PHÉNOLOGIE ET DÉFENSE CHEZ LES VÉGÉTAUX : ÉTAT DE L’ART

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Les stratégies écologiques des plantes : relations entre le phénotype et l’environnement

Hutchinson (1957) définit la niche écologique d’un individu comme la gamme des facteurs abiotiques et biotiques dans laquelle il peut croître, survivre et se reproduire. Il s’agit d’une description multidimensionnelle de l’ensemble des ressources utilisables par l’individu et des contraintes abiotiques et biotiques qu’il peut tolérer. Ce concept illustre le fait que la performance des organismes dépend des conditions environnementales dans lesquelles ils se développent et que certains phénotypes, bien que favorisés dans certains environnements, peuvent être défavorisés dans d’autres conditions. Il existe donc un certain degré de coordination entre phénotype et environnement, et on s’attend notamment à ce qu’au sein d’environnements similaires il existe une évolution convergente des patrons adaptatifs qui transcendent les barrières taxonomiques (Silvertown & Gordon 1989). Un exemple marquant est celui des plantes de climat méditerranéen. En effet, il existe plusieurs régions dans le monde, outre le pourtour méditerranéen, où les conditions climatiques sont caractérisées par des étés chauds et secs et des hivers doux et humides (Californie, centre du Chili, région du Cap en Afrique du Sud, Sud et Ouest de l’Australie). Malgré des compositions en espèces différentes et les longues histoires évolutives qui séparent les plantes de continents différents, on observe une convergence au niveau de la structure de la végétation et des valeurs de traits des espèces dans ces milieux (Mooney et al. 1970; Mooney & Dunn 1970; Rundel et al. 2016). Le maquis méditerranéen, le matorral chilien, le chaparral californien ou encore le fynbos d’Afrique du Sud sont toutes des formations végétales basses, majoritairement composées d’espèces buissonnantes, épineuses, odorantes et aux feuilles sclérophylles (Rundel et al. 2016).

Relations entre l’environnement et les valeurs de traits

Le modèle de Grime (1977) reste aujourd’hui la tentative la plus aboutie de connexion entre le phénotype et l’environnement. Il repose sur une caractérisation de l’environnement à partir de deux composantes indépendantes : (1) le niveau de stress qu’il impose et (2) le régime de perturbation. Trois stratégies écologiques primaires concernant la phase végétative des plantes sont identifiées en réponse à des variations de ces caractéristiques environnementales : (1) les plantes compétitives (C) sont adaptées à des milieux riches en ressources ou peu stressants et faiblement perturbés, (2) les plantes tolérantes au stress (S) à des milieux pauvres en ressources ou stressants et faiblement perturbés et (3) les plantes rudérales (R) à des milieux riches en ressources ou peu stressants et fortement perturbés. Les espèces végétales peuvent alors être positionnées dans un triangle dont les sommets représentent ces trois stratégies primaires selon leurs scores de compétitivité, de rudéralité et de résistance au stress, estimés à partir d’un ensemble de traits (Tableau 1, Hodgson et al. 1999; Pierce et al. 2013). Le succès de ce modèle réside dans sa capacité à formaliser les connexions entre plusieurs dimensions de l’environnement et celles du phénotype. Cependant, il a été critiqué pour deux raisons majeures : d’une part, il n’existe pas de consensus sur la meilleure façon d’estimer le niveau de stress et de perturbation d’un milieu, mais surtout d’autre part, il ne prend pas en compte le fait que plusieurs combinaisons de traits peuvent être performantes dans le même environnement (Marks & Lechowicz 2005). Le modèle de Grime (1977) est donc pertinent pour une description des différences phénotypiques entre espèces provenant d’habitats différents mais il ne permet pas une description détaillée de la diversité phénotypique

observée au sein d’un environnement.

