Inactivation dans l’atmosphère des virus mise au point d’un nouveau réacteur et application au mengovirus murin

Inactivation dans l’atmosphère des virus mise au point d’un nouveau réacteur et application au mengovirus murin

Le virus

Nous avons utilisé la souche MC0 cytopathogène du mengovirus murin (MVM), initialement obtenue par Martin et al. (1996), qui nous a été aimablement fournie par le Pr. A. Bosch (Université de Barcelone, Espagne) avec les cellules Buffalo Green Monkey Kidney (BGM) (ref. ATCC : BGMKDAF P17 (PTA-4594)) obtenues par Barron et al. (1970) et utilisées pour la production du virus. Les mengovirus ont été produits en milieu Dulbecco’s modified Eagle Medium (DMEM) (Gibco ®, réf. : 31966047, USA) complété avec 10 % (v/v) de sérum de veau foetal, (Gibco ®, réf. : 10270098, USA), 5 % (v/v) d’acide aminé non essentiel (Fisher, réf. : 11350912), 1 % d’Antibiotique-Antifongique (Gibco ®, Pénicilline Streptomycine (réf. : 15290-018) et Fungizone (réf. : 15290-018) sous une atmosphère à 9 % de CO2 à 37°C. Un inoculum viral d’environ 105 gc est mis en contact pendant 60 min avec des cellules BGM à 90% de confluence en flacons de 175 cm2 (Greiner bio-one, réf. : 660175) ; le milieu de culture est renouvelé ensuite. Après 3 jours d’incubation, le milieu de culture est récupéré avec les cellules (sans action physique ou chimique pour décoller les cellules) et passé aux ultrasons pendant 10 cycles de 15 secondes chacun. La suspension ainsi obtenue est ensuite centrifugée pendant 5 min à 2700 g afin de faire sédimenter les débris cellulaires. Les virus du surnageant sont finalement concentrés et purifiés par ultracentrifugation à 76800 g pendant 2h30 sur coussin de 20 % de saccharose en EDTA NaCl. Le culot est remis en suspension dans 1 mL de PBS. L’inoculum a ensuite été aliquoté en lots de 30 µl en microtubes PCR et conservé à -22°C jusqu’à utilisation. Pour chacune des cinétiques d’inactivation, 1 microtube PCR était décongelé à température ambiante ( 23°C) pendant 5 min environ, puis passé au Vortex pendant à nouveau environ 5 min. La quantification du génome du mengovirus murin a été réalisée par RT-qPCR sur une Mx3005P PCR quantitative (Agilent Technologies, Santa Clara, CA, USA) sans étape de pré-concentration. En pratique, nous avons extrait environ 60 µL d’ARN viral à partir des 140 µL d’échantillon au moyen d’un kit d’extraction (kit QIAamp® Viral RNA (Qiagen®, réf. : 52906)). La RT-qPCR a été réalisée au moyen du kit RNA UltraSense® One-step Quantitative RT-PCR System (Life Technologies ® réf. : 11732-927) avec les amorces : anti-sens 5’ – GAAGTAACATATAGACAGACGCACAC – 3’, sens GCGGGTCCTGCCGAAAGT et sonde TaqMan ATCACATTACTGGCCGAAGC décrite par Pinto et al. (2009) selon les recommandations du fabricant. La concentration finale de l’amorce anti-sens est de 1124 nM, 625 nM pour les amorces sens et 312 nM pour les sondes. Toutes les amplifications ont été réalisées avec l’appareil Mx3005P PCR quantitative (qPCR) (Agilent Technologies, France). Les virus infectieux ont été quantifiés sur cellules BGM par dénombrement de plages de lyse en plaques 6 puits (Fisher, réf. : 10536952) en faisant l’hypothèse que chaque virus infectieux initie une plage de lyse distincte des autres. Pour chaque puits, 0.5 mL de la suspension virale à analyser était déposé sur une monocouche de cellules BGM ayant entre 70 et 90 % de confluence. Après 1 h de préincubation permettant l’adhésion des virus infectieux, les cellules étaient recouvertes par 2.5 mL d’un mélange composé pour moitié du milieu DMEM complété comme décrit précédemment et pour moitié de CMC (carboxylmethylcellulose à 3.2 % en eau physiologique), gélifiant permettant d’individualiser les plages de lyse (VWR, réf. : 276494N). Les cellules ont ensuite été incubées à 37°C pendant 3 j sous 9 % de CO2. Après cette incubation, le milieu de culture était retiré et le tapis cellulaire rincé 2 fois par 2 mL de PBS 1 ×. Les plages de lyse sont alors révélées par mise en contact pendant 20 min du tapis cellulaire avec une solution de Crystal violet (2 % (w/v) (Sigma®, réf. : C0775), 20 % (v/v) d’Ethanol 96 absolu (Sigma-Aldrich®, réf. : 32221), 10 % de Formol à 37 % (Sigma-Aldrich®, réf. : 252549), 70 % d’Eau Milli RO)). La solution colorante était ensuite prélevée et les tapis cellulaires rincés plusieurs fois à l’eau. Les plages de lyse, en pratique des zones blanches sur fond violet, sont comptées. L’ensemble des opérations précédentes était répété pour 3 dilutions en DMEM des échantillons : 7, 70 et 700 avec 2 puits pour le dénombrement des virus chaque dilution. Pour les témoins les facteurs de dilutions réalisés sont 7, 70 et 700 