE L‘OUEST ?
TITRE I : LES FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE : FACTEUR D‘INSTABILITE DE LA DEMOCRATIE EN AFRIQUE DE L‘OUEST AU LENDEMAIN DES INDEPANDENCES ?
CHAPITRE I : La remise en cause de la démocratie par les coups d‘Etats militaires
CHAPITRE II : L‘instabilité institutionnelle consécutive au recrutement des membres des forces de défense et de sécurité dans les mouvements de rébellion et les mouvements terroristes ou djihadistes
TITRE II : LE RESSORT DU RISQUE DE DENEGATION DE LA DEMOCRATIE EN AFRIQUE DE L‘OUEST PAR LES FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE
CHAPITRE I : La contestation du principe de subordination au pouvoir politique par les forces de défense et de sécurité déterminée dans la constitution
CHAPITRE II : Les ambigüités relatives à l‘effectivité du principe de subordination des forces de défense et de sécurité au pouvoir civil
DEUXIEME PARTIE : LES FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE : INSTRUMENTS DE CONSOLIDATION DE LA DEMOCRATIE EN AFRIQUE DE L‘OUEST
TITRE I : LES ATOUTS DES FORCES DE DEFENCE ET DE SECURITE DANS LA CONSOLIDATION DE LA DEMOCRATIE EN AFRIQUE DE L‘OUEST
CHAPITRE I : L‘armée-nation : soubassement théorique de la consolidation de la démocratie par les forces de défense et de sécurité
CHAPITRE II : Le recours à la sécurité humaine : une nouvelle approche de gestion de la démocratie en Afrique de l‘Ouest
TITRE II : LA REFORME DU SYSTEME DES FORCES DE DEFENSE ET SECURITE COMME MOYEN DE CONSOLIDATION DE LA DEMOCRATIE
CHAPITRE I : La valorisation des mécanismes de contrôle politique des forces de défense et de sécurité consacrée par les Etats de l‘Afrique de l‘Ouest en démocratie
CHAPITRE II : L‘approfondissement de la démocratie dans les Etats de l‘Afrique de l‘Ouest
Section I : La valorisation et le respect des principes démocratiques
BIBLIOGRAPHIE
1. OUVRAGES
2. ARTICLES, REVUES PERIODIQUES
3. MEMOIRES, THESES ET AUTRES
4. PROTOCOLES, ACCORDS, CONVENTIONS, COLLOQUES
5. SOURCES INTERNET

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