FORMATION ET PRATIQUES PROFESSIONNELLES DES ENSEIGNANTS 

FORMATION ET PRATIQUES PROFESSIONNELLES
DES ENSEIGNANTS 

Interroger les pratiques d’enseignement

L’élargissement de l’accès à l’enseignement primaire et secondaire se révèle peu rassurant et est source d’inquiétudes (Lola, 2009). En effet, si le recrutement massif des maîtres a un impact positif certain sur les systèmes éducatifs en terme de TBS . En matière d’éducation, l’estimation de la qualité des enseignements est généralement mesurée par le niveau des acquis des apprenants (Psacharopoulos & Woodhall, 1988 ; Diambomba, 1997 ; UNESCO, 2004, 2005). De même, les systèmes nationaux et internationaux (PASEC, SNERS, MLA) recourent souvent aux évaluations des acquis des élèves pour apprécier la qualité et l’efficacité des systèmes éducatifs (Verspoor, 2006). En conséquence, lorsque les résultats de l’éducation doivent être évalués par rapport aux objectifs, le moyen aisé pour les exprimer est de recourir aux acquis académiques sous la forme de notations, de tests ou de résultats à des examens. Concernant les résultats au plan national, UNESCO-BREDA (2012) relève que même si la couverture scolaire a été améliorée, le Sénégal affiche des résultats en matière de qualité de l’éducation dans le primaire inférieurs à la moyenne du continent (59,2% pour 66,9%). De plus, l’analyse de l’évaluation des rendements scolaires des élèves du CP et du CE1 (SNERS, 2004), laisse apparaître que les objectifs évalués sont loin d’être maîtrisés. Les résultats de cette évaluation indiquent que 60% des élèves (de CP) seulement, atteignent le seuil minimum de maîtrise (MML)1 , toutes disciplines confondues ; et moins de 30% atteignent le seuil de maîtrise désiré (DML)2 . Dans toutes les disciplines et quel que soit le niveau considéré, les résultats sont très faibles et reflètent une qualité des apprentissages très insuffisante. Ainsi, les élèves, en fin d’étape sont loin d’atteindre les capacités requises pour entamer des acquisitions nouvelles (INEADE, 2004). Le recours aux travaux de Jàngandoo (2014) révèle des résultats qui s’inscrivent dans la même veine et confirment les tendances de l’évaluation à grande échelle menée en 2013 et 1 Le MML (seuil de maîtrise minimum) est atteint quand l’élève maîtrise 50% des items (UNESCO-UNICEF, 2000).  Le DML (seuil de maîtrise désiré) est atteint lorsque l’élève maîtrise 75% des items (UNESCO-UNICEF, 2000). Problématique KALAMO Augustin / ISE-CUSE / FASTEF / ETHOS / UCAD 16 montrent quel la qualité des apprentissages au Sénégal reste à améliorer. En 2014, moins de 20% des enfants âgés de 6 à 14 ans ont réussi le test global de niveau médian, correspondant à la fin de la troisième année d’apprentissage. De plus, c’est environ un enfant sur cinq seulement, de niveau CE1, qui réussit aux tests de lecture et de mathématiques. Le constat majeur donne à relever que les performances sont moindres dès que l’enfant est en face de questions complexes. En effet, les taux de réussite les plus faibles sont obtenus en lecture compréhension (29,4%) et en résolution de problème (24,2%) avec toutefois des disparités entre les régions. Pour tenter de juguler la faiblesse des performances des apprenants au Sénégal (UNESCO-UNICEF, 2000 ; CONFEMEN & ME/PEMSLN, 2007 ; CONFEMEN & ME/PEMSLN, 2010 ; LARTES–IFAN, 2013), de nombreuses initiatives 3 (dont le PDRHFormation, le PEES, le PDEF et le PAQUET) ont été mises en œuvre en vue de permettre aux enfants sénégalais d’accéder à une éducation de base efficace et de qualité. Malgré cela, la réalité du système éducatif sénégalais semble offrir un visage qui tranche avec l’esprit de ces nombreuses initiatives. C’est, en effet, à un constat préoccupant qu’a abouti le diagnostic fait par les experts du Ministère de l’Éducation (ME, 2003) et de CONFEMEN et ME/PEMSLN (2007). Ce diagnostic met surtout en lumière : – Des résultats insuffisants obtenus par les apprenants en deuxième et cinquième années en français et en mathématiques (seulement 20% d’élèves dans la sixième année réalisent le niveau désiré en français et seulement 10% en mathématiques ; – la prédominance