Implantation des biofilms de Pseudomonas aeruginosa dans les réseaux de distribution d’eau thermale

Implantation des biofilms de Pseudomonas aeruginosa dans les réseaux de distribution d’eau thermale

Tests de survie

Les capacités de survie de la souche environnementale MLM isolée d’eau potable ont été évaluées dans l’eau thermale et dans l’eau minérale embouteillée faiblement minéralisée. Ces tests de survie ont été effectués à des températures de 14 °C et de 37 °C correspondant respectivement à la température de l’eau thermale à l’émergence et à la température à laquelle elle est utilisée pour les soins. Les résultats de dénombrements des cellules cultivables obtenus étaient généralement plus faibles sur milieu sélectif que sur milieu non-sélectif pour les flacons incubés à 14 °C : dans le cas de l’eau thermale, une différence de 2 log est observable tout au long du test de survie (figure 12A et B). Dans le cas de l’eau minérale naturelle faiblement minéralisée une différence d’au moins un log est observable à partir de 42 jours d’incubation et tend à augmenter (figure 13A et B). Ces résultats suggèrent que l’eau thermale induit un stress plus important pour la souche que l’eau minérale naturelle faiblement minéralisée. Ce stress se traduit par une moindre capacité à croitre sur un milieu plus contraignant tel que le milieu sélectif. Pour limiter le biais lié à ce stress, les résultats suivant sont basés sur les dénombrements effectués sur milieu nonsélectif. La survie de MLM est de plus de 75 jours dans les deux conditions de minéralisation et qu’elle que soit la température considérée (figures 12B et 13B). Pour les deux conditions de minéralisation, la décroissance de la concentration de la population bactérienne initialement présente est plus rapide à 37 °C qu’à 14 °C. A 37 °C, dans les deux eaux, la concentration de la population bactérienne augmente ou stagne sur les 12 premiers jours d’incubation puis en eau thermale cette concentration décroit puis stagne à partir de 52 jours d’incubation tandis qu’en eau faiblement minéralisée cette concentration stagne puis décroit à partir de 48 jours d’incubation. A 14 °C, cette concentration décroit plus rapidement en eau thermale qu’en eau minérale naturelle faiblement minéralisée. Le calcul du temps nécessaire à la mort de 90 % de la population bactérienne initialement présente (tableau 20) montre un temps de survie plus important dans l’eau faiblement minéralisée que dans l’eau thermale pour les populations incubées à 37 °C. Ces temps de survie sont relativement similaires dans les deux eaux pour les populations incubées à 14 °C. En eau thermale, le temps de survie est plus important à 14 °C qu’à 37 °C. En eau faiblement minéralisée ce temps est similaire entre les deux températures testées. Partie 2 89 Figure 12 : Courbes de survie de la souche MLM en eau thermale à 37 °C et à 14 °C – dénombrement sur (A) milieu sélectif et (B) milieu non-sélectif.Tableau 20 : T90 des populations bactériennes incubées à 37 °C ou à 14 °C en eau thermale ou en eau minérale naturelle faiblement minéralisée. Température Flacon T90 (jours) Eau thermale Eau minérale faiblement minéralisée 37 °C 1 48 66 2 52 60 14 °C 1 70 65 2 61 66 4. Courbes de croissance. La comparaison de la croissance des souches dans les différentes conditions de minéralisation (figure 14) montre des valeurs de DO600nm à 24 h généralement moins élevées en conditions de minéralisation moyenne qu’en conditions de minéralisation faible ou forte notamment pour les souches MLM, ST395E, D2, E1 et PAO1. Les valeurs de DO600nm obtenues à 24 h en minéralisation faible et forte sont généralement similaires pour l’ensemble du panel de souches. En comparant les courbes de croissance des souches toute minéralisation confondue on remarque que la croissance des souches MLM , D1, D2, E1 et PAO1 est caractérisée par une phase de latence comprise entre 0 et 2 h suivi d’une phase de croissance exponentielle entre 2 et 6 h puis d’une phase de croissance stationnaire entre 6 et 24 h tandis que la croissance des souches ST395P, ST395E, ST111 et E6 est caractérisée par une phase de latence comprise entre 0 et 4 h suivie d’une phase de croissance exponentielle entre 6 et 8 h et une phase de croissance stationnaire entre 8 et 24 h. Les valeurs de DO600nm atteintes par chacune des cultures au bout de 24 h de croissance sont fortement similaires pour l’ensemble du panel, excepté pour les souches ST111 et E6 qui montrent des valeurs de DO600nm plus faibles en condition de minéralisation faible.E1 Minéralisation faible Minéralisation moyenne Minéralisation forte 0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 DO600nm Temps (h) E6 Minéralisation faible Minéralisation moyenne Minéralisation forte 0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 DO600nm Temps (h) PAO1 Minéralisation faible Minéralisation moyenne Minéralisation forte Partie 2 95 IV. Discussion. La caractérisation des souches et des eaux utilisées et la validation de certains choix méthodologiques sont un préalable indispensable à la compréhension de l’influence des eaux minérales naturelles sur le comportement de P. aeruginosa. La caractérisation des souches met en évidence la diversité du panel de souches retenues. La correspondance de typage entre les souches MLM et ST395E d’une part et les souches E1 et E6 d’autre part suggère que ces souches sont susceptibles d’avoir des comportements similaires selon les conditions de minéralisation auxquelles elles sont exposées. Les eaux minérales naturelles sont caractérisées par leur contenu minéral complexe (Diduch et al., 2011). Les eaux minérales naturelles conditionnées retenues pour modéliser des eaux minérales utilisées à des fins thérapeutiques en établissements thermaux correspondent bien à cette définition. L’eau faiblement minéralisée se distingue des eaux moyennement et fortement minéralisées par l’équilibre des concentrations de ses différents sels minéraux (figure 15). Ces différences de compositions sont susceptibles d’impacter les capacités de survie et de croissance de P. aeruginosa. Figure 15 : Somme cumulée des concentrations en mg/L des principaux ions des eaux minérales naturelles conditionnées utilisées dans cette étude comme modèles d’eaux thermales. 0 200 400 600 800 1 000 1 200 Minéralisation faible Minéralisation moyenne Minéralisation forte Concentration (mg/L) sulfates nitrates chlorures potassium sodium magnésium calcium bicarbonate