et pour les échantillons 7, 70 et 350. IV.2.b. Protocoles expérimentaux et plan d’expérience IV.2.b.i. Le dispositif d’étude Un réacteur a été assemblé par un artisan-verrier (GLI, Marseille, France) (Figure IV.2). Sa partie centrale est une enceinte quasi-cylindrique en borosilicate d’environ 800 mL de volume utile avec 12.5 cm de diamètre et environ 7.0 cm de hauteur internes. Elle est soudée à un compartiment inférieur lui-même en borosilicate dans lequel circule un mélange d’eau et de monopropylène glycol à la température de consigne. Le réacteur proprement dit est fermé à sa face supérieure par un disque en pirex, un joint torique étanchéifiant l’ensemble. Quatre ouvertures tubulaires GL45 à 90° l’une de l’autre permettent, pour 2 d’entre elles diamétralement opposées, le balayage de la partie centrale par un air reconstitué, et pour une 3ème l’insertion d’une sonde de température PT100 recouverte de PTFE (Labomoderne, réf. : C13510). Figure IV.2 : Réacteur conçu pour suivre l’inactivation des virus sous diverses conditions atmosphériques. La composition et la température de l’air balayant le réacteur étaient acquises progressivement en partant d’air sec reconstitué (80/20 de N2/O2). L’humidité relative de l’air était obtenue par mélange d’air chargé à environ 80 % d’humidité relative par bullage dans une branche du circuit et d’air maintenu sec dans une autre branche, les débits étant régulés en amont de chacune des branches et le débit du mélange fixé à 20 mL.min-1 était contrôlé en aval (Figure IV.3). Un thermo-hygromètre capacitif numérique (sensor SHT75 ; Sensirion®, Steafa, 97 Suisse), associé à une interface d’acquisition NI6008 (National Instrument), était positionné dans le tube amenant l’air au réacteur et servait à la régulation de l’humidité relative de l’air arrivant au réacteur. Un autre thermo-hygromètre (sensor SHT21 ; Sensirion®, Steafa, Suisse) de contrôle était positionné dans le cœur du réacteur. Figure IV.3 : Ensemble du dispositif permettant d’imposer et de contrôler les conditions d’humidité relative et de température de l’air, d’éclairement et de teneur en O3 au sein du réacteur atmosphérique dédié à l’étude de l’inactivation des virus. Une sonde à résistance de platine recouverte de PTFE (LaboModerne, pt100, réf. : C13506) utilisée pour le contrôle et la régulation de la température étaient placée dans le cœur du réacteur. Le téflon facilitait le nettoyage et la désinfection de la sonde. Pour une expérience, une teneur de 300 ppb d’O3 a été imposée en entrée de réacteur à l’aide d’une cellule génératrice d’O3 Pen Ray® (UVP, US) prêtée par le Prof. H Wortham (LCE, Aix-Marseille Université, France) et fonctionnant par photolyse de l’O2 à 184.95 nm. Le réglage de l’intensité de la lampe se fait manuellement. La cellule a été réglée pour cette teneur en O3 hors expérience réelle ; l’air en sortie de réacteur vide était alors stocké dans un sac étanche de 25 L (SKS, réf. : 253-25) pour contrôle après de sa teneur en O3 à l’aide d’un analyseur (Environnement SA, Poissy, France) devant être balayé à environ 2 L.min-1 par l’air à analyser (incompatible avec une mesure directe en sortie de réacteur). Les gammes couvertes par ce dernier sont 0.001 à 10 ppm, un bruit de 0.5 ppb et une linéarité de 1 %. Une lampe au Xénon (newcorp® USA) de 300 W, prêtée par le Prof. H Wortham (LCE, AixMarseille Université, France), a été utilisée pour quelques expériences. Son spectre d’émission, l’homogénéité de l’éclairement sur la cible visée, l’impact de la distance et la réponse du filtre en pyrex ont été caractérisés par un spectroradiomètre (Spectral Evolution, réf. : SR-500) entre 250 et 1020 nm. 98 Le spectre obtenu était proche du spectre du rayonnement solaire, à l’exception de rayonnements UV- C détectables (Figure IV.4). L’analyse ayant montré une forte hétérogénéité de l’intensité du rayonnement arrivant au réacteur (rayonnement maximum au centre de la zone visée et beaucoup plus faible en périphérie, résultats non présentés), un diffuseur en silice fondue (OE Edmund, réf. : #83-420) et un filtre infrarouge (OE Edmund, réf. : #45-648) ont été superposés au disque en pirex faisant office de couvercle. Figure IV.4 : Comparaison de l’intensité moyenne de la lampe et le rayonnement solaire de référence. (G03 Committee, 2012).Pour ce graphique, l’intensité lumineuse de la lampe est multipliée par 50. Avec ces ajouts, l’intensité du rayonnement de la lampe arrivant réellement au niveau des dépôts de virus était d’environ 2 % du rayonnement solaire au cours d’une journée d’ensoleillement de l’ordre de 600 W.m- ² pour les rayonnements de longueur d’onde entre 300 et 400 nm.