d’un enseignement centré sur la mémorisation en lieu et place du développement des processus susceptibles de développer chez les apprenants l’autonomie et la créativité ; – le temps d’enseignement apprentissage strictement insuffisant et mal géré ; – l’absence de formation continue des enseignants ; – la faible adhésion des enseignants aux innovations4 pédagogiques ;  Il s’agit du Programme de Développement des Ressources Humaines (PDRH-Formation), du Partenariat pour l’Efficacité de l’École Sénégalaise (PEES), du Programme de Développement de l’Éducation et de la Formation (PDEF) et du Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Equité et de la Transparence (PAQUET). 4Souvent les innovations pédagogiques sont bonnes mais exigent trop d’efforts et de complications pour que cela vaille réellement la peine. Problématique KALAMO Augustin / ISE-CUSE / FASTEF / ETHOS / UCAD 17 – la démotivation des enseignants traduite par une tendance chronique à la routine ; Au-delà des observations faites sur l’insuffisance des acquis scolaires et de leurs différences, notre recherche se veut surtout de questionner le processus d’enseignement apprentissage à l’école primaire. A ce titre, la gestion et l’efficacité pédagogique des maîtres traduite en pratiques de classe et en qualité des enseignements est au centre de notre préoccupation. Plusieurs travaux ont relevé des variations dans la pratique du même enseignant et d’autres établissent même que la variabilité intra-maître à conditions de travail différentes est plus élevée que la variabilité inter-maître à conditions égales (Crahay, 1989). Les problèmes sont pédagogiques et sont multiples (Bernard, Tiyab, &Vianou, 2004 ; Verspoor, 2005, 2006). Il s’agit entre autre de : – l’inadaptation du curriculum de formation, faiblesse des niveaux de recrutement des élèves-maitres (BEPC et BAC) ; – la diversité des modes de recrutement (Volontaires de l’éducation, Maîtres contractuels, Titulaires) et de formation initiale5 des enseignants (PASEC, 2002 ; Houngbedji, 2007) ; – un taux d’encadrement enseignant/élève encore élevé (38,6 en 2011) ; – un examen des questions techniques liées à la qualité, montrant des capacités des enseignants largement vues comme insatisfaisantes et inefficaces pour améliorer les pratiques de classe des enseignants (USAID/Sénégal, 2009) ; – l’absence d’un lien entre la formation initiale et la formation continue, une préparation académique et pédagogique inadéquate, des programmes de formation obsolètes et inadaptés (Ministère malien de l’Éducation de Base, de l’Alphabétisation et des Langues Nationales & al., 2009). La formation continue des enseignants (quand elle existe) n’est pas toujours mise en place dans une perspective de renforcement de la qualité des apprentissages. Les raisons du déficit de l’impact des formations des enseignants sur la qualité des enseignements (Cros & Bolon, 2008) sont mal connues. Des discours sont tenus sur le bon  « maître » (il sait se faire respecter, il sait faire apprendre, il sait motiver ses élèves, il est bon pédagogue, il fait de bons résultats etc.). Ces discours nombreux et bien souvent prescriptifs (il faut gérer la classe, il faut individualiser l’enseignement, il faut bien expliquer les contenus etc.) restent vagues et superficiels. N’est-il pas, alors, légitime de se demander si toutes les pratiques de classes des enseignants se valent sur le plan du potentiel d’acquisition des apprentissages ? Au-delà du constat, il faut pourtant reconnaître que dans l’enseignement on a pendant longtemps misé sur un certain idéalisme continu, sur un investissement professionnel soutenu tout au long de la carrière. C’est justement dans ce sens-là que d’aucuns parlent de « vocation » pour l’enseignement en s’interrogeant peu sur ce qui se passe effectivement en classe. La nécessaire et urgente amélioration de la qualité des systèmes éducatifs implique que l’investigation des systèmes de formation (formation initiale, formation continue) devienne une priorité (Sall, 1996 ; Sall & De Ketele, 1997 ; Gerard, 2001 ; Bouchard & Plante, 2002 ; De Ketele & Gerard, 2007). 