La souche environnementale

MLM isolée d’eau potable est capable de survivre plus de deux mois en eau thermale et en eau minérale naturelle embouteillée sans aucun apport nutritif et en conditions d’oxygénation limitées. D’après le calcul du temps nécessaire à la mort de 90 % des cellules bactériennes initialement présentes, la survie de la bactérie est équivalente dans les deux conditions de minéralisation à 14 °C mais est plus longue d’une dizaine de jours en eau faiblement minéralisée qu’en eau thermale fortement minéralisée à 37 °C. L’effet de la température sur la survie de P. aeruginosa a été rapporté dans la littérature. Khalaphallah et Andres (2012) ont montré que la survie d’une souche environnementale de P. aeruginosa, isolée d’eaux grises de salle de bain, est moins longue à 42 °C ± 2 °C qu’à 6 ± 2 °C ou à 23 °C ± 2 °C. Les faibles températures sont en effet connues pour limiter le métabolisme des bactéries leur assurant une dépense énergétique moindre et une survie plus longue (Khalaphallah et Andres, 2012). Les résultats de tests de survie en eaux minérales naturelles obtenus sont cohérents avec ceux obtenus par Legnani et al. (1999). Ces derniers démontrent que deux souches environnementales de P. aeruginosa isolées de systèmes de stockage de l’eau de rinçage de lignes d’embouteillage d’eau minérale naturelle, sont capables de survivre entre 3 et 5 ans en eaux minérales naturelles à température ambiante (19 à 24 °C). La survie de ces souches a ainsi été estimée à 1 200 jours en eau moyennement minéralisée (résidu sec à 180 °C = 382 mg/L) et à 1 500 jours en eau faiblement minéralisée (résidu sec à 180 °C = 72,5 mg/L). La survie de ces souches est caractérisée par une phase de latence de 3 à 6 h puis par une phase de croissance se terminant en fin de première semaine d’incubation avec un maximum de croissance atteint après 2 jours d’incubation en eau faiblement minéralisée et après 3 jours d’incubation en eau moyennement minéralisée. Cette phase de croissance est suivie d’une phase de développement stationnaire se finissant après 70 à 100 jours d’incubation et suivie d’une phase de décroissance graduelle (Legnani et al., 1999). Ce profil de survie est similaire à ceux observés ici en eau faiblement minéralisée. Les différences observées sur les profils obtenus en eau thermale peuvent s’expliquer par le fort contenu minéral de cette eau et ses spécificités de composition. Les spécificités des eaux minérales naturelles utilisées à des fins thérapeutiques en établissement thermal rendent impossible l’adoption d’un modèle universel. Malgré les différences de phase de survie observées entre les deux conditions de minéralisation testées, les niveaux de concentration cellulaires atteints sont fortement similaires après 75 jours d’incubation pour chacune des conditions de températures. L’ensemble des observations faites Partie 2 97 ici suggère que le modèle d’eau minérale utilisé est valide bien qu’il ne semble pas refléter à l’identique le comportement de la souche testée en eau thermale réelle. La survie de la souche MLM en eau minérale naturelle à 37 °C et à 14 °C appuie l’hypothèse de la possibilité d’une contamination du réseau de distribution par une souche environnementale provenant de l’eau potable de rinçage utilisée au cours des séquences de nettoyage et de désinfection. Ces résultats justifient l’étude du comportement de souches environnementales isolées d’eau potable. Le modèle de développement de biofilm de P. aeruginosa en eaux minérales naturelles conditionnées supplémentées par dilution d’un milieu minimum est validé par les résultats de courbes de croissance obtenus dans ces expérimentations préliminaires. La croissance de la majorité des souches ne montre pas de différence importante selon la minéralisation ou la souche considérée. Toutefois en eau moyennement minéralisée les valeurs de DO600nm obtenues après 24 h de croissance sont plus faibles que dans les autres conditions de minéralisation pour quelques souches du panel suggérant un impact potentiel sur le développement de biofilm. Les expérimentations préliminaires ont permis de caractériser les souches et les eaux minérales naturelles utilisées et de valider certains choix méthodologiques telles que l’étude de souches isolées d’eau potable, l’utilisation d’eaux minérales naturelles embouteillées comme modèle d’eaux thermales et les conditions de culture du panel de souches utilisés. Ces validations permettent de poursuivre les expérimentations en commençant par l’étude de l’influence de la minéralisation sur les capacités de P. aeruginosa à former du biofilm.  

