La démarche de concertation, un succès mitigé

Habiter un quartier en rénovation urbaine et un Eco-quartier les points de vue des habitants sur les transformations de leur quartier

L’analyse effectuée jusqu’ici fait émerger la labellisation EcoQuartier comme un processus essentiellement positif pour un quartier en rénovation urbain. Nous sommes arrivés à cette conclusion à travers la comparaison entre convention ANRU et dossier de labellisation ainsi qu’en recueillant l’expérience des professionnels qui travaillent sur le quartier La Soude – Hauts de Mazargues, quartier en voie de labellisation. Cette méthodologie est fondamentale pour déterminer l’impact que la démarche EcoQuartier a sur un quartier en rénovation urbaine, mais il serait une erreur de la considérer comme exhaustive. En effet, l’analyse ne pourrait pas se dire complète sans avoir considéré et recueilli la parole des personnes à qui la rénovation urbaine et la démarche EcoQuartier sont en réalité destinées, les habitants des quartiers. Est-ce qu’ils se sentent effectivement plus écoutés dans un quartier en rénovation urbaine qui entreprend une démarche EcoQuartier par rapport à un quartier ANRU qui ne le fait pas ? Est –ce qu’ils trouvent leur quartier plus attractif ? Est-ce que la cohésion sociale est plus facilement atteignable dans un quartier qui a associé la rénovation urbaine à la démarche EcoQuartier ? Pour répondre à ces questions, nous comparerons les résultats de deux études réalisées par le CES et le le Consumer Science & Analytics Institut (CSA) sur des quartiers en rénovation urbaine avec ceux de l’enquête conduite à La Soude – Hauts de Mazargues pour ce mémoire (en annexe 8 plus de détails sur les enquêtes). Dans le cas de La Soude – Hauts-de- Mazargues, l’analyse sera enrichie avec des entretiens auprès des professionnels de la concertation et des habitants.

La démarche de concertation, un succès mitigé

La participation des habitants, nous l’avons évoqué dans le premier chapitre, est considérée par l’ANRU comme incontournable pour toutes les opérations que l’Agence finance. La raison est à rechercher dans les objectifs ambitieux qui lui attribue la loi de 2003 de ne pas se cantonner à la requalification des logements et des immeubles, mais de viser à l’amélioration du cadre de vie des résidents en normalisant le quartier et en introduisant la mixité sociale. Par conséquent, étant donné que les Projets de Rénovation Urbaine (PRU) sont supposés changer le cadre de vie des habitants, l’ANRU prône de concerter les habitants, même si les décisions initiales sont prises par la municipalité avec le support des bailleurs sociaux et l’aide financière de la puissance publique.

Par exemple, le règlement de l’ANRU (ANRU, 2015) impose d’expliciter dans la convention « les conditions d’implication des habitants et de concertation notamment en amont de toute opération impactant les charges des locataires (travaux de résidentialisation, …) » (p. 6). Elle accorde des subventions pour « les études et expertises permettant la définition de l’organisation et des moyens affectés à la concertation, la participation citoyenne et la coconstruction des projets, ainsi que ceux portant sur l’histoire et la mémoire des quartiers sur le champ urbain » (p.10) ; et pour financer des postes de chargé(e) de mission concertation.

Au-delà de la faiblesse des dispositifs de participation mise en place dans le PRU, il est possible de repérer une réelle confusion sur la signification d’un processus de participation et concertation. Selon le CES (2013), la plupart des acteurs proclament d’avoir mis en place des démarches de concertation alors qu’ils ont simplement informé ou consulté les habitants sur des aspects spécifiques du projet. Ils ignorent ainsi que la concertation compte associer les intéressés directs aux choix de conception du projet et de son démarrage (Desponds, Bergel, & Bertucci, 2014; CES, 2014 ; CES,2013).Pour ce qui concerne la base minimale de la concertation, c’est-à-dire l’information, le graphe en figure 13 montre déjà un décalage entre la volonté des porteurs du projet et la réalité de la diffusion des informations aux habitants pour les 10 sites sondés par le CSA, mais aussi sur La Soude – Hauts de Mazargues. En effet, dans les deux cas, seulement une minorité dit connaitre vraiment le contenu du PRU et ce pourcentage est plus haut dans les autres sites (29%) qu’à La Soude – Hauts de Mazargues (22%). En revanche, dans le cas d’étude de ce mémoire le pourcentage des personnes qui ont une connaissance générale du sujet, même si pas spécifique, est bien supérieur aux autres sites (68% contre 20%). Très important pour l’analyse est aussi que seulement 10 % des habitants de La Soude – Hauts de Mazargues dit de pas connaitre du tout le projet contre 51% des quartiers étudiés par le CSA.

Attractif, mais pas pour nous : le ressenti des habitants entre appréciation des transformations et peur d’une possible eco- gentrification

L’attractivité accrue du quartier est, comme on l’a vu dans le précédent chapitre, la caractéristique sur laquelle les professionnels repèrent une forte contribution de la démarche EcoQuartier par rapport à d’autres quartiers en rénovation urbaine. Par contre, la comparaison du ressenti des habitants de La Soude – Hauts de Mazargues avec les quartiers étudiés par le CES ne confirme pas l’aide de la démarche EcoQuartier pour une majeure attractivité à leurs yeux. Seulement 70 % des habitants du quartier en voie de labellisation trouvent leur quartier plus agréable après la rénovation contre 82 % des autres quartiers en rénovation. Deuxièmement, cette appréciation mineure des changements dans le quartier de La Soude – Hauts de Mazargues peut être expliquée par son histoire particulière et le fort attachement des habitants originaux. En effet, comme révèle le tableau 4 ce sont surtout une partie des résidents de longue date qui n’apprécient pas les changements intervenus (72,2 % de ceux qui trouvent le quartier moins agréable habitent le quartier depuis plus de 40 ans), alors que la totalité des ménages plus récents apprécie la rénovation. Ceux qui trouvent le quartier moins agréable regrettent surtout la densification du quartier. À leur avis, les nouvelles constructions dégradent la qualité paysagère à laquelle ils sont très attachés et qui est un pilier fondamental de leur identité.

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