REPÈRES CONCEPTUELS ET THÉORIQUES I. REPÈRES CONCEPTUELS

Nous nous proposons dans la suite de traiter de quelques concepts qui paraissent recouvrir la problématique générale de la formation et des pratiques de classe et qui touche à la fois les enseignants dans leurs fonctions personnelles, dans les liens qu’ils tissent avec les élèves dans la réalisation des objectifs d’apprentissage. Ce traitement est consacré essentiellement à l’analyse et à la discussion des concepts clés. L’objectif dans cette section est de clarifier les concepts qui seront utilisés dans la suite de ce travail. Dans la mesure où la recherche porte sur les pratiques d’enseignement en général, nous partons du concept de « qualité » comme concept central pour évoluer vers les concepts connexes de « gestion » et d’« efficacité » pour davantage d’éclairage de celui-là. Dans une recherche précédente (Kalamo, 2012, pp. 23-41), nous avons largement discuté le concept de « qualité ». Dans la présente recherche, il sera revisité dans une perspective sommative avant d’insister sur les concepts connexes retenus.

Appréhender la qualité

Face à la compétitivité devenue rude dans divers domaines de la vie, la qualité est de plus en plus prônée et recherchée, à fortiori en éducation. Quel contenu revêt cette notion large et aux contours mal voire indéfini ? L’exemple de la prolifération des normes ISO dans le domaine des affaires d’une part, et d’autre part l’usage multiple dont fait l’objet ce concept en éducation, en est une belle illustration. Le recours aux dictionnaires spécialisés pour aborder le sens étymologique du terme « qualité » peut nous aider à saisir non seulement sa racine mais aussi et surtout son évolution en rapport avec celle des connaissances. Issu du mot latin « qualitas », la qualité renvoie à l’aspect d’une chose qui fait que cette chose-là est plus ou moins recommandable.  de la nature d’un être qui permet de caractériser cette nature soit positivement, soit négativement (Le Robert, 2014). Cependant, en éducation, le recours à ce concept implique l’existence d’indicateurs ou d’une échelle de valeurs pratiques. De Landsheere (1979) évoque l’expérience pour opérationnaliser ce concept. Pour lui la qualité apparaît comme un aspect particulier de l’expérience une sorte de plus-value expérientielle qui se distingue de toute autre aspect et fonde la différence de cette expérience. Or cette différence s’appuie sur la méthode pour évoluer. C’est pourquoi en définitive, cet auteur semble ne pas reconnaître la qualité en éducation, tant elle est une chose abstraite, non mesurable en dehors des méthodes de contrôle établies et appliquées par les acteurs et gestionnaires de l’éducation. Le point du vue de Legendre (1993) dans sa définition se distingue de celui De Landsheere (1979) par son approche docimologique. Il part du jugement de l’apprenant pour délimiter les éléments constitutifs de la qualité en éducation. Ainsi, pour cet auteur, on parle de qualité dès lors que les indices, la pratique et le renforcement de l’apprentissage répondent aux besoins des apprenants. Pour ce faire, la présentation et l’explicitation de l’enseignant, l’ordonnancement des éléments de la tâche à réaliser doivent s’approcher d’un optimum. La référence à l’acte d’enseignement apprentissage pour appréhender la qualité en éducation apparaît clairement ici, confortant ainsi notre choix de travailler sur le facteur enseignant entre autre. Il ressort de l’analyse des définitions des dictionnaires spécialisés, que la qualité abstraite n’existe pas. Pour être définie, la qualité a besoin d’être perçue et appréhendée à partir d’un ensemble d’éléments de référence. D’où son caractère variable et normatif. Une autre difficulté majeure à cerner la définition globale de la qualité de l’éducation est à chercher dans le fait qu’elle englobe plusieurs dimensions (allant de l’accès, aux résultats en passant par le processus d’enseignement apprentissage) sans oublier celle, morale. Bien que les essaies de définitions de la qualité suscitent des divergences, il existe, cependant, un terrain d’entente chez les spécialistes de l’éducation quant aux objectifs principaux et aux buts de l’éducation. Ainsi, les Institutions internationales (UNICEF, 2000 ; UNESCO, 2000) pour leur part, reposent la qualité de l’éducation sur cinq dimensions regroupées en trois macro variables : les intrants (les apprenants, l’environnement, les contenus), le processus et les effets (résultats). Ce qui laisse entrevoir la complexité de ce concept aussi bien au plan de sa définition que celui de son opérationnalisation. D’où la difficulté qu’éprouvent les scientifiques à le stabiliser et à fixer les critères de sa mensuration.  