Table des matières

Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
Introduction
Première partie : Etude bibliographique
I. Eaux minérales naturelles : exploitation et gestion en établissements thermaux
1. Origine, définition et caractéristiques des eaux minérales naturelles.
2. Utilisation des eaux minérales naturelles à des fins thérapeutiques
2.1 Historique
2.2 Orientations thérapeutiques
3. Règlementation française relative à l’exploitation des eaux minérales naturelles à des fins thérapeutiques en établissements thermaux.
3.1 Exigences de qualité microbiologique de l’eau minérale naturelle
3.2 Gestion des réseaux de distribution pour maintenir la qualité sanitaire de l’eau minérale naturelle
3.2.1 Traitements de l’eau minérale naturelle
3.2.2 Conception et maintenance du réseau de distribution
3.2.3 Traitements du réseau de distribution
3.2.3.1 Nettoyage.
3.2.3.2 Désinfection.
3.2.3.3 Actions préventives et curatives
4. Contamination microbiologique des réseaux de distribution d’eau thermale
5. Données économiques
II. Pseudomonas aeruginosa1
1. Généralités et présentation de la bactérie
2. Ecologie et occurrence dans les réseaux d’eau
3. Impact sanitaire
4. Principaux facteurs de virulence
4.1 Flagelle8
4.2 Pili
4.2.1 Fimbriae ou pili de la voie chaperone-usher
4.2.2 Pili de type IV
4.3 Lipopolysaccharides
4.4 Exotoxines
4.5 Sidérophores
4.5.1 Les pyoverdines
4.5.2 Les pyochélines
4.6 Cas particulier des phénazines
III. Biofilm de P. aeruginosa et implantation dans les réseaux de distribution d’eau
1. Généralités
2. Cycle de développement du biofilm
2.1 Reconnaissance d’une surface
2.1 Adhésion réversible
2.2 Adhésion irréversible
2.3 Etapes de maturation
2.4 Dispersion
3. Composants caractéristiques du biofilm de P. aeruginosa
3.1 Les exopolysaccharides
3.1.1 L’alginate
3.1.2 Le Psl
3.1.3 Le Pel
3.2 L’ADN extracellulaire
3.3 Les protéines
3.4 Un biosurfactant : le rhamnolipide6
4. Influence de l’environnement du réseau de distribution d’eau sur la formation du biofilm de P. aeruginosa
4.1 Principaux systèmes de détection et de transduction du signal en réponse aux changements environnementaux
4.1 Facteurs environnementaux influençant la formation de biofilm
4.1.1 Concentration en nutriments disponibles
4.1.1.1 Le carbone
4.1.1.2 L’azote
4.1.1.3 Le phosphore
4.1.1.4 Le fer
4.1.2 Hydrodynamique
4.1.3 Matériaux constitutifs du réseau de distribution d’eau.
IV. Conclusion de l’étude bibliographique
Deuxième partie : Choix expérimentaux et expérimentations préliminaire
Introduction
I. Matériel et méthodes
1. Choix du panel de souches, constitution du souchier et standardisation de l’inoculum
2. Caractérisation des eaux minérales naturelles embouteillées
3. Tests de survie
4. Courbes de croissance
II. Résultats
1. Caractérisation des souches
2. Caractérisation des eaux minérales naturelles embouteillées
3. Tests de survie
4. Courbes de croissance
IV. Discussion
Troisième partie : Influence de la minéralisation sur la capacité de P. aeruginosa à former du biofilm.
I. Introduction.
II. Matériel et méthodes
1. Souches et conditions de culture
2. Qualité de l’eau et caractérisation de l’interférence de la flore microbienne cultivable des eaux minérales naturelles sur les essais
3. Conditions de formation du biofilm et mesures de l’indice de croissance
4. Suivi du développement du biofilm