D’autre part, une littérature scientifique abondante s’intéresse aux relations entre les traits des plantes et l’environnement en testant généralement la réponse d’un trait spécifique à un gradient d’une composante environnementale (traits foliaires vs aridité ou fertilité, hauteur vs régime de perturbation, etc…). Des synthèses scientifiques ont été réalisées à partir de ces études montrant la variabilité des réponses selon le trait et le gradient considéré (Poorter et al. 2010; Garnier, Navas & Grigulis 2016). Dans le contexte de la description du phénotype des plantes, on considère généralement que l’environnement abiotique ou biotique jour un rôle de filtre sur les valeurs de traits. On s’intéresse notamment à mettre en évidence une sélection vers des valeurs de traits optimales mais aussi à estimer la force du filtre environnemental en observant la réduction de la gamme de traits dans un environnement par rapport à un pool régional d’espèces. Selon l’intensité du filtre environnemental, plusieurs stratégies écologiques, associées à différentes combinaisons de traits, peuvent coexister (Marks & Lechowicz 2005).

Effet de l’environnement sur les corrélations entre traits

L’impact de l’environnement sur les corrélations entre traits reste mal connu. On s’attend à ce que les mêmes contraintes physiologiques opèrent dans tous les environnements. Ainsi, les corrélations entre les traits du LES sont observées dans tous les environnements terrestres (Wright et al. 2004). Cependant, les paramètres des relations peuvent changer et l’étude détaillée de l’effet de deux composantes environnementales sur la relation entre la masse surfacique foliaire et la durée de vie des feuilles montre des résultats contrastés : (1) une diminution de la disponibilité en ressources minérales modifie le filtre environnemental et déplace les valeurs de traits le long de la droite de régression sans changer ses paramètres (même pente et ordonnée à l’origine) alors qu’une (2) diminution de la disponibilité en eau provoque un raccourcissement de la durée de vie des feuilles pour une surface spécifique donnée (diminution de l’ordonnée à l’origine) (Fig. 3; Wright, Westoby & Reich 2002; Wright et al. 2005). Ainsi, les patrons de corrélations restent qualitativement similaires, mais dans certains cas les coefficients des relations peuvent être affectés par les conditions climatiques locales. Dans une autre optique, Dwyer and Laughlin (2017) proposent que la force des relations entre traits devrait augmenter dans des milieux stressants. Leur hypothèse se base sur le fait que certains phénotypes suboptimaux, présentant un écart à la droite de régression, ne peuvent pas survivre dans des milieux stressants en raison de contraintes climatiques plus sévères. Cette hypothèse a été très peu testée et plus d’études seraient nécessaires pour la valider environnementales sur la relation entre la masse surfacique foliaire (leaf mas per area) et la durée de vie des feuilles (leaf life span). La diminution de la disponibilité en nutriments provoque un déplacement des valeurs sans changer les paramètres de la droite de régression alors qu’une diminution de la disponibilité en eau diminue l’ordonnée à l’origine de la relation. Extrait de Wright, Westoby and Reich (2002)

Conclusions et perspectives

Il n’existe pas de consensus sur l’identité et le nombre de traits que l’on doit utiliser pour décrire de manière complète le phénotype des plantes. Trois axes de variation fonctionnelle ont été très utilisés pour expliquer l’adéquation entre le phénotype des plantes et leur environnement, mais plusieurs autres dimensions restent peu explorées. L’objectif général du travail de thèse est d’explorer comment la phénologie et la défense peuvent être intégrées dans une meilleure description du phénotype dans les études d’écologie comparative. Bien que de nombreuses études aient été consacrées à ces deux aspects du fonctionnement des plantes, leurs relations avec les axes de variation communément utilisés en écologie comparative ont été encore peu étudiées. Avant de présenter plus en détail les objectifs de ce travail, une synthèse bibliographique portant sur la phénologie (section 2.1) et la défense (section 2.2) chez les végétaux est proposée dans la suite de ce chapitre.