Notion subjective, les critères d’appréciation de la qualité sont variables d’une société à une autre, voire d’un groupe social à l’autre au sein d’une même société (De Landsheere, 1979), tant elle est caractérisée par sa dimension dynamique. Ainsi, en éducation scolaire, la qualité peut, par exemple, insister indifféremment sur des aspects comportementaux, sur les résultats scolaires, sur les aptitudes professionnelles, ou tout simplement sur la conformité aux valeurs développées par le système. Sous ce rapport, le dynamisme du concept se voit contrôlé dès lors qu’on adopte le point de vue de Mialaret (1979) pour qui, la qualité n’est rien d’autre que l’accord existant entre les attentes de la société (finalités, objectifs) et les modifications psychopédagogiques effectifs obtenus chez les élèves. Pour échapper à la difficulté d’appréhender la qualité, Barnabé (1995) la trouve tout aussi simple qu’elle est complexe et difficile à définir, dès lors qu’il s’appesantit sur ses aspects les plus manifestes et évidents. S’appuyant sur cette évidence, Plante (1994) considère la qualité comme une voie à suivre, une dynamique qui conduit à l’élévation sans jamais atteindre la perfection en tant que solution définitive. Introduisant la temporalité dans leur conception de la qualité, Bouchard et Plante (2002), partagent le point du vue de Mialaret et trouvent que si la qualité est la conformité entre le réalisé et le désiré (le perçu), celui-ci l’est, toutefois, à un moment donné. Pour sa part, Ndiaye S (2008) développe une approche macroscopique (macro) de la qualité. Il la perçoit sous deux dimensions : – une dimension interne se manifestant par une minimalisation des redoublements, des échecs et abandons ; – et une dimension externe se traduisant par des rendements satisfaisants, un réinvestissement des capacités et compétences acquises dans l’amélioration et le développement des conditions individuelles et collectives de vie. La qualité de l’éducation, correspondrait alors à l’accroissement sensible et quantifiable des compétences acquises au regard des objectifs visés par le système considéré (Ndiaye S, 2008). Dans la préface de l’œuvre de Verspoor (2005), abordant la qualité dans le sens de Mialaret (1979) et De Landsheere (1979), Ndoye relève deux (2) paradigmes essentiels pour définir la « qualité ». Il s’agit de sa dimension flexible et dynamique d’une part et de sa  focalisation sur les objectifs d’autre part. Si la première permet d’ouvrir la perspective de l’adaptation dans le temps et dans l’espace, la deuxième quant à elle ouvre celle des effets de levier pour un impact systémique. Ce point de vue est partagé par Delors (1996), qui, d’un point de vue opérationnel, trouve qu’une éducation de qualité se distingue en ce qu’elle facilite l’acquisition des connaissances, compétences et attitudes qui permettent d’atteindre des objectifs humains appréciables. Il apparait donc que ce qui semble accorder les différents points de vue, c’est que la qualité de l’éducation se mesure avant tout dans la dimension « résultats de l’apprentissage ». Ainsi c’est elle qui répond favorablement aux interrogations du genre : qu’est-ce qu’apprennent les élèves ? Comment l’apprennent-ils ? Qu’en font-ils ? En définitive, en nous désolidarisant des points de vue de Verspoor (2005) et Ndiaye S (2008) sur la qualité de l’éducation, nous nous épousons celui de Legendre (1993) pour qui, la référence à l’acte d’enseignement apprentissage est évidente. Ainsi, nous considérons la « qualité » de l’éducation comme étant le degré avec lequel, la présentation, l’ordonnancement des éléments de la tâche à apprendre et l’explication données par l’intervenant s’approchent d’un optimum, pour un apprenant donné. Ramenée à notre thème de recherche, la « qualité » des enseignements porte finalement sur les directives et les indications fournies à l’apprenant, la participation implicite ou explicite de celui-ci à l’activité, et les renforcements et rétroactions qu’il obtient en cours de processus pour développer son individualité. Dans la mesure où l’appréciation et la mesure de la « qualité » en éducation reste un exercice complexe du fait de sa flexibilité, son dynamisme et sa focalisation sur les objectifs fondamentaux, le recours aux concepts de « gestion » de l’enseignement » et d’« efficacité » devient une nécessité. 