4.1 Marquage au cristal violet et mesures de l’indice de formation du biofilm
4.2 Extraction de l’ATP et mesure de l’activité métabolique globale du biofilm
5. Charge de surface : mesure du potentiel zêta
6. Analyses statistiques
III. Résultats
1. Eaux minérales naturelles embouteillées : analyses de la flore bactérienne autochtone cultivable
2. Mesure de la croissance planctonique : indice de croissance
3. Mesure du développement de biofilm : indice de formation globale de biofilm
4. Mesure du développement du biofilm : indice de l’activité métabolique globale
5. Liens entre le contenu minéral naturel des eaux et les paramètres bactériens mesurés :analyse en composantes principales
6. Charge de surface des cellules bactériennes : mesure du potentiel zêta
IV. Discussion
Quatrième partie : Influence de la minéralisation sur les principaux mécanismes
bactériens impliqués dans la formation du biofilm de P. aeruginosa
I. Introduction
II. Matériel et méthodes.
1. Souches, conditions de culture et qualité des eaux minérales naturelles utilisées
2. Evaluation des capacités de mobilité
2.1 Mobilité de type « swarming »
2.2 Mobilité de type « swimming »
2.3 Mobilité de type « twitching »
3. Synthèse d’exopolysaccharides
3.1 Synthèse globale : test rouge congo
3.2 Expression des gènes impliqués dans la synthèse d’exopolysaccharides : extraction d’ARN et qRT-PCR
4. Facteurs de virulence : mesure de la production de pyoverdine et de pyocyanine
5. Analyses statistiques
III. Résultats
1. Capacités de mobilité
2. Capacité de synthèse des exopolysaccharides : test rouge congo et qRT-PCR
3. Facteurs de virulence : production de pyoverdine et de pyocyanine.
4. Liens entre le contenu minéral naturel des eaux et la production de pyoverdine et de pyocyanine : analyse en composantes principales
IV. Discussion
Cinquième partie : Influence de la nature des matériaux sur les capacités de P. aeruginosa à former du biofilm et étude de l’efficacité de produits de traitements
I. Introduction.
II. Matériel et méthodes
1. Coupons de matériaux : format et conditionnement
2. Formation du biofilm : souche et conditions de culture
3. Etude de l’efficacité d’un traitement sur le biofilm jeune de P. aeruginosa
3.1 Séquence de nettoyage et de désinfection des coupons.
3.2 Etude de l’efficacité du traitement à court terme
3.3 Etude de l’efficacité du traitement à long terme : recroissance après traitement
4. Etude du biofim
4.1 Observation en microscopie électronique à balayage.
4.2 Marquage au cristal violet
4.3 Mesure de l’activité métabolique globale au sein du biofilm : ATPmètrie
4.4 Mesure de la production de facteurs de virulence : analyse de spectre
III. Résultats
1. Etude de la capacité des matériaux à promouvoir la formation de biofilm
1.1 Mesure de la formation globale de biofilm et de l’activité métabolique globale
1.2 Mesure de la production de facteurs de virulence
1.3 Observations en microscopie électronique à balayage.
2. Etude de l’efficacité d’un traitement sur le biofilm de 24 h de P. aeruginosa
2.1 Etude de l’efficacité du traitement à court terme : formation globale de biofilm et activité métabolique globale
2.1 Etude de l’efficacité du traitement à long terme : recroissance après traitement
IV. Discussion
Conclusions et Perspectives
Bibliographie

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