Protocole expérimental

Pour chaque cinétique d’inactivation virale suivie, 1 µL de suspension virale correspondant approximativement à 10+6 gc et à entre 10+2 pfu et 7.10+3 pfu était déposé initialement au fond de chacun de 25 cryotubes en polypropylène de 400 µL (Evergreen Scientifique, Los Angeles, CA, USA ; réf. : 222-3926-085) de 2 cm de hauteur et de 1 cm de diamètre interne, pour lesquels l’adhésion des virus pouvait être négligée. Un de ces tubes servait de témoin réacteur (tube fermé à humidité saturante). S’y ajoutait 1 témoin à la date initiale (t=0), en pratique 1 µL de suspension à laquelle étaient ajoutés immédiatement 300 µL de PBS au 10ème ; 140 µL étaient immédiatement prélevés et stockés dans un tube Eppendorf® RNAse-free en prévision d’analyses ultérieures en RT-qPCR, les 160 µL étant conservés à -22°C pour la culture cellulaire. A l’exception de ce dernier, les 25 tubes étaient placés sur un support en Plexiglass et insérés dans le réacteur atmosphérique permettant de les soumettre à des conditions homogènes de température, d’humidité relative, d’intensité de rayonnement et de concentration en O3. A 6 dates différentes (20 min, 1, 2, 4, 6 et 10 h), 4 tubes étaient prélevés de manière aléatoire. Ils étaient alors immédiatement complétés par 300 µL de PBS au 10ème (Fisher, BP399-1) et passés au Vortex pendant 5 min ; 140 µL étaient alors prélevés et stockés dans un tube Eppendorf® 99 RNAse-free. Les cryotubes et les tubes Eppendorf® étaient alors stockés à -22°C jusqu’à analyses respectivement du nombre de virus infectieux (pfu) et du nombre de copies génomiques (gc).

Plan d’éxpérience

Dix expériences en réacteur ont été suivies. Elles se différenciaient par la température (15, 25 et 40°C) et l’humidité relative de l’air (30, 50, 60, 65 et 80 %) imposées, par la présence ou non d’un rayonnement de composition spectrale proche de celle du rayonnement solaire mais d’intensité moindre (2 %), et par la teneur en O3 entrant dans le réacteur (absence ou environ 300 ppb) (Tableau IV.1). Tableau IV.1 : Caractéristiques des 10 expériences menées en réacteur atmosphérique. Toutes les expériences ont duré 10 h.