La gestion de l’enseignement apprentissage

La réalisation de la mission éducative des enseignants quels qu’ils soient ne peut occulter le taux élevé d’élèves à risques dans salles de classe, et cela en dépit de mesures administratives, officielles et individuelles prises par les administrations, les enseignants pour favoriser un environnement paisible de la classe. L’idée de gestion de la classe a au cours de l’histoire (1960 à 1980) acquis le statut de véritable problématique avec l’influence des disciplines comme la psychologie humaniste et  cognitive (Brunelle, 2009). De plus, le sentiment d’incompétence développé par certains enseignants et stagiaires en situation de classe a également joué un rôle non moins important. L’expression gestion pédagogique n’a pas été retenue. En effet, l’adjectif « pédagogique » ne peut s’appliquer qu’à ce qui se rapporte à la pédagogie c’est-à-dire à l’art d’enseigner, aux méthodes d’enseignement. Or la réalité décrite déborde largement le seul champ de la pédagogie. C’est pourquoi le concept de « gestion de l’enseignement » a été préféré à « gestion pédagogique ». Mais, que renferme ce concept ? Pour y répondre, nous allons d’abord recourir aux sens donné par les dictionnaires spécialisés avant d’interroger les définitions qu’en ont les auteurs, avant de dégager le sens que nous entendons lui donner dans cette recherche. En évoquant le sens premier donné par Robert, la gestion, du latin « gerere » (porter ou exprimer une charge), signifie la manière dont on s’acquitte d’une charge. Cette manière a rapport au compte qu’on doit en rendre. L’idée d’acquittement d’une charge, associée à la reddition des comptes est ici mise en exergue par Robert. Dans une perspective éducative, Legendre (1993), définit ce concept comme étant la fonction de l’enseignant qui consiste à orienter et à maintenir les élèves en contact avec les tâches d’apprentissage. Ainsi, il apparaît que l’acte de gérer l’enseignement est loin d’être fortuit. Son influence observable sur les attitudes et comportements des élèves vis-à-vis de ce qu’ils ont à apprendre en est un élément déterminant. Ce qui amène Doyle (1986) à soutenir que le critère de qualité d’une bonne gestion de l’enseignement est le degré de coopération entre élèves et entre les élèves et l’enseignant. Les conceptions actuelles de la gestion de la classe (Archambault & Chouinard, 1996, cité par Florence, Brunelle, & Carlier, 1998, p. 135), autorisent à définir la gestion des apprentissages comme « l’ensemble des pratiques éducatives utilisées par l’enseignant afin d’encourager chez les élèves le développement de l’apprentissage autonome et de l’autocontrôle ». Selon ces auteurs, gérer une classe c’est aller au-delà de l’acquisition de compétence sociales, d’habiletés dans la communication interpersonnelle et des capacités à gérer des conflits ; gérer la classe « devient surtout une façon de favoriser l’apprentissage dans un contexte particulier qu’est la classe ». Les pratiques éducatives qui favorisent l’apprentissage sont la qualité et la quantité (a) des médiations cognitives (démarches pédagogiques, démarches d’apprentissages), et (b) des médiations socioaffectives (stratégies Repères conceptuels et théoriques KALAMO Augustin / ISE-CUSE / FASTEF / ETHOS / UCAD 28 de maintien du système disciplinaire, établissement des relations harmonieuses avec chaque élève). Elles englobent la gestion des inconduites. La gestion des apprentissages en classe amène ainsi à réfléchir sur le niveau d’autonomie et du sens des responsabilité que les élèves devraient manifester par l’effet de nos pratiques et interventions éducatives. Elle amène à considérer l’ensemble des stratégies et pratiques mises en œuvre par l’enseignant au cours de son intervention pour mobiliser les ressources des élèves impliquées dans leur apprentissage et développer par le fait même leurs apprentissages. Dans cette perspective, au cours de cette recherche, nous considérons la gestion de l’enseignement comme « l’ensemble des médiations cognitives et socioaffectives mises en œuvre par l’enseignant afin d’inciter et encourager chez les élèves le développement autonome et de l’autocontrôle dans un contexte particulier qu’est la classe ». Pour rendre compte de la qualité de la gestion d’un système ou d’une institution éducative, on recourt souvent à la mesure de l’adéquation entre le réalisé et l’objectif visé. Ainsi, reposant sur les objectifs assignés, la dimension efficacité est présente et mérite d’être explicitée.

