Formation et évolution des structures de l’œuf de poule

Formation et évolution des structures de l’œuf de poule, de la ponte à l’éclosion

L’œuf fraichement pondu est composé de quatre structures élémentaires qui sont formées dans l’appareil reproducteur de la poule à sa maturité sexuelle (17 semaines) : le jaune, la membrane vitelline, le blanc et la coquille (Figure 1). Ces structures acellulaires servent de source de nutriments et d’énergie pour l’embryon (Romanoff, 1960) (Figure 2). Elles contiennent également des molécules actives telles que des protéines antibactériennes (Réhault-Godbert et al., 2011). Au cours du développement de l’embryon, des compartiments extra-embryonnaires supplémentaires apparaissent pour maintenir les fonctions vitales de l’embryon comme la digestion ou la respiration. Il s’agit des sacs vitellin, amniotique et allantoïque (Figures 1 et 2). Cette première partie a pour but de définir la composition et la formation de chacune de ces structures au sein de l’œuf, et en quoi elles sont essentielles à l’embryon pour son développement. Elle n’abordera que peu l’embryon de poule en lui-même, mais se focalisera sur son environnement, matière inerte et tissus vivants (Figures 1 et 2), sur lesquels il s’appuie pour se développer en 21 jours.

Les structures primaires de l’œuf

 La formation de l’œuf dure environ 24 heures à partir de l’ovulation (Figure 3). Une fois libéré par l’ovaire, l’ovocyte entouré de la membrane vitelline interne (Figure 4), va pénétrer dans l’oviducte et transiter dans les différents compartiments de l’appareil reproducteur, où seront déposés successivement les autres constituants de l’œuf : la membrane vitelline externe dans l’infundibulum, le blanc dans le magnum, les membranes coquillères interne et externe dans l’isthme, et la coquille dans l’utérus. Le jaune, le blanc et la coquille d’œuf représentent respectivement 29%, 61,5% et 9,5% du poids total de l’œuf non embryonné (Nys et Guyot, 2011).

Le jaune ou vitellus 

Le jaune est la première structure de l’œuf qui se forme (Figure 3). Il apparait au cours du processus de la vitellogenèse dans l’ovaire de la poule, lorsque le vitellus vient s’accumuler dans l’ovocyte. L’œuf de poule est ainsi qualifié de télolécithe, car il possède des réserves importantes de vitellus, qui constituent une source d’énergie pour l’embryon au cours de l’incubation. Les données exposées ici sont principalement extraites du chapitre de l’encyclopédie de la Reproduction sur la vitellogenèse et les protéines du jaune chez les oiseaux (Guyot et al., 2017)

Formation 

La croissance de l’ovocyte (Figure 4) se déroule en 3 phases : 1) une phase dite « précoce » qui peut durer jusqu’à plusieurs années, 2) une phase de croissance lente de quelques mois, où s’accumulent des couches de vitellus dites « blanches », qui contiennent plus de protéines, et des couches dites « jaunes », comprenant plus de lipides, et enfin 3) une phase de croissance rapide, où sont transférées de grandes quantités de vitellus « jaune », 6 à 11 jours avant l’ovulation. A l’exception des immunoglobulines (Igs) maternelles, les composés du jaune sont essentiellement sécrétés par le foie et transportés dans le jaune, via le système sanguin, majoritairement sous forme de VLDL (lipoprotéines de très basse densité). Ces dernières sont composées de triglycérides et d’esters de cholestérol, le tout entouré d’une couche de phospholipides, de cholestérols et d’apoprotéines (principalement l’apolipoprotéine B ou APOB, et l’apovitellenine ou APOV1) (Noble et Cocchi, 1990). La reconnaissance et l’entrée des VLDL et des vitellogénines (VTG), les principaux précurseurs protéiques du jaune, dans le follicule, se font via un mécanisme d’endocytose impliquant des récepteurs spécifiques (Noble et Cocchi, 1990). 