PHÉNOLOGIE ET DÉFENSE CHEZ LES VÉGÉTAUX : ÉTAT DE L’ART 2.1 Phénologie

Définition, signification écologique et méthodes de mesure

La phénologie est l’étude de la temporalité des événements biologiques et périodiques du cycle de la vie des organismes au cours des saisons (Rathcke & Lacey 1985; Schwartz 2003). Elle décrit la dynamique temporelle de stades de développement comme les phases de dormance, de croissance, de reproduction et de sénescence chez les plantes. La phénologie permet de prendre en compte une dimension temporelle dans le concept de niche écologique, en décrivant la capacité des espèces à acquérir les ressources dont la disponibilité fluctue au cours de l’année (Fargione & Tilman 2005; Godoy et al. 2009). Elle joue également un rôle critique dans les interactions biotiques en permettant, par exemple, la synchronisation entre la floraison et la présence d’insectes pollinisateurs. La phénologie est donc une dimension fondamentale du fonctionnement des plantes puisqu’elle détermine le stade de développement au moment de leurs interactions avec les composantes de l’environnement (Forrest & Miller-Rushing 2010). En raison de son rôle majeur dans la survie et la reproduction, la phénologie est sous forte sélection, comme démontré par de rapides changements adaptatifs en réponse aux changements climatiques (Parmesan & Yohe 2003; Franks, Sim & Weis 2007) ou à un décalage phénologique des pollinisateurs (Visser & Holleman 2001).
La phénologie peut être décrite par des échelles standardisées. La plus courante est l’échelle BBCH (Biologische Bundesanstalt, Bundessortenamt und CHemische Industrie), formalisée dans les années 1990 (Meier 1997) à partir de travaux menées pour les espèces cultivées datant des années 1970 (Zadoks, Chang & Konzak 1974). Cette échelle comporte neuf stades de développement principaux, organisés selon leur ordre d’apparition dans une séquence phénologique standard, et décrit l’activité végétative et reproductive des plantes (Tableau 2 et Fig. 4).
Les suivis phénologiques décrivant l’ensemble du cycle pour une large gamme d’espèces sont relativement rares. Ils impliquent un nombre important de mesures sur les mêmes individus (ou populations) et à une fréquence suffisamment fine pour ne pas manquer de stade et détecter les différences entre espèces. De plus certains stades, comme le développement des fruits (BBCH stade 7, Tableau 2), sont difficilement détectables par l’observation car la plupart des espèces gardent leurs parties florales au début de la formation du fruit et la maturation des graines peut prendre jusqu’à plusieurs années (ex. Juniperus sp.). Des graines produites à des années différentes peuvent alors coexister sur les plants adultes ce qui complique fortement le suivi de la maturation. En forêt, les suivis phénologiques sont complexifiés par un accès souvent impossible à la canopée. Ainsi, seuls quelques stades clés (majoritairement le débourrement, la floraison et la chute des feuilles) ont été reportés pour une large gamme d’espèces (NECTAR database 2012). Contrairement aux traits couramment utilisés dans les études comparatives (voir Pérez-Harguindeguy et al. 2013), il n’existe pas de protocole standard