L’efficacité

Les exigences de résultat surtout dans le domaine économique ont fait appel aux principes cardinaux parmi lesquels l’efficacité. Ce concept aux contours dynamiques dépend fortement de la perspective d’analyse. La recherche d’une meilleure compréhension de ce concept nous amène recourir d’une part, aux définitions des dictionnaires et encyclopédies spécialisés et d’autre part, à celles des auteurs identifiés dans la littérature scientifique. D’après Robert (2014), l’efficacité « est le caractère de ce qui est efficace ». Rapporté à l’enseignant, il renvoie au pouvoir qu’a l’enseignant à réaliser les résultats escomptés par le système. Ainsi loin d’être un effet, l’efficacité est plutôt la capacité ou le pouvoir de produire un résultat et le résultat le mieux attendu. La conception de l’efficacité de De Landsheere (1979) diffère de celle de Robert. Si le second insiste sur le caractère (intrinsèque) qui est à l’origine du résultat produit, le premier par contre met l’accent sur un référentiel. Ainsi, De Landsheere trouve qu’« est efficace la personne ou le traitement qui atteint l’objectif visé » (1979, p. 106). Autrement dit, l’appréciation de l’efficacité ou de l’inefficacité présuppose la comparaison du résultat de l’action à l’objectif fixé au départ.  Quant à Legendre (1993), il a une conception plus élargie de l’efficacité. En effet, parti de la conception de De Landsheere (1979), Legendre considère qu’au-delà du degré d’« atteinte de l’objectif » issu du rapport entre les résultats réalisés et les objectifs visés, la prise en compte des variables d’efficience et d’impact s’avère nécessaire. Ce qui amène, de ce point de vue, à envisager deux types d’efficacité : une efficacité interne et une efficacité externe. L’expression efficacité interne, utilisée en référence à la gestion, implique des considérations d’efficience, alors que l’expression efficacité externe, utilisée en référence à la population scolaire, implique des considérations d’impact. Cette perception dichotomique de l’efficacité est également développée par les économistes de l’éducation. Ils envisagent la composante socio-économique de l’éducation en fonction des besoins de l’économie et de la société. En effet, l’enseignement est considéré comme une industrie particulière (LêThanhKhoï, 1967, cité par Sall et De Ketele, 1997 ; Sall, 2007) qui, à l’image de toute industrie, ne doit pas moins tendre au rendement élevé. Vue sous cet angle, l’efficacité interne est dite rendement qualitatif lorsqu’elle met l’accent sur la dimension pédagogique pour mesurer les connaissances et les facultés intellectuelles (Sall & De Ketele, 1997). L’efficacité interne prend en compte les produits du système en son sein, c’est à dire ses performances en interne. Elle peut selon Sall (1996) être exprimée en fonction de la nature des résultats appréciés à partir des objectifs de formation. L’efficacité externe correspondant à l’efficacité quantitative, quant à elle, se situe en aval du système et prend en compte les produits ou les effets engendrés par ce système et observés à l’extérieur de celui-ci. Elle se focalise par exemple sur le nombre d’élèves formés ou de diplômés ou des éléments de l’effectif initial parvenant à la fin d’études ou sortant du système. Pour les experts de la Banque mondiale (Psacharopoulos & Woodhall, 1988), l’efficacité est fonction des relations entre les facteurs intrants (Input) et les Extrants (Output). Mais, ils relèvent qu’une telle définition ne permet pas d’établir une différence entre le concept d’efficacité et celui de rendement. Analysant ce concept dans un contexte d’enseignement supérieur, Dieng (2007, p. 140) soutient, à la suite de Bouchard et Plante (2002), Demeuse et Strauven (2006), Bressoux, Kramarz et Prost (2006), que « l’efficacité d’un système renvoie à sa capacité d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés ». Ainsi, ils sont d’avis que l’efficacité est le lien de conformité entre les objectifs visés par l’organisme et les résultats effectivement obtenus.  