Composition

Le jaune contient 48% d’eau, 34% de lipides (62% de triglycérides, 33% de phospholipides et moins de 5% de cholestérols, soit la quasi-totalité des lipides de l’œuf), 16% de protéines, 1,5% de minéraux et 0,5% de glucides (Figure 3) (Li-Chan et Kim, 2008). Il forme une émulsion de lipoprotéines de basse et haute densités (68% et 16% respectivement), de livetines et d’autres protéines solubles (10%), et également de phosvitines (4%), auxquelles s’ajoutent de nombreux autres constituants (vitamines, minéraux et ions). L’ensemble apporte nutriments et énergie à l’embryon au cours du développement, et au poussin dans les premiers jours qui suivent l’éclosion. Deux-cent seize protéines ont pu être identifiées dans le jaune (Mann et Mann, 2008; Farinazzo et al., 2009), avec un certain nombre de protéines abondantes comprenant : VTG1, 2, 3, APOB, APOV1, l’albumine sérique (ALB), l’ovalbumine (OVAL), l’immunoglobuline Y (IgY), l’avidine (AVD), l’ovotransferrine (TF), la transthyrétine (TTR), la cystatine (CST3), l’alpha-2-macroglobuline (A2M), l’apolipoprotéine A1 (APOA1) et une protéine prédite comme étant une bêta-microséminoprotéine (BMSP). Certaines de ces protéines sont impliquées dans le métabolisme lipidique (VTG1, 2 et 3, APOV1, APOB, ALB, APOA1), le système immunitaire (IgY, AVD, TF, CST3, BMSP), ou encore la nutrition de l’embryon (OVAL, VTG1, 2 et 3).

La membrane vitelline

La membrane vitelline est la seconde structure de l’œuf à apparaître. Elle forme une matrice protéique extracellulaire tout autour de l’ovocyte contenant le jaune, et le sépare ainsi physiquement du blanc d’œuf (Figure 4). 

Formation

D’une épaisseur de 10 µm, la membrane vitelline se décompose en deux couches formant des réseaux de fibres protéiques : une couche interne qui fait face à l’ovocyte et une couche externe du côté du blanc d’œuf (Li-Chan et Kim, 2008). La membrane interne est l’équivalent chez les mammifères de la zone pellucide (Waclawek et al., 1998; Takeuchi et al., 1999). Ses constituants sont sécrétés dans l’ovaire par les cellules de la granulosa qui entourent l’ovocyte (Figure 4), et par le foie, tout comme les composés du jaune (voir section A1.1). A l’inverse, la membrane interne se forme après l’ovulation, dans l’infundibulum, le premier segment de l’oviducte qui est également le siège de la fécondation (Figure 3).

Composition

La membrane vitelline est constituée de 81,6% de protéines, 10% d’eau, 6,5% de glucides, 1,3% de lipides et 0,6% de minéraux (Figure 3) (Chung et al., 2010). De par leurs fonctions respectives, les membranes externe et interne diffèrent dans leur composition. La membrane interne qui est le site de la fertilisation de l’ovocyte, contient principalement des protéines ZP pour zone pellucide (97% du contenu total en protéine de la membrane), qui participent au processus de fertilisation en permettant l’adhésion des spermatozoïdes à l’ovocyte (Waclawek et al., 1998; Takeuchi et al., 1999; Okumura et al., 2004). La membrane externe, quant à elle, est composée d’environ 43% d’ovomucine, 37% de lysozyme (LYZ) et 20% de protéine de la membrane vitelline externe n°1 (VMO1) (Kido et Doi, 1988). La membrane vitelline assure une protection physique et chimique (molécules antimicrobiennes : LYZ, VMO1) afin de protéger l’ovocyte fertilisé et empêcher les pathogènes d’atteindre le jaune. Plus récemment, une étude du protéome de la membrane totale a mené à l’identification de 137 protéines, dont 4 protéines majoritaires : OVAL (~ 75%), LYZ (~ 21%), VMO1 (~ 1%), et la bêta-défensine aviaire 11 (AvBD11), initialement appelée la protéine de la membrane vitelline externe n°2 (VMO2) (~ 1%) (Mann, 2008), et un ensemble de protéines mineures dont les fonctions prédites sur la base d’homologie avec les autres espèces animales restent encore à confirmer dans le modèle oiseau. 