pour la mesure des traits phénologiques. Nous soulevons ici trois points méthodologiques critiques non résolus : (1) la phénologie peut être suivie à différents niveaux d’organisation : il est possible de caractériser les stades de développement au niveau de la population (groupe d’individus d’une même espèce), de l’individu ou de chaque organe (en suivant le devenir de chaque fleur par exemple) ; (2) les stades de développement ne sont généralement pas des évènements ponctuels mais peuvent être décrits par des dynamiques temporelles. Par exemple, la floraison d’un individu peut être décrite par la date d’apparition de la première fleur, le pic de floraison, la durée de la floraison ou encore l’asymétrie de la production de fleurs, et (3) l’unité d’expression des données phénologiques est souvent problématique. Traditionnellement, les données de phénologie sont exprimées en dates calendaires ou en jours de l’année à partir du premier janvier. Cependant, ces unités ne prennent pas en compte le décalage des saisons entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud. On peut donc envisager une unité qui décrit la phénologie en relation avec les saisons et non à partir de la date arbitraire du premier janvier.
Par exemple, la date du solstice d’hiver (21 décembre dans l’hémisphère nord et 21 juin dans l’hémisphère sud) est un repère qui a une signification écologique similaire dans tous les climats tempérés. De plus, des résultats initialement issus des sciences agronomiques, ont permis de développer des unités phénologiques comme les degrés jours de croissance, ou encore les unités photothermiques, basés sur la relation positive entre la température et les rythmes de développement des plantes (Bonhomme 2000). Les degrés jours de croissances sont une somme des températures journalières comprises entre une température de base (température à partir de laquelle la plante commence à croître) et une température maximale (température à partir de laquelle la croissance cesse) pendant les phases de développement (Bonhomme 2000). Les unités photothermiques sont une variante des degrés jours de croissance et pondèrent les températures journalières par la durée du jour. Ces indices sont utilisés pour prédire la date de récolte des espèces céréalières à partir des caractéristiques des génotypes et de mesures climatiques locales. L’expression des dates phénologiques en degrés jours de croissance, plutôt qu’en jours, permet une meilleure répétabilité des mesures puisqu’elle permet de prendre en compte en partie les variations interannuelles du climat. Selon la question de recherche, l’unité d’expression la plus pertinente peut donc varier : une expression en jours semble être la plus pertinente pour étudier l’effet du changement climatique sur la phénologie des espèces alors qu’une expression en degrés jours de croissance permet de comparer les cycles phénologiques d’une large gamme d’espèces provenant de sites différents.
Globalement, chaque étude possède son propre protocole de mesure en raison de contraintes spécifiques au système d’étude et sa question de recherche, contribuant à la difficulté de réaliser des synthèses de données phénologiques à large échelle.