Table des matières

CHAPITRE I. PROBLÉMATIQUE
I. L’IMPERATIF DE QUALITE
II. PLACE DE L’ENSEIGNANT
III. INTERROGER LES PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT
CHAPITRE II. REPÈRES CONCEPTUELS ET THÉORIQUES
I. REPÈRES CONCEPTUELS
I.1. Appréhender la qualité
I.2. La gestion de l’enseignement apprentissage
I.3. L’efficacité
II. REPÈRES THÉORIQUES DE LA RECHERCHE
II.1. Éléments de théorie
II.1.1. Comprendre la réussite scolaire : théories occidentales versus théories
défendues dans les pays en développement
II.1.1.1. Selon les paradigmes occidentaux
II.1.1.2. Selon les paradigmes de pays en développement
II.1.2. Réussite scolaire et contexte de l’enseignement
II.1.3. États des lieux des recherches sur l’enseignement
II.1.3.1 Effet-enseignant et acquis scolaires
II.1.3.2 La plus-value de l’enseignement
II.1.3.3 La formation des enseignants
II.1.3.4 La bonne connaissance de la matière par l’enseignant
II.1.4. La qualité de l’enseignement apprentissage
II.1.4.1. Description des effets du processus interactif enseignement apprentissage en contexte
II.1.5. Choix d’un modèle de description des situations d’enseignement apprentissage
II.2. De l’école à la pratique de classe
II.2.1. Le fonctionnement d’une classe
II.2.2. Pratiques de classe et contexte d’exercice professionnel
II.2.3. Forme scolaire et statut de l’enseignement
II.2.4. Le processus d’enseignement apprentissage
II.2.4.1. Le fonctionnement de l’enseignant
II.2.4.1.1 Des fonctions aux activités de l’enseignant
II.2.4.2. Perspective d’analyse des interactions
II.2.4.3. Le travail enseignant
II.2.4.3.1 Les outils et le travail de l’enseignant
II.2.4.3.2 Les catégories d’outils de l’enseignant
II.3. Synthèse de la revue de littérature sur les pratiques de classe
II.3.1. L’approche par compétences et la professionnalisation de la fonction
enseignante à l’élémentaire
II.3.2. Efficacité enseignante et sentiment d’efficacité personnelle de l’enseignant
II.3.3. L’effet d’attente de l’enseignant
II.3.4. L’enseignement efficace dans l’élémentaire
II.3.5. L’enseignement apprentissage à travers les interactions
II.3.5.1. Le rapport aux responsabilités
II.3.5.2. Le soutien émotionnel
II.3.5.3. La confiance
II.3.5.4. L’empathie
II.3.5.5. La congruence
II.3.5.6. Organisation et gestion de la classe
II.3.5.7. Le soutien d’apprentissage
CHAPITRE III. CADRE OPÉRATOIRE ET MÉTHODOLOGIQUE
I. CADRE OPÉRATOIRE
I.1. Présentation et objet de la recherche
I.1.1. Présentation de la recherche
I.1.2. Objet de la recherche
I.2. Objectif de la recherche
I.3. Intérêt de la recherche
I.4. De la question problème générale aux questions de recherche
I.4.1. Structure de la grille d’observation et variables de la recherche
I.4.2. Représentation graphique de la question problème générale et des macrovariables
I.4.3. Explicitation du cadre opératoire
II. MÉTHODOLOGIE
II.1. L’enquête
II.2. Le lieu de l’enquête
II.3. Les populations
II.4. Choix et justifications
II.4.1. L’étape et le niveau
II.4.2. Les enseignants
II.4.3. Les écoles
II.4.4. Choix de la matière et de l’activité
II.5. Le dispositif de la recherche
II.5.1 Présentation de la première étape
II.5.2 Présentation de la seconde étape
II.6. Les instruments de recueil d’informations
II.7. La Formation du chercheur responsable à Transana version 2.52 et à la caméra
II.8. Planning et organisation des séances vidéo auprès des enseignants
II.9. Matériels et documents vidéographiques
II.10. Dispositifs d’enregistrement des données et de traitement des documents
II.10.1. Dispositif d’enregistrement des données
Enregistrement du comportement par caméra
Dispositif d’enregistrement dans les classes
L’enregistrement des séquences d’enseignement