Modélisation des processus ; traitement des donnés expérimentales

Nous avons suivi parallèlement les évolutions du nombre de virus infectieux Nv-i(t) (pfu) et du nombre de copies d’ARN viral Nv-t(t) (gc), l’ARN viral étant utilisé comme traceur pour distinguer les virus immobilisés physiquement de ceux inactivés, lorsque les conditions n’affectent pas l’ARN (i.e. a priori toutes les conditions sans UV). Si une variation du nombre de copies d’ARN viral nv-t(t) était observée, elle devait nous conduire à calculer le taux de virus inactivés selon l’expression suivante :         N  t N t N t N t tI t-v t-v i-v i-v 0 0     (IV.1) En absence de variation significative cette expression peut se réduire à l’expression suivante utilisée très généralement sans aucune évaluation préalable ou parallèle d’une immobilisation physique des virus :       0 i-v i-v   N t N t tI (IV.2) Après apport d’une quantité de virus infectieux Nv-i(t=0) (en pfu ou ‘unité formant plaque’) dans 1 µL de suspension, on suppose que le taux d’inactivation Nv-i/t (pfu.h-1) est proportionnel à la quantité de virus encore infectieux N v-i(t) (pfu) à une date t (h). On peut écrire : N  t t k     HR T UV O N t iv i 3 iv , , ,        (IV.3) où ki(HR,T,UV,O3) est le coefficient cinétique d’inactivation (h-1), dépendant de l’humidité relative de l’air HR (%) au voisinage immédiat du virus, de la température T (°C), de la teneur en O3 (ppb), et de l’énergie reçue en rayonnements efficaces (W.m-2). La prise en compte des dernières grandeurs n’est pas simple : effets directs ou indirects via la (photo)chimie de l’atmosphère, plages spectrales à prendre en compte selon que le rayonnement agit directement ou indirectement. Pour des conditions constantes d’humidité, l’intégration de l’équation (IV.3) aboutirait à l’équation suivante :  Malheureusement, on peut penser que ki(HR,T,UV,O3) varie fortement dans le temps avec la dessiccation presque totale des gouttelettes de suspension virale. Toutefois, l’équation (IV.4) peut être réécrite de manière plus générale pour ki variant dans le temps :Soit :                     t k HR T UV O dt N t N t 0 i 3 iv iv ,, , 0 ln (IV.6) En ayant une forme analytique décrivant la dépendance de ki à un ou plusieurs facteurs parmi ceux précédemment évoqués (HR, T, UV, O3), on peut envisager d’ajuster quelques constantes intervenant dans les formes analytiques à partir des données expérimentales. Concernant plus spécifiquement l’effet de l’humidité relative de l’air, les résultats antérieurs montrent que l’inactivation des virus dans l’air est un phénomène cinétique sur plusieurs heures, voire quelques jours, fortement affecté par cette grandeur. Nous avons fait l’hypothèse de travail suivante : l’inactivation des virus est minimale ou nulle aux humidités relatives élevées, maximale aux humidités relatives intermédiaires, et intermédiaire aux humidités relatives les plus faibles. Une question, sans réponse à notre connaissance aujourd’hui, est alors de savoir si les résultats obtenus aux plus faibles humidités résultent d’une évolution à ces humidités ou d’une évolution temporaire aux humidités intermédiaires lors de la dessiccation progressive de microgouttelettes de suspension contenant ces virus. On peut imaginer que, vers la fin de la dessiccation d’une suspension virale (i.e. lorsque la pression de vapeur n’est plus saturante), des forces s’exercent entre protéines (ou régions de protéines) de la capside et molécules d’eau, mais que la vitesse des déformations en résultant dépende de l’humidité relative. Pour une température donnée, nous avons retenu un formalisme mathématique empirique décrivant la dépendance de la constante d’inactivation ki (h-1) à l’humidité relative de l’air HR (%) :  sont les humidités relatives autour desquelles la valeur de ki croît ou décroît plus ou moins fortement selon les valeurs de 2 exposants e1 et e2, et  est une constante de proportionnalité (h- 1) et  une constante liée à l’inactivation en condition sèche (Figure IV.5 à titre d’exemple).

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