Les facteurs de contrôle de la phénologie

La phénologie est à l’interface entre plusieurs disciplines puisque son étude nécessite la prise en compte de facteurs climatiques et de processus physiologiques et développementaux. La plupart des études menées sur la phénologie des plantes concerne l’effet du climat et de ses variations spatiales et temporelles sur le déroulement des stades de développement. Ainsi, il a été mis en évidence que la photopériode, la température ou encore la disponibilité en eau affectaient les dates auxquelles les végétaux débourrent, fleurissent ou perdent leur feuilles (Rathcke & Lacey 1985; Fenner 1998). La prédictibilité de la phénologie des plantes augmente alors avec la saisonnalité du climat : dans les milieux tempérés, l’activité des plantes est limitée aux périodes hors gel et hors déficit hydrique (Pau et al. 2011). Dans les milieux tropicaux, bien que les arbres fleurissent tout au long de l’année en climat non saisonnier, et sans qu’il soit possible de prédire la durée et l’intensité de la floraison, les espèces ont généralement une floraison synchronisée avec la saison sèche dans les climats où la disponibilité en eau fluctue au cours de l’année (van Schaik, Terborgh & Wright 1993; Sakai 2001). Le climat agit donc comme un filtre sur les traits phénologiques et définit la saison de croissance potentielle d’un site.
Les bases physiologiques à l’origine de la synchronisation du développement des plantes aux périodes favorables sont relativement bien connues. De nombreuses espèces utilisent la photopériode et la température comme déclencheurs du démarrage de l’activité végétative ou de la chute des feuilles. Pour certaines espèces, l’exposition à de faibles températures pendant l’hiver peut contrôler le démarrage de l’activité végétative. Par exemple, plusieurs jours de froid sont nécessaires à la levée de la dormance des bourgeons chez Betula pendula (Myking & Heide 1995) ou à la stratification des graines chez Arabidopsis thaliana (Holdsworth, Bentsink & Soppe 2008). Ainsi, des modèles ont été développés sur la base de processus physiologiques pour prédire les cycles phénologiques des espèces selon différents scénarios climatiques (Chuine 2010). La performance des espèces peut alors être prédite dans différents environnements afin d’estimer leur niche écologique et de modéliser leurs aires de répartition actuelles et futures en réponse aux changements climatiques. Cependant, ces modèles nécessitent des calibrations importantes et n’ont été paramétrés que pour un nombre limité d’espèces, majoritairement arbustives.
Au sein de la saison de croissance, d’autres niveaux de contrainte opèrent pouvant mener à des différences de phénologie entre espèces :
(1) La forme de croissance est un premier facteur de différenciation. En climat tempéré, la plupart des arbres décidus fleurissent en premier, avant le débourrement des feuilles, grâce à l’initiation des bourgeons floraux l’année précédente et un stockage important de ressources. Cette stratégie permet de maximiser la visibilité des fleurs pour les pollinisateurs et de minimiser les obstacles au flux de pollen (Grainger 1939). Chez les plantes herbacées, on observe généralement des différences claires entre la phénologie des plantes à bulbe et à rhizome (géophytes) et celle des plantes qui ne possèdent pas d’organe de stockage spécifique (thérophytes et hémicryptophytes). Les géophytes ont une phénologie reproductive bimodale, avec des espèces à floraison précoce en début de printemps et des espèces à floraison tardive en automne, alors que les thérophytes et hémicryptophytes ont généralement une floraison unimodale, au moment du pic de disponibilité des ressources (Grainger 1939).
(2) au-delà des formes de croissance, il ne semble pas y avoir d’effet systématique du cycle de vie sur la phénologie : les herbacées annuelles (thérophytes) et pérennes (hémicryptophytes) fleurissent pendant les mêmes périodes en climats tempérés (Grainger 1939; Heydel & Tackenberg 2017) et dans les savanes tropicales (Sarmiento & Monasterio 1983). En climat méditerranéen les espèces annuelles fleurissent avant les pérennes (Jackson & Roy 1986; Petanidou et al. 1995) et l’inverse est trouvé dans les prairies du Konza, au centre des États-Unis (Craine et al. 2012).
(3) enfin, l’histoire évolutive joue également un rôle majeur dans l’explication des différences phénologiques entre espèces. Plusieurs études ont montré que les espèces appartenant à la même famille botanique ont des cycles phénologiques similaires (Kochmer & Handel 1986; Johnson 1992) et une analyse plus récente montre un fort signal phylogénétique sur la date de débourrement et la date de floraison pour près de 200 et 4 000 espèces respectivement (Davies et al. 2013). Les espèces proches dans la phylogénie expriment donc des cycles phénologiques proches traduisant une forte héritabilité des contraintes développementales et physiologiques. On connait chez A. thaliana les gènes mis en jeux dans le déclenchement de la floraison ainsi que les processus physiologiques qui contrôlent leur expression. Par exemple, l’allongement des jours ou encore l’augmentation de la température ambiante engendrent une cascade d’activation de gènes qui provoque la transition de la phase végétative vers la phase reproductive (Wilczek et al. 2010). Il semblerait que ces voies génétiques soient généralisables à l’ensemble des plantes et que l’on puisse identifier des gènes orthologues à ceux connus chez A. thaliana même en profondeur dans la phylogénie. C’est notamment le cas des gènes impliqués dans la sensibilité à la photopériode que l’on peut retrouver chez les gymnospermes et les bryophytes (Wilczek et al. 2010).