Le blanc ou albumen 

Le blanc déposé autour de la membrane vitelline constitue la réserve d’eau de l’œuf (Figure 3). Il concentre en outre une grande partie des protéines de l’œuf, et surtout des 31 protéines et peptides antibactériens, des antiprotéases et des chélateurs de vitamines et d’ions métalliques. – Formation – La formation du blanc se déroule dans le magnum (Figure 3). Les protéines sont produites par les cellules des glandes tubulaires qui tapissent 80% de l’intérieur du magnum (Edwards et al., 1976). Pour une poule mature, cette production est régulée par les hormones stéroïdiennes qui agissent directement sur les gènes codants pour les protéines concernées (Palmiter, 1972). Ainsi, l’œstrogène induit la production d’OVAL, de TF, de l’ovomucoïde (SPINK7) et de LYZ, alors que la progestérone induit la production d’AVD. En seulement 2 à 4 heures, les protéines synthétisées au préalable par les cellules sont sécrétées dans la lumière du magnum, et déposées autour de la membrane vitelline. A ce stade, le blanc est peu hydraté (15 g sur 30 g final) ; il se présente sous la forme d’une masse de protéines gélifiée (Sauveur, 1988). Le phénomène de « plumping » qui finalise l’hydratation du blanc, se déroule dans les 6 à 7 premières heures passées dans l’utérus, une fois les membranes coquillères déposées au préalable dans l’isthme (Figure 3). – Composition – Le blanc est composé de 88,1% d’eau, 10,5% de protéines, 0,8 % de glucides, 0,5% de minéraux et 0,1% de lipides (Figure 3), pour un volume total d’environ 35 à 40 mL (Li-Chan et Kim, 2008). Il sert de source principale d’eau et de protéines pour l’embryon, lors du développement (Romanoff, 1960; Romanoff et Romanoff, 1967). Plus de 300 protéines ont été identifiées dans le blanc, dont huit comptent pour environ 90% du contenu en protéines : OVAL (54%), TF (12%), SPINK7 (11%), l’ovoglobuline G2 (BPIFB2/G2/TENP) (4%), l’ovomucine (3,5%), LYZ (3,4%), l’ovoinhibiteur (SPINK5) (1,5%) et l’ovoglyprotéine (ORM1) (1%) (Mann, 2007; Li-Chan et Kim, 2008; D’Ambrosio et al., 2008; Mann et Mann, 2011; Omana et al., 2011; Qiu et al., 2013; Liu et al., 2013). Si la fonction précise d’OVAL reste encore méconnue, l’hypothèse la plus probable serait qu’elle sert de source d’acides aminés pour l’embryon (Da Silva et al., 2015, Annexe 3). TF, LYZ, l’ovomucine, SPINK5 et SPINK7 participent à l’activité antibactérienne du blanc d’œuf (Ardelt et Laskowski, 1985; Baron et al., 1999, 2014; Chen et al., 2005b; Nakimbugwe et al., 2006; Bourin et al., 2011). En outre, SPINK5 et 7 sont des inhibiteurs de protéases majeurs du blanc d’œuf (Saxena et Tayyab, 1997), dont le rôle serait de protéger les protéines du blanc de la protéolyse, jusqu’à leur assimilation par l’embryon (Sugimoto et al., 1999; Shinohara et al., 2005). Par 32 conséquent, en plus de son rôle dans la nutrition de l’embryon, le blanc assurerait également d’autres fonctions via des protéines aux activités biologiques diverses (molécules antibactériennes, inhibiteurs de protéases, etc.).

La coquille 

L’étape finale dans la formation de l’œuf est le dépôt de la coquille, un processus qui dure environ 17 heures (Figure 3). Elle vient entourer toutes les autres structures de l’œuf, et forme la première barrière physique protégeant l’œuf contre les agressions physiques et microbiennes. La coquille comporte différentes couches dont la cuticule et la couche palissadique ancrées directement sur les membranes coquillières grâce aux noyaux mamillaires (Figure 5). Les pores qui la traversent de part en part régulent les échanges d’eau et de gaz avec l’extérieur, et sa composition riche en calcium permet un apport pour la formation du squelette de l’embryon lors de son développement (Romanoff, 1960; Freeman et Vince, 1974).

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