II.10.2. Traitement des documents papiers et vidéographiques
Les documents papiers
Les documents vidéographiques
II.11. Place de l’observation dans le dispositif de recueil d’informations
II.12. Méthodologie de traitement des données
II.12.1. Les données du questionnaire
II.12.2. Les données de l’entretien
II.12.3. Les données vidéographiques
II.12.3.1. Matrice de codage des actes
II.12.3.2. Mesure et quantification des pratiques
II.12.3.3. Description de la méthodologie Transana
II.12.3.4. Méthodologie d’analyse des données vidéo
II.13.L’étude de cas multiples
II.13.1. Mise en œuvre des analyses de cas dans notre recherche
II.13.2. Démarche pour le choix des cas multiples
CHAPITRE IV. PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
I. LES ENSEIGNANTS : CARACTÉRISTIQUES PERSONNELLES
I.1. Caractéristiques personnelles des enseignants révélées par les données quantitatives
I.1.1. Selon le sexe
I.1.2. Selon le niveau d’étude
I.1.3. Selon l’ancienneté dans la profession
I.1.4. Selon la qualification professionnelle
I.1.5. Selon le niveau d’étude et la qualification professionnelle
I.1.6. Selon l’ancienneté dans la profession et la qualification professionnelle
I.1.7. Selon le niveau d’étude, l’ancienneté dans la profession et la qualificationprofessionnelle
II. LES ENSEIGNANTS : CARACTÉRISTIQUES PROFESSIONNELLES
II.1. Caractéristiques professionnelles des enseignants révélées par les données quantitatives
II.1.1. Selon l’organisation privilégiée de la classe
II.1.2. Selon la priorité de l’oralité sur l’écrit
II.1.3. Profil des enseignants en matière de leurs attentes au quotidien
II.1.4. Attente de l’enseignant pendant le cours
II.1.5. Selon la satisfaction pour ses élèves
II.1.6. Selon la difficulté majeure rencontrée
II.2. Caractéristiques professionnelles des enseignants révélées par l’analyse mésoscopique des données qualitatives
II.2.1. Résultats de l’analyse méso
II.2.1.1. Répartition des enseignants selon les phasages pédagogiques dans la série « français »
II.2.1.2. Répartition des enseignants selon les phasages pédagogiques dans la série « Mathématiques »
II.3. Profil des enseignants selon le modèle d’analyse retenu
II.3.1. La série « français »
II.3.2. La série « mathématiques »
II.4. Mise en œuvre de l’analyse de cas
II.4.1. L’analyse qualitative des séances-cas de la série « Français »
II.4.1.1. Les cas 11S1, 42S1 et 52S1 : la catégorie socioprofessionnelle, le contexte et le profil
II.4.1.2. Analyse qualitative des cas 11S1, 42S1 et 52S1 observés
II.4.1.3. Analyse des cas multiples en français en référence au modèle rencontré dans la littératur
II.4.1.3.1. Analyse qualitative micro des dimensions interactives dans la série « français »
II.4.1.3.1.1. Orientation de l’action verbale interrogative engagée par l’enseignant de français
II.4.1.3.1.2. La répétition : fonction observée en leçon de français
II.4.1.3.1.3. L’orientation prise par les consignes en leçon de français
II.4.2. L’analyse qualitative des séances-cas de la série « Mathématiques »
II.4.2.1. Les cas 11S2, 51S2 et 61S2 : la catégorie socioprofessionnelle, le contexte et le profil
II.4.2.2. Analyse qualitative des cas 11S2, 61S2, et 51S2
II.4.2.3. Analyse des cas multiples en mathématiques, en référence au modèle rencontré dans la littérature
II.4.2.3.1. Analyse qualitative micro des dimensions interactives dans la série « mathématiques »
II.4.2.3.1.1. Orientation de l’action verbale interrogative engagée par l’enseignant de mathématiques
II.4.2.3.1.2. La répétition : fonction observée en leçon de mathématiques
II.4.2.3.1.3. L’orientation prise par les consignes en leçon de mathématiques
ÉLÉMENTS DE CONCLUSION .

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