La phénologie dans le contexte du cycle de vie

Étonnamment, la phénologie est rarement étudiée dans le contexte du cycle de vie des espèces (Forrest & Miller-Rushing 2010; Ehrlén 2015). On s’intéresse généralement à la synchronisation entre chaque stade de développement et des composantes climatiques ou biotiques sans considérer le cycle de vie dans sa globalité. Or, les phases de développement (croissance des organes végétatifs, floraison, maturation puis dispersion des graines) se suivent généralement selon une séquence temporelle (Grainger 1939) et un certain degré de coordination entre ces phases peut être attendu. Par exemple, la production de graines dépend complètement du succès de la floraison. La temporalité de la maturation des graines, puis de leur dispersion peut donc être indirectement influencée par des contraintes spécifiques à la floraison (Ehrlén 2015). La question formulée par Rathcke and Lacey (1985) reste peu élucidée : « Les évènements phénologiques se suivent-ils selon des intervalles de temps réguliers, ou sont-ils contrôlés indépendamment par différents signaux environnementaux ? ». Autrement dit, le programme développemental des espèces est-il suffisamment souple pour permettre un découplage de la temporalité des stades de développement et exprimer le phénotype optimal en réponse aux conditions environnementales ? La floraison et la dispersion des graines sont généralement soumises à des pressions de sélection différentes (synchronisation avec la présence des pollinisateurs et des agents de dispersion, différences de sensibilité aux pathogènes ou aux risques climatiques, etc…) mais leur éventuelle coordination peut empêcher l’expression du phénotype le plus adapté (Ehrlén 2015). Dans le cas d’une forte coordination entre ces phases, la sélection n’agit pas sur chaque stade indépendamment mais sur l’ensemble des phases de la reproduction. La prise en compte du niveau de coordination entre les phases permettrait donc d’expliquer des décalages potentiels entre les dates optimales pour chaque stade et les observations, typiquement dans le cas de l’étude des adaptations aux changements climatiques. Slade, Horton and Mooney (1975) ont montré que les stades de développement de sept espèces annuelles de Californie sont mieux prédits par la date du stade précédent que par un évènement climatique particulier suggérant une forte contrainte développementale chez ces espèces. Par ailleurs, Sun et Frelich (2011) ont montré que la date de floraison de 25 espèces herbacées dicotylédones peut être prédite par leur vitesse de croissance végétative. Enfin, une forte corrélation entre la date de floraison et la date de dispersion des graines est observée chez les plantes herbacées des régions tempérées (revue dans Garnier, Navas & Grigulis 2016). Ces résultats suggèrent une forte contrainte développementale sur la phénologie des espèces herbacées et Diggle (1999) propose de prédire les cycles phénologiques, et en particulier la date de floraison des espèces, uniquement sur la base du programme développemental des plantes à partir de trois composantes : (1) la date de démarrage de végétation, (2) le rythme de développement végétatif et (3) le stade de développement au passage à la reproduction. Ce modèle ne prend en compte ni les signaux environnementaux, ni les interactions biotiques.

Table des matières

Introduction générale
1 CONTEXTE
1.1 Description fonctionnelle du phénotype des plantes
1.2 Les stratégies écologiques des plantes : relations entre le phénotype et l’environnement
1.2.1 Relations entre l’environnement et les valeurs de traits
1.2.2 Effet de l’environnement sur les corrélations entre traits
1.3 Conclusions et perspectives
2 PHÉNOLOGIE ET DÉFENSE CHEZ LES VÉGÉTAUX : ÉTAT DE L’ART
2.1 Phénologie
2.1.1 Définition, signification écologique et méthodes de mesure
2.1.2 Les facteurs de contrôle de la phénologie
2.1.3 La phénologie dans le contexte du cycle de vie
2.1.4 Relations entre la phénologie et les autres dimensions du fonctionnement des plantes
2.2 La défense chez les végétaux
2.2.1 Les stratégies de défense chez les plantes
2.2.2 Caractériser la défense par les traits
2.2.3 Relations entre la défense et les autres dimensions du fonctionnement des plantes
3 OBJECTIFS ET STRUCTURE DE LA THÈSE
4 RÉFÉRENCES
Chapitre 1 Matériel et méthodes
1 CONTEXTE MÉDITERRANÉEN DU SUD DE LA FRANCE
1.1 Climat et sols
1.2 Activités humaines
2 SITES D’ÉTUDE, SÉLECTION D’ESPÈCES ET DESIGN EXPÉRIMENTAUX
2.1 Successions secondaires de Cazarils et des hautes garrigues
2.1 Parcours ovin de la Fage
2.3 Expérimentations en jardin commun
3 RÉFÉRENCES

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *